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I. K S
TROIS RÈGNES
DE LA NATURE
INTRODUCTION
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PAH IS,
IM PR I\f CRI K ADMINISTRATIVE OE PAUL
«5. Rtrc oe c«cteLLE-*u’rr-ao'»o«t.
DUPONT,
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PL. 2.
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PL. 2.
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I.K
MUSÉUM
D’HISTOIRE NATURELLE
■ISItllI M IA FDIUTU) IT IIS MmOIPEIEITS Slü.fSSIIS II IfMUSSIIJI ;
HMurm dis noms céübies tu t on costuwi mi mi nsiiuiun ot ni uns Dfanvuits,
IISTOIKl DES MCIIICHS. IIS TOIKtS.
ns imJUTMS unis mtnu u iistn > Dont un. nu us ms, li couciu n i’mikilmi.
DESCUDTIOS DIS tilt UES, K JâlIIS, MS SUIES (T II U itlMEIIE
M. P.-A. CAP
HT USE SOCIETE DE SAVANTS ET D'AIDES SATl' HA CISTES Dl' MUSÉUM
PAH1S
L. CURMER
B l' F. BIC II F U FU . 17 (ai pbemieb}.
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i^/fo/tÿbcurJ - J^é'/nten ro/m/cor) , tStét'&t
na/etra/oi/cJ, iora/enr,) e/ (onyi/pyeJ e/u is//> njcn en
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'/> dctc/iccJ na/art//c.J,
i^Goiumn^c De. pu>|oitDe et ôuteete tecouiut^utuce ,
L. CURMER.
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PREMIÈRE PÉRIODE
1633-1739
La vaste collection des produits do la nature, qui porte aujourd'hui le nom de Muséum
d'histoire naturelle, est une des plus belles fondations du règne de Louis XIII. Mais la pensée
primitive sur laquelle elle so fonde a été prodigieusement modifiée cl développée pendant les
deux siècles qui onl suivi l’époque do sa création. Le Jardin du Roi eut d’abord pour unique
objet do compléter les moyens d’étude que présentait aux étudiants la Faculté de médocino do
Paris, et on lut, pendant plus d’un siéclo, sur la porte do sa principale entrée, ces mots :
Jardin royal des herbes médicinales. Lorsque lo cabinet réservé dans les bâtiments « aux
échantillons des drogues simples et composées » eut acquis une certaine extension, il devint
lo Cabinet du roi. A la botanique et à la chimie, qu’on y enseigna seules pondant trente-quatre
ans, on ajouta, par la suite, uno chaire d’anatomie, mais sans y joindre un cabinet analo-
A
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2 PREMIÈRE PARTIE.
mique, dont la création so fil attendre prés d’un sièclo. Plus lard, le cabinet s’enrichit succes-
sivement de plusienrs collections do minéralogie et de zoologie, auxquelles finit par s'ajouter
la ménagerie de Versailles. Enfin, en 1702, l’établissement prit le titre do Muséum d'histoire
naturelle. Deux ans apres, la nouvelle organisation fut mise en vigueur, et, depuis lors, l’éta-
blissement s’est élevé par degrés , et presque sans lacune , à ce point de richesse , d’ordre et
de splendeur qui lo distingue aujourd'hui.
Ce sont les développements successifs de ce magnifique répertoire des œuvres de la nature
et la description de ses diverses parties qui feront l’objet de ce récit. Sous dirons les efforts
qu'il a coûtés, quelles furent ses vicissitudes , quel concours de zèle, de savoir et d’intelligence
a répandu la vie et la lumière sur toutes ces richesses , les a complétées à forco de courage ,
d’études et do sacrifices; nous dirons aussi quels hommes y ont consacré leurs talents et
leurs veilles, et ont mêlé leur nom 4 celui du Muséum d’histoire naturelle, comme 4 la gloire
des sciences qu’ils y ont représentées,
x Henri IV, sur les instances de Richer île Relierai, avait fondé, en I59G. le jardin botanique
de la Faculté de Montpellier. Quelques années après, on créa aussi, pour la Faculté de médecine
de Paris, un jardin de plantes médicinales. Mais co n’est point 14 la première origine, en
France, d’une fondation de la même nature, dont le modèle existait déjà en Italie et en Alle-
magne. Près d’un demi-siècle avant cette époque, le naturaliste Pierre Relou, dans un ouvrage
intitulé : Itemvnlrances sur le défaut de labour et culture des plantes, etc. (Paris, I 558) , avait
émis l’idée de l’établissement d’uno vaste pépinière de végétaux exotiques, qui eût fourni des
arbres et des arbustes 4 toutes les résidences royales. Il y engageait le collégo des médecins
de Paris, « tant pour leur délectation que pour l’augmentation du savoir des doctes, 4 établir
a un jardin public où, 4 l’exemple de l’Italie et de l’Allemagne, on élèverait et cultiverait
o diverses sortes île plantes. » L’n peu plus tard, en 1577, Nicolas Houël, apothicaire do
Paris, ayant fondé la Maison de la Charité Chrettienne, y avait joint un Jardin des sim-
ples, « lequel estant rempli do beaux arbres fruitiers et plantes odoriférantes, rares et
« exquises, du diverses natures, ilcvait apporter un grand plaisir et une grande décoration
n pour la ville de Paris, etc. » Tel est donc le premier jardin botanique qui ait été établi en
France, et ce jardin fuit encore partie aujourd'hui de l’École spéciale de pharmacie de Paris.
Qu’on nous permette de saisir cette occasion de rappeler ici la mémoire de l’un dos hommes
les plus recommandables qu’ait produit le seizième siècle, et auxquels l'humanité comme la
science ont le plus de réelles obligations. Nicolas Houel, après avoir acquis dans sa profession
une honorable fortune, voulût l’appliquer tout entière 4 des fondations charitables et scienti-
fiques. Il conçut la belle pensée de fonder un établissement destiné « 4 nourrir certain nombre
o d’enfants orphelins, nés do loyal mariage, pour y être instruits tant 4 servir et honorer Dieu
n que ès bonnes lettres , et aussi apprendre l’art d’apothicairerie. Dans la maison , et par le
n ministère de ces orphelins , devaient être fournis et administrés gratuitement toutes sortes
« de médecines ut remèdes convenables aux pauvres de la ville de Paris, sans que ceux-ci
ii soient forcés de sortir de leurs maisons pour aller A l’Hùlel-Dieu. » L’établissement com-
prenait dès lois, I” uno chapelle, 2° l’école des jeunes orphelins, 3° une pharmacie complète,
4“ un enclos nommé Jardin des simples , 5° enfin , un hôpital contigu 4 la maison de charité.
Ainsi, l’on retrouve dans la pensée qui présida 4 cette admirable fondation celle des dispen-
saires, qui épargnent au pauvre lo chagrin de quitter son domicile cl de renoncer aux soins de
su fumillc lorsque l’ège ou la maladie le forco 4 recourir aux secours publics. Son Jardin des
simples inspire, soixante uas plus tard, la création du Jardin du roi, auquel il servit de module ;
enfin , c’est 4 lu même pensée que remonte le premier enseignement régulier de la pharmario
et lu fondation de l’école, aujourd'hui la plus complète qui existe pour l’étude do cette profes-
sion. C.omprend-on que l'existence d'un tel homme soit restée dans l’oubli , et que son nom
même ait échappé 4 tous los biographes? Beaucoup de noms fameux ont-ils de meilleurs titres
4 notre reconnaissance et à la célébrité.
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HISTOIRE. - 1635-1730.
3
Vers 1572, un prieur dp Marcilly, Jacques Gohorrv, possédait, rtnns to faubourg Saint-Marcel f
un jardin dont remplacement est précisément celui du labyrinthe du Muséum, f.'est là que
Rotai (Léon Bolalli), Honorât Châtelain, Jeun Chapelier se réunissaient et tenaient des confé-
rences auxquelles assistaient Jeun Femcl, A. Paré, Itihit de la Rivière et plusieurs uutros
savants. A côté du jardin de Gohorry était celui do I-a llrosse, mathématicien du roi (peut-
être parent de Cuv do La Brosse) , <i garni de plantes rares et exquises. » Dans un laboratoire
voisin, on se livrait & des opérations do chimie. C'est là qu’au retour des voyages rie Delon
on répéta les expériences sur l’art do faire écloro des poulets dans des étuves. Duchesne
(Quorcctan) et Théodore de Maycmo devinrent un peu plus tard les oracles rie ces assemblées,
préludes de celles qui eurent lieu cher. Geoffroy, chez Monlmort, chez Justel, chez Rourdolot,
et qui furent le berceau de l’Académie des sciences.
Il est très-probable que c'est là quo dut éclore la première pensée do la fondation d’un-
jardin analogue à ceux de la Faculté de Montpellier et de la Maison de la Charité Chreslienne.
Une circonstance particulière favorisa lo développement de cette idée. La mode qui, chez les
personnes do la cour, s’attachait alors aux broderies, faisait rechercher, comme de précieux
modèles, les fleurs les plus rares et les plus éclatantes. Jean Rohin, grand horticulteur, qui
possédait, à la poinlo do l'tlo Notre-Dame, un jardin fort distingué pour l'époque, excité par
le goût qui se répandait dans lo public et encouragé par Vallet* brodeur du roi, entreprit
quelques voyages dans ce but, et (U tenir plusieurs plantes nouvelles de l'étranger. C’est à
lui qu'avait été conliéc la culture des plantes médicinales de la Faculté, avec le litre i'arbo-
ris/e ou do timplicitlc du roi. Nous lo verrons plus lard, secondé par Vespasien Robin, son
fils, prendre une part plus active à la fondation du Jardin royal. Jean Robin avait publié, dès
l'année 1601 , un volume in-folio, dédié à la reine, intitulé : le Jardin du roi tris-ehretlieu
Henri IV, avec 7» planches gravées à l'eau forlo et une notice sur quelques plantes qu’il avait
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4 PREMIÈRE PARTIE.
rapportées d'Espagne et de Guinée, entra autres l 'Amaryllis formotiuima. C'est lui qui natu-
ralisa h Paris lu Tubéreuse , qu'il avait lin'» de Provence.
On ne saurait douter que la rivalité qui existait depuis quelque temps entre les médecins
de la cour et les professeurs do la Faculté do médecine n’ait eu une assez large part dans la
réalisation do ce projot. Cotte dissidonco reposait principalement sur des questions de doctrine,
controversées des doux parts avec une certaine véhémence. Les premiers penchaient pour le
systèmo chéniinlrique, émis par Van llelmont et soutenu par Sylvius, tandis que la Faculté
prétendait rester fidèle aux princi[>cs du dogmatisme galénique. Gui Patin, un de ses pro-
fesseurs les plus célèbres, et le plus violent adversaire du nouveau système, ne cessa jamais
do poursuivre do ses attaques et 1’étahlisscmont lui-même et les professeurs qui y furent
attachés.
Quoi qu'il en soit, on en nttribuo la première pensée à Jean Riolan, médecin de Marie de
Médicis, qui, dans ses voyages, avait visité les jardins botaniques récemment fondés en Alle-
magne et en Italie. Il présenta en effet, en 1018, une requête nu roi pour rétablissement d'un
jardin des plantes dans l'Université do Paris. Enveloppé dans la disgrâce de la reine, Riolan
no put donner suite à ce projet ; mais trois autres personnages en poursuivirent l'exécution
avec plus do persévérance et de succès. Ce sont Jean Héroard, médecin du dauphin, fils do
Henri IV, qui, à la mort de ce prince, devint médecin do Louis XIII; Charles Bouvard, qui
lui succéda dans la même oharge, et surtout Guy de la Brosse, médecin ordinaire du roi,
petit-fils d’un médecin d’Henri IV, qui offrit d’acheter de ses deniers le fonds de terrain néces-
saire pour cet établissement. Leurs sollicitations réunies décidèrent Richelieu à proposer au
roi cette fondation, qui fut autorisée par lettres patentes nu mois do mai IK26. On acheta une
maison avec dix-huit arpents de terrain « situés dans le faubourg Saint-Victor, non loin de la
rivière, ayant deux entrées sur la grande rue du faubourg, consistant en plusieurs corps de
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•••», .
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IIISTOinE. — 1635—1739.
logis, cours, colliers, pressoirs, jarilius, bois el butin , plantés en vignes, cyprès, arbres frui-
tiers et autres; le tout clos de murs, etc. » Cotte propriété fut acquise nu nom du roi, pour
une somme de 67,000 livres. Ou en prépara la distribution générale, et l'on arrêta l'organisa-
tion provisoire de rétablissement, qui fut définitivement institué par un édit de mai 1635;
précisément la même année que l’Académie française.
Voici les principales dispositions de cet édit :
« Sur l'nri» qui nom n été donné par le feu sieur Heronrd et le sieur La Ltrosse de
« l' utilité et nécessité qu'il y a d’établir rl Paris un jardin de plantes médicinales , tant pour
« l'instruction des écoliers en médecine que pour l'utilité publique Attendu que l'on n'en-
« seigne point <t Paris , «on plus qn'ès autres écoles de médecine du royaume à faire les opé-
« rations de pharmacie , d'oü procède une infinité d'erreurs des médecins en leur pratique et
n ordonnance, el d’abus ordinaires des apothicaires, leurs ministres en exécution d'icelles, ri
» la ruine de la santé et de la rie de nos sujets
« Le sieur Boucard nous aurait supplié que trois docteurs par lui choisis dans la Faculté
n de Paris, soient par nous pourvus pour faire aux écoliers la démonstration de l’intérieur
n îles plantes, et de tous les médicaments, et pour travailler ri la préparation et composition
n de toute sorte de drogues, par roie simple et chimique
« A ccs causes, confirmons ledit Bouvard et scs successeurs nos premiers médecins en la
n surintendance dudit jardin , el , sous lui , la nomination cl provision dudit La Brosse en
n l'intendance d'icelui En outre, avons créé, tl titre d'office, trois de nos conseillers-méde-
ii c ins de la Faculté de Paris, qui auront la qualité de démonstrateurs et opérateurs pharma-
« ceutiques en notre jardin , pour faire la démonstration de l’intérieur des plantes, et pour
« travailler à toutes les opérations pharmaceutiques nécessaires pour instruire tes écoliers :
n auxquels offices il sera par nous pourvu des personnes de MAI. Jacques Cousinot, Urbain
« Baudineau cl Cureau de lu Chambre
n Si roulons que, dans un cabinet de ladite maison, il soit gardé un échantillon de toutes
* les drogues, tant simples que composées, ensemble toutes les choses rares en la nature qui
« s’y rencontreront ; pour servir de règle el y avoir recours en cas de besoin ; duquel cabinet
« ledit La Brosse aura la clef et régie , pour en faire l'ouverture aux jours de démonstra-
« lion
« Et d'autant que ledit La Brosse, qui aura tend le faix de la direction el culture du jardin,
n ne pourra pas toujours vaquer ri faire la démonstration extérieure des plantes , avons aussi
« créé en titre d'office, un sous-démonstrateur, pour l'aider ri faire la démonstration extérieure
« dans le Jardin, duquel office seva pourvu par nous Yespasien Boliin, notre arborislc. Chacun
n desquels officiers raquera ri l’exercice de sa charge, aux jours et heures qui lui seront dési-
ii gués par noire surintendant. .... A tous lesquels avons attribué les gages qui suivent, savoir :
n ri notre premier médecin, surintendant de toute l'œuvre, 3,000 livres; ri chacun des trois
« démonstrateurs, 1,500 livres; ri La Brosse et ri scs successeurs intendants, 0,000 lims; au
« sous-démonstrateur, 1 ,200 livres.
n Voulons aussi que ledit La Brosse dispose des logements , ri la réserve de ce qui seva bdti
n pour /'instruction, le laboratoire et le cabinet pour la conservation des échantillons el
« raretés; il choisira les jardiniers , portiers, etc., pour l'entretien duquel Jardin Nous
s avons ordonné ri l'intendant une somme de 1 ,000 livres par an, outre ses gages Don-
n nous aux démonstrateurs et opérateurs pharmaceutiques 400 livres pour l'achat des drogues,
« et 400 livres pour le salaire des garçons servant au laboratoire.
n Pour le payement desquelles sommes sera par nous fait un fonds de 21 ,000 livres, etc.
n Donné A Saint-Quentin, au mois de mai 1635; regislré le 15 mai. n
Il est important do remarquer que la livre tournois représentait, à eotto époque, environ
2 fr. 50 c. do notre monnaie, en sorte que la somme totale équivalait 5 52,500 fr.
I.a première organisalion avait désigné Héronrd comme surintendant, et comme intendant
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0 PREMIÈRE PARTIE.
G u _v de la Brosse. Mais, dans l'intervalle de l’autorisation à l'institution définitive, Héroard
mourut, en 1627, au siège de La Rochelle, oü Louis XIII assistait on personne. Charles Bou-
vard, devenu après lui premier médecin du roi, lui succéda également comme surintendant
du Jardiu; mais, déjà avancé en âge, il lui eût été difficile d’y apporter les soins et l'activité
nécessaires; le principal honneur en doit donc rejaillir sur Guy do la Brosse, qui, du reste, est
généralement considéré comme le véritable fondateur do cet établissement.
Guy de la Brosse avait, en effet, mis en usago les sollicitations les plus pressantes, tant
auprès du cardinal que du chancelier Séguicr et de M. de Rullion, ministre des finances, afin
d'en obtenir les fonds nécessaires pour celte fondation. Parvenu à ce premier résultat, il
s’établit dans la maison principale, il traça le Jardin, il y réunit toutes les plantes qu'il put se
procurer, en France comme au dehors, et consacra le reste île sa vie à développer l'institution
qu'il avait créée. Dès la première année, il y établit son domicile; il fit préparer le terrain et
tracer un parterre qui avait quarante-cinq toises de longueur sur trente-cinq de largeur, et lu
garnit des plantes que lui fournit Jean Robin. En 1630, leur nombre s'élevait déjà a 1 SIII).
(îuy de la Brosse fit l'ouverture solennelle du jardin en 1640. Dès l'année suivante, il publia
un catalogue qui portait à 2.300 le nombre des plantes ou des variétés qu'au y avait recueil-
lies. Il commença même à faire dessiner et graver les figures des plus intéressantes, mais il
n'eut pas le temps de pousser ce travail aussi loin qu'il l’eût désiré.
Tout cela n’eut pas lieu sans soulever quelque opposition, il était assez naturel que la
Faculté prit en mauvaise part une fondation qui semblait donner raison à ses adversaires et
qui avait évidemment pour objet do créer un enseignement rival, peut-être su;>érieur au sien.
La Faculté protesta donc. Elle eût voulu qu’on lui réservât la désignation des professeurs;
elle blâmait le choix do Guy de la Brnsso comme intendant ; à l'égard do la chimie, elle arguait
quo o pour lionnes causes et considérations, cctto science était défendue et censuré»! par arrêt
du parlement. » Heureusement, lo crédit des méducius de la cour l’emporta, et la volonté
royale passa outre à l’égard de celte protestation.
On no devait enseigner d'abord, au Jardin du Roi, quo Ja botaniquo et la chimie pharma-
ceutique; mais, dès l'année 1643, on y joignit une chaire d'anatomie, science qui, depuis, y
fut toujours professée avec éclat. Dès ce moment, un résultat important était obtenu : ou
avait décentralisé l’étude des sciences naturelles, jusqu’alors concentrée exclusivement dans
l'onceinte do la Faculté de médecine, et on leur avait ouvert un enseignement spécial aussi
étendu quo lo comportaient les connaissances de l’époquo. Du reste, les sciences médicales,
loin d’en souffrir, ne devaient pas tarder do tirer elles- mêmes les plus heureux fruits de
l'extension qui venait d'être donnée à des sciences avec lesquelles elles ont de si nombreux et
de si intimes rapports.
Ilàtnns-nous aussi do reconnaître que , si en étendant chacune de ses branches l’enseigne-
ment du Jardin , comme du Muséum , s’est manifestement écarté, par la suite, de la pensée
primitivo do sa fondation , s’il en est résulté un complément nécessaire et important dans la
série des études scientifiques île cet ordre , c'est aux sciences médicales quo cet établissement
doit sa réello origine. Ce qui établit que la médecine, dans les temps modomes comme dans
l’antiquité , fut toujours le premier point de départ des sciences physiques , comme des sciences
naturelles.
Guy de la Brosse mourut nu Jardin du Roi en 1641. Il eût été difficile de trouver pour lo
remplacer quelqu’un doué du même zèle et des mêmes talents pour l’administration. Malheu-
reusement, le surintendant Bouvard eut la fatale idée do nommer à cette place son fils,
Bouvard de Fourqueux, conseiller au parlement. Celui-ci, incapable de remplacer Guy do
la Brosse comme homme de science , préposa à l'enseignement do la botanique et aux soins
de la culture, Vespasien Robin, déjà démonstrateur, qui développa des qualités réelles dans
son nouvel emploi. C’est lui qui obtint l'autorisation de faire construire la première serre et
qui fit creuser lo graud bassin qui exislo encore en fuce des bâtiments.
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A. La tour /e L'eet/ree
B. La tv tu t/eeutnf Lr fore /« A»$r/.e
C. Le tfraiu/ /ut rtrrrr tàa/.rr en fvetérr
I) Omrfrr ate/rax f ramie /Mtrtct'tw
E . Le Au tu-
F . Le nre «mt son mu aire
U Le ur/yer
H La tert.rre
1 Le /tem/Lon AT finir •/» 4» yrteeeelr tt//rr dkr akarmete
K La tfraut/e u/Lee en /iter tir La enercroet
L. / a//ee t/etr rAa/'/ne.r y ut tut au Aa/.r .
y\ / uf/ee en fe/fOu.ee au /'*«/ de fdfueUe ta/ /a rt^L tir Alieare
N La atra/uyne <reu/>e e/eeter t/e A MùttmmTMr rue
0 La /tetefe mau/te natnmer Aeau ue/aur
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MEDICINALES EN 1636.
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HISTOIRE. — 1635—1739.
1
Bouvard père, «près la mort do Louis XIII, s'était démis do sa charge de premier médecin,
mais il l'avait fait passer a Jacques Cousinot, son gendre. Cousinot étant mort on 1640, la
place fut donnée à Vautier, qui revendiqua lo privilège de la surintendance, attaché 6 la
charge de premier médecin. Il réussit; mais avant voulu enlever à Bouvard de Fourqueux la
charge d'intendant, il rencontra quelques dirficultés qui lo blessèrent et qui refroidirent quelque
temps son zèle pour la prospérité do l’établissement.
Vautier, longtemps médecin de Marie do Médicis, avait pris un tel ascendant sur la reino
qu'il porta ombrage au cardinal de Richelieu; aussi fut-il enveloppé dans la disgrâce de cette
princesse , arrêté et jeté dans les prisons de Soissons. I,e roi avait désiré que sa mère so rendît
à Moulins; mais, la reino s’étant obstinée à rester à Compiègno, on attribua sa résolution à
l'influence de Vautier, qui fut envoyé à la Bastille. Plus tard , la reino , retirée en Flandre ,
fut atteinte d’uno fièvre de nature dangereuse et demanda qu'on lui envoyât Vautier. On permit
seulement qu’il fût consulté par correspondance, mais Vautier refusa de donner ses conseils
par écrit. Il resta donc à la Bastille, et ne reparut à la cour qu'après la mort de Richelieu.
C'était, du reste, un homme d'esprit eide cœur; il soutint sa longuo disgrâce avec courage
et dignité, et n'opposa que lo silence aux attaques de Gui Patin, qui, dans ses accès d'hu-
meur caustique et do mauvaise foi , disait de lui que lo premier médecin du roi était le dernier
médecin du royaume.
Vautier introduisit lo premier, an Jardin du Roi , l’enseignement de l’anatomie. Il substitua
ce cours â celui qui avait pour litre : l’inUrieur (les piaules, c’est-à-dire l'étude des causes
présumées do leurs propriétés médicales, liés ce moment, les destinées de l’établissement
étaient fixées , car les trois chaires principales représentaient déjà l'ensemble des trois règnes
do la nature. La botanique y était professéo dans toutes ses parties et dans ses principales
applications ; l'enseignement de la chimie y préparait l’étude approfondie des substances
8 PREMIÈRE PARTIE.
minérales, et lo cours d'anatomie la connaissance du règne animal tout entier. Il ne s'agissait
plus que de donner à chacune de ces branches les développements qu'appellerait successive-
ment la marche progressive de la science.
Vautier étant mort en 1652, sa place fut donnée à Vallot, d'abord médecin do la reine
régente, Anne d'Autriche, et depuis premier médecin du roi I.ouis XIV. Plus heureux que son
prédécesseur, Vallot parvint à éloigner llouvard de Fourqueux de l’intendance, et dés lors il
so dévoua à la prospérité de rétablissement. Il donna pour successeur à Vcspasicn Robin,
Denis Jonequet, médecin et botaniste distingué, auquel il adjoignit le jeune Fagon, petit neveu
de Guy do la Brosse. Il chargea ce dernier de divers voyages dans les Pyrénées et dans les
Alpes, |>our y recueillir des plantes; il en lit venir également de plusieurs contrées étrangères;
enfin, en 1665, il publia, avec le concours îles botanistes dont il était entouré, son Uorlm
rigitis . qui comprenait déjà quatre mille espèces ou variétés cultivées au Jardin du Roi.
Vallot, comme ses prédécesseurs, avait virement excité l’animosité de la Faculté, mais
surtout celle de Gui Patin, qui eu était le principal organe. Celui-ci, dont ou connaît le genro
d'esprit et les passions haineuses, avuit plus d'un motif pour lui en vouloir. D’abord, Vallot
avait guéri lo roi d'une maladie grave, à Calais (1653), à l'aide du vin émétique. Il est vrai
qu'il ne fut pus aussi heureux dans In maladie d'Henriette d’Angleterre, femme do Charles I",
qui mourut presque subitement en 1670, après avoir bu un verre d'eau que l’on dit avoir été
empoisonné. Voici les vers que Gui Patin rapportait à cette occasion ’
U mariez-vous, roee (iilore,
t|ue la fille ilo grand Henri
Kut en mourant même aventure
Que son père et que sou mari'
Tous trois sont morts |ur assassin :
Itavaillae, Cromwell, mèilerin
Henri d'un coup de bayounrllr ,
Charles finit sur le billot,
Kt maintenant meurt Henriette
l*ar l'ignoranee de Vallot.
Il l'accusait aussi d’avoir acheté sa charge, de Mazarin, pour la somme de 30.000 francs;
enfin, comme Vallot était attaché au suriulcndaut Fouquel, au moment de su disgrâce. Gui
Patin prétondait que le roi avait dit qu’il était son espion pensionnaire. Il ajoute que Vallot
ressentit un tel chagrin de ce propos qu'il en mourut. Il faut remarquer pourtant que Vallot
était asthmatique et qu'il avait soixante-quinze uns.
Vallot mourut en 1671, et Colbert, alors dans tout son crédit cl sa puissance, obtint que
la surintendance du Jardin fût réunie à celle des bâtiments du roi, dont il était déjà pourvu.
Appliquant au Jardin royal les grandes vues administratives qui lo distinguaient , il en réforma
l’organisation et la fit régler par une ordonnance. L’administration de Vallot avait mérité
d'assez nombreux reproches. « Un jour, Colbert, dit Lemontev, se transporte au jardin du roi
et reconnaît que le terrain destiné aux cultures botaniques a été planté de vignes à l'usage des
administrateurs de l’établissement. Sa colère éclate contre un abus si effronté : il ordonne que
la vigne soit à l'instant détruite, et, se faisant apporter une pioche, il en commence lui-mème
l'arrachement, avec une véhémence toute patriotique. I n botaniste anglais, Salishury, fut si
charmé île cet acte de vigueur, qu'il en consigna le récit dans son l'aradisus londinentit, et que,
pour acquitter la dette de la science , il nomma Colberlia l’une des plantes de son catalogue. »
Il y avait quelques années que Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, avait établi, dans son
château de Blois , un jardin botanique , longtemps dirigé par Morison , et dont Robert , peintre
distingué, avait reproduit sur vélin les plantes les plus intéressantes. A la mort de ce prince,
Colbert décida le roi à acheter ces vélins, et chargea Robert de les continuer pour le Jardin de
Paris. Celui-ci poursuivit ce travail jusqu’à sa mort, en 1681. Après lui , elle fut contiuuéc par
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HISTOIUE. — 1633-17 39.
y
J. Joubrrl , paysagiste, mais suitout par Aubriit, qui suceéilu à Jouberl. Les ouvrages de ces
trois artistes éminents forment la hase de la magnifique collection, qui, d’abord déposée à la
bibliothèque du Roi, constitue aujourd'hui l'une des principales richesses du Muséum d’histoire
naturelle.
Sous l’administration de Colbert , Antoino Daquin , neveu de Vallot par alliance , et qui lui
avait succédé comme premier médecin du rot, dut se contenter de la seconde place, celle
d’intendant. Peu versé dans les sciences naturelles, Daquin laissa de faibles traces de son
séjour dans l’institution. Il ne favorisa guère que l'enseignement de l’anatomie. Il eut du
moins 1e mérite d’appeler au professorat de cette science l'illustre Duverney. Il mourut à
Vichy, ou il avait été exilé en 1693. C’est Daquin que Molière désigna sous le nom do Tumds,
dans l'Amour médecin. Ce nom, tiré du grec, signifie saignent-, parce que Daquin préconisait
l>eaucnup la saignée.
Cotwsr.
La surintendance du jardin du Roi resta dans les mains de Cnlhort jusqu’à sa mort, où elle
passa dans celles de Louvois; puis elle fut donnée, en 1691 , à Edouard Colbert, marquis de
\ illacorf, cpii la conserva jusqu’en 1098. L’année suivante, elle fut rendue au premier médecin;
le règlement do 1699 réservait seulement au surintendant des bâtiments du Roi lu disposition
des fonds nécessaires à l’cntrelien du jardin.
Daquin, protégé par M®* de Montespan, courtisan adroit, mais insatiable, avait plus d’uno
fois lassé Louis XIV par ses importunités. Cn jour, on vint dire nu Roi, à son lever, qu'un
officier de sa maison, qu’il estimait beaucoup, venait de mourir. Le Roi, après quelques mois
de regrets, ajouta, en fixant les yeux sur Daquin : « Celui-là avait du moins une qualité rare :
« il ne demandait jamais rien. » Daquin, qui avait compris l’allusion, répliqua, sans so décon-
certer : « Oserai-je demander à Votre Majesté ce qu’elle lui a donné?..,. »> Lo Roi ne répondit
point, car, en effet, il n’avait jamais rien accordé à co discret courtisan.
• Cependant , la botanique avait déjà reçu uno heureuse impulsion des travaux de Fagon, de
R
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PREMIÈRE PARTIE.
Joncquet, <1e Longuet et de Morin, qui tous avaient secondé Vallol dans l'exécution de l 'Itorlua
regius. Guy Creseent Fagon était né en 1838, au Jardin du Roi, alors habité par son grand
oncle Guy de la Brosse. D'excellentes études, dirigées surtout vers les sciences naturelles et
médicales, l’avaient fait distinguer de bonne heure. Avant d'étre appelé au Jardin, il avait
rapporté de ses voyages un grand nombre de plantes rares et nouvelles. A son retour, il fut
nommé médecin de la Reine et des enfants de France. Il obtint d’abord la chaire do chimie;
puis, en 167 1 , il succéda è I). Joncquet, comme professeur île botanique, et réunit ainsi les
deux chaires principales. Mais sa santé était peu capable de résister à tant de travail, et c'est
alors qu'il appela de la Provence, (mur le seconder, Joseph Pitton de Toumefort, alors âgé
de vingt-six ans. Quelques années plus tant, devenu premier médecin de Louis XIV, il lit
rétablir en sa faveur la charge de surintendant . laissant à Colliert la surintendance des bâti-
ments du Roi, et, dés lors, il lit tourner nu profil de l’établissement tout le crédit personnel dont
il jouissait.
Fagon avait puisé, en quelque sorte, dans le sol natal son goût et son dévouement pour
la science. Il avait été dirigé vers les études médicales par cet excellent Germain Gillot ,
docteur do Sorbonne, qui consacra une fortune assez considérable à l'éducation de pauvres
enfants, dira lesquels il s'appliquait à découvrir d'heureuses dispositions. On porte à plus do
cinq à six centa le nombre de ceux qu'il fit élever ainsi à ses frais, et dont plusieurs devinrent
des hommes célèbres. Fagon était du nombre; aussi conscrvu-l-il toujours pour lui le respect
le plus tendre et une déférence toute filiale.
Fagon fut un des premiers qui soutint en France le système de la circulation du sang. Il
en fil même le sujet de sa thèse inaugurale, ce qui fut regardé comme une grande témérité,
bien que cette découverte eût été annoncée et démontrée par Harvey, dès l'année 1819. Si l’on
en juge par quelques scènes de Molière, en 1073 celte théorie n’était pas encore admise par
les vieux médecins de la Faculté (I),
Rien que sa constitution fût assez faible, Fagon déploya la plus grande activité dans l’exercice
de ses diverses fonctions. Il était bon, juste et désintéressé. Il réduisit do lui-même les revenus
de sa charge et renonça aux avantages qui y étaient attachés pour la nomination aux chaires
de la Faculté. Vers la fin do sa vie, il résigna la plupart de ses emplois. Après avoir remis â
Toumefort sa chaire de botanique, il obtint pour lui, en 1700, une mission qui lui fit par-
courir la Grèce, l’Asie et l’Égypte, pour y rechercher les plantes utiles et curieuses. Il décida
Louis XIV à envoyer, dans le même but. Plumier en Amérique, Fouillée nu Pérou, Lippi en
Égypte. Pendant l'absence de Toumefort, il le fit remplacer par Louis .Morin. Enfin ce fut lui
qui découvrit à Lyon, et attira à Paris, Antoine de Jussieu, frère aîné de Homard, dont le
nom figure avec tant d'honneur dans la science, et on particulier dans l'histoire du Muséum.
Ainsi, nu nombre des bienfaits quo le Jardin du Roi dut à Fagon, il faut placer en pre-
mière ligne le choix qu'il sut faire des hommes les plus capables de le seconder dans ses
vues de perfectionnement, et parmi lesquels on distingue surtout Toumefort, Morin, Vaillant,
les Jussieu, pour la botanique; pour l’anatomie, Duvemev et AVinslow, et pour la chimie
Louis Lémery, Boulduc et Geoffroy. Son influence sur l'établissement ne part pas seulement
de l’époque où il devint surintendant, après Colbert et Daquin, mais du moment où il fut
nommé professeur à la place de Joncquet; car, dès lors, il fut chargé en meme temps de
l’onseignement do la botanique, de la chimie, mais encore du poids principal de l'adminis*-
tralinn. Fagon, frappé d'infirmités, ne se soutenait depuis longtemps que par le régime, r«
qui faisait dire â Fontenelle que son existence était une nouvelle preuve de son habileté. Après
(i) . M Pi v fouine — Snr toute chose, ee qui me plaît en lui, et eu quoi il suit mon exemple, c'est qu’il
• s'attache aveuglément aux opinions ite nos anciens , et que jamais il n'a voulu comprendre ni èrouter les rai-
• sons et les expérienees lies prétendues découvertes de notre siècle , touchant la rireutation du sany et autres
a opinions de même fin ine. » {La Malade itrag/niiitc , acte II, scène VI.)
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iWMftiur tHuynji te, acie il,
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HISTOIRE. - 1035-1739. Il
la mort du Louis X1Y, U se démit de sa place de premier médecin eu faveur de Poirier, et il
se retira au Jardin, où il mourut eu 1718 , & l'Âge du quatre-vingts ans.
Le premier savant que rappelle le souvenir de Fagon, est Joseph Pilton de Toumufort, né
à Aix-en-Provence , en 1050, avec des dispositions prononcées pour les sciences, et surtout
pour la botanique. 11 fut cependant destiné d’abord à la théologie ; mais , son prie étant mort
lorsqu'il n'avait encore que vingt et un ans, il se dirigea vers l'étude do la médecine, entraîné
par son penchant naturel, comme par l'exemple d’un do ses oncles, médecin distingué.
Tourucfort avait toutes les qualités indispensables au naturaliste. Il était d'un tempérament
vif, allègre, laborieux, robuste. Livré à son étude favorite, il parcourut d’abord les montagnes
du Dauphiné, de la Savoie, et on rapporta les éléments d'un herbier magnifique, qu'il ne
cessa d’enrichir pendant tout le cours de sa vie. L'aimée suivante, il alla à Montpellier, où il se
lia avec le professeur Magnul , et parcourut avec lui tous les environs de celte ville savante.
Il visita ensuite les Pyrénées et la Catalogne, non sans courir dans ses pérégrinations quelques
dangers, et sans supporter des privations assez dures; mais déjà suivi par quelques étudiants,
auxquels il inspirait le goût de la botanique, en leur expliquant l’anatomie des plantes, el
jetant dans ces levons familières les premières bases d’uno classification à laquelle son nom
est resté glorieusement attaché.
A son retour en France, en 1681 , il jouissait déjà d'une certaine renommée, et Fagon, à
qui elle parvint, lui offrit aussitôt un emploi au Jardin Royal. Dès qu’il le connut, il le chargea
de le suppléer dans ses leçons , et , quelques années après , il so démit en sa faveur do sa
chaire do botanique. Tournefort avait alors vingt-six ans. Eu 1688, il alla en Espagne, en
Portugal, en Andalousie, pour y étudier les palmiers. Il fit aussi un voyage en Angleterre el
en Hollande. Hermann, professeur de botanique à Leydc, lui proposa de lui céder sa chaire;
Tournefort n’accepta point; il revint à Paris, entra à l'Académie en 1694, et, trois ans après,
il publia son premier ouvrage , intitulé : Éléments de botanique.
11 y avait près d’un demi-siècle qu’ André Césalpin avait imaginé l'un des premiers, pour
la classification des plante.s, une méthode fondée sur les caractères do la fleur et du fruit.
Conrad Gcssner et Lobol, do Lille, avaient aussi eu l’idée de l'association des plantes par
familles naturelles, et mémo collo de la grande division des monocolylédonées et des dicoly-
lédonéos qui, pour les végétaux, répond à cclio des vertébrés et des invertébrés dans le règne
animai. Césalpin avait fait faire au» méthodes un pas encore plus considérable : il avait
distingué nettement las sexes des plantes et établi la première distribution fondée sur l’ensemblo
dus caractères tirés de l’organisation. Lu peu plus tard, Fabius Columna, s'appuyant sur les
travaux de C. Gessner et de Césalpin , proposa une méthode un peu plus développée, fondée
également sur la considération du fruit. Enfin , Morison , Hiv inus , Jean Ray cl Magnol avaient
aussi avancé lu science, suus ce rapport, par des applications plus ou moins étendues des
mêmes principes. C’est à ce moment que parut Tournefort; mais, le premier, il subordonna
les diverses parties et les principaux caractères des plantes à un ordre d'importance relative,
qui lit faire un pas énorme à la philosophie de la science. Il répartit ensuite tous les végétaux
connus en vingt-deux classes, subdivisées elles-mêmes en sections et en ordres. Dans les
classes, il s'appuya surtout sur la forme île la fleur, do la corolle (terme heureux, créé par
F. Columna) ; dans les subdivisions, il considéra la fleur, le fruit, lu disposition des fleurs et
des fouilles , enfin tous les caractères secondaires ou accessoires. A l’aide de celte classifica-
tion , il put déjà décrire sept cents genres et près de dix mille espèces végétales ; il émit sur
quelques grandes familles des idées générales , qui sont restées dans la science ; enfin , l’en-
semble de son système, qui précéda de quarante ans l'apparition île celui do Linné, donna à la
botanique la plus forte impulsion que cette science eût encore reçue dans les temps modernes.
Tournefort publia, en 161)8, un second ouvrage, Y Histoire des piaules des environs de Paris,
dont le succès le détermina, deux ans après, à eu publier une traduction latine, sous le titre
île ; Institutiones rci herbariœ, on 3 vol. in-i". Ce fut à l’époque mémo do celle publication
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12
PREMIERE PARTIE.
que, sur la proposition de Fajjon et du chancelier do Poutchartrain , il fut chargé <le faire un
voyage en Orient, accompagné du peintre Au brie t et du docteur Gundelsheimer. Parti de
Marseille en mars 1700, il visita Candie, I* Archipel , Constantinople, l’Arménie, la Géorgie, lu
mont Ararat , et revint par P Asie-Mineur©, qu’il traversa, en visitant Angora, Pruse, Smyrne
et Kphèse. Outre les plantes nouvelles qu’il avait recueillies et qui s’élevaient au nombre de
treize cent cinquante-six, il rapportait aussi des minéraux, des fragments d'antiquités, et une
foule d’objets naturels extrêmement curieux. Il arriva a Marseille en juin 1702, et se mil
aussitôt à rédiger la relation de son voyage, qui fut imprimée eu 2 vol. in-4°, mais dont le
second ne partit qu’en 1717, après sa mort. Il est intitulé : Voyage dans te Levant. C’est un
monument scientifique des plus remarquables; il contient, en outre, des détails littéraires et
archéologiques du plus grand intérêt.
A son retour, Tournefort fut nommé professeur de médecine au collège de France. Il
mourut en 1708, à l’ûge de cinquante-trois ans, des suites d’un violent coup qu’il avait reçu
dans la poitrine, frappé, comme l’avait été Morison, par le timon d’une voiture. Il possédait
un fort beau cabinet d’histoire naturelle qu’il légua au roi , et une nombreuse bibliothèque
qu’il donna à l’abbé Bignon, inspecteur de l’Académie. Plumier a consacré à Tournefort le
genre Piltonia (borr agi nées) , que Linné a changé en celui de Tournefort ia.
Tournefort était à la fois botaniste, physicien, chimiste et antiquaire. Il était très-érudit,
avide de sciences , ardent et intrépide dans ses recherches. Dans le cours de son voyage aux
Pyré nées, il fui souvent attaqué cl dévalisé par les MiqucleK I nc fois, enfermé dans une
mauvaise cabane, où il se proposait do passer la nuit, le toit s'en écroula sur sa tête, et il
demeura enseveli sous les ruines , dont il parvint à so dégager par scs efforts. Dans son voyage
dans !o Levant , il donna beaucoup de preuves de sa force comme de son courage. Son carac-
tère était doux et modeste. Malgré sa gloire réelle, ou plutôt à cause de sa gloire, il ne fut
pas à l’abri des attaques île ses rivaux. Jean Bay, mais surtout Sébastien Vaillant , l'épargnè-
rent peu. Ce dernier, dont nous aurons bientôt à parler, était pourtant son élève et fut un
botaniste do grand mérite. Tournefort no. se défendit que par le silenro, et poussa mémo la
générosité jusqu'à dédier à son antagoniste un genre, sous le nom do Virillnntin. Celui-ci ne
l'accepta point et essaya de le changer; mais Linné le rétablit et, sous l'autorité de ce grand
nomme, les Imlanisles modernes l’on conservé définitivement.
Pondant l’absence du Tournefort, sou cours du Jardin du Roi fut fait par Morin, de l'Aca-
démie des sciences, que Fagon estimait beaucoup. Louis Morin était médecin de M11* de (luise
et do l’HôlcI-Bieu. Il était aussi charitable que laborieux et sobre. Il vécut toute sa longue vie
comme un anachorète, au régime du paiu et du l'eau, auquel il ajouta seulement, en avançant
en âge , un peu do riz et une petite dose de vin. Du reste , il déposait avec autant d'exactitude
que de mystère, dans le tronc de l’Hôtel-Dieu , son traitement et ses économies, « payant en
quelque sorte les pauvres pour les avoir servis, n II laissa toutefois une bibliothèque d’une
certaine valeur. « Son esprit, dit Fonlenelle, lui avait plus coûté à nourrir que son corps. »
Kxemplo remarquable d'une certaine longévité (car il mourut à quatre-vingts ans) , malgré une
constitution débita, par lu seulo influence du régime , du goût de la science et de la sagesse.
Morin ne sortait RUèro de chez lui quo pour visiter des malades, pour aller à l’Académie nu
P air faire son cours. Aussi avait-il peu do relations et ne les recherchait point, « Ceux qui
viennent me voir, disait-il , nie font honneur ; ceux qui ne viennent pris me font plaisir.
Fagon , nous l’avons dit , avait fait choix de Sébastien Vaillant pour diriger les cultures au
Jardin du Roi. Vaillant, né en 1669, à Vigny, prés de Pontoise, n'avait pas commencé par
l'étude des sciences; il avait été d'abord organiste, mais un penchant naturel le perlait vers
la médecine. Il pratiqua quelquo temps la chirurgie à Evreux, puis à l'année, et assista , en
1690, & lu bataille de Fleuras, oü le duc do Luxembourg défit les troupes do la ligua d'Augs-
bourg. De retour h Paris, ot nommé chirurgien de l'Hûtcl-Dieu , les leçons de Tournefort
réveillèrent son goût pour la botanique. Il travailla avec lui à Y Histoire des plantes des environs
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HISTOIRE. — 1635-1730. 13
de Paris. ]t devint ensuite secrétaire de la surintendance, puis directeur des cultures, enfin
professeur de botanique à la place de Fagon, «pii lui céda sn chaire, bien quo- Toumefort y
prétendît. Du reste, il s’ac«|uittn de ses emplois avec autant de zèle que do capacité. Il fit
construire un amphithéâtre et deux serres chaudes ; il disposa le droguier, dont il était con-
servateur, dans un meilleur ordre. Ce fut lui qui en fit les honneurs à Pierre-le-Grand, lorsque
le czar vint en France et visita nos institutions. Enfin , il prépara un herbier considérable, qui
fait encore aujourd'hui la principale base do l’herbier du Muséum.
L 'enseignement de Vaillant, qui dura plus de trente années, était très-suivi et formait avec
celui de Lémcry et do Duverney la principale gloire du professorat du Jardin royal. Dans son
discours d’ouverture, en 1710, il démontra d’une manière irrévocable l’existence des sexes
dans les végétaux et expliqua nettemeut le phénomène de la fécondation des plantes. Mécon-
tent do la méthode de Toumefort, il en imagina une nouvelle, avant Linné, fondée sur la
considération des organes île la fructification ; mais la mort l’empêcha d’v donner les dévelop-
pements nécessaires , qui eussent assuré à la France la priorité du système sexuel. Vaillant
mourut on 1722. Ses manuscrits, ainsi que tes dessins de son Botanicon yarisiense, furent
achetés par Boèrhaave et existent encore dans l’université de Loyde. Il mourut pauvre, et cette
existence scientifique, si bien remplie, serait demeurée sans tache, si Vaillant ne se fût pas
montré ingrat et injuste envers Toumefort, son prédécesseur et son maître. Hâtons-nous de
dire qu’il fut pour les deux Jussieu, non-seulement un ardent protecteur, mais encore un
rival généreux.
Nous n’avons rien à dire de Danty d’Isnard , qui , nommé professeur de botanique à la place
de Toumefort, ne fit qu’un seul cours et mourut l’année suivante. Mais il nous reste à parler
de la découverte la plus heureuse de Fagon, dans la personne d'Antoine «le Jussieu, e’est-
à-dire dans le chef do cette illustre famille «jui, depuis le commencement du xvin* siècle, a
couvert de ses glorieux rameaux l’arbre «le la science du règne végétal. Antoine de Jussieu
était né à Lyon en 1086 ; élève «le Goiffon et de Magnol, et venu fort jeune à Paris pour y fairo
ses étu«fos médicales, il fut remarqué de Fagon, <]ui le nomma professeur de bolani«|ue en
1700, à l’Age de vingt-trois ans. Doux ans après , il faisait partie de P Académie des sciences.
En 1716, Fagon l’envoya en Espagne et en Portugal pour y recueillir «les plantes. Lejeune
professeur emmena avec lui «lans ce voyage sou frère Bernor«l, alors âgé de dix-sept ans, l««
peintre Simoneau et le docteur Salvador, son ami.
Antoine de Jussieu avait publié, en 1711, l’ouvrage du P. Bnrélier sur les plantes «le Franco
et d'Italie. A son retour «l’Espagne, il commença à écrire la relation de son voyage; mais sou
professorat et sa pratique médicale l'empêchèrent de l’achever, (’ro fut lui «pii, en 1720 , remit
au chevalier Declieux, un pied «le caféier pour le transporter en Amérique, où il a produit tous
ceux «{uo l’on cultive aujouid’hui aux Antilles. Vers la lin du xvn® siècle, on ne connaissait
encore eu Europe «pie le café d’Arabie. Cependant, le Hollandais Van Ilorn avait fait trans-
porter à Batavia «les plants de caféier, qui y avaient réussi à merveille. Un de ces plants fut
envoyé au consul d'Amsterdam, «pii le lit cultiver dans les serres de la ville. Un autre pied
avait été apporté en France par le général d’artillerie Ressen; l’arbuste ayant péri, le bourg-
mestre d’Amsterdam offrit à Louis XIV un autre plant, qui réussit mieux et «lont on recueillit
quelques boutures. L’une d’elles fut envoyée à In Martinique, et confiée par Antoine de Jussieu
aux soins «lu chevalier Declieux, enseigne «le vaisseau. La traversée, qui eut lieu sur un vais-
seau marchand, fut longue et pénible. La provision d’eau «Haut venue à manquer, on fut
obligé de la mesurer aux personnes «le l’éipiipage, et on la refusa pour l’arrosement du caféier.
Declieux fut donc forcé de partager sa ration personnelle avec la précieuse plante, et parvint
ainsi à la conserver. Arrivée dans la colonie, les graines «pi’elle produisit furent distribuées a
un petit nombre de propriétaires cultivateurs; mais la seconde ré«:olle permit de la répandre
davantage. La nu'mo année, les cacaotiers du pays ayant été ravagés par une tempête, on
arracha plusieurs plantations pour y substituer dos caféiers. Plus tard, cet arbuste fut traus-
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14 PREMIÈRE PARTIE.
porte à Saint-Domingue, h lu Guadeloupe , ainsi que dans les Iles adjacentes, et l'on sait tout
le succès qu’y obtint depuis cette importante culture.
On doit à Antoine de Jussieu plusieurs dissertations intéressantes publiées dans les Mémoires
de l* Académie, entre autres sur le café, lu soude, le cachou, le murer des anciens, le sima-
rouba, sur les mines «le mercure d'Almudcn et sur les pétrilicutions animales. Lue de ces dis-
sertations avait pour sujet une jeune lillo venue au monde privée «le langue , et qui pourtant
avait trouvé h moyen de se faire parfaitement comprendre. C’est h cette occasion que punit
IVpigrammo suivante :
Ou une femme parle sun* lan^ur.
Kl fusse m<linc une harangue,
Je le cruis bien.
Qu'avec une langue, au contraire.
Une femme puisse se luire.
Je n'en crois rien.
Atiloiue de Jussieu pratiquait ia médecine avec distinction , mais surtout avec désintéresso-
inent. Il mourut en 1718.
Bernard «le Jussieu, frère d’Antoine, était aussi né à Lyon, en 1600. Au sortir «lu collégo,
à dix-sepl ans, il vint à Paris pour achever ses éludes, mais, la mémo année, Fagon ayant
envoyé Antoine en Espagne et en Portugal, celui-ci désira emmener son frère avec lui. Ce
voyage décida le goûl «le Bernard pour l’étude «le In botaui«|ue. A son retour, il se résolut à
étudier la médecine. Il alla à Montpellier et s’y fit recevoir docteur; mais une sensibilité
excessive l’obligea de renoncer à la pratique de cet art. 11 revint donc à Paris, et, peu do
temps après, Vaillant, qui avançait en Age, lui offrit «le lui céder sa place «le démonstrateur
de hntauiijue au Jardin du Hni.
C’est dans ce poste modeste, dont il ne sortit jamais, que Bernard a exercé sur lu bolaniquo
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HISTOIRE. — 1635-17 39.
15
et sur l’histoire naturelle en général une influence qui fait époque dans l'histoire de la science.
Chirac, qui avait succédé à Fagon dans la surintendance, avait laissé tomber l’enseignement
de la botanique; les fonds attribués à des dépenses urgentes avaient été détournés de cette
destination, et, plus d’une fois, Antoine de Jussieu y avait suppléé de ses propres deniers.
Bernard , à son tour, redoubla de zèle pour soutenir renseignement ainsi que les cultures du
Jardin Royal; le droguier, dont il était conservateur, reçut une extension considérable et prit
le titre de Cabinet du Roi. Mais où les talents du sous-démonstrateur éclatèrent d’une manière
supérieure, ce fut dans les herborisations à la campagne. C’est là qu’il faisait admirer son
ardeur, son savoir, et surtout son inépuisable patience. Les élèves, non contents de le
pousser à bout par des questions importunes, cherchaient parfois à l’embarrasser en mutilant
certaines plantes ou en en composant do toutes pièces, espérant le trouver en défaut; mais
Remard avait bientôt dévoilé leurs ruses et s’en tirait toujours à son honneur. On raconte
que Linné l’ayant accompagné dans une excursion semblable aux environs de Paris, et les
élèves ayant voulu répéter avec lui la même supercherie , le botaniste suédois leur dit , en
leur rendant la plante ainsi défigurée : « A ut Drus, nul Dominas de Jussieu ; Dieu seul ou
« votre maître pourrait vous la nommer. »
Déjà, depuis quelques années, en méditant sur les rapports naturels qui existent entre les
plantes, Bernard de Jussieu songeait à s’élever des détails de la science à ses généralités, et
réunissait en silence les matériaux du système qui se rattache à son nom. Mais une extrême
modestie et l’amour de la vérité l’empêchèrent de rien publier durant sa vie, si ce n’est un
très-petit nombre de Mémoires, excellents d’ailleurs, sur quelques plantes isolées, bien que
les observations dont elles étaient l’objet se rattachassent à la grande démonstration qu’il
préparait. Il fit aussi quelques expériences sur les polypes et reconnut la nature du corail. En
1725, il donna une seconde édition, fort augmentée, de V Histoire des plantes des environs de
Paris, de Tournefort, La même année il entra à l’Académie des sciences, à l’ùgo de vingt-six ans.
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10 PREMIÈRE PARTIE.
C'est <*n revenant «l'un voyage qu'il avait fuit on Angleterre, en 1734, qu'il rapporta dans
son chapeau les deux cèdres du Liban, dont l'un existe enc ore dans le Jardin du Muséum , et
qui est lo plus autien de ceux qui so trouvent eu France.
Cependant , une circonstance heureuse lui permit do faire une application de ses grandes
vues, qui, sans cela peut-être, eussent été perdues pour la science. Le Hoi Louis XV désira
former, dans les jardins de Trianon, une école de botanique , et Bernard fut chargé de mettre
ce projet A exécution (1738). Le système «le Linné jouissait, A cette» époque, d'un crédit
universel. Jussieu, do plus en plus persuadé que la classification doit se fonder sur l'ensemble
des caractères analogues, cl ayant approfondi la sultordinalion relative de ces caractères, dis-
posa l’école d'après res idées. Il partagea d'abord le système entier en deux grandes divisions :
les monocolylédonéos et les dicotylédonéos ; puis il <li>lribua les ordres et les familles suivant
l’analogie des caractères généraux , et , sans établir les motifs de cette distribution toute nou-
velle, il se borna à publier un simple catalogue du jardin de Trianon. C'était, à la vérité,
tracer sur le sol mémo le plan «le la méthode naturelle qu’il avait conçue et qui fut développée
plus tard par un membre non moins illustre do sa famille. On ne saurait douter, en effet,
que, lorsqu'il appela près de lui son neveu, Antoine-Laurent (1765), il ne lui ait confié les
idées générales auxquelles il s’était arrêté dans cette distribution et sur lesquelles se fonde
aujourd’hui le système le plus rationnel «le toute classification du règne végétal.
lkTnard de Jussieu réunissait deux «jualités ordinairement fort opposées : un amour pas-
sionné de la science et une insouciance complète do l'honneur <|u’il pouvait retirer «le scs
travaux. Quand on lui faisait reman|uer que d'autres lui enlevaient «juel«|u*unc de ses décou-
verles, il s’écriait : « Qu’importe? pourvu que le fait soit reconnu!» Ces deux «jualités,
comme son entière abnégation «jui l'empêchait de porter ombrage à personne, «lonnni«*nt
beaucoup «le poi«ls à ses opinions. Bien «juc fort avancé dans les bonnes grâces du Roi, B«*r-
nurd «Je Jussieu ne demanda jamais aucune faveur.
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PLAN Dl' JARIMN DI! ROI . EN 16+0
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H- Jeretuit et emit.rettue e/es .Vou veau* tèttucr/.-
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HISTOIRE. — 1035-1739.
17
Jean-Jacques Rousseau, qui étudiait la botanique, lui ayant fait demander quelle méthodo
il devait suivre : « Aucune, répondit Bernard; qu’il étudie les plantes dans l'ordre oü la
« nature les présente, et qu’il les classe d’après les rapports que l’observation fait découvrir
n entre elles. Il est impossible, ajouta-t-il, qu'un homme d’autant de mérite s'occupe de
« botanique sans nous apprendre quelque chose. »
A la mort de son frère Antoine, qu’il aimait et respectait comme un père, on lui offrit
la chaire qui restait vacante, mais il ne l’accepta point. « Les vieillards n’aiment pas le
changement, » dit-il; Lemonnier obtint, par conséquent, la première place, et Bernard resta
à la seconde. Quelques années après, il fit venir près de lui son neveu, Antoine -Laurent
de Jussieu, dont il dirigea les études vers les sciences naturelles, et mourut eu 1777, à l’âge
de soixante et dix-huit ans.
Le service le (dus éminent que Daquin rendit au Jardin du Roi fut, à coup sûr, le choix
qu'il sut faire de Duverney pour y professer l’anatomie. (iuicliard-Joseph Duvemcy était né à
Feurs, eu Forci , en 1618, Après s’être fait recevoir docteur en médecine è Avignon, il vint
se lixer à Paris. Son ardeur pour les matières scientifiques le fil admettre aux conférences de
l’abbé Boitrdclol. Doué d'une élocution remarquable, homme d'esprit et d’excellentes ma-
nières, il ne tarda pas à mettre l’anatomio à la mode , même parmi les gens du monde, même
à la cour, oü il fit souvent des leçons on présence du plus noble auditoire. « Je me souviens,
dit Fontanelle, d’avoir vu des gens de ce monde-là, qui portaient îles pièces d'anatomie pré-
parées par lui, pour avoir le plaisir de les montrer dans les compagnies, n Quelques vers de
Boileau constatent également la vogue singulière qui s’attachait liés lors aux leçons du jeune
professeur :
D'un nouveau microscope on doit, en sa présence ,
Tantôt chez balancé faire l'cxpêricnce;
Puis, d’une femme morte avec son embryon
tt fout riiez Duverney voir In dissection;
Rien n’éc luipjii aux regards de notre ruricuse-
— . ( Satire X.)
Sou débit animé et ses formes oratoires attiraient à son cours les hommes qui s’occupaient de
déclamation ; on assure que le célèbre comédien Baron était souvent au nombre de scs audi-
teurs. Aussi, tous les succès vinrent-ils en quelque sorte au-devant de lui. En 1674, il entra à
l’Académie des sciences; trois ans après, il était professeur au Jardin du Roi, et cet enseigne-
ment, qui fait époque dans l’histoire de la science, so soutint pendant un demi-siècle.
Duverney n’était pas d’une complexion robuste, mais il était très-actif et laborieux. Dans
ses cours, il faisait fairo les démonstrations par Dionis, habile chirurgien, à qui l’on doit un
Traité d'anatomie et un Coure d’opérations chirurgicales longtemps célèbres. Il se fit aussi
suppléer par son frère, Pierre Duverney, qui fut, comme lui, membre de l’Académie des
sciences et professeur au Jardin du Roi, ainsi que par ses deux neveux, Jacques-François et
Emmanuel-Maurice Duverney , qui devinrent tous deux démonstrateurs d’anatomie. Le pre-
mier eut la gloire d’être le maître de Daubenlon.
Guichard-Joseph Duverney peut être considéré comme le créateur, dans les temps mo-
dernes, de l’anatomie comparée. Ayant été envoyé, avoc Lahirc, en mission scientifique sur
les bords do l’Océan , il y disséqua avec soin un grand nombre de poissons. L’année sui-
vante, ils firent ensemble, et dans le même but, un nouveau voyage dans le golfe de Gascogne.
L’un des premiers il répandit la lumière sur l’organisation anatomique des animaux, dont
jusque-là on se contentait de décrire les mœurs, les habitudes et l’aspect extérieur. Il laissa
deux volumes d'OKucres anatomiques et deux volumes sur les Maladies des os; il travaillait
avec Winston-, son élève, à une seconde édition de son Traité de Coule , quand la mort vint
le frapper, «n 1730, à l’âge do quatre-vingt-deux aus. Il avait exercé le professorat pendant
cinquante et un ans, avec le succès le plus brillant et le plus soutenu.
c
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Jacqucs-Béuigne Winslow, que nous venons de nommer, était, en effet, l'élève cliéri de
Duvemey. Originaire du Danemarck (Odenséo, 1609;, Winslow avait été d'abord destiné à
l'Église; niais ses goûts le portant d’une manière toute spéciale vers l’élude des sciences, il su
résolut à aller en Hollande pour y étudier la médecine. Ses tulents précoces décidèrent le gou-
vernement danois è l'envoyer à Paris, & ses frais, pour prendre ses grades. Présenté à Bossuet,
Winslow se convertit A la religion catholique entre les mains de ce prélat, qui devint son
protecteur. Bossuet étant mort en 1704, et l'abjuration du jeune savant l'ayant privé des
largesses du roi de Danemarck, Duvemey le prit en amitié et le chargea de le suppléer dans
ses cours au Jardin du Uni. Sa situation difficile et son mérite reconnu déterminèrent la Fa-
culté de Paris à lui faire la remise dos frais de sa réception. Peu do temps après , il entra A
l’Académie des sciences.
L’éclat avec lequel Winslow avait fait quelque temps les cours de Duvemey semblait l'ap-
peler naturellement A devenir son successeur; cependant, A la mort île ce savant, la placo
fut donnée A llunauld, médecin du duc de Richelieu. Winslow ne lui succéda qu'en 1743.
Il était doué d’une élocution facile; son enseignement rommo ses écrits sont remarquables
par la méthode, la clarté et la précision. On peut dire qu'il créa en quelque sorte l’anatomio
descriptive, aux progrès de laquelle il donna une vive impulsion. Il mourut A Paris, en 1760,
A l’Age de quatre-vingt-onze ans.
Celte période de l'enseignement anotomiquo nu Jardin du Roi doit également comprendre
François-Joseph llunauld, élève de Duvemey et de Winslow, qui remplit d’une manière
18 PREMIÈRE PARTIE.
Duvemey habitait une petite maison isolé" A l’extrémité du jardin, du côté do la rivière, et
qui n’a été démolie qu’en 1793. Occupé, dans les dernières années de sa vio, d’un ouvrage
sur les insectes et les mollusques, il passait des nuits entières dans les endroits les plus
humides du jardin, couché sur le ventre, cl sans faire aucun mouvement, pour observer les
allures et les habitudes des colimaçons.
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HISTOinR. — 1 G:<5- 1 7 30.
I»
brillante l'intervalle qui sépare la carrière professorale (le ses deux maîtres. Ilunauld, fils et
petit-fils de médecins qui marquèrent dans la pratique de l'art, était doué lui-même du talents
incontestables. Le duc du Richelieu, qui l'avait emmené dans son ambassade à Vienne, avait
pour lui une vive affection. Hunauld s'exprimait avis; netteté, avec élégance dans les matières
scientifiques. Il n'avait que vingt-huit ans lorsqu'il fut appelé A succéder à Ruverney. En
1724 , il était entré à l'Académie comme chimiste adjoint; quelquos années après, il y prit
place comme anatomiste. Malheureusement, il mourut de bonne heure, à l’âge do quarante
et un ans, on 1712. Il était allé on Hollande pour y connaître Boerhaave, et avait visité l’An-
gleterre dans un but scientifique. Ses travaux eurent principalement pour sujet l'osléologie
et l'anatomie du cerveau. La place qu'il laissait vacante au Jardin fut aussitôt accordés; A
Winslow. Sa collection ostéologiquo , fort riche pour l’époque, fut achetée par l'Académie,
pour la joindre A celle do Duverney, déjà déposée au jardin.
Durant la longue et heureuse période qui se rapporte A l'administration de Fagnn, la chimie
fut également professée au Jardin du Roi d’une manière supérieure. Kagnn, longtemps titu-
laire de cette chaire, se fil successivement seconder par des hommes d'un vrai mérite. Saint-
Yon, accablé d'infirmités, no fit qu'un suul cours et mourut jeune encore; Claude Berger,
fils d'un médecin de Pans, élève de Nicolas Lémery et de llomberg, le remplaça en 1700, et
on lui promit la survivance du la chaire; mais il nu put profiter du cet avantage, car il mourut
en 1712 d'une affection de poitrine, à l’Age do trente-trois ans.
En même temps que Berger, et dès l’année 1707, Geoffroy avait quelquefois remplacé
Fagon dans son cours do chimie. Étienne-François Geoffroy était fils d’un apothicaire de
Paris, bien connu daus la science, car il est lu chef d’une sorto de dynastie scioutiliquo qui a
longtemps figuré d’une manière brillante dans renseignement. C'est chez Geoffroy le père, que
se réunissaient la plupart des savants do l'époque ut que se tenaient, sous lu présidence du
père Merseune ou de M. do Mnntmorl , les conférences qui préludèrent A la fondation do
l'Académie dos sciences. L'éducation du jeune homme fut dirigée de bonne heure vers les
sciences médicales, et rien ne fut épargné pour qu'il les cultivât un jour avec, distinction.
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20 PRE Ml fin K PARTIE.
Avant d'occuper les postes éminents qui lui étaient réservés, Geoffroy avait voyagé dans
les provinces méridionales de lu France et visité les ports de l'Océan. Il se trouvait enfermé
à Saint-Malo, en 1093, au moment où les Anglais bombardèrent celle ville; il eût pu flro
victime de luur fumeuse machine infernale, si leur tentative n'eût échoué. Il alla en Angle-
terre avec le comte do Tallard, alors ambassadeur et depuis maréchal de France; il s’y lia
avec Hans Sloano, médecin et naturaliste irlandais, qui le présenta à Sydenham et le fit
admettre à la Société royale de Londres. Il voyagea aussi en Hollande et en Italie avec Publié
de Louvois, comme son médecin, bien qu’il n’en eût pas encore le litre, car il ne fut reçu
docteur qu'en 1701. A la mort de Toumeforl, Geoffroy le remplaça comme professeur de
médecine nu collège de France, et, on 1712, il obtint la chuirc du chimie au Jardin du Roi ,
vacante par la mort de Berger.
Étienne-François Geoffroy a laissé un nom célébra dans la chimie el la matière médicale.
C'est à lui que l'on doit les premières tables d’affinité chimique, l'uu des travaux qui ont lo
plus servi à l'avancement de cette science dans les premières années du dix-huitième siècle.
Bien que son caractère fût circonspect, méthodique et ses munières timides, son enseigne-
ment était très-suivi e| rivalisait avec celui de Vaillant, de Duverney et de Winslow. Il mourut
en 1731 et fut remplacé par Louis Lémcry, fils de Nicolas, à qui la postérité a conservé le
titre du grand Lémcry.
Il y avait longtemps que Louis Lémcry suppléait Fagon et Berger dans la chaire de chimie
du Jardin Royal. Il était médecin du Roi depuis 1722 et appartenait à l'Académie des sciences.
Il accompagna en Franco l’iufanlc d'Espagne lorsqu’elle vint épouser Louis XV. C’était nu
médecin de cour duns toute l'acception du mot. Ses manières étaient distinguées, il s'expri-
mait avec élégance et ses écrits sont encore remarquables aujourd'hui par l'ordre, la clarté et
l'érudition. Les Mémoires de l’Académie contiennent un grand nombre de travaux île chimie
qu’il y présenta, et son Triiilt1 #/es aUn'PUts a joui longtemps d'uue certaine eéléhrilé.
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HISTOIRE. — 1035- 1739.
21
Aux savants que nous venons de nommer, et qui représentèrent l'enseignement do la chimie
au Jardin du Roi, pendant la période que nous étudions, il faut ajouter le nom de quelques
démonstrateurs qui tiennent également une place honorable dans l'histoire de cette science.
Christophe Glaser, Suisse d'origine, apothicaire du duc d'Orléans et plus tard du Roi
Louis XIV, fut l’un des derniers sectateurs des principes de Paracelse; Simon Roulduc, membre
de l’Académie des sciences, et qui fit faire quelques progrès à la matière médicale, fut
remplacé comme démonstrateur, en 1729, par son fils Gille-Françnis Roulduc, aussi de l'Aca-
démie , apothicaire du Roi , qui s’occupa avec un succès notable do l’analyse des eaux miné-
rales.
Avant eux, Moïse Charas, un pou plus avancé dans la philosophie de la science, marqua en
quelque sorte la transition entre l’école spiritualiste de Van llelmout et la chimie plus ration-
nelle du siècle suivant; Gharas fut le précurseur le plus immédiat de Nicolas Lémery. Né à
lizès , en 1618, d’une famille protestante, il s’était livré de bonne heure è l’étude de l’histoire
naturelle et de la chimie. Il publia une véritable monographie sur la vipèro, qui, à cette
époque, était un objet général de curiosité et du terreur. A l’exemple do Nicandre et d’Andro-
maque, il Ot suivre ce travail d’un poème latin, /’ Echmophium , sur le même sujet. Auteur
d’une pharmacopée longtemps célèbre , Gharas fut atteint . A l’Ago do soixante ans , par
la révocation de l’édit de Nantes, cl obligé de se retirer on Angleterre. A la mort do Charles II,
il passa en Hollande, puis il allu à Madrid, sur les instances de l’ambassadeur d’Espagne; mais
il ne tarda pus A s’y voir exposé aux poursuites de l’inquisition , comme A la jalousie des
médecins espagnols, et l’on saisit pour cela une circonstance assez singulière. Un archevêque
de Tolède ayant été déclaré saint après sa mort, son successeur annonça que désormais les
serpents et autres animaux venimeux du diocèse perdraient leur venin. Gharas, dans une expé-
rience publique, qui eut lieu chez Don Pèdre d’Aragon, (il mordre par une vipère deux poulets,
qui moururent aussitôt. Il n’en fallut pas davantage, pour le perdre : on l’accusa d’avoir voulu
renverser une croyance établie. Il fut obligé de s’enfuir, non, comme le dit Condorcet, pour
avoir mal parlé des vipères, mais pour avoir soulevé la rivalité do ia médecine espagnole. Il
fut jeté en prison A l’Age de soixante-dix ans. On lui lit son procès; il se iléfendit avec, talent
et courage. Enfin, au bout de quatre mois et demi, la liberté lui fut rendue, au prix de son
abjuration. Il revint en faveur, fut admis A l’Académie, et mourut A quatre-vingts ans, juste-
ment entouré de l’estime cl de la considération générale.
Nous venons d'énumérer les principaux services que rendit A l’établissement la longue et
intelligente administration de Fagon. Après lui, renseignement commença A changer de
direction et quitta la voie exclusive des sciences médicalos, pour so porter plus spécialement
vers les sciences naturelles. En 1715, il n’y avait encore au Jardin que trois chaires princi-
pales: celles de botanique, de chimie et d'anatomie. Chacune d'elles, indépendamment du
professeur titulaire, était pourvue d’un démonstrateur, qui , pendant les leçons, exécutait les
expériences et les préparations pharmaceutiques. La botanique avait, en outre, un sous-
démonstrateur chargé do faire les herborisations A la campagne et de diriger les cultures.
Les choses ne changèrent point sous l'administration de Poirier, qui avait succédé A Fagon
en 1715, et qui ne lui survécut que de quelques jours. En 1718, l'intendance du Jardin,
détachée de la charge de premier médecin du roi, fut confiée A Chirac, premier médecin du
régent. Pierre Chirac, né à Conques, dans le Rouergue, qui n’a pas laissé un nom bien
recommandable dans l’administration du Jardin du Roi, ne mérite pourtant pas d'être oublié
dans l'histoire de la science. D'abord destiné A la théologie, il vint A Montpellier pour achever
ses études et y fut distingué par Chicoisneau père, chancelier de l'Université, qui lui conlia
l'éducation do ses (ils, et qui, ayant reconnu son aptitude pour les scietices, le dirigea vers
l’élude de la médecine. Chirac se livra avec ardeur à l’anatomie. Devenu chirurgien de l'ar-
mée de Roussillon, il assista, en 1693, au siège île Rusas, puis il alla en Italie avec le duc
d’Orléans, qu'il guérit d'une blessure au poignet. Ce prince, depuis régent, le ramena avec
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PREMIÈRE PARTIE,
lui à Paris, et, après la mort do Ifornbcrg, le nomma son premier médecin. Promu à l’in-
tendance du Jardin du Roi, Chirac se montra peu soucieux du progrès des sciences naturelles.
Il eut la fatale pensée de retirer le soin des cultures à Bernard de Jussieu, pour donner cet
emploi à un chirurgien «jui y était complètement impropre, et ne protégea guère que rensei-
gnement de l’anatomie, alors professée avec tant de distinction par Duvcrney , Hunauld et
Winslow; mais il laissa tomber renseignement do la botanique, que les Jussieu soutinrent
néanmoins à force d’intelligence et de sacrifices. Disons, toutefois, pour relever Chirac de ses
torts comme administrateur, que, plein de zèle pour les progrès de la chirurgie, il conçut, le
premier, la pensée de la réunir à la médecine dans une Académie Royale, projet qu’il fut sur
le point de réaliser, mais dont la mort du régent suspendit l'exécution. Chirac mourut à Marty,
d’une pleurésie (1732), à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
lin grief plus fondé contre Chirac et son administration, c’est celui d’avoir préparé de
longue main sa survivance et de l’avoir fait passer dans les mains de François Chicoisneau,
son gendre. Non que Chicoisneau fût un homme sans mérite : il avait fait ses preuves comme
médecin habile et même comme homme de cœur pendant la peste do Marseille, en 1720, où
Chirac l’avait fait envoyer. Il était doué de savoir, de talents naturels et s’exprimait avec
autant do précision que d'élégance. Chirac, devenu premier médecin «lu mi Louis XV, l'ap-
pela à la cour et le fit nommer médecin des enfants «le Frant^e, ce qui était le désigner à
l’avance comme son successeur. C’est, en effet, ce qui arriva, et, avec sa charge, il obtint
en même temps la surintendance «lu Jardin.
Chicoisneau prit peu d’intérêt aux développements «le l’institution et ne comprit pas la
responsabilité morale et scientifique qui se rattachait à l'emploi dont il était revêtu. H«*ureu-
sement , le choix d’un intendant tomba sur un homme «l’un mérite incontestable et «l’un zèle
à toute épreuve pour les intérêts de la science. Charles-François «le Cisleroay Dufay avait été
d’abor«l militaire, comme la plupart des membres de sa famille. Lieutenant à l’âge de qua-
torze ans dans le régiment de Picardie, il avait figuré en Espagne aux sièges de Saint-
Sébastien et do Fontarabie. Plus tard, il avait accompagné le cardinal de Rohan dans son
ambassade à Rome. Copenilanl, il n’avait jamais cessé de s’occuper des sciences, et particu-
lièrement do la chimie. Il avait lu plusieurs fois à l’Académie «les Mémoires pleins d’intérêt,
qui, en 1733, le firent admettre dans cette compagnie. Il quitta dès lors le service pour se
dévouer tout entier à l’étude. En quelques années, il produisit «les travaux si divers, qu’ils
auraient pu lui donner entrée dans chacune des six sections dont se composait alors l’Aca-
démie. Il avait trente-cinq ans lors«ju’il fut nommé intendant du Jardin «lu Roi.
Dés ce moment, rétablissement prit une direction nouvelle. Dufay rétablit Bernard de
Jussieu, qu’il avait accompagné dans son voyage en Angleterre, «lans les fonctions de démons-
trateur de botanique et de direct«*ur des cultures. Il releva les ruines, il étendit lo cabinet,
il fit renouveler les plantations. Il alla lui-même en Hollande et en Angleterre pour se pro-
curer de nouvelles plantes, ainsi que des objets d’histoire naturelle. Il installa Duv«’rncy neveu
comme démonstrateur d’anatomie. Malheureusement, son administration ne devait pas être
«le longue durée. En 1739, atteint de la petite vérole et prévoyant qu'il ne survivrait pas à
celte cruelle maladie, il légua au Cabinet du Roi sa riche collection de pierres précieuses et
désigna Buffon au ministre , comme son successeur. C’était assurer, plus qu’il ne l'espérait
peut-être, les d«»stinées do la science et la prospérité future «le cette belle institution.
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DEUXIÈME PÉRIODE
1739-1771
Buffon appartenait depuis 1733 à l'Académie dns Sciences, où il avait été admis à l'àge du
vingt-six ans. Il s’y était fait connaître par divers travaux sur les mathématiques, sur lu phy-
sique, sur l 'économie rurale. Dufav, son ami, en le signalant au ministre Maurepas, avait
pressenti toute la portée et la puissance de son génie. Bien que Buffon ne parût pas encore
bien arrêté sur la science à laquelle il se consacrerait d'une manière exclusive, sa nomination
& la place d'intendant du Jardin du Itoi le détermina à se livrer désormais aux sciences natu-
relles : heureuse décision , qui devait servir à la fois aux progrès de la science et à la gloire
du savant, car celui-ci avuit compris qu’en donnant & l’institution tous les développements
qu’elle attendait de son zèle, il réunissait pour lui-même tous les matériaux du vaste monument
qu’il se proposait d’élever à l’histoire de la nature.
Georges- Louis Leclerc de Buffon , fils d’un conseiller au parlement de Dijon , était né à
Monlhard, le 7 septembre 1707. A peine son éducation classique était-elle achevés- qu'il fit la
connaissance du jeune duc du Kingston , dont le gouverneur, humme éclairé et versé dans les
sciences , en inspira le goût aux deux jeunes amis. Buffon alla passer avec eux quelques mois
à Londres pour s’y perfectionner dans la langue anglaise. Afin de constater ses progrès dans
cette élude et do s’exercer lui-même à l'art d’écrire , il traduisit en français la Statique des
végétaux, de Halles, et le Traité des /luxions, de Newton (I). Il y ajouta deux préfaces remar-
quables , qui furent ses premiers écrits , et où l’on trouve déjà les caractères principaux de son
laleut : une gravité noble, soutenue, élégante, et de larges vues systématiques. De retour on
France , il s’occupa de géométrie , de physique , il construisit des miroirs d’Archimède , qui
avaient déjà fait l’objet des recherches de Dufay et de plusieurs autres savants. C'est à la
même époque qu'il fit ses expériences sur la force des bois et quelquos autres travaux qui lui
ouvrirent les portes de l’Académie.
Lorsqu'il fut appelé à remplacer Dufay, ses idées prirent aussitût une direction nouvelle. Il
s'appliqua d'abord à développer l’établissement confié à son administration. Il porta ses regards
sur toutes ses parties, conçut tout lo système des améliorations dont il lui sembla susceptible,
calcula tout ce qu’il avait à faire, tous les secours dont il avait besoin, et se mit à l’œuvre
avec courage et résolution.
En 1739, le Jardin était borné à l’Est par les pépinières, au Nord par les serres, au cou-
chant par les galeries. Il y avait encore beaucoup de terrains vagues ut sans culture. Buifon
fit enlever quelques allées de vieux arbres, qui ne répondaient pas à la symétrie des bâtiments
et planta, eu 1730, les doux belles allées de tilleuls qui encadrent aujourd’hui les galeries
d’histoire naturelle. Ces allées se terminaient alors à la pépinière , bordée elle-même par la
ladite rivière de Bièvre. Lorsqu’on détourna plus lard le cours de celte rivière, on fit l'acqui-
sition des terrains qui s'étendaient jusqu’à la Seine, et l'on prolongea les allées de Buffon, dans
cette direction , jusqu'à la grande grillo du quoi.
(I) C’est ce même Traité des fluxions qu’un bibliographe, peu versé dans le calcul différentiel, avait
ran-è, dans son catalogue, parmi les ouvrages de médecine.
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PREMIÈRE PARTIE.
La première serre chaude avait été construite par Bouvard. Kilt* fil partie quelques années
après de l'orangerie, derrière laquelle furent établies depuis les deux serres de Vaillant. Os
deux dernières, adossées contre la butte, furent construites, l’une en 1714, et l’autre en 1717.
Le milieu de la seconde fut longtemps occupé par un cierge du Pérou , recouvert d’une lan-
terne vitrée.
L'amphithéâtre que Fagon avait fait construire pouvait contenir six cents élèves. Il était
placé dans le batiment situé entre la porte d'entrée principale et la terrasse de la grande butte.
Il a subsisté jusqu'au moment où l'on éleva l'amphithéâtre actuel.
Le cabinet ne consistait d’abord qu’en deux petites salles, qui ne pouvaient suffire long-
temps aux objets dont il s'enrichissait journellement. Lorsque Bernard de Jussieu fut nommé
garde des collections, il agrandit le local qui leur était réservé et les disposa dans deux grandes
salles des galeries où logeait d'abord l'intendant; c’est h cette époque qu’elles commencèrent
à être ouvertes au public, à certains jours. La pièce qui renfermait des squelettes et des pièces
d'anatomie faisait partie d’une maison longtemps habitée par Vaillant, et qui fut abattue
pour être remplacée par le bâtiment destiné à la première bibliothèque. Les herbiers étaient
placés dans l’appartement du démonstrateur do botanique. Vaillant, Antoine et Bernard de
Jussieu y donnèrent successivement tous leurs soins. Lorsque ce dernier fut obligé d’aller
résilier à Versailles, la garde du cabinet fut confiée à Daubenton.
Buffon employa les premières années de son administration à recueillir, à disposer les
matériaux qui devaient lui servir à l'accomplissement de la grande pensée qui le préoccupait.
Jusqu’à lui, ('histoire naturelle n’avait été écrite que par des observateurs ou des compilateurs
peu exercés dans l'art do peindre ses phénomènes. Surchargée de détails d’érudition , do
nomenclatures bizarres, do systèmes inconciliables, cette science n'avait jamais été présentée
avec cette simplicité; noble et abondante dont la nature offre l’image. Les matériaux étaient
nombreux , mais il fallait les choisir, les classer et les présenter sous une forme attrayante,
propre à faire ressortir l’ensemble comme les détails. Buffon comprit quel intérêt et quel
charme pourrait donner è un pareil tableau l’écrivain qui saurait réunir aux vues larges cl
profondes d’Aristote, l’éloquence de Théophraste, de Pline, et la sévérité, l'exactitude des
observateurs modernes. Après avoir longtemps médité celte pensée, il se sentit l’énergie, la
patience et même tout le talent nécessaire pour la mettre à exécution , et il n’hésita pas à se
consacrer à cette grande œuvre.
dépendant, quelques obstacles personnels pouvaient la lui rendre très-difficile. Son imagina-
tion vive et impatiente lui permettait à peine de s’appliquer aux recherches de détail , sa vue
un peu faible ne se prêtait pas à une application prolongée; il avait, pour nous servir de
l’heureuse expression de M. Flourens, le génie de la pensée plutôt que celui de l’observation,
la palicnce de l'esprit plus que celle des sens. Mais il avait en même temps une constitution
vigoureuse, capable de résister à un travail soutenu, un caractère ardent, la conscience de
ses forces et un vif désir de cette gloire dont il sentait que tous les éléments se trouvaient à
sa portée. Ajoutons qu’au service d’un génie élevé et d’une imagination poétique, il possédait
un style coloré et grandiose, propre à peindre les beautés de la nature, dont il avait d’ailleurs
le profond sentiment.
Après avoir consacré plusieurs années à parcourir ce champ si vaste d'un point de vue
général , et à réunir les matériaux de ce grand travail , il en arrêta le plan , et son immensité
ne l’effraya point. Toutefois, il fallait, avant tout, s’appuyer sur des recherches exactes,
qu’il se sentait incapable de poursuivre seul dans leurs plus minutieux détails, et il comprit
la nécessité de s'adjoindre, pour cela, un collaborateur. Dans l’un de scs voyages à Montbard,
il avait retrouvé un ami d’enfance , le jeune Daubenton , dans lequel il reconnut aussitôt les
qualités qui lui manquaient a lui-même. Il lui fallait, en effet, un homme d’un esprit juste et
fin, un observateur habile et consciencieux, assez modeste pour se contenter du second rôle,
assez dévoué pour entrer dans ses propres idées, disposé à suivre sa fortune, à devenir, eu un
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lïîS * 18© 0
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HISTOIRE. — 1739- 1771
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HISTOIRE. — 17 39-177».
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mot , son œil et sa main , tout en lui laissant dans l'œuvre commune la part la plus brillante
et la plus glorieuse. Buffon trouva tout cela dans son jeune ami, et peut-être plus encore
qu’il n'avait espéré.
Dautientnn (L.-J.-Marie), né à Montbard, en 1716, était fllsd'un notaire de cette ville. Its’étoit
distingué dans scs premières études, et, venu è Paris pour s'y livrer à la théologie, il avait suivi
en secret les cours de médecine; il était au Jardin du Roi l'auditeur le plus assidu des leçons
de Winslow, de Hununld et d'Antoine do Jussieu. La mort de son jvèr© l'ayant laissé libre de
choisir sa profession, il alla se faire recevoir docteur à Reims, et revint à Montbard l’année
suivante pour y exercer la médecine. Buffon ne dovait pas l'y laisser longtemps. Il l'engagea
à venir & Paris à la fin de 1742; dès l'année 1745, il le fil nommer garde et conservateur du
cabinet du roi, à la place de Noguez, qui s’élait retiré en province. Dès ce moment, les col-
lections prirent une nouvelle physionomie ; jusque-là , ce n'était proprement qu’un droguier,
auquel on avait joint des pierres précieuses et des coquilles tirées de différentes sources ;
Dautientnn en eut bientôt fait une véritable collection d'histoire naturelle, et la plus riche qui
existât encore. Il ne s'appliqua plus uniquement à recueillir des échantillons rares et singu-
liers , mais à réunir tous les objets analogues et à compléter les séries, l/étudc et l’arrangement
de ces matériaux devinrent pour lui comme une sorte de passion. A mesure que leur nombre
s’accrut et qu’ils furent mieux disposés, le public lui-méme y attacha plus de prix; quelques
particuliers s’empressèrent d'offrir au cabinet leurs collections privées. On découvrit, on
perfectionna les moyens de conserver les corps organisés. Daubenton s'enfermait des journées
entières duns les galeries pour étudier et classer toutes ces richesses, et les jours oii elles
étaient ouvertes au public , il se plaisait à les montrer et à les expliquer aux curieux.
Mais ce n'est pas là que so bornaient scs travaux et l'utile secours qu'attendait Buffon de
son savant compatriote. Avant de commencer la publication de son immense ouvrage , il fal-
lait tout revoir, tout observer ; il fallait reprendre en sous-œuvre tout le travail des siècles
précédents. Dans cette grande entreprise il s’était réservé la distribution du plan, l’exposition
des généralités , les vues systématiques , la peinture des grands effets de la nature ; à Daubenton
furent attribués le travail des recherches , la partie anatomique et descriptive , les détails exacts
et précis , les observations minutieuses. Ces deux hommes de génie , se complétant ainsi l'un
par l’autre, avancèrent lentement , mais à pas certains, dans la vaste carrière qu'ils s’étaient
ouverte, et, en 1749, dix ans après l'avénement de Buffon à l'administration «lu Jardin du
Roi, ils publiaient ensemble les trois premiers volumes do V Histoire naturelle , magnifique
prodrôme de l’ouvrage ipii devait tous deux les immortaliser.
Les chaires continuaient d’ètre occupées par les professeurs que Dufay y avait laissés , et
dont quelques-uns de ceux-ci étaient déjà les titulaires sous ses prédécesseurs. Dans les pre-
mières années de son administration , Buffon eut le regret de perdre plusieurs île ces hommes
dont les talents, comme le caractère, faisaient l’honneur du professorat : Boulduc fils et
Ifunauld s’éteignirent la même année, en 1742; Louis Lémery mourut l'année suivante, et
Duvemev neveu en 1749. Ces pertes importantes amenèrent de grandes modifications dans
l'enseignement du Jardin du Roi. Lémery fut remplacé par Bourdelin, et Boulduc par Rouelle;
le premier comme professeur, et le second comme démonstrateur de chimie.
Le nom de Bourdelin est celui d’une de ces familles qui , au xvn* et au xvtn* siècle, occu-
pèrent un rang si honorable dans les sciences médicales et perpétuèrent dans leur descendance
les traditions ainsi que le goût des études scientifiques. Telles furent les familles des Lémery,
des Jussieu, des Boulduc, des Bourdelin, des Geoffroy, des Brongniart, des Fourcroy, qui
toutes se distinguèrent aussi dans lo professorat, contribuèrent surtout aux progrès de la
chimie, et dont l’origine, on nous permettra de le remarquer, se rattache à la pharmacie. L'aïeul
de Claude Bourdelin, né à Villefranehe en Beaujolais , était apothicaire à Paris, et fit parti
des premiers savants choisis pur Colbert pour former le premier noyau de l'Académie. Ses
deux fils appartinrent, l’un à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l'autre à l'Académie
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2i* PREMlfeRE PARTIE.
îles Sciences. Ce dernier fui le père île Claude Buurdeliu , nommé professeur de chimie au
Jardin du Roi , à la place de I,. Lémery.
Bourdelin élail partisan, comme son prédécesseur, de la chimie de Charas et de Nicolas
Lefebvre. Déjà âgé de quarante-sept ans, quand il entra en fonctions, et d'ailleurs livré à une
pratique médicale très-étendue, il lit peu d'efforts pour se tenir au courant des nouvelles théo-
ries de la science. Rouelle, au contraire, imbu des systèmes de Ueerhor et de Stahl, faisait
assez peu de cas de la chimie de l'époque précédente. Il en résulta , comme nous le verrous
bientôt, une singulière discordance entre les leçons de Bourdelin et les expériences du démon-
strateur, lequel ne se faisait pas scrupule de renverser les arguments du professeur et de se
complaire dans son triomphe, aux yeux de son auditoire. Bourdelin n'y mettait du reste aucun
obstacle, seulement il cessa d'écrire sur la science et se lit plus souvent remplacer dans son
cours par Malouin, d’aliord, et ensuite par Marquer, qui devait lui succéder, lin motif hono-
rable l’avait porté à se vouer principalement à la pratique médicale. Ha mère avait épousé en
secondes noces un dissipateur qui , en mourant , n’avait laissé quo des dettes , pour lesquelles
elle s’était engagée. Bourdelin voulut acquitter ces dettes et rendre à sa mère une position
indépendante. Il y réussit à force de travail. Bon frère, alors mineur, réclama plus tard le
droit de partager son sacrifice; Bourdelin ne mil aucun orgueil à le refuser. Malheureusement,
ce frère, médecin comme lui, et son élève, mourut encore jeune , au moment oit il commen-
çait à se montrer digne du nom qu’il portait. Bourdelin mourut en 1777, à l’àge de quatre-vingt
et un ans; sa place à l'Académie des Sciences fut remplie par L.-CI. Cadet.
Paul-Jacques Malouin, aussi membre de l'Académie, n’appartint jamais nu Jardin du Roi
comme titulaire, mais il remplaça souvent avec distinction Lémery, Geoffroy et Bourdelin,
son maître et son ami. C’était un homme grave, austère, mais d'un caractère plein de dou-
ceur. Il était né à Caen, en 1701, d’une famille distinguée dans laquelle on comptait autant
de médecins que de magistrats. Son père, conseiller au présidial, l'envoya à Paris pour suivre
ses cours de jurisprudence, mais, entraîné par un penchant irrésistible, le jeune homme se
livra exclusivement aux études médicales; en sorte qu’à son retour au pays natal, au lieu
d’apporter à son père un litre de licencié en droit, il lui présenta le diplôme île docteur eu
médecine. Fontanelle, qui était son parent, l'engagea à revenir à Paris, lui facilita l’entrée de la
carrière, en lui ouvrant l’accès de quelques maisons opulentes, et le lit entrer à l’Académie.
Malouin était animé d’un resjicct sincère pour la dignité médicale. I u personnage éminent,
qui avait suivi longtemps avec exactitude ses indications, et qu'il avait guéri, étant venu le
remercier : « lou* été» digne d'être malade, » lui dit Malouin. Il ne pardonnait pas à ceux
qui, après avoir profité des lumières et des secours de la médecine, tournaient cet art en
plaisanterie. Il dit un jour à l'un de ces incrédules, ou plutôt de ces ingrats : » Je sais que
u vous ôtes malade et qu'on vous traite mal ; je vous guérirai , mais je ne vous verrai plus. »
Co qu’il trouvait de plus digne d’éloges dans Fontenelle et dans \oltaire, c’est qu’ils avaient
toujours res|>ecté la médecine. C'est lui qui répondit à quelqu'un qui citait en sa présence les
plaisanteries de Molière sur les médecins : « Aussi, voyez comme il est mort! »
Après avoir pratiqué quelque temps à Paris, où il avait succédé en quelque sorte à la
célébrité de Dumoulin , peu ambitieux d'ailleurs et ami du repos , il acheta une charge de
médecin du grand commun à Versailles, u Je veux me retirer à la cour, » avait-il dit à celte
occasion ; mot bizarre , mais plein de justesse selon ses idées. Malouin était laborieux , éco-
nome, désintéressé. Il avait écrit pour l'encyclopédie et pour les collections académiques l'art
du boulanger et du vermicellier. Quelques années plus tard, Parmentier ayant critiqué cos
écrits dans une lecture à l’Académie, Malouin vint à lui et le fécilita, eu ajoutant : « Vous
« avez mieux vu que moi , Monsieur, a Malouin fonda un prix à la Faculté de Médecine pour
l'éloge do l’un de ses membres; éloge qui devait être prononcé chaque année à la séance
d'ouverture. Il mourut en 1778, à l'àge de soixante-dix-sept ans. Il fut remplacé à l’Académie
des Sciences par Lavoisier.
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HISTOIRE. - 1730-1 77 1.
Le démonstrateur on titre de Bourdelin était Rouelle (Guillaume-François), né à Mathieu,
près de Caen, en 1703. Rouelle était doué d’une physionomie vive, d’une mémoire heureuse;
il avait beaucoup «l'intelligence et d’originalité dans l’esprit. Bien qu’il eût fait d’assez bonnes
études, il attachait assez peu de prix aux connaissances littéraires. Aussi sa parole était-elle
incorrecte, familière, bien qu'animée et pittoresque, et affectait-il un véritable dédain pour ce
qu’il ap|H>lait Y académie du beau partage. Entraîné par un sentiment instinctif vers les sciences
physiques et naturelles , il so livra avec une sorte de passion à l’étude de la chimie. Pour ou
acquérir avec plus de fruit les premiers éléments , il entra comme élève en pharmacie chez
l’allemand Spitzlev, successeur du grand Lémory, et il y resta plusieurs années. C’est là qu’il
connut et qu’il se lia d’amitié avec Antoine et Bernard de Jussieu. Il fonda ensuite cette
pharmacie de la me Jacob, longtemps possédée, après lui, par Bertrand et Joseph Pelletier, et
il donna quelques leçons particulières de chimie qui commencèrent sa réputation. Cependant ,
il semblait peu capable de devenir un professeur éminent, lue pétulance extrême , une abon-
dauce d’idées qui ne lui permettait pas toujours de les présenter dans le meilleur ordre, un certain
mépris pour les usages reçus qui allait parfois jusqu’à outre- passer lu bienséance, sa brusquerie,
son impatience, tout cela s’opposa quelque temps aux succès du jeune professeur. Toutefois,
on s’accoutuma peu à peu à ces dehors singuliers; il acquit une certaine facilité d’élocution ,
il s'habitua à mettre plus de lucidité et de méthode dans l’exposition «les faits scientifiques;
puis, la hardiesse et la nouveauté de ses idées, son enthousiasme, son habileté dans les expé-
riences, jusqu’à ses manières originales et à sa parole bizarre, tout devint un attrait pour ses
auditeurs. Enliii , sa réputation s'étendit à ce point qu'à la mort de Boulduc la place de
démonstrateur au Jardin du Roi lui fut accordée sans hésitation.
CT'lail eu 1742, Rouelle était alors dans toute la force et la niatiinlé «le sou talent : son nom
était déjà euiopéen. Lémory, Geoffroy, Boerhave «*l Slahl venaient «b* mourir; la science
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28 PREMIÈRE PARTIE.
semblait attendre qu'un homme supérieur vînt remplir le vide que ces grands chimistes avaient
laissé. « L’impulsion donné! par ces hommes illustres, dit Y icq d’Azyr, s'affaiblissait de jour
en jour, lorsqu’un génie bouillant et hardi réchauffa toutes les têtes du feu de son enthousiasme,
et devint le chef d’une école dont le souvenir honorera son siècle et sa patrie. On venait de
toutes parts se ranger parmi ses disciples; son éloquence n’était point celle des paroles; il
présentait ses idées comme la nature offre ses productions , dans un désordre qui plaisait
toujours et avec une abondance qui ne fatiguait jamais. Hien ne lui était indifférent; il parlait
avec intérêt et chaleur des moindres procédés, et il était sûr de fixer l'attention de ses audi-
teurs, parce qu’il l’était de les émouvoir. Quand il s’écriait : a Ecoute z-moi! car je suis le seul
« qui puisse vous démontrer ces vérités » , on ne reconnaissait point dans ce discours les
expressions de l'.amour-propre , mais les transports d’une aine exaltée par un zèle sans bornes
et sans mesure. Ennemi de la routine , il donnait des secousses utiles à ce peuple d’hommes
froids et minutieux qui , travaillant sans cesse sur le même plan cl suivant toujours la même
ligne , ont besoiu que l'on rompe quelquefois la trame de leur uniformité. »
Nous avons vu qu'à cette époque les leçons au Jardin du Roi étaient faites par un professeur
qui, après avoir exposé les principes et développé les généralités de la science, cédait sa place
au démonstrateur, lequel venait exécuter, sous les yeux du même auditoire, les expériences
destinées à confirmer ses Uiéories. Les choses s’étaient ainsi passées pendant longtemps et
sans conteste entre Geoffroy, Lémery, Charas et les Houldue ; mais il n’en fut plus de même
lorsque Dourdelin, attaché aux errements de l'ancienne école, fut secondé par Rouelle, jeune,
ardent , pénétré des nouvelles théories et dont l'élocution véhémente contrastait de la manière
la plus tranchée avec le langage réservé du placide Dourdelin. Gelui-ci , froid et timide , aux
formes peu animées, était écouté avec une impatience contenue; mais, lorsque paraissait
Rouelle, l’attention s'éveillait aussitôt et l'intérêt qu'excitaient sa parole vive et originale, ses
expériences claires et saisissantes, s’élevait parfois jusqu'à l'enthousiasme. La leçon du pro-
fesseur finissait ordinairement par ces mots : « Tels sont. Messieurs, les principes et la théorie
« de celte opération, ainsi que M. le démonstrateur va vous le montrer par ses expériences, n
Mais le plus souvent , Rouelle se plaisait à démentir, au contraire , les doctrines du professeur
par des démonstrations complètement opposées à ses principes, et, malheureusement |tour
Dourdelin , le démenti de Rouelle était ordinairement fondé et sans réplique.
C’est dans une de ces leçons qu’eut lieu un incident, raconté par Grimm d'une manière
assez piquante. Il s’agissait d'une ex|>érieiice alors nouvelle, et qui consistait à enflammer l’huile
essentielle de térébenthine par l’esprit de nitre. Rouelle expliquait que , « pour le succès de
« l’opération, il suffisait d’un tour de main fort simple et si peu apparent, qu’on pouvait
« l’exécuter en présence de beaucoup do monde, sans que personne s’eu aperçût. » Il avait
alors pour préparateurs son frère, Hilaire Marin Rouelle, ol l’un de ses neveux , dont le pre-
mier soin était de prévenir les accidents auxquels sa distraction habituelle pouvait donner lieu
et dont il faillit plus d'une fois devenir la victime. Ce jour-là, Rouelle demeuré seul, expliquait
la théorie et le procédé de sou expérience. Tout en agitant avec un tube de verre le mélange
inflammable, il disait comment il avait découvert ce tour de main, et ajoutait que, si l’on
cessait un seul moment d’agiter la liqueur, le produit ferait une sorte d’explosion ; puis , se
tournant brusquement vers l’auditoire, il abandonne un moment l’expérience pour achever
l’explication. Tout à coup l'inllammulion éclate et brise le vase avec fracas, en remplissant
l'amphithéâtre d’une fumée épaisse et suffocante. Aussitôt, les auditeurs épouvantés de fuir
et de se répandre avec effroi dans le Jardin , tandis que l'opérateur étonné , mais impassible ,
en est quitte pour la perte de sa perruque et de ses manchettes.
On trouve dans les Mémoires du temps plusieurs traits qui peignent d’une manière assez
piquante l’irritabilité, la pétulance et la distraction de cet homme de génie. Sa préoccupation
habituelle le suivait jusque dans le monde, dans ses cours, à l’Académie. Il arrivait ordinai-
rement dans son amphithéâtre en grande tenue, habit de velours, perruque bien poudrée et
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HISTOIRE. — 1739- 177 1.
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petit chapeau sous le bras. Assez calme au début de sa leçon , il s'échauffait peu à peu ; si sa
pensée ne se développait pas nettement, il s’impatientait, il posait son chupeau sur un appa-
reil, il était sa perruque, dénouait sa cravate, puis, tout en discutant, il déboulonnait son
habit et sa vesto, qu’il quittait Tune après l’autre. Dès lors, ses idées devenaient lucides, il
s’animait, se livrait sans réserve à son inspiration savante, et ses démonstrations lumineuses
entraînaient bientôt son auditoire ravi,
?* Nous n’avons pas à rappeler ici en détail es nombreux travaux dont 'Rouelle a enrichi la
science; nous dirons seulement qu’il fit faire des pas réels à la théorie des sels, ainsi qu’à
l’analyse végétale; qu’il lut plusieurs Mémoires à l’Académie sur l’art des embaumements
chez les anciens, sur le sel marin, sur la culture de la cannelle à Ceylan , etc. Mais ce n’était
point par ses écrits qu’il devait influer plus puissamment sur In science, c’est par sa paroi*;,
par son zèle, par cet enthousiasme qu’il avait peine à contenir, mais qui n’en agissait que
plus vivement sur l’esprit de ses nombreux élèves. C’est précisément parce qu’il écrivit peu,
qu’il eut souvent à se plaindre «le ceux qui, sortis de son école, nu se faisaient aucun scrupule
de s'attribuer des découvertes dont il ne s’élait pas réservé la priorité. Dans sa jjétulance et
sa distraction ordinaires, il exprimait souvent des vues neuves, hardies, profondes; il décrivait
des opérations, des procédés dont il eût bien voulu dérober le secret à ses auditeurs, mais
qui lui échappaient à son insu dans la chaleur «lu discours; puis, il ajoutait : « Mais ceci
« est un de mes arcanes «juo je ne dis à personne ; » et c’était précisément ce qu’il venait do
révéler à tout lo monde. Lorsque, plus tard, on venait à parler devant lui «le ce qu’il avait
enseigné 'publiquement , mais qu’il pensait lui avoir été dérobé, il criait au plagiat et se
répandait on invectives contre ceux qu’il accusait «le ces larcins. 8a préoccupation à ce sujet
était telle qu'il allait jusqu’à s’attribuer toutes les découvertes des chimistes étrangers, décou-
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30 PREMIÈRE PARTIE.
vertes qu'il croyait fermement avoir faites avant eux. Ses récriminations et ses plaintes fai-
saient en quelque sorte partie <ie ses cours, en sorte qu’à telle leçon on était sûr d’avoir une
attaque contre Manquer ou Malouin, contre Pntt ou Lelimann; à telle autre, une diatribe
contre Buffon nu Bordeu. Dans son emportement, il ne se faisait faute d'aucune injure; mais
lu plus générale, l'épithète qui revenait lit plus souvent et servait le mieux sa fureur, était
celle de plagiaire. « Oui, Messieurs! s’écriait-l-il tous les ans à certain endroit de son cours,
a en parlant du Bordeu , c’est un de nos gens , un frater, un plagiaire , qui a tué mou frère
n que voilà. » L’imputation de plagiat avait en effet à ses yeux tant de gravité, qu’il l'appli-
quait aux plus grands criminels, et que, (mur montrer, par exemple, toute son horreur pour
l'attentat de Damiens, il ne manquait pas de dire que c’était un plagiaire.
Dans le monde, Rouelle était le véritable type du savant, absorbé dans ses rêveries et
dédaigneux des lois de la bienséance. Il axait tellement l'habitude, dit Orimm , de s’aliéner la
tête, que les objets extérieurs n’exislaieut pas pour lui. Il se démenait comme uu énerguméno,
il se renversait sur sa chaise, se cognait, donnait des coups de pied à son voisin, lui déchirait
ses manchettes , sans en rien savoir. I n jour, se trouvunl dans un cercle où il y avait plusieurs
dames, et parlant avec sa vivacité ordinaire, il défait sa jarretière, tin- son lais sur son soulier,
se gratte 1a jambe avec les deux mains , remet ensuite son bas et sa jarretière, et continue sa
conversation sans avoir le moindre soupçon de ce qu'il venait de faire. Dans ses cours, il
avait ordinairement son frère et son neveu, pour l’aider à faire les expériences; mais, ces
aides ne se trouvant pas toujours prés de lui , Rouelle s'écriait : A errti , éternel neeeu ! et
l’étemel neveu ne venant point , il s'en allait lui-même dans les arrière-pièces de son labo-
ratoire chercher les vases dont il avait besoin. Rendant celte opération, il coidiuuait sa leçon,
comme s'il était en présence de ses auditeurs. A son retour, il avait ordinairement achevé la
démonstration commencée, et rentrait en disant ; Oui , Messieurs !... Alors on le priait de
recommencer, ce qu'il faisait volontiers , croyant seulement avoir été mal compris.
Bien qu'il sût manier les appareils avec une grande habileté, et les modifier selon le besoin
des expériences et des démonstrations, sa pétulance et le tremblement habituel de ses mains
l'exposaient à mille accidents auxquels il échappa souvent comme par miracle. Au commen-
cement de son cours du Jardin du Roi, il avait coutume d'employer plusieurs leçons à décrire
minutieusement le moyen de percer les ballons de verre pour y pratiquer des tubulures et à
exécuter lui-même, en présence des auditeurs, cette opération qu'il regardait comme très-
importante. Tout en déclamant contre la maladresse et l'étourderie do ceux qui cassaient les
ballons, faute de connaître son procédé, il ne manquait pas d'en briser plusieurs des plus
beaux ; mais il ne se décourageait point Pt recommençait jusqu’à ce qu’il eût réussi.
On conçoit qu'ayant l’esprit toujours tendu sur l’objet de ses recherches. Rouelle restât
complètement étranger à certaines idées tout à fait en dehors de sa sphèro habituelle. Aussi
apportait-il dans le monde et dans la conversation, avec ses formes étranges, une bonhomie
naïve qui lui donnait quelques traits de ressemblance avec Jean Lafontaine. Hors de son
laboratoire, et dés qu'il perdait de vue ses appareils, il semblait ne plus rien comprendre au
monde et à la société, l.n jour, cher M. de Buffon, on parlait des mouvements instinctifs
dont on n'est pas maître. — a Par exemple, disait le cardinal de Bemis, il m'est impossible
n d’entrer dans une église sans courber la tète. — Il y n en effet, reprit Rouelle, certains
« mouvements naturels et machinaux dont il n’est pas facile de se rendre compte. Pourquoi,
« par exemple, les ânes et les canards baissent-ils toujours la tête quand ils pi ss nt sous des
o arcades ou des portes cochères? » — Et, comme on le regardait en souriant ; — n Oui,
n Messieurs, ajouta-t-il, j'ai fait cette expérience, moi; j'ai fait passer des ânes et des canards
u sous la porte Saint-Antoine, et même sous la porte Saint-Denis, qui est bien autrement
n haute. Eh bien! Messieurs, vous me croirez si vous voulez, mais je vous donne ma parole
« d'honneur que je n’en sais pas plus que vous à ce sujet. » — n Monsieur Rouelle, répliqua
« M. de Bernis. voilà une idée qu'on ne vous volera point; le public ne manquerait pas de
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HISTOIRE.- 1739- 1771. 31
n lapider lu plagiaire. » — Ne croirail-nn pas entendre le fabuliste demander à un docteur
de Sorbonne si saiut Augustin avait autant d'esprit que Ratielais, et le douleur lui répondre :
ii Prenez garde, Monsieur de Lafontaine, vous avez mis un de vos bas à l’envers; n ce qui
d’ailleurs était vrai.
Quoiqu'il n'eût jamais pu s'assujettir aux formes banales de la politesse et aux usages du
monde. Rouelle n’en était pas moins défenseur ardent et religieux des lois, des institutions
et de tout ce qu’il crevait digne de ses respects. Il portait l’amour de la patrie jusqu'au fana-
tisme. Les grands événements politiques et militaires le préoccupaient au point de balancer
dans son esprit l'intérêt qu'il prenait aux progrès des sciences et qu’il trouvait parfois l’occa-
sion d'en entretenir ses auditeurs au milieu même de ses leçons. C’est ainsi que, pendant la
guerre qui, en 1756, venait d’éclater avec l'Angleterre, il voulait aller commander les bateaux
plats, et assurait avec confiance « qu'il possédait un arcane à l'aide duquel il se flattait de
o brûler Londres et d’incendier sous l’eau toute la flotte anglaise. » Crimm raconte que le
lendemain du jour oü parvint la nouvelle de la défaite de ltosbacli (1757), il le rencontra tout
écloppé et marchant avec peine. — n Eh ! mon Dieu, Monsieur Rouelle, lui dit-il, que vous
« est-il donc arrivé? » — «Je suis moulu, répondit le chimiste, toute la cavalerie prussienne
n m'a marché celte nuit sur le corps. » Le même jour il se trouvait au Jardin du Roi, et 1a
conversation ayant roulé sur le même sujet, il ne manqua pas de traiter le prince de Soubise
d'ignare, d’esprit obtus, de criminel, et enfin de plagiaire. « Mais, lui dit M. de Ruffou, ce
a n’est point un plagiat que de s’être laissé battre par les Prussiens, c’est au contraire une
n invention toute nouvelle de M. de Soubise. n — « Ne le défendez pas, s’écria Rouelle,
n c'est un animal infime, un mulet cornu, un double cochon borgne! Je suis sûr qu’il a
« quelque chose de vicié dans la conformation. »
Quelque grave et consciencieux que fût habituellement M. de Ruffon, il s’avisa pourtant de
faire un jour à Rouelle une assez piquante espièglerie. C'était d’ailleurs une mystification
toute scientifique. Il écrivit une sorte de dissertation sur l’organisation présumable des jeunes
rentaures, et il l’adressa par la poste au savant chimiste. Rouelle ne manqua pas de se ré-
crier, et, le jour même, il disait à tout le monde qu’il n'y avait pas, dans cet essai, une seule
observation qui n’eût été pillée effrontément dans ses leçons et dans ses écrits.
Rouelle était d'une taille moyenne, scs traits étaient assez réguliers et sa physionomie
remarquable par la vivacité et l'expression. Son caractère était naturellement doux , affec-
tueux, serviable; mais, à la moindre contradiction, il s'irritait et sa brusquerie allait parfois
jusqu’à la violence. La simplicité de ses moeurs, l'inflexibilité de sa vertu, son désintéresse-
ment surtout ne se démentirent dans aucune circonstance. Il n’accepta jamais des fonctions
qu’il se croyait incapable de remplir. Plusieurs années avant sa mort, il avait résigné celles
qu'il ne pouvait convenablement exercer. Étant sur le point de livrer à l'impression son cours
do chimie, un libraire de Londres vint lui en offrir cinq cents louis de plus que les libraires
de Paris; Rouelle refusa par patriotisme, et ce cours ne fut jamais imprimé.
l ue telle austérité do principes n’expliquerait-elle pas jusqu’à certain point celle brusquerlo
de tempérament et cette haine, contre les plagiaires; sorte de monomanie assez semblable à
celle de Jean-Jacques, qui ne voyait dans tons les hommes que des traîtres et des ennemis
personnels? Jean-Jacques Rousseau ne doutait pas que Louis XV et le duc de Choiseul n’eus-
sent agi à l’instigation de Voltaire en s’emparant de l’Ilc de Corse, précisément tandis qu’il
était à rédiger pour cette lie un projet de constitution, et qu’on en eût fait la conquête, uni-
quement pour lui ûter la gloire d’en être le législateur.
Rouelle était membre de l'Académie royale de Stockholm, de celle d'Erfurt et associé de
l'Académie des sciences. Eu 1753, il fut chargé par le ministre de la guerre d'examiner un
nouveau procédé pour la fabrication et le raffinage du salpêtre. L'année suivante, le ministre
des finances lui confia un travail sur l’essai des monnaies d’or. Il se livra à ces recherches
avec une ardeur qui ulléra profondément sa santé. Dès l’anpée 1788, sentant scs forces s'al-
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32 PREMIÈRE PARTIE.
faiblir, il s'était demis, en faveur de son frère, de la chaire île chimie au Jardin du Roi. Depuis
lors, il traîna une vie languissante et douloureuse, il perdit l'usage de ses jambes, et, trans-
porté à Passy, il y mourut en 1770, à l'Age de soixante-sept ans.
Quel que fût l’éclat <]ue l'ouvrage de lluffou et de Dauheulon venait de répandre sur l’his-
toire naturelle, cl en particulier sur la zoologie, la célébrité ipte le Jardin du Roi recevait des
cours si suivis de llunauld , de AVinslow et de Rouelle n’en devait pas souffrir. Igi botanique
y était toujours représentée par les deux hommes vénérables qui avaient tant fait pour elle, et
qui préparaient avec patience h l’étude du règne végétal un avenir plus brillant encore.
Antoine de Jussieu mourut eu 1738, après avoir professé pendant quarante-neuf ans. Sa
longue pratique médicale lui avait acquis une assez Mie fortune, ce qui lui permettait île
faire de grands sacrifices en faveur de la science. .Nous avons vu que, sous l’administration
regrettable de Chirac et de Chicoisueau, il s’élail vu obligé plus d’uno fois d'acheter de sa
bourse des graines , des instruments de culture et même ITes engrais ; plus tard , il envoya , à
ses frais, des jeunes gens dans différentes parties de la France, pour recueillir des plaides
qu'il voulait acclimater à Paris. Enfin , son herbier et sa bibliothèque offrirent souvent aux
étudiants des ressources que rétablissement ne possédait pas encore. Il avait dirigé vers la
médecine et vers la botanique les études du plus jeune de ses frères, Joseph de Jussieu, qu'il
lit adjoindre aux académiciens chargés, eu 1735, d'aller au Pérou pour mesurer un arc du
méridien. Ce frère, passionné pour les voyages, et très-versé dans les mathématiques, par-
courut plusieurs parties de l' Amérique du Sud ; il observa le premier la culture des quinquinas,
et adressa plusieurs fois au Jardin des végétaux jusqu’alors inconnus. C'est à lui entre autres
que l'on doit l'héliotrope odorant, originaire du Pérou, si recherché pour l’arome de ses
fleurs, il visitait les Cordillières des Indes lorsqu'il fut nommé, en 1743, membre de l’Aca-
démie des Sciences.
I,a chaire d’Antoine île Jussieu fut donnée à Lemonnier, déjà associé de l'Académie, et
pins tard médecin du roi. Lemminier appartenait à une famille toute académique; son père,
géomètre et physicien distingué, avait fait partie de !' Académie des Sciences, ainsi que son
frère, Charles, célèbre astronome, qui figura dans cette compagnie pendant plus d’un demi-
«iècle. ils y siégèrent même tous trois ensemble pendant quatorze nus. Lemonnier (Louis-
Guillaume), le botauistc, s’élail d'abord occupé de physique; il avait rédigé Ire articles
aimant et électricité de la première encyclopédie; il fit le premier cette observation précieuse,
que la commotion électrique peut se propager instantanément à plus d'une lieue sans s’affai-
blir, phénomène dont la télégraphie a fait île nos jours une si merveilleuse application. Il
étudia aussi la médecine, et enfin diverses parties du l'histoire naturelle. C’est comme natura-
liste, qu’en 1739 , il accompagna Cassiui et Lacnille, envoyés dans le .Midi de la France pour
y prolonger la méridienne de l'Observatoire de Paris. Il recueillit dans ce voyage de nombreuses
observations sur la botanique, sur les mines, les carrières et les eaux minérales. Au moment
de la mort d’Antoine de Jussieu, il était absent, comme médecin des armées, et sa nomination
lui parvint pendant le cours de la campagne de Hanovre. A son retour, il voulut céder cette
place à Bernard de Jussieu, son maître vénéré , mais celui-ci refusa.
Lemonnier, encore jeune , avait été nommé médecin de l’infirmerie de Saint-fiormain-en-
Layo, et allait souvent visiter un jardinier-fleuriste , nommé Antoine Richard , qui le pria do
disposer les plantes de son jardin suivant le système de Linné. Le duc d'Ayen, depuis maréchal
de Noailles , grand amateur d’horticulture , l’y rencontra , le prit en amitié , et , sous les inspi-
rations de Lemonnier, sou vaste parc ne tarda pas à se couvrir des plus beaux arbres , qu’il
parvint à se procurer de toutes parts. Louis XV ayant visité et admiré ce jardin , désira eu
établir un semblable à Trianon, et voulut connaître le botaniste qui en avait dirigé les planta-
tions. Le duc d'Ayen , saisissant cette occasion de servir son jeune ami , courut le chercher,
et , sans le prévenir, le conduisit devant le roi. Lemonnier montra une telle émotion , en se
trouvant en présence du monarque, que le roi en fut touché, et lui donna de» marques d’une
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HISTOIRE. - 1739- 1771.
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affection qui se changea liienlAt en une véiilable fureur. Il Ici nomma son botaniste , puis
médecin îles armées, et colin professeur île botanique au Jariliu, A la place il' Antoine île
Jussieu.
Lemonnier ne profita île son créilit qu’en faveur de la science. Son premier mouvement fut
do désigner Bernard de Jussieu pour directeur des cultures au Jardin de Trianon, et de placer
sous ses ordres, comme jardinier en chef, Antoine Richard. Il fournil ainsi A l'illustre bota-
niste l’occasion de faire une première application dé la méthode naturelle, événement presque
inaperçu d’abord, mais qui, plus tard, changea la marche de la science, et replaça In France
au rang dont les travaux de l.inné l'avaient fait déchoir. Lemonnier se lit suppléer dans ses
cours par Antoine-Laurent de Jussieu , neveu de Bernard , encore bien jeune à celte époque,
mais dont il sut pressentir les hautes destinées. Il décida le ministre à envoyer Simon et
Michaux en Perse, pour y faire des recherches relatives à la botanique. Quelques années
après, Antoine Richard fils parcourut les côtes, les Iles do In Méditerranée, et alla, avec
Aublet, visiter Cayenne. Piraut fut envoyé sur les bords de l’Euphrate, Poivre aux Indes et à la
Chine, Desfontaines parcourut l'Atlas et Lahillardière visita le Liban. Lemonnier lui-mème,
explora plusieurs parties de la France & diverses époques. En 1745, il avait herborisé avec
Linné , Antoine et Bernard de Jussieu. Trente ans plus tard, il eut le bonheur de faire quelques
herborisations avec Jean-Jacques Rousseau.
Lemonnier avait amené Louis XV à prendre un intérêt réel A l'étude des plantes. On créa è
Auteuil et à Marlv des jardins botaniques, qui furent comme des succursales de celui de
Trianon. Lo Roi les visitait souvent et, plus d'une fois, Linné et Haller reçurent des graines
recueillies de la main du monarque. Linné en témoigna sa reconnaissance, eu donnant le nom
do ludtrigia à une plante de la famille des Onagracées, comme il dédia au duc d’Ayen une
Malvacée ( Ayenin ). Aublet dédia A Lemonnier lo genre JUunneria, de la famille des Hutacées.
i
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PIIKMIÈRE PU1TIF..
Claudo Richard fut place à la tête du Jardin d’Auteuil. C'est là que naquit le célèbre bota-
niste Louis-Claude Richard, son fils, professeur à la Faculté de Médecine et membre de
l’Académie des Sciences. Celui-ci donna le jour à Achille Richard, aussi professeur à la Faculté
et membre de l’Académie, mort tout récemment : perte cruelle , dont la science ne s’est con-
solée qu’en appelant le docteur Montagne à siéger à la place laissée vacante si prématurément.
Lemonnier a puissamment contribué à l’acclimation , en France, des beaux arbres et des
belles fiours. Il les répandit non-seulement dans les jardins «le Saint-Germain, de Trianon, de
Rellevue , d'Auleuil et de Paris , mais il les distribuait aux amateurs , et chercha à en peupler
nos champs et nos furéts. Il fit planter des cèdres «lu Liban dans le Roussillon, des pins de
Wevinouth à Fontainebleau, des pins maritimes et des pins du Nord dans les environs de
Rouen et du Mans. Il pmposa aussi «le planter des pins de Riga , si précieux pour la marine
et qui réussirai«*nt très-bien dans certaines localités. Quant aux fl»*urs et aux arbres d’orne-
ment, c’est à lui que l'on doit la belle «le nuit à longues fiours, l’acacia à fleurs roses,
l’amandier à f«*uilles satinées; il a multiplié les kahnias, les rhodo«!endmns et les beaux arbustes
«le l’Amérique septentrionale. C’est lui qui a introduit l'usage du terreau de bruyère, si utile
p«>ur la culture des plantes du Cap et «le l'Amérique.
L«*monni«*r poursuivit pendant de longues années sa carrière d<* savant , p«*u empressé <!«•
tirer parti «le la faveur «|u’il avait acquise «*t fort étranger aux intrigues qui l’environnaient
Médis'in aussi charitable que «lésintéressé , dès «ju’il habita In c«>ur, il ne re«;ut plus d’Iiono-
raires pour sa pratique civile. A la mort «h1 Lassone, en 17HN, il fut nommé premier médecin
«le L«>uis XVI, i*i fil preuve «l*‘ courage, comme de «lévouemenl à son souverain, «*u continuant
de le visiter dans sa prison jusqu’au moment fatal. La bonté affectueuse, la dignité modestie
«jui éclataient sur sa physionornù*, commandaient le aspect et lui sauvèrent la vie, nu 10 août
1792. Il habitait alors le château, et, malgré son grain! Age, il cnit devoir, dans colto journée,
concourir à la «léfenso de ceux qu’il servait. Lorsque le peuple se fut reudu maître «le la place,
il se relira dans la chambre «pi’il occupait ntl pavillon de Flore. La porto est forc«*e, la multitude
l’entoure, le menace, et, il se préparait à la mort, lorsqu’un inconnu l'apostrophe rudement
et lui onlonne de le suivre. On l’entraîne à travers les morts, les blessés et le f**u dos combat-
tants; son conducteur et lui traversent sains et saufs le pont Royal , et parviennent jusqu'au
Luxembourg. Pendant la route, son gui«Ie lui avoue «jue, chargé «l’une partie «le l’attaque, il
avait été frappé de son air vénérablo , et «pie le respect qu’il lui avait inspiré l’avait décidé à
sauver ses jours.
Les événements de l'époque enlevèrent à Lemonnier toute sa fortune , qui n’était pas consi-
«lérable, car son désintéressement, comme son zèle pour la scien«?«, ne lui avaient pas permis
«le faire beaucoup d’économies. Sa bihliolliè«jue seule avait «juelque valeur, mais il ne put se
résoudre à s’en séparer. Pour subvenir à son existence et pour continuer à être utile, le
savant vieil la ni se décida à s'établir dans une petite boutique d’herboriste, où il vécut pendant
plusieurs anmVs, mêlant à son débit de plantes médicinales d’excellents conseils sur leur emploi
«lans les maladies, luttant sans démuragement contre l’adversité et contre le chagrin «le voir
tomber sous la violence des factions ses protecteurs, ses amis, et ces I>eaux arbres qu’il avait
plantés, l'ne «le ses nièces, encore très-jeune, se décida à l’épouser déjà octogénaire, et lui
prodigua les plus tendres soins justju’à la mort, qui l’atteignit eu 1799, à l’âge de quatre-
vingt-deux ans.
L’enseignement «le l’anatomie au Jardin «lu Roi, avait fait également des perles importantes
pendant les dix premières années de l'administration de RufTon. Iluiiauld était mort en 1712,
la même aurns! que Boulduc. Sa place fut donnée aussitôt à Winslow, qui avait longtemps
suppléé Duvcrney et vainement esp«*ré sa survivance. Winslow était neveu «lu célèbre anato-
miste Sténon, de Florence; il avait publié plusieurs ouvrages et appartenait «lepuis longtemps
à l’Académie. Rien qu’il fût alors âgé de soixante-treize ans, celte circonstance ranima son
ardeur scientifique; il reparut avec honneur dans la chair*.* professorale, qu'il occupa encore
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HISTOIRE. — 1 739- 1771.
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pendant huit années, et montra qu’il n’avait rien perdu de son zèle ni de ses talents. Winslnw
était un observateur ingénieux, précis, méthodique; on peut le regarder comme le vrai créateur
de l’anatomie descriptive. Il ne mourut qu’en 1760, âgé de quatre-vingt-douze dns.
Lorsqu’il sentit qu’il ne pouvait plus remplir ses fonctions avec la même exactitude , il
demanda un successeur. On désigna pour cet emploi Antoine Ferrein, qui en prit possession
en 1758. Ferrein, né à Frespesch en A génois, avait été suppléant d’Astruc, à la Faculté de
Montpellier. Mécontent d’un passe-droit, dont il avait été victime, il était venu à Paris, où,
en peu d’années , il devint médecin en chef des hôpitaux militaires , professeur au Collège do
France et membre de l’Académie. Il avait soixante-cinq ans lorsqu’il fut appelé à remplacer
Winslow au Jardin du Roi. Il ne professa pas moins avec distinction et forma d’illustres élèves,
qui figurèrent parmi lis meilleurs anatomistes du dernier siècle. Il mourut en 1769. Sur la (in
de sa vie, il fut suppléé par Portai , alors fort jeune. Sa chaire fut donnée à Antoine Petit.
Duverney neveu (Jean-François-Marie), mourut en 1749, et fut remplacé par Mertrud ,
chirurgien distingué. Duverney avait été le premier démonstrateur titulaire d’anatomie, et
avait publié une miographie complète. C’était un homme modeste, instruit, fort apprécié pour
ses qualités personnelles. Daubenton s'honorait d’avoir été son élève et le citait toujours avec
estime et vénération.
C/pst alors que surgit une série de jeunes et brillants professeurs qui, forts des succès déjà
acquis à renseignement du Jardin du Roi, excités surtout par l’exemple du chef de cette grande
école, tentèrent d’heureux efforts pour se montrer dignes de leur mission et surent glorieu-
sement l’accomplir. Leur célébrité, toutefois, ne prit son essor que dans la période consécutive
A celle dont nous nous occupons. Les vingt années qui nous en séparent encore sont d’ail-
leurs suffisamment remplies par les travaux de Ruffon, de Daubenton, et par ceux de quelques
naturalistes chargés d’aller recueillir sur divers points du globe de nouvelles richesses, comme
d’v propager, avec la renommée de nos savants, les récentes et rapides conquêtes de la
science.
Aussitôt que l’apparition des trois premiers volumes do Y Histoire naturelle eut révélé au
monde savant toute la portée de cette grande entreprise et le savoir comme le talent des deux
auteurs, RufTon fit un appel à tous les naturalistes de l’Europe, pour en obtenir des objets
destinés à enrichir le cabinet du roi. Cet appel fut entendu par tous ceux qui comprirent dès
l'abord tout l’avenir que ce travail préparait à l’histoire naturelle, et qui désiraient y concourir
de quelque manière. Le local devint bientôt trop étroit pour recevoir toutes ces richesses ;
Ruffon se décida alors à quitter son logement de l’intendance pour le consacrer à de nouvelles
galeries. Le cabinet s’augmenta en conséquence de quatre grandes salles contiguës et bien
éclairées; les deux premières reçurent les animaux empaillés, la troisième les minéraux, et
la quatrième l’herbier, les bois et autres objets du règne végétal. Ces salles furent ouvertes
au public deux fois par semaine, et confiées à la garde de Daubenton, qui se fit adjoiudre
son cousin, connu sous lo nom de Daubenton le Jeune; celui-ci prit le titre de sous-
démonstrateur.
Le peintre Auhriet était mort en 1743. On sait qu’il avait accompagné Toumefort dans 1-
Levant. Indépendamment des nombreux vélins dont il avait enrichi la collection du Jardin, il
avait fait les dessins des Éléments de Botanique, du corollaire des Institutions , de Toumefort,
et ceux du Botanicon parisiensis , de Vaillant. Auhriet , d’ailleurs fort bon botaniste, s’était
attaché surtout à reproduire les détails des plantes nouvelles que , dans ses voyages , il avait
dessinées sur les lieux. Dans les dernières années de sa vie, il se fit seconder par M,,c Bassopnrtc,
dont le talent, malgré tout son zèle, ne s’éleva jamais à la hauteur de celui du maître qu’elle
était appelée à remplacer.
Les cultures étaient dirigées par Rertambnise , jardinier habile, formé par les soins de
Bernard de Jussieu. Rrrtambnise étant mort en 1715, fut remplacé, comme jardinier en chef,
par Jean-André Thouin , de Stord , près Elle- \dam , le chef de la savante famille dont le nom
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Î8 PREMIÈRE PARTIE.
reviendra pins d’une fois dons ce nicit , cl A qui la science , l'asronomie el la prospérité du
Muséum doivent «le si reconnaissants souvenirs.
lîuffon et Daubenton avaient travaillé dix ans avant «le mettre ail jour l«»s trois premiers
volumes «le V Histoire naturelle. I n nouvel intervalle «l«* ijnutro ans s’écoula avant l'apparition
du quatrième volume; mais, h partir «le 1753, ils publièrent à peu près chaque année un
nouveau volume, en sorte qu’en 1767, il en avait paru «piinze. Lo plan, les théories générales,
la peinture des ino*urs des animaux , le tahleau d«*s grands effets «le la nature, en un mot tous
les morceaux d’éclat étaient «le la main «le BulTon; à Daubenton appartenaient toutes les
observations «le «létail et toul«*s les descriptions anatomiques. C’iHait le inaguilbpie prodrome
d’un ouvrage que ni l’un ni l’autre ne «levait voir terminé, mais «pii formait les premières
nssis<\s «lu plus beau monument qui eût encore été élevé À l'histoire de la nature.
La renommée de Buffon était désormais établie sur une hase inébranlable. Ce style coloré
ot grandiose, appliqué a «les objets décrits jusque-là sans clarté et sans éloquence, ces grandes
images, ces tableaux si éclatants et si neufs , éveillèrent et saisirent vivement tous les esprits.
La langue française, avec sa pureté et sa précision scientifique, l’ébnpience, la poésie mémo
venaient «le faire invasion dans une science, pour ainsi «lire, toute nouvelle. L’ouvrage trouva
de nombreux lecleurs, et lit naître do tout«*s parts h* goût «le l’histoire naturelle. Les gens
sérieux y virent une source d’étude et <rappli«'.alions utiles , lo désœuvrement et la curiosité y
trouvèrent une distraction; les cabinets se multiplièrent ; les gramis, les souverains s’intéres-
sèrenl a la science, et les naturalistes prirent une meilleure place dans un monde jusque-là
tout à fait étranger à ces merveilles «ju’il avait sous les yeux , mais qu’il ignorait.
La collaboration de Daubenton ne se borna point à ajouter certains détails scientifiques aux
descriptions brillantes, aux s«’*duisantes théories «le Buffon; celui-ci reçut plus d’une fois
de son ami, et presque à son insu, des services d’une autre nature. BufTon, ardent, impérieux,
d’une coinplexion vigoureuse, voulait plutôt deviner la vérité que l’observer; son imagination
lui faisant devancer l’explication réelle «les faits, il plaçait souvent lo raisonnement et l’hy-
pothèse avant l’expérience. Daubenton, nu contraire, «l’un tempérament délicat, «l’une nature
modeste, plein do sagesse et do mesure, portait dans ses travaux une exactitude, une circon-
spection soutenue et «consciencieuse; sa patience était inépuisable et il luttait à la fois de
toutes les forces do son esprit contre l’imagination de Buffon et contre la sienne propre.
Buffon avait au plus haut point l'esprit de système; il voyait surtout les faits dans leur
ensemble et croyait perdre quelque chose «le la hauteur «le ses vues en s’appliquant à l’obser-
vation des détails. On sait qu’ayant montré h Guyton de Morveau un minéral «lont il ignorait
la nature, et le chimiste lui ayant proposé «le l’analyser par la calcination : «« Le meilleur
creuset , s’écria Buffon , c’est lo génie ! »>
Après la publication des quinze premiers volumes , Daubenton cessa d«* prendre part aux
suivants, parce que Buffon avait permis au libraire Punckoucke «I«ï faire une édition «le 17/ w-
toire des Quadrupèdes, dont on avait retranché la partie descriptive el anatomique. Daubenton
s’en était assez justement offensé. S«*s descriptions ajoutaient un grand prix scientifiquR à
l’ouvrage, mais elles n’avaient ce mérite qu'aux yeux des savants et des observateurs. Buffon,
«pii aimait à s’entendre dire que l’ouvrage, réduit aux parties «ju’il avait seul traitées, en aurait
un succès plus général , se détermina à ces retranchements , «pii le réduisaient presque à
n’offrir qu’un intérêt purement littéraire. C’est ce dernier point de vue, poussé jus«|u*à l’exagé-
ration dans «les éditions ultérieures, «jui a fini par faire disparaître le naturaliste devant l’aca-
Uéniicien, el réduit les trente-six volumes in-4° de V Histoire naturelle, aux proportions d’un
mince volume in- 18 , placé parmi les modèles classiques «le la langue française. Les regrets
«les hommes «le science consolèrent lé modeste Daubenton, qui n’en resta pas moins dévoué à
son compatriote et à son ami , «pi'il regardait aussi comme son bienfaiteur.
La partie de ces quinze volumes, qui est son ouvrage, comprend la description extérieure
et intérieure de cent quatre-vingt-deux espèces de quadrupèdes, dont cinquante-huit n’avaient
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HISTOIRE. — 1739- 1771. 37
jamais été disséqués, et dont treize n'avaient pas même été décrits extérieurement. Elle ren-
ferme aussi la description extérieure seulement de vingt-six espèces, dont cini| n'étaient pas
connues. On ne saurait donner trop d'éloges à ces descriptions, conçues sur mi plan uniforme
et présentées avec autant de clarté ipie de précision. On les regarde comme le véritable point
de départ de l'anatomie comparée, et elles sont si fécondes, aux yeux des observateurs, en
Conséquences générales, que Camper avait dit : « Daubenton ne sait pas toutes les découvertes
o dont il est l'auteur! »
L’intérêt que Buffon prenait à la zoologie, ne lui faisait point négliger l'enseignement de lu
botanique et les soins indispensables à la culture des plantes. Lemonnier professait toujours
avec un succès remarquable. Bernard de Jussieu, trop retenu à Trianon, exerçait encore au
Jardin une grande influence*. « C'était, dit Cuvier, le plus modeste et |>eiit-êlre le plus profond
botaniste de l’Europe, » et pourtant ses rivaux se nommaient Linné, Adanson, Haller! Bien-
veillant, désintéressé, passionné pour la science, il aimait ses élèves et s'occupait de leur sort
presquo autant que de leur instruction. Nous avons dit qu’il avait appelé de Lyon son neveu,
Antoine Laurent, (ils de Christophe, l’aîné de ses frères. Il expliqua à eu neveu ses vues sur
les rapports naturels des plantes et sur la eoonlinalion de tous les êtres qui composaient le règne
végétal. Ce système, qu'il ne développa jamais par écrit, mais dont il avait fait une applica-
tion silencieuse à Trianon , était le couronnement do sa vie scientifique , comme il allait servir
d'introduction à son neveu dans la même carrière. En 1769, Bernard de Jussieu était le seul
survivant des professeurs que Buffon avait trouvés au Jardin du Roi, quand il avait |>ris les rênes
de son administration. l’eu à peu ses forces l’abandonnèrent, il devint aveugle, et il s'éteignit
doucement en 1 777 , chargé d'années , moins encore que de gloire et de vertus.
Antoine-Laurent de Jussieu , présenté par Lemonnier, à l’âge de vingt et un ans , comme
son suppléant à la chaire de botanique, fut agréé par Buffon. Encore peu exercé au professo-
rat, il lui fallait souvent apprendre la veille ce qu’il devait enseigner le lendemain; mais le
moment n’était pas éloigné où il devait prendre son rang dans la science d’une manière écla-
tante. Il avait vingt-deux ans quand il se fit recevoir docteur en médecine; trois ans plus tard,
il présentait à l’ Académie des Sciences son Mémoire sur les Henonculacées, disposées en
famille naturelle. Il y établissait d'une manière nette et positive le principe de la valeur relative
et de la subordination des organes des plantes. Sa vocation était décidée ; il allait continuer
dignement et rehausser encore la célébrité scientifique du nom qu'il portait.
A.-L. do Jussieu songeait déjà à introduire dans l’école botanique du Jardin du Roi la distri-
bution qup son oncle avait établie avec tant do succès dans le Jardin de Trianon. Dés l'année
1774, il entreprit celle réforme, sur laquelle nous aurons occasion de revenir. Le jardinier en
chef, Jean-André Thouin, était mort en 1764, laissant une veuve sans fortune et chargée de
famille. L'atuédc scs six enfants, André, à peine âgé de dix-sept ans, était né au Jardin en
1747 ; la culture et l'étude des plantes avait été sa première et presque son uniquo occupation.
Buffon, qui l’avait vu naître, s’intéressa à lui. Lo jeune homme était intelligent, laborieux,
et se sentit le courage de remplacer son père. Bernard de Jussieu et Richard , le jardinier do
Trianon, obtinrent en sa faveur lo consentement du Roi, et André Thouin ne tarda pas à jus-
tifier la bonne opinion qu'il avait inspirée à ses protecteurs. Nous le verrons plus lard, homme
de théorie comme de pratique, devenir membre do l’Académie, professeur au Jardin du Roi,
directeur des cultures, et rendre à l'établissement, comme à la science, les services les plus
signalés.
Mais les soins de Buffon s’étendirent encore plus loin. Il voulait que le cabinet et le Jardin
du Roi devinssent le répertoire le plus étendu , lo plus complet des productions de la nature
dans les trois règnes, et il obtint du Gouvernement qu'un certain nombre de naturalistes fus-
sent envoyés sur les points les plus reculés du globe, pour v recueillir tous les objets d'histoire
naturelle destinés à accroître et à compléter ses collections. Ces voyageurs devaient payer en
mémo Ictnp à la s-'once des tributs do plus d'une nature ; la géographie, l'histoire, la navi-
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38 PREMIÈRE PARTIE.
Ration, l'ethnographio, l'archéologie et plusieurs autres branches des connaissances humaines,
leur durent on effet d'importants et rapides progrès, comme cette période mémo va nous en
fournir de brillants exemples.
Parmi ces naturalistes voyageurs, il en est qui ne furent pas revêtus d’un titre officiel,
mais le zèle dont ils firent preuve pour la prospérité de l’établissement, et les précieux objets
dont ils 1'ciflrichirent , autorisent A mêler leurs noms A ceux dont l'histoire du Jardin du Roi
aime A s’enorgueillir. De ce nombre est sans contredit Pierre Poivre, né A Lyon en 1710,
«l’une famille de négociants estimés. Elevé par les missionnaires de Saint-Joseph, Poivre
manifesta de bonne heure son goût pour les voyages et son aptitude pour les sciences. On
l’envoya A Paris aux Missions étrangères, qui désiraient se l’attacher, et, tout en terminant sa
théologie, il se livra avec ardeur A l’étude de l'histoire naturelle, du dessin et des procédés des
arts. Parti à vingt ans pour la Chine et la Cochinchine, il apprit la langue du pays et recueillit
un grand nombre d’observations précieuses. En revenant en France, son vaisseau fut pris par
les Anglais. Il eut un bras emporté dans le combat, fut fait prisonnier et conduit A batavia.
On l’envoya ensuite A Pondichéry, où il se trouva lors de l’expédition de Madras, et passa
quelque temps A l'Ile-de-France. Il s’embarqua avec La bourdonnais pour revenir en Europe,
mais il fut pris «le nouveau par les Anglais sur les cèles «h» la Manche, conduit A (îuemesey
et rendu A sa pairie A la paix de 1745. Malgré ses dangers et ses souffrances. Poivre continua
avec une admirable activité A observer tout ce qui, dans les contrées qu’il eut occasion de
parcourir, se rapportait A la géographie, A l'histoire naturelle, A l'administration et au com-
merce. A sou retour, il présenta ces résultats A la Compagnie des Indes; il fit comprendre A
ses commissaires l’importance d’ouvrir un commerce «liront avec la Cochinchine, ainsi que
l’opportunité de transporter aux Iles «le France et «le bourbon les épiceries cultivées aux
M»lu<pi<‘s. On le chargea «le poursuivre l'exécution de ce proj«*t; il repartit pour la Cochin-
chine, comme ministre «lu Roi de Fronce, et oblint l’établissement «l’un comptoir français à
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HISTOIRE. — 1739- 1771.
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Fai-Fo. Il no roussit pas aussi bien dans le second projet ; il transporta pourtant quelques
plants d'épiceries 4 l'Ile-de-France , et publia tous les renseignements qu’il avait recueillis
relativement à leur culture. Il retourna ensuite à Madagascar, Ile encore fort mal connue, et
y continua ses observations & travers mille dangers. En repassant en Europe, il fut pris une
troisième fois par les Anglais et conduit en Irlande; mais, traité avec égards, il ne tarda pas
A être rendu à la liberté. La Compagnie des Indes était alors sur le point de so dissoudre, et
l’on fit peu d'attention aux résultats qu'il annonçait. Poivre se retira alors à Lyon , où il resta
plusieurs années , pendant lesquelles il s’occupa d’agriculture et d’économie politique. Le
ministre Prasliu l'arracba à sa retraite et le contraignit, en qucbpie sorte, à accepter les fonc-
tions d’intendant des colonies. Avant de s'embarquer, il se maria, et partit en 1767, comblé
des marques do faveur du Roi et revêtu de pouvoirs très-étendus. Poivre administra pendant
six ans les Iles de France et de Bourbon, dont il réussit & réparer les désastres. Il s’y montra
le modèle des administrateurs : travaux publics , établissements de charité , institutions
d’agriculture, expéditions marilimes, finances, justice, tout fut organisé par ses soins. Il se
trouva souvent dans les circonstances les plus ilifliciles; mais, ferme, actif, désintéressé,
juste surtout et d'unu humeur inaltérable, il triompha de tous les obstacles. Il introduisit
dans ces colonies plusieurs cultnres précieuses : celles du giroflier, du muscadier et beaucoup
d'autres qui y réussirent à souhait, et s'acclimatèrent merveilleusement 11 dédia la belle
plante connue sous le nom de Pétunia, au naturaliste Pctun, qui l’avait accompagné dans
l’une de ses expéditions. C’était dons l'intérêt de sa patrie, jamais dans le sien propre, (pie
Poivre concevait ses plans, qu'il entreprenait des voyages et brnvuil les plus grands dangers.
Il eut toujours l’art de faire tourner au profit de son instruction et du bien général les vicissi-
tudes de sa carrière aventureuse : vie toute de dévouement , de piété sincère, de patriotisme,
qu'on ne saurait trop offrir en exemple et louer assez dignement.
Le Jardin du Roi s'enrichit souvent d’objets curieux que Poivre lui lit parvenir, de concert
avec son ami Oommerson , dont nous aurons bientôt à parler. Il ordonna plusieurs expédi-
tions dans un but scientifique. Le jardin de Mon-plaisir, qu’il avait formé à l'Ile-de-France,
réunissait toutes les richesses végétales de l’Afrique et de l’Inde. Poivre revint en Franco en
1773, à peu près sans fortune. On l'oublia pendant quelques années, mais Iluffon et Turgot
firent valoir ses services, cl le Roi lui accorda une [tension de douze mille livres. Il so retira
alors à Lyon, dans une campagne qu'il possédait sur les bords de la Saône, et où il mourut
en 1786.
L’n autre voyageur, 4 qui los sciences naturelles, lo Jardin du Roi, et la botanique en par-
ticulier, furent redevables du uonibrcux et importants services, est Philibert Oommerson , né
en 1727, à Obâtillon-lcs-Dombes. Son père était notaire et désirait lui voir suivre la même
carrière, mais l’élude du droit étant peu d'accord avec ses goûts, il alla étudier la médecine
à Montpellier, où il fut reçu docteur en 1747. Il se livra avec ardeur à l’élude île l’histoire
naturelle, mais surtout 4 la botanique, et commença 4 recueillir un herbier, qui devint par
la suite le [dus riche peut-être qu'un seul homme ait jamais formé lui-même. Il se mit en
correspondance avec Linné, qui l'engagea 4 décrire, pour lu Reine de Suivie, les poissons de
la Méditerranée, (lommerson y trouva l'occasion d'écrire un Traité presque complet d’ichtyo-
logie. La Reine l'eu remercia elle-même, ce qui fut pour le jeune naturaliste un encouragement
d’un grand prix. En 1755, il alla herboriser en Suisse, et y fit la connaissance du savant
Haller; il visita aussi l’Auvergne et le Dauphiné. Lalande, son compatriote, l'ayant engagé 4
venir 4 Paris , Oommerson fut désigné , comme naturaliste , pour faire le voyage autour du
monde, dans l'expédition commandée par Bougainville. Parti en 1767, il visita Montevideo, Rio-
Janciro, Buenos- Ayres , où il séjourna pendant quelque temps, et fit une riche collection de
plantes; puis, il alla aux fies Malouinos et 4 la Terre de Feu, où il observa la race des Pata-
gons. Il parcourut ensuite les côtes de la Nouvelle-Bretagne, les Moluques, l'ilo de Java,
Batavia, et arriva 4 l’Ilo-do-France on 1768. Il y trouva Poivre, alors intendant de la colouie,
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41 PREMIÈRE PARTIE.
qui l'y retint quelque iemps. C’est «le Madagascar qu’il écrivait à Lalande : «« Quel admirable
h pays! Il mériterait seul, non pas un observateur ambulant , mais îles académies entières.
» C’est à Madagascar «pie je puis annoncer aux naturalistes qu’est la véritable terre de pro-
« mission pour eux; c’est là que la nature semble s’ètre retirée comme dans un sanctuaire
« particulier, pour y travailler sur d’autres modèles que ceux auxquels elle s’est asservie
ii ailleurs; les formes les plus insolites, les plus merveilleuses, s’y rencontrent à chaque pas.
h Le Dioscoride du \ord, M. Linné, y trouverait de quoi faire encore dix éditions de son
h Système f/c ta Nature , et finirait peut-être par convenir île bonne foi que l’on n’a encore
ii soulevé qu’un coin du voile qui la couvre. »
CotfutiMOX rk<»c*Ti ni Lmi * t» IWim ut Srlot
A Bourbon , Commerson décrivit le volcan qui est situé au milieu de l’îlo et qui se trouvait
alors en éruption. Il s’occupa aussi de minéralogie et des autres branches de l’Iiistoire natu-
relle. C’est lui qui a donné le nom (Y Hortensia à cette belle plante originaire de la Chine, qui
fait aujourd’hui l'ornement de nos parterres, l ue jeune bretonne, qui l’avait suivi en qualité
de domestique, habillée en homme, le secondait avec beaucoup d’intelligence dans ses her-
borisations. C’est la première femme qui ait fait le tour du monde. Commerson mourut à
l’Ile-de-France, en 1773. Le gouvernement fit venir ses papiers, ses dessins et ses collections,
pour les déposer au Jardin «lu Boi. Quoiqu’il n’eût jamais écrit d’ouvmge complet , sa cor-
respondance avait révélé en lui un naturaliste si éminent, que l’Académie des Sciences l’avait
choisi pour l'un «le ses membres, «juoique absent. Malheureusement, cette nomination avait
lieu huit jours après sa mort. MM. de Jussieu et de Lamarck ont tiré de ses manuscrits et de
son herbier plusieurs genres nouveaux. Forster et Loureiro lui ont dédié chacun un genre,
sous le nom de Commersonia,
Mais, voici venir le plus intrépide, le plus brillant des voyageurs de cette époque, qui,
sans être un éminent naturaliste, ni un savant de premier or«lre, n’en donna pas moins la
plus vive impulsion aux recherches lointaines, et accrut d’importantos conquises le domaine
des sciences naturelles. Louis-Antoine de Bougainville était né a Paris, en 1729. Après avoir
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HISTOIRE. — 1739- 1771.
Il
lait de lionnes éludes, il se fil recevoir avocat, niais il ne larda pas à abandonner le barreau
pour la carrière militaire. Doué d'une aptitude remarquable pour les sciences mathématiques,
quinze jours après s'étre fait inscrire au* mousquetaires noirs, il publia lu première partie
d'un Traité du Calcul intégral (1752). L'histoire do sa vie est remarquable par la variété des
objets dont il s'occupa et par la multitude des événements qui la remplirent. En 1751 , il était
aide de camp de Chevert, au camp de Sarrelouis; la même année, il alla à Londres, comme
secrétaire d'ambassade et il y fut reçu comme membre de la Société royale. Deux ans après,
il fut nommé aide de camp du marquis de Monlcnlm, chargé de la défense du Canada. Parti
do Brest en 1756, comme capitaine de dragons, et mis à lu tête d’un détachement d’élite, il
s’avança à travers mille dangers jusqu'au fond du lac du Saint-Sacrement , et brûla une flotille
anglaise sous le fort même qui la protégeait. Il se couvrit de gloire dans celte campagne, et
fut blessé d’un coup de feu & la tête. Le gouverneur du Canada l’ayant envoyé en Franco
pour demander des renforts, Bougainville se présenta au ministre qui, préoccupé de la situa-
tion intérieure de la France, lui dit avec humeur : « Eli, Monsieur! quand le feu est à la
« maison , on ne s’occupo pas des écuries. — On ne dira pas du moins , Monsieur, répondit
n Bougainville, que vous parlez comme un cheval. »
Il retourna au Canada, en 1759, avec lo grade de colonel; le marquis de Monlcnlm lo
nomma commandant des grenadiers, et lo chargea do couvrir la retraite de l'armée française
sur Québec. Bougainville s’acquitta de celte mission avec sa bravoure et son habileté ordi-
naires. Après la bataille oh le gouverneur fut tué, il revint en France, et partit pour l’Allemagne
comme nido de camp do M. de ChoiseuJ Stainville; mais la paix étant survenue, et obligé de
renoncer à la carrièro des armes , il résolut de devenir marin.
Bougainville, dans ses voyages au Canada, avait établi des relations avec quelques négo-
ciants de Saint-Malo, connus par la hardiesse do leurs entreprises maritimes. Il leur lit
comprendre les avantages qu'ils pourraient retirer d'un établissement commercial aux Iles
r
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Al PREMIÈRE PARTIE.
Falkland, nommées depuis îles Malouines. Ces négociants consent iront à équiper quelques
vaisseaux , et Bougainville se chargea d’aller fonder lui-même rétablissement dont il avait eu
la première pensée. Le roi le nomma capitaine de vaisseau , et il partit en 1703, à la tête do
sa petite flotte. Les Espagnols, inquiets de l'avenir de la colonie naissante, élevèrent des
réclamations prés du Gouvernement , qui ne voulut pas les mécontenter. Bougainville se vit
donc obligé de leur faire la remise de ces Iles, et revint en France. C’est «lors qu’il conçut le
projet d’un voyage de recherches autour «lu monde. Nous n’avons point à donner ici une énu-
mération, même abrégée, des nombreuses découvertes auxquelles ce voyage donna lieu. La
relation en parut eu 1771 , et plaça Bougainville au premier rang «les navigateurs modernes.
Cette expédition fil honneur à son courage, comme à son savoir et à son humanité. À son
retour, il n'avait perdu que sept hommes de l'équipage de ses deux vaisseaux.
Bougainville, pendant la guerre «l'Amérique, commanda avec distinction dans la marine
royale, et fut nommé chef d'escadre, puis maréchal «le camp. En 1790, il fut envoyé à Brest
pour calmer l'irritation qui sYlait manifestée dans l’armée navale, alors commandée par
M. d’Albert de Bions. Son intervention n’ayant pas réussi, il se relira, après avoir servi sa patrie
avec éclat pendant quarante ans. Il se livra alors exclusivement aux sciences, devint membre
de l’Institut en 1790, et fut nommé sénateur à l’avénement de l’Empire. Sa taille était élevée,
son mointien noble et élégant, sa santé robuste; il avait l'humeur enjouée, l'esprit vif, la
répartie toute militaire. Il avait projeté un voyage au pôle, et tous ses préparatifs étaient ter-
minés, lorsque le comte de Brienne arriva au ministère de la marine, et, l’ayant fait venir,
lui parla de son projet dans des termes «pii pouvaient donner à croire qu’il regardait ce voyage
comme une faveur qu'on sollicitait. «« Monsieur, lui «lit le marin , croyez-vous doue que ceci
« soit pour moi une abbaye?... » Toutefois, le voyage n’eut pas lieu. Bougainville mourut
en 1811 , à l’Age de quatre-vingt-neuf ans. Cnmmcrson, qui l’avait accompagné dans son
voyage autour du monde, lui dédia un genre «Je In famille des Nyctaginées, sous le nom de
Buginvillea,
D’autres navigateurs suivirent les traces de ceux que nous venons «le nommer, ou s'ouvri-
rent de nouvelles voies à travers les continents éloignée, toujours dans le but d’agrandir le
champ des sciences naturelles. La pério«lc qui suivra celle-ci nous offrira un grand nombre
«le ces vaillants champions, <piel<|uefois de ces glorieux martyrs de la science. En 1771,
Buffet), déjA parvenu a une immense renomnit’**, voyait se réaliser chaque jour les plans qu’il
avait conçus, et «lu’il avait su mettre A exécution A force de génie et «le persévérance. Il rêvait
encore pour rétablissement qu’il dirigeait <1«; plus brillantes destinées, lorsqu'une maladie
grave vint l’atteindre et inspira quehjuc temps A tous les amis de la science les plus sérieuses
appréhensions. Nous marquons ici la fin d’une seconde pério«le pour Y Histoire du Muséum ,
parce que, «l’une part, cet événement suspendit un moment la publication du grand ouvrage
auquel sa prospérité semblait désormais attachée, et aussi parce «juc le rétablissement do
Buffon et sa rentrée au Jardin du Roi devinrent l'occasion de modifications nombreuses, qui
imprimèrent à renseignement , comme A la science elle-même , une impulsion plus rapide et
une marche toute nouvelle.
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HISTOIRE. — 177 1-179 4.
43
TROISIÈME PÉRIODE
1771-1794
Buffon était arrivé au point culminant de sa renommée, comme naturaliste, comme admi-
nistrateur et comme écrivain. En France ainsi qu’à l'étranger, sa considération était immense.
Il avait donné la plus puissante impulsion à l'étude de l'histoire naturelle ; il avait élevé dans
l’opinion les travaux scientifiques au niveau des plus hautes conceptions de l'intelligence.
Tous les hommes qui s'occupaient de science avaient les veux fixés sur lui , cl cherchaient ,
par leur correspondance avec le grand naturaliste, à attirer sur eux-mémes quelques rayons
de sa gloire.
En 1 77 1 , il fut atteint de cette maladie qui l’éloigna, pendant près d’une année, de ses tra-
vaux habituels, et qui donna même pour sa vie les inquiétudes les plus vives. Dans une fatale
prévision, II. d’Angivilliers, directeur général des bâtiments du Roi, sollicita et obtint sa sur-
vivance. Buffon l’apprit au moment où il entrait on convalescence, et en fut vivemont blessé.
M. d’Angivilliers comprit ses torts, et chercha à les affaitilir en lui témoignant une admiration
respectueuse, qui finit par les lui faire pardonner. Chargé de désigner aux peintres et aux sta-
tuaires les sujets destinés à l’ornement des bâtiments royaux, il fit exécuter, en marbre, par
Pajou , la statue de Buffon. Celte statue fut placée d’abord dans le grand escalier du cabinet
du Roi, et ligure encore aujourd'hui dans les galeries d’histoire naturelle. A la même date, lo
Roi érigea la terre de Buffon en comté.
Buffon, entièrement rétabli en 1772, redoubla de zèle et d'ardeur pour la prospérité do l'éta-
blissement. Il fit acheter deux maisons voisines, dans l'une desquelles il établit son domicile;
c’est colle qui, après sa mort, fut longtemps consacrée à la bibliothèque. On rcnonvola l’écolo
do botanique, jusque-là disposée suivant le système de Tourncfort. On sait que cette méthode
séparait tout l’ensemble du règne végétal en trois grandes divisions : les arbres , les arbris-
seaux et les plantes herbacées. Antoine-Laurent de Jussieu fit comprendre à Buffon les incon-
vénients de cette distribution , et lui signala surtout l’exiguïté du local consacré à l'étude des
végétaux; celui-ci obtint du ministre l.a Vrillièro les fonds nécessaires pour l’agrandissement
du jardin botanique et pour le renouvellement des plantations. On conçoit que Jussieu s’em-
pressa d’y foire mie nouvelle application de la méthode naturelle, déjà si heureusement pra-
tiquée par son oncle Bernard dans les jardins do Trianon. On substitua à la nomenclature de
Toumorort celle do Linné, dès lors généralement ndopléo par tous les botanistes; on entoura
les serres ainsi que l’orangerie d’une vaste grillo, et l'on éleva avec les déblais la rampe qui
conduit aux huttes et aux labyrinthes.
A peu près à la même époque, Buffon conçut l’idée d'agrandir l’étendue du jardin, en y
réunissant tous les terrains qui le séparaient encore de la Seine. Ces terrains, cultivés pour la
plupart en jardins potagers, appartenaient en grande partie aux religieux île Saint-Victor; lo
reste se composait de quelques chantiers qui étaient une propriété de la ville, et que celle-ci
céda facilement à la couronne. Il était plus difficile do se rendre possesseur des terrains qui
appartenaient ou couvent. Buffon acheta, sous son nom, un domaine voisin, d'une valeur
à peu près équivalente, et proposa à l’abbé de Saint-Victor de l’échanger contro l’enclos con-
tigu an jardin. L'échange fut accepté, et le Roi fit aussitôt l’acquisition de l'espace dont Buffon
était ainsi devenu propriétaire. La Bièvre , qui séparait ce terrain du Jardin du Roi , ayant été
détournée do son cours et conduite directement à la Seine, ou en combla le lit, on rasa
quelques bâtiments qui masquaient la vuo dos galeries; on construisit de nouvelles serres
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44
PREMIÈRE PARTIE.
chaudes, on créa des pépinières, on prolongea les allées de tilleuls jusqu'à la grille du quai,
enfin, on ouvrit la rue qui termine le jardin au sud, parallèlement aux grandes avenues, et les
habitants du quartier lui donnèrent le nom de rue de Duffun, qu’elle a toujours conservé.
Toutes ces améliorations furent exécutées par André Thouin et dirigées par A.-L. de Jussieu.
L’agrandissement, l’embellissement du jardin, ainsi que les dispositions nouvelles relatives à
l’étude des plantes, marchèrent d’un pas égal. C’est alors aussi que l'on creusa , jusqu’au-
dessous du niveau moyen de la Seine, le bassin carré qui devait recevoir, par infiltration, les
eaux du fleuve, et dans lequel on cultiva quelque temps des plantes aquatiques. Plus près de
la Seine, on disposa un nouveau parterre pour les plantes étrangères dont le jardin s'enrichis-
sait chaque jour. Enfin, d’autres carrés furent consacrés à des plantations d'arbres exotiques,
d’arbres fruitiers , aux semis , et à une école d’arbres forestiers. Au nord , quelques bâtiments
et des terrains assez étendus, appartenant À des particuliers, séparaient encore le jardin do la
rue do Seine; on acheta successivement quelques-unes de ces propriétés. On fit d’abord
l'acquisition de celles qui so rapprochaient le plus do la grande entrée. Leur position , abritée
du nord et de l’ouest, permit d’y transporter les couches et les semis, et l’on construisit sur
la terrasse la serre qui porte encore le nom de Buffon. Plusieurs de ces dispositions impor-
tantes ne furent achevées qu’en 1784.
Le cabinet, dont les richesses s’augmentaient de jour en jour, réclamait des développements
analogues à ceux du jardin. Ce ne fut toutefois qu’en 1787 que l'on put faire l'acquisition do
l'hôtel de Magot, placé entre la petite butte et la rue de Seine. BufTon y lit transporter lo
logement de Daubenton et celui de Lacépéde , qui occupaient jusque-là le second étage du
cabinet, ce qui lui permit de consacrer aux collections les appartements de ces deux profes-
seurs. Il fit aussi construire un bâtiment neuf, en prolongement des salles d’histoire naturelle,
ainsi que le grand Amphithéâtre, qui existe encore aujourd’hui.
Les collections continuaient de s’accroître, soit par les acquisitions du gouvernement, soit
par les dons des particuliers, des sociétés savantes, et môme des souverains étrangers. Los
missionnaires de lu Chine , lo roi do Pologne , l’impératrice do Hussio adressèrent à Buffon de
nombreux et importants objets d’histoire naturelle : coquillages, minéraux, pierres précieuses,
plantes, et môme animaux vivants ou disséqués, provenant de toutes les parties du globe, et
réunis au Jardiu du Hoi, comme au centre commun des plus curieuses productions de lu
nature.
Mais la source la plus active, la plus fécondo des richesses qui vouaient ainsi s’y accumuler,
c’étaient les voyages de découvertes. Les présents les plus précieux, les plus magnifiques, lui
venaient de ces savants intrépides , à qui le Jardin «lu Roi ouvrait l’accès des contrées les plus
éloignées et les plus inconnues jusqu’alors. Aux collections rapportées par Poivre, Bou-
gainville et Commerson, vinrent s’ajouter celle qu'Adanson avait faite au Sénégal, celles que
Sonnera t avait recueillies dans l’Inde, Dombey, au Pérou et au Chili, les nombreux tributs
quo rapportèrent successivement Desfontaines, Michaux, Labillardièrc , Simon, Richard,
Dolomieu et plusieurs autres naturalistes , dont nous allous suivre des yeux les lointaines
excursions et les recherches savantes autant quo hardies.
Le premier voyageur qui ouvre celte brillante liste est Joseph Dombey, né à Mâcon, en
1742. Issu de parents pauvres, il fit d’assez bonnes études, et, décidé à suivre la carrière do
la médecine, il alla à Montpellier, où Commerson, sou parent, et Gouan, alors professeur de
botanique, lui inspirèrent le goût de l’histoire naturelle. Il revint au pays natal en 1768, avec
le titre de docteur. Entraîné par son penchant pour la botanique et la minéralogie, il parcourut
plusieurs provinces et vint à Paris, en 1772, pour suivre les cours de Jussieu et de Lemonnier.
Il herborisait sur le mont Jorat, lorsque, sur l’avis de Jussieu et du Condorcet, qui appré-
ciaient ses talents, il fut désigné par Turgot pour faire un voyage scientifique dans I* Amérique
espagnole, et notamment au Pérou. Il fallait obtenir l'agrément de la cour d’Espagne; il partit
donc pour Madrid, où il séjourna pendant près d’une année avant de recevoir son autorisation.
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HISTOIRE. - 1771 - 1794.
Au moment du départ, ou lui adjoignit deux autres naturalistes devenus célèbres, Ruiz et
Ibivon, élèves d'Ortéga. Dombcy s'embarqua à Cadix eu 1777, arriva à Callao au mois d'avril
suivant , et fit aussitôt dessiner un grand nombre de plantes , en même temps qu’il recueillait
beaucoup de graines; niais les dessinateurs, qui étaient Espagnols, gardèrent les originaux de
leurs dessius et refusèrent de lui en donner des copies. Au bout de quelque temps, il n'envoya
pas moins en Franco un riche herbier, de nombreux objets d'archéologie , trente livres de pla-
tine, alors récemment découvert, et un Mémoire sur le prétendu Cannelier de Quito. A travers
beaucoup de périls, il alla faire la reconnaissance des différents districts où se trouvent les
quinquinas , et , dans le cours de cette excursiou , il donna les plus grandes preuves de savoir,
de courage et do générosité.
Malheureusement, à côté de la passion du la science, Dombcy avait le goût du jeu; c'est
dire que sa fortuno était très-inégale; mais il était laborieux, hardi, libéral, et savait supporter
les privations. Il se trouvait à lluanuco quand éclata l'insurrection de 1780, qui coûta la vie
à plus de cent mille hommes. Il était alors dans une veine do prosjiérité; il offrit au gouver-
nement mille piastres , vingt charges de grains et deux régiments lovés et équipés à scs frais ,
se proposant de se mettre à leur tête pour marcher coutre les relielles. Ces offres généreuses,
quo l'on ne crut pas devoir accepter, ranimèrent le zèle des offleiers et rétablirent les affaires
do cette proviuce. Dombcy, ne voulant pas proliter du refus que l'on avait fait de^es dons, les
fit remettre à l'hôpital de Saint-Jean-de-Dieu , pour être distribués aux pauvres. Lorsque les
troubles furent calmés, il revint à Lima, où il apprit que le vaisseau qui portait scs collec-
tions avait été pris par les Anglais, et que les objets de science et d’art avaient été achetés
par le vice-roi pour le compte du roi d'Espagne. Il s'en plaignit vivement au vice-roi lui-
même , et déclara que dès ce moment il n'enverrait plus rien.
Avant de revenir en Euro;*), Dombcy voulut aussi visiter le Chili. L'argent lui manquait
pour le voyage, mais scs amis lui prêtèrent 60,000 livres, et il arriva à lu Conception en 1782.
Une épidémie ravageait alors cctto ville; Dombcy porta partout des secours. Grâce à son
courage et à ses talents comme à ses largesses , l'épidémie s'arrêta. On lui offrit la place do
premier médecin de la ville, avec dix mille francs d'appointements; il refusa et alla à Saint-
Iago pour y continuer ses explorations scientifiques. Il y rechercha des mines de mercure,
découvrit une nouvellu mine d’or, analysa diverses eaux minérales, et dépensa à toutes ces
éludes une somme considérable, qu’on essaya vainement de lui rembourser. « Je n'ai de
u comptes à fournir, répondit -il avec dignité, qu'au gouvernement qui m’a envoyé près de
« vous. »
Do retour û Lima , Dombcy se préparait à partir pour l’Eurojie , lorsque le visiteur général
osa l'accuser d'intelligence avec les Anglais. « Si j'étais un simplo voyageur, dit Dombey avec
« calme, je ne souffrirais pas vos injures. — Et que feriez -vous 7 — Je vous percerais le
« co'ur ; mais comme c’est au Roi de France, que ju vais instruire de vos procédés, i
u m’obtonir justice , je dois rester tranquille. » A ces mots , il sortit , et le visiteur général le
rappela pour lui faire des excuses. Dotnhcy s’embarqua avec une collection immense, ren-
fermée dans soixante-douze caisses, et arriva à Cadix en 1785. La douane, en visitant sa
cargaison . endommagea plusieurs objets précieux. L’Espagne voulait en retenir la moitié au
profit du roi. On lui fit promettre de ne rien publier avant le retour des botanistes espagnols
qui l’avaient accompagné. On essaya même d'attenter à sa vie, car un homme que l'on prit
pour lui fut trouvé assassiné à sa porte. Il réussit à s'échapper secrètement, partit pour
le Havre et se rendit aussitôt à Paris. Malgré les instances île Buffon, Dombey, retenu par sa
promesse, no voulut d'aliord rien publier; mais un naturaliste plein de zèle et de talent s'en
chargea, et, bien que le nom de L'Héritier n'appartienne point précisément â l'histoire du
Muséum , les services qu'il rendit â ce sujet à la science méritent de trouver uuc place dans
ce récit.
L'Héritier (Charles-Louis), né à Paris, en 1746, était fils d’un uégociant, et fut destiné à la
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<18 PREMIÈRE PARTIE.
magistrature. Nommé , en 1772, procureur du Roi à la maîtrise des eaux et forêts de la géné-
ralité de Paris , il s'appliqua à connaître les arbres et devint bientôt un botaniste éminent. En
1784, il commença à publier, sous le titre de Stirpes novœ, un ouvrage qui avait pour objet la
description de plusieurs plantes nouvelles. Il continua pendant quelques années d'en faire
paraître les livraisons, accompagnées de belles planches; mais, impatient d'augmenter ses
richesses botaniques, il écrivait dans sa préface : «< Puisse nu moins quelque voyageur confier
« à nos soins la publication de ses découvertes! Ce serait un dépôt commis à notre foi; su
« gloire et ses trésors seraient en sûreté, et, oubliant nos propres travaux, nous nous houo-
« rerions d’être les simples éditeurs des siens. » Ce vceu ne tarda pas à se réaliser. Ayant
appris que Dotnhcy sollicitait en vain de M. de Calonno les moyens de publier une partie do
scs recherches, L’Héritier lui offrit de se charger à ses frais de la partie botanique et de lui
payer une pension annuelle contre la remise do ses herbiers. I n obstacle imprévu vint tra-
verser cet arrangement. Les Espagnols firent valoir rengagement qu’avait pris Domhey a leur
égard, et la cour de France accueillit avec condesceudance cette réclamation. L’Héritier
apprend un jour, par hasard, à Versailles, que l’ordre vient d’être donné à M. «le Iîuffon de se
faire remettre l’herbier de Domlioy, dés le lendemain. Il vient en bâte à Paris, se confie à.
Broussonnet , son ami; il passe la nuit à faire préparer des caisses. L’Héritier, sa femme,
Broussounet«et Redouté emballent l’herbier eu toute hôte, et, dès le matin, il part en poste,
avec son trésor, pour Calais et l’Angleterre.
Oit ardent botaniste passa quinze mots h Londres, dans la retraite la plus absolue, cons-
tamment occupé de la belle collection qu’il avait à publier. Il s’entoura de dessinateurs, de
graveurs; il fit venir Redouté à Londres, pour l'aider «le s«»s talents, et il réussit, sinon à ter-
miner et à mettre au jour la Flore du Pérou , du moins à en achever le manuscrit et les plan-
ches principales. Lorsqu'il revint en France, In révolution avait éclaté; il avait perdu son
emploi et une partie «le sa fortune, mais il avait conservé toute sa passion pour la science.
Occupé quelque temps nu ministère «le la justice, il ne pouvait, dit Cuvier, s’empêcher de
recueillir, en entrant ou en sortant de son bureau, l«*s mousses, les lichens, les hyssus et les
petites herbes qui se présentaient sur les murs et entre les pavés; et c’est un fait ass«»z
remarquable d’histoire naturelle, «ju’en une année, il en observa , seulement dans les environs
de la maison du ministre, plusieurs centaines d’es|«èces , dont il se proposait «le publier le
catalogue, sous le titre, <]ui aurait paru un peu singulier eu botanique, do Flore de la place
Vendôme. L’Héritwr, en 1800, tomba sous les coups d’un assassin, et fut égorgé à coups «Je
sabre, par un meurtrier resté inconnu, à quebjues pas «le sa maison.
Dornbey mourut avant la publication de lu Flore du Pérou. Dégoûté de la science, en raison
des difficultés qu’il avait éprouvées , il vendit ses livres et brûla un grand nombre do notes
précieuses. Ruffon, pour l’indemniser de ses portes, lui fit accorder une somme de «0,000 liv.
et une pension de 6,000 livres, que Domhey partagea entre sa famille et les indigents. Il
quitta Paris et alla se fixer dans le Dauphiné, puis à Lyon, où il se trouvait pendant le siège
«le cette ville, en 1703. A la fin de la même année, il demanda une mission pour les États-
l/nis. Il partit ; mais un orage Payant forcé de s’arrêter à la Guadeloupe, il faillit être massacré
dans une émeute. A peine rembarqué, son vaisseau fut pris par des corsaires, et il fut conduit
dans les prisons de Montserrat, où le chagrin, la misère et les mauvais traitements termi-
nèrent sa vie, en 1704.
Doinboy, par son courage, son zèle et ses connaissances variées, doit être placé au premier
rang parmi les savants voyageurs du «lix-huitième siècle. Son herbier, déposé au Muséum,
renferme quinze cents plantes, dont soixante genres nouveaux. Il est accompagné de la
description «les végétaux du Chili et «lu Pérou. En minéralogie, on lui doit la découverte du
cuivre muriaté, do l’euclase; il n indiqué le premier le sal|>être natif du Pérou; il a observé la
phosphorescence de la mer. En zoologie, il a décrit plusieurs espèces nouvelles de quadru-
pèdes, d’oiseaux, «le poissons et d’insectes. Ruiz et Pavon, dans leur Flore péruvienne, oui
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HISTOIRE. — 1771-1/01. 47
rendu justice à ses talents cl cité honorablement ses découvertes. Cavanilles lui a dédié le
genre Dombcya.
L'existence de Sonnerai fut consacrée, comme celle de Domboy, à des voyages de décou-
vertes, mais elle fut traversée par moins de contrariétés et de dangers. Pierre Sonnerai, né à
Lyon, en 1745, entra de bonne heure dans l'administration de la marine. Il était déjà versé
dans l'histoire naturelle et bon dessinateur. Parti do Paris en 17(18, il alla d’abord à l'Ile-de-
France, dont Poivre, son parent, était intendant. Il y trouva Commerson, qui était son com-
patriote, et il fit avec lui plusieurs excursions à Bourbon et à Madagascar. Poivre l'envoya,
eu 1771 , aux Moluques. En passant aux Sécbelles, il eut l’occasion d’y observer et de décrira
le coco de cet archipel, dont la forme est singulière et que l’on croyait originaire des Maldives.
Il alla ensuite à Manille et aux Philippines, d’où il rapporta beaucoup de plantes, ainsi que
des graines de giroflier et de muscadier. Il revint en France, en 1774, avec une riche collection
d’histoiro naturelle qu'il déposa au cabinet du Roi. Il repartit la même année pour l’Inde, avec
le titre de commissaire de la marine et avec la mission de continuer ses recherches. Sonnerai
parcourut Ceylan, la côte de Malabar, Surate, le golfe de Cambaye; puis Coromandel, la
presqu'île au delà du (lange , la péninsule de Malacca et la Chine. La guerre interrompit ses
voyages. Après le siège de Pondichéry, en 1778, il revint en Europe avec une magnifique col-
lection d'histoire naturelle, et publia la relation de son voyage. Il retourna plus tard dans
l’Inde, et y séjourna plusieurs années. Il était encore à Pondichéry en 1801. Enfin, il revint
en France , et mourut à Paris en 1814 , à un âge assez avancé.
Son Voyant cl la SomeUe-Guinde est dédié à madame Poivre. On a aussi do lui un Voyage
aux Indes et à la Chine, accompagné de belles figures. Les relations de Sonnerai ont beau-
coup contribué à bien faire connaître l'Inde , sous ses rapports les plus importants et les plus
variés ; il s’est fort attaché à la description des usages et des métiers des Indous. Les détails
de ces ouvrages sont aussi intéressants qu'exacts, bien qu’on y remarque un certain désordre,
cl que l’auteur s'y montre un peu enclin à la crédulité. Son zèlo était infatigable ; il réussit à
naturaliser, soit en France, soit dans les colonies, un grand nombre de végétaux précieux.
Les îles de France et de Bourbon lui doivent le Rima ou arbre à pain, le Cacao, le Mangous-
tan et une foule d'autres. Il a, le premier, décrit l’Ayc-Aye, grand quadrupède de l’ordre des
Rongeurs, et plusieurs oiseaux nouveaux. Tout cela est très-habilement dessiné par lui-méme.
Sonnerai était correspondant du cabinet du roi et do l’Académie des sciences. Linné lui a
dédié le genre Sonneratia , arbre du Malabar (Myrtoides) , qu’il avait décrit lui-même sous le
nom de Pagapatd.
Ln troisième voyageur, l'un de ceux qui ont le plus enrichi le sol de la France des fruits de .
leurs découvertes, est André Michaux, né, en lî tfi, à Satory, dans le parc de Versailles. Son
père était fermier ; il s'adonna de bonne heure aux travaux de la campagne, et montra une
véritable vocation pour les recherches d'agriculture. Il fit quelques éludes et se maria; mais,
ayant perdu sa femme la première année de son mariage, Lemonnicr, qui le connaissait de-
puis son enfance, essaya de le consoler en lui inspirant le goût de la botanique, et en l’enga-
geant à faire des essais de naturalisation. .Michaux suivit les leçons de Bernard de Jussieu et
pnl l'envie de voyager. Il alla d'abord en Angleterre, puis en Auvergne et aux Pyrénées avec
de Lamarck et André Thouin; il obtint enfin l’autorisation de partir, en 1782, avec le consul
de Perse, Rousseau. Il parcourut cette partie île l’Asie pendant deux ans , au milieu de beau-
coup de difficultés et de dangers. Revenu à Paris en 1784, avec une belle collection de plantes
et de graines, il se hâta de les mettre en ordre, avec l'espoir de retourner en Asie et l'intention
de pénétrer jusqu'au Tliibct. On l'envoya au contraire dans l'Amérique septentrionale, avec la
mission d'établir, près de New- York , une pépinière pour des arbres que l'on espérait accli-
mater à Rambouillet. Dès l’année 1785, il fit un premier envoi en France; deux ans après, il
fonda un établissement semblable près de Charlcstoxvn, et fil plusieurs excursions, entre
autres dans la Caroline. En 1792, il partit pour Québec, remonta le fleuve Saint-Laurent ,
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48 PREMIÈRE PARTIE.
accompagné seulement «le trois sauvages et d'un métis, et pénétra très-prés de la haie d'ffud-
son. L’approche de l’hiver l’avant forcé de revenir sur ses pas, il arriva à Philadelphie, à la
lin de la même année. Le ministère frayais l’ayant chargé d’une mission relative à un projet
d’occupation de la Louisiane, il partit en juillet 1793, franchit les monts Alléghany, des-
cendit l’Ohio jusqu'à Louisville, revint à Philadelphie, et, après avoir habité onze ans les
États-Unis, il s’embarqua pour la France en 1790. Son navire échoua sur les côtes de Hol-
lande* : Michaux fut heureusement recueilli , mais il resta plusieurs heures sans connaissance.
Revenu à lui-même, il s’informa avec anxiété de ses collections ; elles étaient sauvées , mais
tous ses propres effets étaient perdus. Il ne se préoccupa que «le ses plantes, qu’il s’empressa
de mettre en ordre, de faire sécher, et il arriva à Paris. |,es pépinières de Rambouillet, aux-
quelles il avait envoyé plus de 00,000 pie«ls d’arbres, avaient été ravagées. On lui accorda à
peine quelque indemnité pour tant de services et de si pénibles voyages. Il avait trouvé Le-
monnier mourant; il s’empressa «le lui rendre les derniers devoirs, et fut aussitôt désigné pour
faire partie de l'expédition du capitaine Hamiin. Il partit en 1800, visita Ténériffe, resta six
mois à l’Ile de France, pour y recueillir des plantes et des graines, y créa une pépinière sem-
blable à celles de New-York et de Charlcstnwn, mais il y fut dévalisé de tout ce qu’il possédait,
entre autres d’un rubis magnifique et d’un très-grand prix. Il se rendit alors à Madagascar,
où il fonda une nouvelle pépinière; mais, atteint par une lièvre endémique, il y mourut, en
1802, à l’Age de 59 ans, au moment oïi il projetait un nouveau voyage dans l’Amérique du
Nord. Courage, abnégation , persévérance dans ses entreprises, exactitude dans ses observa-
tions, franchise, simplicité dans ses habitudes, sûreté absolue dans les rapports intimes, tels
sont les caractères qui signalent cet intrépide naturaliste, et lui assurent une place si dis-
tinguée parmi les voyageurs éminents. Il vécut uniquement p«)ur la science et se sacrifia
pour elle.
On lui doit une Histoire des Chênes «le l’Amérique septentrionale et une Flore du même
pays. Aiton a consacré à sa mémoire une Companulacée, sous le nom de Michauxia. Son
fils, François André, a publié une Histoire des arbres forestiers de V Amérique septen-
trionale.
Nous trouvons, «lans la même période, un voyageur naturaliste, non moins «ligne des sou-
venirs de la science, mais «lont les recherches s’appli«]uent à une autre branche de l’Histoire
naturelle. Déodat-Guy-Sylvain-Tancrède Gratct de Dolomieu naquit, en 1750, à Dolomieu,
près de la Tour-du-Pin, en Dauphiné, et appartenait à une ancienne famille do cette province.
Destiné dès l’enfance à l'ordre de Molle, il était, à quinze ans, officier de carabiniers, et, à
dix-huit ans, il commençait son noviciat dans l’ordre. Dans sa première caravane, il eut une
querelle avec un officier de son bord , descendit à terre pour se battre avec lui , et le tua. Il
fut conduit à Malte, mis en jugement et contlamné à quitter l’habit do l’ordre; cependant, en
raison d«îson extrême jeunesse, le grand-maltre lui fil grAco; mais le pape s’y opposa. Dolo-
micu, mis en prison, écrivit directement au cardinal Torrigiani, alors ministre du pape, et
obtint sa liberté. Pendant sa captivité qui avait duré neuf mois, il s’élait livré avec ardeur à
l’étude des sciences physiques. Envoyé en garnison à Metz, il y travailla de nouveau avec le
physicien Thirion et avec le duc de la Rochefoucault, qui devint son ami. Ce dernier, à son
retour à Paris, le présenta à l’Académie des sciences, «jui le nomma son correspondant. Il
quitta les carabiniers et retourna à Malte, d’où il suivit, en Portugal, le bailli de Rohan,
ambassadeur extraordinaire , comme chevalier d’ambassade, et étudia en même temps le pays
sous le rapport de la géologie et de la minéralogie.
En 1781 , Dolomieu fit en Sicile un nouveau voyage scientifi«|uc , dans lequel il développa
tout le zèle et tout le courage d’un vrai naturaliste. C’est là qu’il conçut ses premières idées
sur les volcans. 11 alla aussi à Naples pour examiner le Vésuve; l’année suivante, il visita les
Pyrénées. A celte époque, il eut à Malte quelques discussions avec le grand maître, au sujet
de certaines prérogatives qu’il réclamait, discussions qui «levinrent la source des malheurs
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Il I STO I H K. — 1771 - 1 704.
19
qu'il éprouva plus tard. Au retour d'un nouveau voyage qu'il avait fait en Calabre, pour ob-
server les résultats du tremblement de terre do 1783, il avertit le grand maître de certains
projets que la Cour de Naples méditait contre lui. Le ministère napolitain, prévenu de ces
révélations, prit en haine le jeune savant, et lui interdit l'entrée du royaume. C'est alors
qu’il parcourut les Alpes, le Tyrol, le pays des Grisons, toujours occupé de ses recherches
géologiques, et partout accueilli avec distinction, car, à un extérieur noble et séduisant , il
joignait des manières affables et un esprit aussi enjoué que piquant. Il retourna à Malte,
après avoir obtenu gain do cause sur ses contestations avec le giand-mattre, et, eu 1791,
il revint en France, apportant avec luises riches collections géologiques.
Dolomicu s’était d'abord attaché, rnmme beaucoup d'esprits généreux, aux principes de la
Révolution de 89 , mais il s'en éloigna après avoir vu assassiner sous scs yeux , à Forges , le
vertueux duc de la Rochefoucauld. Il se dévoua alors à la protection de la mère cl de la sreur
de son ami , également témoins de ce crime ; il reprit en même temps scs études et ses
voyages géologiques. En 1796. il revint à Paris, et fut nommé aussitôt professeur à l'école
des Mines et membre de l'Institut. L’année suivante, lorsqu'on projeta l'expédition d’Egypte,
il témoigna le désir d’en faire partie, et il s'embarqua sur le vaisseau le Tonnant, La flotte
s’étant arrêtée en vue de Malle, il craignit qu'on l'accusât d'avoir concouru à une expédition
contre son ordre , et c'est , en effet , ce qui arriva. l,e chagrin qu'il en ressentit l'empêcha de
prendre beaucoup de part aux recherches dont l’Egypte devait être l'objet, et il désira rentrer
en France. Le navire qui le ramenait lit naufrage près de Tarente, et, comme on était alors
en guerre avec Naples, il fut mis en prison. Son nom, découvert par une surprise, réveilla
l'ancienne animosité de la cour contre lui ; on le plongea dans un cachot infect, où il subit
mille tortures pendant vingt et un mois. C'est pourtant dans cette horrible situation qu'il par-
vint à écrire son Traité de philosophie minéralogique ; enfin , rendu è la France par suite de la
paix, il revint à Paris, et fut nommé professeur au Muséum dilisloire naturelle, à la place
do Ilaubenton qui venait de mourir. Son cours fut suivi avec un empressement fondé à la fois
sur son mérite et sur l’intérêt qu’inspirait sa personne. Malheureusement, sa santé était pro-
fondément altérée; après un voyage en Suisse et dans le Dauphiné, pendant une visite qu’il
tit à son beau-frère, le comte de Drée, à Châteauneuf, eu Charolais, il fut atteint d'une fièvre
aiguë, à laquelle il succomba, en 1801 , à l’âge de 61 ans.
Ici se présentent, presque aux mêmes dates, deux naturalistes dont les carrières eurent
beaucoup d'analogie; dont l’âge, les études, les goûts, mais non le caractère, eurent la plus
grande conformité, et qu'uuc amitié sincère unit pendant plus de cinquante ans : Desfontaines,
dont l'humeur aimable et douce, 1a vie simple et laborieuse rappelle les plus touchants sou-
venirs, cl Labillardière qu'une misauthropie native, un esprit caustique et une humeur atrabi-
laire éloignèrent trop d’un monde qui l’eût aimé, s’il eût pu le connaître, et qui lui eût voué
autant de respect que son savoir lui méritait d’estime.
Héué Louicbe-Dcsfoutaines naquit en 1750, au .Tremblay, bourg d'Ille-et-Vilaine, qui avait
déjà donné le jour à l’analomisle Berlin. Ses parents, qui étaient pauvres, voulaient d’abord eu
faire un mousse. Il réussit mal dans ses premières études, et son pédagogue, qui le traitait
assez durement, ne cessait de lui dire « qu’il ne serait jamais bon à rien. » Ou l’envoya
pourtant au collège de Rennes, où il se prit à travailler et devint bientôt le premier de toutes
scs classes. A chaque succès, il priait son père d’en informer son ancien maître, en lui rap-
pelant son fatal pronostic ; petite vengeance dont il se donna la satisfaction jusqu'au moment
où il entra à l’Académie des sciences. Décidé à étudier la médccme, il vint à Paris en 1773,
ol suivit d'abord les leçons de Vicq d’Arn; mais une répugnance, qu’il ne put vaincre, pour
les recherches anatomiques, le détermina à s'adonner à l'Histoire naturelle. Auditeur assidu
des cours du Jardin du Roi, I.emonnier le prit en amitié, et il fut distingué par Laurent de
Jussieu. Après s'être fait recevoir docteur, il lut plusieurs Mémoires de botanique à l’Académie,
qui s’empressa de l’admetlre dans son sein, à l’âge de 33 ans. L’un de ses Mémoires avait
«
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50 PREMIÈRE PARTIE.
pour sujet V Irritabilité de» Plante». Duhamel, Bonnet et Linné s 'étaient déjà occupés de ce
sujet intéressant; ils avaient observé les mouvements de contraction des feuilles et des co-
rolles ; Desfonlaines poussa plus loin ce genre de recherches , et , en l’appliquant à tous les
organes contractiles de la fructification , il mit en lumière un phénomène jusque-là ignoré,
l’un des plus importants de la vie végétale.
C'est sous les auspices do l'Académie que De. fontaines entreprit , en 1783 , son voyage en
Barbarie. Ce pays était alors peu connu, et une pareille tentative ne laissait pas d'offrir de
graves dangers. Il pénétra jusqu'au mont Allas, uu pays des 1 .otophagos et au désert de
Sahara. Muni do recommandations diplomatiques, il suivait les pachas dans leurs tournées,
en so mêlant à leur escorte , et ce devait être un spectacle assez curions que de voir un mo-
deste botaniste, herborisant dans ces solitudes, escorté de soldats arabes , qui le protégeaient
à la fois contre la rapacité des Bédouins et contre les attaques des lions ou des tigres du
désert.
Après deui ans d'absence, Desfonlaines revenait avec uno ample mqisson de ç] antes ,
d’oiseaux d'Afrique et d'autres objets d'Ilistoiro naturelle. Il s'occupa de mettre en ordre
toutes cos richesses, et publia son beau voyage sous le titre de Flore atlantique. C'était le
résultat de plusieurs années de recherches et d'études. L’ouvrage contenait la description
do deux mille plantes, parmi lesquelles on comptait trois cents espèces nouvelles. Lemonnier,
qui désirait vivement transmettre à Desfontaines sa chaire du Jardin du Roi, proposa à
Buffon do s'en démettre en faveur de son jeune ami. Buffon fit un peu désirer son consente-
ment, mais enfin il l’accorda. Desfontaines devait bientôt justifier hautement cette faveur,
ainsi que la généreuse protection de Lemonnier. Nous venons de voir en lui le naturaliste
voyageur ; nous ne tarderons pas à lo retrouver an Muséum , donnant à l'enseignement de la
Botanique l'impulsion la plus heureuse et la plus féconde.
Jacques-Julien llouton de Lahillardière était né à Alençon en 1755. Après avoir fait dans
sa ville natale d'assez bonnes éludes, il alla à Montpellier pour étudier la médecine, et prit
dos leçons de Botanique de Cnuan, l'ami de Commerson, dont il devait un jour suivre les
traces dans les terres australes. Il vint se faire recevoir docteur à Paris; puis, il alla en An-
gleterre, oit il fit la connaissance du célèbre Joseph Banks. Il parcourut ensuite les Alpes et
le Dauphiné avec lo botaniste Yillnrd. Il obtint , par la protection de Lemonnier, de s’embar-
quer pour un voyage à Chypre et en Syrie. Il visita Damas , le mont Carmel , et passa près
d'une année à parcourir le Liban , ce mont fameux qui réunit sur ses pentes tous les climats ,
toutes les tonqiératures , et qui , suivant les poêles arabes , « porte l’hiver sur sa tête, le prin-
« temps sur ses épaules et l'automne dans son sein, tandis que l’été dort à ses pieds. » Il en
mesura la hauteur; il y étudia les cèdres, dont les plus gros ont 3 mètres de diamètre. Il y
trouva ces urbres antiques, réduits à une centaine d’individus, Le nombre do ces arbres
diminue chaque siècle ; des voyageurs en comptèrent depuis trente ou quarante ; plus tard
encore, une douzaine. Suivant M. de Lamartine, aujourd’hui il n’y en aurait plus que sept,
que leur masse peut faire présumer contemporains des temps bibliques. Autour de ces vieux
témoins des âges écoulés, il reste encore une petite forêt de cèdres plus jeunes, qui forment
un groupe de quatre ou cinq cents arbres ou arbustes.
Lahillardière observa les mœurs des habitants de ces contrées, cl en rapporta beaucoup
de plantes. Revenu en France, il se préparait à publier la relation de ce voyage, et l’Académie
venait de le nommer son correspondant , lorsqu’il fut désigné pour faire partie do l'expédition
envoyée à la recherche de La Pérouse , cet infortuné voyageur qui , parti depuis trois ans ,
n’avait plus donné de ses nouvelles et ne devait pas revoir son pays. Lahillardière s’emliarqua
sous les ordres de d’Entrecasteaux, avec MM. de Rossel et Beautemps-Bcaupré ; il visita Téné-
riffe, le Cap, la Nouvelle-Hollande et les Iles de la Sonde. Il fil partout d’amples récoltas de
plantes et d’objets divers d’Histoire naturelle. Lorsque l’escadre, après avoir perdu son chef,
aborda l'Ile de Java, elle fut déclarée prisonnière et mise en dépôt entre les mains des Hollan-
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HISTOIRE. - 177 1 - 1794.
51
dais. Il fut conduit à Batavia , et ou lui enleva ses collections qui furent transportées en
Angleterre; mais hâtons-nous de dire, à l'honneur de la science, que Banks les lui fit rendre
sons y toucher , on ajoutant avec délicatesse u qu’il eût craint d’enlever une seule idée bota-
nique à un homme qui était allé les conquérir au péril de sa vie. »
En 1795, Labillardière fut rendu à la liberté et revint en France. Il s’occupa aussitôt do la
publication de son Voyage à ta recherche de La Pérouse, quia enrichi presque toutes les bran-
ches de l'Histoire naturelle d'observations du plus haut intérêt. En 1804 , parut sa Flore de la
Nouvelle-Hollande , le premier ouvrage qui ait présenté le tableau do celte végétation singu-
lière, si différente de tout ce que l’on connaissait jusqu'alors, et qui donna une idée générale de
ce troisième monde , peuplé d’étres naturels presque sans analogues dans les deux aatres. Ce
n'est que vingt ans après qu’il publia sa Flore de la Nouvelle-Calédonie , complément de la
précédente , et qui acheva de faire connaître les ressources végétales do ces vastes contrées.
Sans être un botaniste de premier ordre, Labillardière a rendu à cetto science d'éminents ser-
vices, Il s’est attaché surtout â enrichir l'agriculture de végétaux utiles et capables d'être na-
turalisés en Europe. C'est à lui que l’on doit, par exemple, lu lin de la Nouvelle-Zélande
( Phormium lenax ) , plante textile pourvue de qualités bien supérieures à celles de notre lin et
de notre chanvre, et qui, parfaitement acclimatée dans nos provinces méridionales, promet
dans l'avenir d'admirables produits â notre industrie. La narration de Labillardière est simple,
naturelle , remplie de faits nouveaux ; elle a le tou qui convient à un observateur conscien-
cieux. Nous avons dit quo son humour était peu sociable ; cependant il était spirituel , mais
caustique , quelquefois gai , mais enclin à la satire, n Le Irait dominant de son caractère , a
dit M. Flourens, était le goût ou plulût la passion de l'indépendance. Pour être plus libre, il
vivait seul ; il s’était arrangé pour que tout, dans sa vie, nu dépendit que de lui : son temps,
sa fortune, ses occupations : ami sincère , mais d’une amitié circonspecte et toujours prompte
a s’effaroucher à la moindre apparence de sujétion. » il avait succédé à L’Héritier dans le sein
do l’Académie des sciences. On a appelé cap Labillardière l'extrémité des terres les plus éle-
vées de la Louisiane. Le docteur Smith a dédié à ce voyageur le genre Billardiera, plante
de la Nouvelle-Hollande, qui appartient â la famille des pitlosporéos. Il mourut octogénaire,
è Paris, en 1834.
Après ces noms illustres, chers à tant de titres à nos suuvenirs, ce serait être ingrat quo
d'omettre ceux du quelques voyageurs étrangers, à qui la science comme l'humanité doivent
des services analogues et une égale reconnaissance. Nous venons de prononcer le nom do
J. Banks qui , pendant les guerres de la fin du dernier siècle et du commencement de celui-ci,
fut le palladium des naturalistes français ; il les sauvait de la captivité, il leur faisait rendre
leurs collections, il protégait les expéditions savantes; sans lui, la plupart de nos collections
publiques seraient encore incomplètes. Joseph Banks , d'origine suédoise , né à Londres , en
1743, devait son goût pour les sciences naturelles â Buffon et à Linné. Jeune , ardent et pos-
sesseur d’une fortune indépendante , il prit la passion de la Botanique et celle des voyages ,
que sou intimité avec le comte de Sandwich, devenu chef de l'Amirauté, lui rendit facile à
satisfaire. En 1768 , il lit partie d'une expédition à Terre-Neuve. A cette époque, on en des-
tina plusieurs autres à des recherches de géographie; l’uno d’elles (de 1768 à 1771) fut celle
de Cook, qui avait en même temps pour objet d'observer, à Otaïti, lo passage de Vénus sur le
disque du soleil. Banks s’y associa, ainsi quo Solandcr, naturaliste suédois, élève de Linné,
el comme lui fils d'un pasteur de village. C’était la première fois que l'Histoire naturelle et
l’Astronomie s'unissaient pour leurs recherches â la grande navigation. A la même époque ,
Catherine il envoyait Pallas, dans le même but, en Sibérie, et Louis XV ordonnait le premier
voyage autour du inonde do Bougainville et Commerson.
Bien que J. Banks, aidé de Solander, ail rapporté d'immenses collections, il n'en publia
lui-même qu’une faiiilo partie. Peu soucieux de la gloire du savant , mais ne songeant qu'à so
rendre utile, Banks mettait ses manuscrits comme ses collections à la dis;iosition de tous ceux
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Z2 IMtKMlfcltK PARTIR.
qui voulaient y puiser. Fahricius en a tiré son Histoire des insectes % Broussonnet colle îles
poissons, tous les botanistes , (lu i tuer, \ahl, Robert, ou ont publié les végétaux. Il envoyait
des échantillons et des graines à tous les jardins de I* Europe. Ou lui doit, outre les plantes
et les arbres qu’il rapporta eu très-grand nombre, plusieurs animaux précieux : le Cygne noir,
le Kangurno, le Pliaseoloine , qui se sont répaudus dans nos bassins nu dans nos parcs; il
donna la connaissance générale de ces lies dont est semés* la mer Pacifique et do la nature
toute spéciale dont elles sont couvertes. Il en fut de même pour la Nouvelle-Hollande, ce
troisième monde d’un si grand avenir, si différent des deux autres par sa topographie,
comme par les êtres naturels dont il est («cuplé , et dont l'importance et l’intérêt se dévelop-
pent chaque jour,
Cook J lu**..
Eu 1772, le capitaine Cook repartit pour uu nouveau voyage. Banks et Solander devaient
encore faire partie de celte expédition. Quelques difficultés s’étant élevées entre eux et le ca-
pitaine, Banks et son compagnon partirent pour les contrées du Nord. Ils visitèrent d’abord
lile du Slaffa et sa fameuse grotte aux colonnes de basalte; ils allèrent ensuite en Islande.
Banks devint le bienfaiteur «les pauvres habitants de cette contrée; il attira sur eux l'attention
du roi de Danemark ; pendant une disette , il leur envoya à ses frais une cargaison de grains.
Do retour à Londres, il fut accueilli avec empressement par tous les hommes éclairés; il de-
vint président du la Société royale, el conserva ce litre pendant quarante cl un ans. Il fut fait
baronnet , conseiller d’État , el le roi le décora de l’ordre du Bain..
J. Banks n’usa jamais pour lui-même du crédit et de la haute faveur «iont il jouissait. Il
dirigea l’attention du souverain sur futilité des voyages et de l'Histoire naturelle pour les
progrès de l’agriculture. Il protégeait partout les savants et les encourageait par ses conseils
comme par ses largesses. Son zèle et sa libéralité adoucissaient les maux de la guerre envers
tous ceux «|ui se livraient aux travaux scientifiques. Louis X\ 1 avait fait respecter Cook en
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HISTOIRE. - 177 1-1701. 53
Amérique, et si ce bel exemple est devenu la loi des Dations, on peut dire i{uc J. Banks y a
puissamment contribué ; il obtint des ordres semblables en faveur de l’infortuné La Pérouse ;
nous avons vu avec quelle noble délicatesse il lit rendre à Labillardière scs collections; il agit
de la même manière avec plusieurs naturalistes. Il fit racheter au cap «le Bonne-Espérance
des caisses prises par îles corsaires, et qui appartenaient à M. do Humboldt; il fit parvenir
des secours à Broussoimet, réfugié, pendant la révolution, en Espagne et au Maroc; ses bien-
faits pénétrèrent jusque dans la prison de Dolomicu, à Messine. Ses collections, sa bibliothè-
que, son crédit et sa fortune étaient à la disposition de tous les amis de la science ; sa maison,
ouverte avec une hospitalité sans égale à tous les savants, était comme une seconde Acadé-
mie. En emmenant Solander avec lui dans ses voyages, il lui avait assuré 400 livres de renies
(10,000 fr.), et au retour il ie fit nommer sous-bibliothécaire du Musée britannique.
Joseph Banks était d'une activité infatigable cl d’une curiosité à laquelle il fallait que tout
cislèl. On cito de lui vingt traits de hardiesse , fondés sur sa passion de voir et d’apprendre.
Au Brésil, il se glissa comme un contrebandier sur le rivage, pour s'emparer do quelques
productions naturelles que lo gouverneur avait eu la sottise do lui refuser. A Otaiti , il. s’était
fait teindre en noir, de la tête aux pieds, pour figurer dans une cérémonie funèbre à laquelle,
sans cela , il n’eût pu assister. Son esprit bienveillant et ferme, sa belle physionomie, sa tuille
imposante commandaient le respect et inspiraient la confiance. Les sauvages , qu'il comblait
de bienfaits, le prenaient pour arbitre dans leurs différends et lui portaient une vive affection.
La noblesse du caractère impose à tous les hommes civilisés ou non ; c’est uno suprématie à
laquelle partout on est contraint de céder.
Qu'on nous pardonne cettu digression : la science est cosmopolite et lus distinctions de
nationalité n’existent point pour elle. Tandis que Banks protégeait scs hardis représentants en
son nom comme au nom de l’Angleterre, l'Institut, sous le même prétexte , couvrait de sa
sauvegarde les savants étraugers retenus eu France parla guerre euroiiéeune. Nos voisins,
nous aimons à le croire, n'hésiteraieut donc point à admettre, dans leur panthéon scientifique,
les noms de Domhey, de Commcrson , de Bougainville, cornmo notre Muséum peut s’honorer
de ceux de Banks , de Cook et de Solander.
Tels senties principaux résultats auxquels étaient parvenus, en moins d'un quart de siècle,
ce petit groupe de naturalistes intrépides. On ne se rendait point compte encore de l’impor-
tance de tant «l'acquisition* précieuses, ducs à leur dévouement comme à leur sagacité.
L'espace manquait |«mr mettre en lumière toutes ces richesses, les métlioiles ne suffisaient
point pour les classer; la roôlogic et la minéralogie n'étaient pas même représentées par des
professeurs spéciaux. Jusque-là, dans les cabinets, ou songeait plulèt à rassembler des échan-
tillons curieux , à donner un certain éclat aux collections , qu'à les compléter en faveur de
l'étude. Buffon avait peu de goût pour les méthodes; il aimait à peindre la nature dans ce
désordre harmonieux qui la caractérise ; il eût voulu que le cabinet rappelât ect ensemble
plein d'abondance et do variété qu'il avait cherché à reproduire dans ses écrits, ot où les op-
positions, les contrastes, en excitant la curiosité, en éveillant vivement l'attention, foui naître
quelquefois des vues et des idées nouvelles. Mais ce syslèmo avait l'inconvénient de laisser
dans l'ombre une foule d’objets qui servent à lier les espèces , à caractériser les séries et à
compléter l'ensemble. C’est la même pensée qui faisait entasser dans des magasins fermés au
public la belle collectiou de pièces anatomiques préparées par Daubonton ; et pourtant , ces
richesses ainsi accumulées, et dont on ne connut le prix que longtemps apres , avaient fourni
à Buffon lui-même les éléments de son histoire dos Oiseaux, à Lacépède, ceux de l'histoire
des Poissons ; ils allaient bientôt offrir à M. Ilaiiy les matériaux d'un système complet de
minéralogie, ot permettre un peu plus lard à Cuvier de poser les premières assises du monu-
ment qu’il devait élever à l'iumtomie comparée.
Dans les premières années de cette période, la Botanique perdit presque à la fois les trois
hommes auxquels elle avait dû jusque-là scs plus grands progrès pendant le cours du même
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54 PREMIÈRE PARTIE.
siècle. Bernard de Jussieu s’éteignit en 1777 ; Haller et Linné succombèrent dans les doux
mois qui suivirent sa mort. L’éloge de Bernard fut prononcé à l’Académie des sciences par
Condorcet, en 1778, dans une séance publique à laquelle assistait Voltaire, qui devait mourir
la même année. Enfin, la Botanique devait encore perdre, au même moment, Jean-Jacques
Rousseau , qui avait cherché dans l’étude du Règne végétal quelque compensation aux mé-
comptes qu'il avait cru trouver dans le commerce des hommes. Dans les cinq dernières an-
nées de sa vie, il avait suivi avec assiduité les herborisations de Laurent de Jussieu. On sait
toutes les lumières et tout le charme qu’il avait répandus sur les éléments de cotte étude,
dons ses lettres célèbres adressées à madame Dolessert, et son nom vient naturellement
s’ajouter à celui des hommes éminents que celte science venait de perdre dans l’espace de
quelques mois.
Tandis que Buffon donnait en France un si vif élan à l’étude des sciences naturelles, uu
autre naturaliste, son émule, son contemporain, car il naquit la même année que lui, mé-
ditait uu projet de révolution complète dans l’histoire de la nature. Nous avons dit ailleurs que
Linné avait visité la France et le Jardin du Roi ; la haute influence qu’il exerça si longtemps
sur la Botanique, ses liaisons avec les naturalistes français, mais surtout la gloire de son
nom, ne nous permettraient pas de le passer sous silence dans le rapide coup d'œil que nous
jetons ici sur la marche de cette science.
Charles Linné était fils d’un pauvre pasteur do village , qui , le croyant doué d'une intelli-
gence médiocre, voulait d’abord en faire un cordonnier ; mais un ami de sp famille, le doc-
teur Rothman , en porta un meilleur jugement , et décida ses parents à lui faire étudier la
médecine , ce point de départ presque général des naturalistes célèbres. Dès ses premières an-
nées, il avait manifesté pour les plantes un goût aussi vif que précoce. Sa mère aimait beau-
coup les fleurs; pendant su grossesse, elle suivait des veux avec amour sou mari cultivant son
modeste jardin , et , quand elle allaitait son fils , elle no parvenait à apaiser les cris de l’en-
fant qu’en mettant des fleurs dans scs mains. Ce penchant naturel se développa encore avec
l'âge. Cependant , son père avait bien de la peine à subvenir aux frais de ses études. Linné
gagna d'abord quelque argent à faire des copies, puis il dounA des leçons de latin à d'autres
écoliers ; on ajoute que, se souvenant de son premier métier, il raccommodait à son usage
les chaussures de ses condisciples. Enfin, ou lui confia la direction du jardin botanique
d’tpsal , et c’est en s’efforçant d’y mettre de l’ordre qu’il reconnut les vices des méthodes, et
qu’il songea à les réformer. Ce fut de même en lisant le discours d’ouverture du cours de Vail-
lant qu’il conçut l’idée d’un système fondé sur les organes de la fructification. Quelques années
après , une autre idée lumineuse devint pour lui comme une seconde révélation : il imagina
d’exprimer le nom de chaque plante au moyeu de deux mots seulement , au lieu de la phrase
caractéristique, mais souvent assez longue, de Bauhin ou de Tourricfort. Linné était âgé
do 27 ans quand il publia son premier ouvrage : Spccies Plantation; il avait déjà fait un
voyage en Laponie , aux frais de la Société royale des sciences dT’psal. A cette époque, il
vint en Hollande pour étudier sous l'illustre Roërhaave, qui le prit aussitôt en amitié. Celui-ci
le présenta à un riche amateur, George Cliffort, chez qui Linné séjourna pondant trois ans,
et pour lequel il écrivit son Hortus Cliffortianus. Quand il quitta l'Université de Leydo pour
venir en France, le jeune savant alla faire ses adieux à Boerhaave qui, déjà vieux et presque
mourant, l’embrassa et lui dit ces touchantes paroles : « J’ai rempli ma carrière; que Dieu
« te conserve , toi qui commences la tienne. Le monde savant a obtenu de moi ce qu’il en
« attendait; mais il attend plus encore de toi. Adieu, mon Linné, adieu, mon fils!... »
Linné arriva à Paris en 1738. Le botaniste Adrien Van Royen , qui avait succédé à
Boërhaave, lui avait donné une lettre de recommandation j>our Bernard do Jussieu. Lorsqu’il
se présenta au Jardin du roi , Bernard faisait une démonstration de Botanique , et présentait
aux élèves une plante originaire d'Amérique, en leur demandant s’ils pourraient, à ses carac-
tères extérieurs , reconnaître sa patrie. On se taisait , quand Linné , élevant la voix , s’écria en
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HISTOIRE. - 177 1 - 1704. 6$
latin : « Faries Americana ! » Physionomie américaine! Bernard jetant les yeux sur lui, ré-
pondit aussitôt : « Tu es Linncus! » Vous êtes Linné!
A son retour en Suède, Linné ne tarda pas à être nommé premier médecin du roi , membre
de l’Académie de Stockholm et professeur de Botanique à Upsal. Il devait occuper cette chaire
pendant trente-sept ans. C’f»st devant cette longue période de professorat qu’il profita , de
même que Buffou , de sa haute influence et de tous les moyens dont il disposait pour étendre
et perfectionner la science , pour recueillir les éléments de ses ouvrages et pour les publier. Il
fit donner des commissions à des élèves qui, de tous les points du globe, lui rapportèrent des
matériaux immenses ; les naturalistes du monde entier s’empressaient de lui offrir tout ce
quils croyaient digne de lui. Do toutes parts, à l’exemple de la Suède comme de la France,
les nations s’efforçaient de seconder ce prodigieux essor d’une science encore nouvelle. Linné
recevait de tous les corps savants et de tous les souverains les marques les plus éclatantes de
considération; mais, inaccessible à l’orgueil, ces honneurs ne changeaient rien à la simplicité
de ses goûts et de ses habitudes ; la critique , à laquelle d’ailleurs il ne répondit jamais , ne
réussissait pas davantage à l’émouvoir.
Le plus célèbre des écrits de Linné , sa Philosophie botanique » publiée en 1751 , est le ré-
sumé de plusieurs opuscules qu’il avait déjà produits sous différents titres, comme pour y
servir de prélude. C’est un ouvrage rempli d’érudition et de vues nouvelles, présentées dans
un style concis, élevé et souvent poétique. Il est devenu le coda, la loi fondamentale des bo-
tanistes ; les principes en ont été heureusement appliqués à d’autres branches do l’Histoire
naturelle. Son Systema naturœ , qui d’abord ne se composait que de trois feuilles, fut réim-
primé un grand nombre de fois, et, augmenté de toutes les découvertes récentes, il a fini par
prendre des dimensions prodigieuses, au point que la quatorzième édition, donnée par Gmelin,
comprenait déjà dix gros volumes in-8°.
Si le système artificiel de Linné a dû perdre de son crédit en présence de la méthode natu-
relle fie Jussieu, il n’en est pas de même de sa nomenclature, qui est restée dans la science
et à laquelle tous les naturalistes se sont généralement rattachés. On en peut dire autant de
sa Philosophie botanique qui a conservé jusqu'à nos jours sa haute autorité. Linné réunissait
toutes les qualités nécessaires au succès «le ses grandes vues; il rangea toutes les productions
de la nature sous une loi nouvelle ; il créa pour la science une langue spéciale ; son enseigne-
ment se répandit et domina dans toutes les écoles pendant plus d’un demi-siècle. Sa société
était douce , sûre , remplie de charme ; sa bienveillance et sa piété étaient sincères , son zèle
et son activité infatigables. Le principal caractère fie Linné fut d’ètre un grand professeur ,
comme Buffon un grand philosophe. Malheureusement une dissidence regrettable sépara tou-
jours ces deux hommes de génie, qui eussent encore augmenté l’élan de la science, s’ils se
fussent entendus et réunis pour la servir.
Linné mourut en 1778, d’une attaque d'apoplexie, à l'âge de 71 ans. Il avait refusé les
offres de plusieurs monarques qui désiraient l’attirer dans leurs États. « Les talents que je
liens fie Dieu, avait-il toujours répondu* je les «lois à ma patrie. »> Aussi le roi, Gustave III,
l’honora-t-il dignement et s’honora lui-même en écrivant l’éloge funèbre de ce grand natura-
liste, qui répandit sur la Suède une gloire non moins éclatante et sans doute plus durable que
celle de son infortuné souverain.
L’enseignement de la Botanique au Jardin du Roi était heureusement tombé dans des mains
qui , loin de se borner à le soutenir dignement, ne tardèrent pas à l'enrichir des plus écla-
tantes découvertes. Desfontaines occupait la chaire de Lomonnier, Antoine-Laurent de Jussieu
avait succédé à son oncle Bernard , André Thouin était chargé du soin des cultures. La
science des végétaux allait devoir à ces trois savants des progrès qui, dans son histoire, si-
gnalent, comme une date glorieuse, la fin du siècle dernier.
Lorsqu’on 1774, on eut résolu d'agrandir le Jardin et d’en renouveler les plantations*
Laurent de Jussieu et André Thouin tombèrent facilement d'accord sur la méthode suivant
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66 P R K M I fc R R PARTIR.
laquelle serait disposée la nouvelle école. C’était t pour le premier, une heureuse occasion
d’appliquer en grand les idées de son oncle et les vues propres qu'il venait de développer dans
ses deux Mémoires à l’Académie ; mais cette grande opération exigeait des essais , des tâton-
nements ; une réforme aussi capitale ne pouvait s’opérer qu’avec lenteur et circonspection ;
aussi les travaux se continuèrent-ils pendant plusieurs années, et ce n’est guère qu’en 1787
qu’ils furent terminés. Ce ne fut pas un médiocre succès pour Jussieu que do faire consentir
Ruffon à laisser introduire au Jardin la nomenclature de Linné ; mais déjà sa parole était une
autorité en Botanique, et les réformes qu’il proposait formaient comme l’avenir de 1a science.
Antoine-Laurent de Jussieu était né à Lyon, en 1748. Il avait 17 ans et demi quand son
oncle l’appela à Paris. C’est sous les yeux de l’illustre vieillard qu’il commença ses études
médicales, et c’est de lui qu’il reçut les premières notions d’Histoire naturelle. Bernard menait
une vie fort retirée et ses habitudes étaient d’une régularité extrême. « Tout, dans sa maison,
était soumis a l’ordre le [dus exact et , si l’on peut s’exprimer ainsi , à l’esprit de méthode le
*plus sévère. Chaque chose s’y faisait, chaque jour, à la même heure et de la même manière.
Chaque repos avait son heure fixe et invariable. On soupait à neuf ; et, lorsque le jeune Lau-
rent allait jusqu’à se permettre la distraction du théâtre, il n’ouhliait jamais de calculer le nombre
précis de minutes qu’il lui fallait pour rentrer dans la salle à manger par une porte, juste dans
le moment même oh son oncle y entrait par l'autre... L’onde et le neveu travaillaient tout le
jour dans la même chambre , sans se parler. Le soir, le neveu faisait la lecture à son oncle,
qui lui communiquait, à son tour, ses vues et ses réflexions. On sent que les impressions
reçues auprès d’un homme de cette trempe ne devaient guère moins influer sur le caractère
du jeune Jussieu que sur son génie. Aussi, même simplicité dans les habitudes, même con-
stance dans le travail , même persévérance dans le développement d’une grande idée et de la
même idée : jamais deux hommes ne semblèrent plus faits pour se continuer l'un l’autre , et
n’être, si l’on peut ainsi dire, que les deux Ages, les deux phases successives d’une même
vie (I). »
AI. de Jussieu n’avait que 25 ans lorsqu’il présenta à l'Académie des sciences son premier
Mémoire , intitulé: Examen de la famille de» Renoncules. Ce Mémoire renfermait déjà tous les
éléments «le là grande pensée qu’il consacra sa vie à approfondir et à développer, à savoir :
les principes de la méthode naturelle. !• y établissait qu’à côté de la nomenclature qui,
jusque-là, semblait avoir occupé exclusivement les botanistes, doit se placer la recherche des
caractères des plantes ; que tous ces caractères n’ont pas la même importance et qu’il ne
suffit pas de les énumérer, mais qu'il faut surtout les évaluer. Cette valeur relative des orga-
nes, il la fondait d’abord sur la nature «le leurs fonctions, sur leurs rapjiorts avec le dévelop-
pement du végétal et aussi sur leur constance plus ou moins grande, qui se rattache toujours
à leur plus ou moins grande importance dans l’organisation. Enfin , il appliquait ces principes
à un groupe de plantes, dont il rapprochait les éléments épars, à une famille qui formait
d’ailleurs le premier anneau de celte grande chaîne «les plantes dieotvlédonées.
L’année suivante, 1774, Jussieu présenta à l'Académie un nouveau Mémoire, ayant pour
litre : Exposition d’un nouvel ordre de plante » adopté dans les démonstrations du Jardin royal.
Il y développait, y précisait encore les mêmes vues , et déterminait les grandes divisions de la
méthode naturelle, qu’il nommait des classes. Il les fondait d'abord sur les lobes de l’embryon,
puis sur l'insertion fies étamines. Il établissait ensuite, sur des caractères de moins en moins
élevés, les divisions secondaires : celles des familles, des genres, des espèces, et y joignait
l’exemple de certains groupes qui justifiaient d’une manière éclatante et ces principes et leurs
applications.
C’est à ces deux Mémoires que semblèrent s’arrêter, pendant quelques années, les commu-
nications de M. de Jussiim avec l’Académie; mais il n’en poursuivait pas moins, soit dans ses
(I) M. Flourfn*, Êleje hi»toriqnr d'Antoine- Laurent de Jatsien
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HISTOIRE. - 1771 - 1704. 57
étud«*s privées, soit dans son enseignement, les grandes vues de réforme qu’annonçaient ses
premiers travaux. Enfin, quinze ans après leur apparition, il exposa définitivement l’ensemble
de ses idées dans un ouvrage capital : Généra plantarum , etc., publié en 1789, qui constitue
une date remarquable dans l'histoire de la Botanique, comme dans celle du Jardin du Hni. Le
livre s’ouvrait par une Introduction dans laquelle Jussieu exposait l’ordonnance générale de sa
méthode. Il y établissait en mémo temps les principes généraux de toute classification des
êtres naturels, principes qu’il fondait sur une science entièrement neuve et dont la découverte
lui était propre, celle de la subordination des caractères. Le reste de l’ouvrage avait pour objet
la répartition de toutes les plantes connues en cent familles, déterminées par l’ensemble et les
rapports de situation des principaux caractères.
Mais ce n’est pas ici que l’on doit s’attendre à trouver les développements de cette grande
et féconde pensée. La méthode naturelle d’Antoine-Laurent de Jussieu a été exposée avec tant
de précision et de lucidité dans une autre partie de cet ouvrage, que nous croyons parfaite-
ment inutile , en la reproduisant , d'interrompre un récit particulièrement consacré aux événe-
ments généraux «le l’histoire de la science.
Ia question des affinités naturelles dans le règne végétal n’était pas nouvelle. Magnol
l’avait examinée le premier en 1689, et s’était même servi à ce sujet île l’expression heureuso
de famille. Rivinus, Morison, Jean Ray s'en étaient préoccupés et l’avaient étendue. Adanson
surtout, après avoir démontré le vice de toute classification artificielle, avait dit que toute
méthode devait se fonder sur l’ensemble des caractères; mais il n’avait pas songé à leur
valeur relative et à leur subordination. On admettait , on observait partout des affinités natu-
relles, mais on n’en connaissait pas les lois. Voilà le trait de lumière qui appartient sans nul
doute à Bernard de Jussieu, le principe qu’il a découvert, sans le soumettre à une analyse
rigoureuse, mais que Laurent a saisi, dégagé , appliqué surtout, avec la sagacité et la persé-
vérance qui caractérisent le vrai génie.
L’apparition du Généra plantarum eut lieu au même moment que celte grande explosion
politique qui devait changer les destinées de la France. Les hauts intérêts qui préoccupaient
alors tous les esprits devaient les rendre peu attentifs à la révolution botanique que préparait
le livre de JW. de Jussieu. Sa publication coïncidait aussi avec l’un des plus grands événe-
ments de l’histoire scientifique : les découvertes de la chimie moderne et les théories do
Lavoisier, qui fixaient dès lors à un si haut degré l’attention do l’Europe savante. La méthode
naturelle d’ailleurs n'était pas inattendue; ce n’était pas une réforme brusque et radicale, elle
ne touchait pas à la nomenclature linéenne, elle résumait seulement des idées déjà admises, et
qu'elle fixait invariablement. Son influence s’établit donc d’une manière paisible et d’abord
presque inaperçue; mais elle grandit peu à peu, se répandit généralement dans la science et
s'étendit même à d’autres branches de l’histoire naturelle, à la zoologie surtout, à laquelle,
peu d’années après, Georges Cuvier devait en faire une si brillante application.
M. «le Jussieu traversa sans dangers les troubles de la révolution, et ses travaux scienti-
fiques ou furent à peine interrompus. En 1790, il fut chargé par la mairie de Paris du dépar-
tement des hôpitaux. Ce poste ne le laissa point dans l’oubli, mais il s’v rendit si utile, qu’on
ne songea point à l'inquiéter. Trois ans plus tard , lorsque le Jardin des Plantes fut réorganisé
et prit le nom de Muséum d'histoire naturelle, M. de Jussieu fut compris parmi les douze
officiers pourvus des nouvelles chaires. L’année suivante, il fut nommé directeur. Ce fut en
cette qualité qu’il inaugura la bibliothèque, que l’on avait composée en choisissant, parmi les
livres des corps religieux supprimés, tout ce qui avait trait à l’histoire naturelle, travail auquel
il avait beaucoup contribué lui-même. Nommé membre do l’Institut, dés la création de ce
corps, il en était vice- président lorsque Bonaparte, après la compagne d’Italie, fut appelé à la
présidence; et quand la première classe de l’Institut devint l’Académie des sciences, il en fut
l’un des premiers présidents. En 1804, M. de Jussieu fut nommé professeur de matière médi-
cale à la Faculté de médecine, puis conseiller de ITniversité. Cependant, il avançait en âge,
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I
58 PREMIÈRE PARTIE.
et, ses forces commençant à diminuer, il so démit de sa chaire au Muséum en faveur de son
fils Adrien, de ce fils en qui vient de finir tout récemment cette illustre lignée de savants
botanistes. Sa vue s'affaiblit par degrés; sa taille, autrefois droite et élevée, se courba. Dans
les dernières années, il ne s’éloignait guère de sa famille, qui avait pour lui rattachement le
plus vif et le plus respectueux, que pour faire quelques promenades dons ce jardin, qu’il avait
pour ainsi dire créé une seconde fois, et pour assister aux séances de l’Académie, à laquelle
il appartint pendant soixante-trois ans. Enfin, sans autre maladie qu’un affaissement pro-
gressif de tous les organes, il s’éteignit doucement en 1830, à l’âge de quatre-vingt-huit ans
et demi.
Desfontaines l’avait précédé depuis quelques années dans In tombe. Nous avons vu celui-ci,
jeune encore et revenu tout récemment de son voyage en Barbarie, entrer à l’Académie des
sciences et succéder à Lemonnier dans la chaire de botanique du Jardin royal. Déjà, à cette
époque, renseignement de cette science avait pris une allure plus relevée et plus philoso-
phique. Depuis longtemps elle ne se bornait plus à la description des plantes médicinales ou
économiques : une partie des cours était consacrée à l’exposition des systèmes de classifi-
cation et de la nomenclature; l’autre partie avait pour objet les rapports généraux qui existent
entre les plantes, leurs modifications suivant les climats, la nature du sol, enfin, leurs appli-
cations à l’agriculture, à l’industrie ou aux arts. Desfontaines allait donner à cet enseignement
une étendue et une distribution encore plus favorables à l’étude comme aux progrès ultérieurs
de la science.
Depuis que l’école du Jardin du Boi avait été disposée suivant l’ordre des affinités natu-
relles, on avait apporté plus d’attention a l’anatomie végétale. La méthode de Jussieu, fondée
sur les détails les plus délicats de Inorganisation îles plantes, avait obligé les botanistes à
approfondir davantage la structure île certaines parties , mais elle n’avait pas rendu plus faciles
les abords do cette élude. Lue découverte remarquable de Desfontaines, tout en confirmant
les grands princi|>cs de la méthode naturelle, vint heureusement les rendre d’une application
aussi simple que facile. Jussieu avait établi sa grande division entre les phanérogames sur la
structure de l’embryon, qui, dans les monocolylédonées , n’offre qu’un seul lobe, mais qui
en présente deux dans les plantes dieolylédonées. Or, jusque-là , pour s’assurer de ce carac-
tère, il fallait observer minutieusement la graine, ce qui n’était pas toujours possible aux
différents âges de la plante, et ce qui n’était pas d’ailleurs à la portée de tous les botanistes.
Desfontaines, dans un Mémoire qu’il lut à l’Académie en 1780, et qui fit une vive sensation
parmi les naturalistes, montra que cette grande division si* fonde également sur la structure,
toujours très-apparente, de la tige et des feuilles. Ainsi, au lieu de recourir aux cotylédons,
qui ne sont pas toujours visibles , alors que la plante est encore en fleur et l’ovaire à peine
formé, il suffit d’observer si la tige est creuse ou bien munie d’une moelle centrale, si les ner-
vures des feuilles sont simples, parallèles entre elles, ou bien si elles sont ramifiées et à veines
entrecroisées. Dans le premier cas, la plante est invariablement monocotylédonée , comme
on le voit dans les Graminées, le Maïs, le Palmier; dans le second, la plante est dicotylé-
donée, comme dans le plus grand nombre des plantes ligneuses ou herbacées, et dans tous
les arbres ou arbustes de nos climats. Desfontaines établit ainsi que les rapports fondés sur
les organes de la végétation, comme les feuilles et les tiges, répondent constamment aux rap-
ports tirés des organes de la fructification; que les uns se confirment par les autres, et, en
même temps que cette observation diminuait les difficultés de l’étude, elle rendait les principes
de la méthode d’une plus grande évidence et d’une application plus générale.
Cette découverte, qui éclairait l’a structure interne des plantes à l’aide do leurs caractères
extérieurs, était comme un nouveau lien qui unissait l’anatomie végétale au perfectionnement
de la méthode. Desfontaines, ainsi heureusement engagé dans une voie nouvelle, s’attacha
spécialement aux observations de physiologie végétale, et en fit, dès ce moment, le sujet de
la première partie de son cours. Les leçons, jus ju’alors, avaient ou lieu dans le jardin même;
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lUSroillË. — 1 771 - 1 701.
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les élèves étaient placés sur un seul rang, le long d'une plate-bande dont le professeur suivait
avec eux les étroites allées. Mais le nombre de scs auditeurs s'étant considérablement accru,
Desfontaines se vit forcé de faire son cours dans l'amphithéâtre ; il y fit apporter les plantes
nécessaires à la démonstration, et après lu leçon, chacun pouvait les aller revoir dans les par-
terres. Son cours était suivi avec un empressement sans égal. Plus de quinze cents personnes
s’v pressaient assidûment , attirées par la renommée du professeur comme par le charme et
l’intérêt qu'il savait répandre sur les sujets de son enseignement. A son exemple, tous les
professeurs de botanique divisèrent désormais leur cours en deux parties : l’une consacrée à
l’organogrnphie et à la physiologie végétale: l’autre, à la description des familles, îles genres
et des espèces. La philosophie de la science venait du faire un pas considérable. La France,
dans la botanique , avait repris le premier rang.
Dr lonmn
Desfontaines, comme Jussieu, n'eut pas trop à souffrir des orages do la révolution. Labo-
rieux et paisible, il s'aperçut à peine des secousses et des dangers auxquels la société était en
proie pendant celte triste époque. Il ne sortit de sa studieuse retraite que pour aller voir et
consoler le malheureux Ramond, et pour faire, avec André Thouin, do courageuses tentatives
en faveur de L’Héritier, menacé d'une mort imminente. Nommé secrétaire de l’assemblée îles
professeurs, c'est lui qui rédigea le réglement relatif à la réorganisation de l’établissement. Au
retour do l'ordre, il reprit sa place à l'Institut, sa chaire au Muséum, et reçut la croix de la
Légion d'honneur. Parvenu à un âge assez avancé, il n'avait encore rien perdu do son activité
ni de ses forces. Cependant, sa vue s'affaiblit peu à peu, et il finit par devenir tout à fait
aveugle. Il s'appliqua alors à reconnaître les plantes au toucher, et y réussit d'une manière
étonnante. Sa mémoire était si fidèle, qu'il passait en revue, de souvenir, tous les carrés du
Jardin, et qu'il en nommait les espèces sans en omettre une seule. Mais ce qu’il conserva sur-
tout jusqu'au dernier jour, c’est le goût le plus vif pour la science, une bonté inaltérable et
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60 PREMIERE PARTIE.
une chaleur d'amitié qui formaient les bases «le son caractère. On n «lit qu’il aimait les plantes
comme Lafontaine aimait les animaux. Il est certain qu’il rappelait le fabuliste par plus d’un
trait, par sa candeur et sa bonhomie, par sa modestie et sa timidité. Le goût «les êtres natu-
rels, surtout de la botanique, s'allie fréquemment avec ces «jualités aimables; peut-être aussi
ce goût ne se développe-t-il avec force que dans les Ames peu accessibles aux vaines (tassions
qu'exalte le commerce du monde. Il est positif du moins «juo l’on trouve les plus nombreux
exemples de cette heureuse alliance parmi les hommes voués spécialement à l’étude de la
nature.
A l'histoire de cette partie de l’enseignement se rattache encore le nom d'un naturaliste qui
a laissé au Muséum de bien nombreux et honorables souvenirs , André Thouin , qui seconda ,
avec autant d’habileté que de dévouement, les vues do Buffon et celles de Jussieu dans
l'agrandissement et la replantation du Jardin; qui, du rang «le simple jardinier, s’éleva, à force
d’études et de courage, aux plus liauhvs sommités de la science et «tu professorat. Devenu l’agent
principal et presque le seul mobile «le ces nombreuses opérations, « jamais, dit Cuvier, ou n’avait
vu une plus heureuse activité. Il se fil à la fois lioinine d’affaires pour les échanges et les
achats, architecte pour les plans et les constructions, jardinier pour tout ce «jui avait rapport
aux végétaux vivants, botaniste pour ce qui regardait leur disposition et leur nomenclature,
et il mit dans des soins si divers une telle intelligence , que tout lui réussit également . et les
plantations, et les opérations financières, et les édifices. C’est du Janiin «lu Roi, pendant le
temps de la grande activité de M. Thouin, «|ue sont sorties ces Heurs si belles ou si suaves
«jui ont donné au printemps des charmes nouveaux : les Hortensia, les Du lu ru , les Verbena
triphylla (rapportée par Domboy), les Danistcria et ces fleurs tardives, les Chrysantemum ,
les Dahlia , qui ont prêté à l'automne les charmes du printemps, et ces beaux arbres «pii
ombragent et varient nos promenades, les Hohinias glutineux, les Marronniers à fleurs rouges,
les Tilleuls argentés et vingt autres espèces. Il en est sorti une multitude de variétés de beaux
fruits, une quantité d’arbres forestiers; le Chêne à glands doux , le Pin laricio ont surtout
excité le zèle de M. Thouin, «jui en a fait l’objet de mémoires particuliers. On sait qu’autre fois
le Jardin «lu Roi avait donne le Caféier à nos colonies. Sous M. Thouin , il leur a procuré la
Canne d’Otaïti , «pii a augmenté d’un tiers le produit «les sucreries, et surtout l'arbre à pain,
«pii sera probablement, pour le Nouveau-Monde, un présent équivalent à celui de la Pomme do
terre, le plus beau de ceux qu’il a faits è l’Ancien. M. do La Billardière avait apporté cet arbre
à Paris; mais ce sont les instances et les directions de M. Thouin «jui l’ont fait réussir à
Cayenne, où il donne maintenant des fruits plus beaux «pie dans sou pays natal. C’est aussi
à M. Thouin, après M. de La Billardière, que la France continentale devra de posséder le
Phormium Tenax , ou Un de la Nouvelle-Zélande , dont les filaments sont si supérieurs au
chanvre en force et en élasticité.
Je n’ai pas besoin de dire quel immense travail exigeaient les correspondances «|ui pro-
curaient tant de richesses, et les instructions nécessaires pour en assurer la conservation.
Chaque fois qu’un envoi de Végétaux partait pour les provinces ou pour les colonies,
M. Thouin l'accompagnait de renseignements sur la manière de soigner chaque espèce pen-
dant la route , de l’établir au lieu «le sa destination , d’en favoriser la reprise et le développe-
ment, de faire d'une manière avantageuse la récolte que l’on devait en attendre, de la multi-
plier enfin, soit «le graines, soit de boutures ou de marcottes. C’est d'après ces instructions
que se dirigeaient les cultivateurs et les colons français ou étrangers. Les hommes même
«jui accompagnaient ces envois , ou que l’on faisait venir pour diriger les plantations , étaient
ses élèves, et avaient travaillé sous ses yeux dans le Jardin du roi. Cayenne, le Sénégal,
Pondichéry, la Corse, ne recevaient des janliniers que de sa main. Son nom retentissait partout
où existait une culture nouvelle. Cette influence s’étendit encore, lorsqu’en 1795, dans lu
nouvelle organisation «le l'établissement, il fut nommé professeur, et chargé d’enseigner pu-
bliquement l’art «ju’il pratiquait avec tant «le bonheur. Vingt années de suite cette école a dis-
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HISTOinB. — I771-IÎ04. 61
tribut1 ('instruction à des hommes de tous les rangs, qui l'out disséminée à leur tour sur tous
les points de la Franco et de l’Europe. »
André Thouin avait été admis à l’Académie des sciences, en 1786. Quatre uns après, il fut élu
membre du conseil général de la Seine. A la réorganisation du Muséum, on créa pour lui la chaire
de Culture. C’est alors qu'il appropria à cet enseignement une partie du Jardin dont il lit une
(■•cole sociale. Il donna une impulsion immense à cette application de la science, et rendit en
cela à l'agriculture des services éminents. A. Thouin travailla soixante ans à justifier la bonne
opinion que ses protecteurs avaient conçue do son zole comme de ses talents. Il resta céliba-
taire par dévouement pour sa famille et pour la science, et mourut, dans le jardin, oil il était
né, à l’âge de 77 ans (182-1). Sa modestie et sa réserve étaient sans égales; il ne demanda
jamais aucune récompense. Il reçut la croix de la Légion d’honneur à la fondation île l'ordre,
mais il n’en porta jamais les insignes. « lu ruban, disait-il, irait mal à mon habit de jardi-
ii nier, et l’orgueil , inséparable de toute distinction , pourrait me faire oublier la serpe et la
h bêche qui ont fait ma consolation , ma fortune , et doivent suffire à mon ambition. »
La belle collection des vélins avait continué de s’accroître, depuis Aubriet, parles soins
de M’1* Basseporto, son élève, qui mourut en 1780, et qui, presque octogénaire, y travaillait
encore. Cependant, en 1774, Uuiïon avait donné sa survivance à un jeune peintre hollan-
dais, Van Spaëndonck dont le talent donnait les plus belles espérances. Devenu titulaire, son
talent prit tout son essor et les succès qu'il obtint décidèrent plus tard l'administration à créer
pour lui une chaire spéciale d 'Iconographie. Van Spaëndonck n'était pas seulement un peintre;
il était assez versé dans les sciences pour en suivre les détails par l'intelligence aussi bien que
par les veux. Il peignait les Plantes, a dit Cuvier sur sa tombe, dans le lieu même oh
Jussieu en parlait; il peignait à cèle de Buffoa, cet autre peintre si brillant aussi et si su-
blime. Il a ennobli le genre qu’il avait embrassé, et, dans scs tableaux étonnants, l'imagina-
tion se croit toujours prêle à trouver attire chose que des lleurs.
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Vti Smiiooju.
62
PREMIÈRE PARTIE.
Le cours do Van Spaéndonck était très-suivi et a produit des élèves du plus grand mérite.
Son écolo a beaucoup contribué à faire rechercher â l’étranger nos ouvrages «l'Histoire natu-
relle; il en est sorti une multitude d'hommes de talent qui ont répandu dans les ateliers et les
fabriques celte élégance de forme, cette variété et cette richesse de couleurs admirées dans les
produits de notre industrie. Van Spaèndonck devint membre de l’Institut, et mourut en 1821.
Tels étaient les pas importants que venait de faire la Botanique dans les mains des profes-
seurs du Jardin du Roi. Cette science, sur laquelle s’était principalement appuyée l’institution
naissante, ré|H>ndait ainsi à la haute protection dont elle était l’objet, bien que les travaux et
les goûts de Buffon l’eussent presque toujours éloigné de son étude. Mais il avait compris que
le Règno végétal est le vrai point de départ de toutes les sciences naturelles , qu’il est la pre-
mière source à laquelle s’adressent les besoins de l’homme, celle qui fournit à l’agriculture,
à la médecine, à l’industrie, aux arts, les matériaux les plus précieux et les plus abondants.
C’était comme un hommage qu’il rendait d’ailleurs à une science qui venait de porter si haut
et si loin l’honneur du nom français, grâce au génie de ses professeurs comme à l’intrépidité
de ses jeunes naturalistes. La même pensée allait bientôt, dans la nouvelle organisation, af-
fecter à la Botanique quatre des professeurs du Muséum : Jussieu , Desfontaines, André
Thouin et Lamarck.
Au même moment, des destinées non moins brillantes s’ouvraient à une autre science, la
chimie, que nous avons laissée, en 1770, entre les mains de Bourdelin, déjà vieux, et de
Rouelle *qui allait mourir. Celui-ci fut remplacé, comme démonstrateur, par son frère llilaire-
Marie Rouelle, aussi membre de l’Académie des sciences et chimiste distingué, bien qu’il
soit loin de tenir le même rang dans l’histoire de la science. Rouelle le jeune était aussi mé-
thodique et réservé que son frère était véhément et bizarre. Il possédait toutefois une grande
habileté dans la pratique des opérations et des expériences. Son élocution était encore moins
pure que celle de sou frère, lequel ne se piquait pas, comme on sait, d’une grande correction
de langage. Cependant sa parole était précise, énergique, et son cours était très-suivi.
Rouelle le jeune mourut en 1779, et fut remplacé par Auguste-Louis Brongniart, déjà profes-
seur à l’école de pharmacie et premier apothicaire du roi. Brongniart suivit d’abord les prin-
cipes de la chimie de Stahl et les idées de Macquer; mais, lorsqu’il devint démonstrateur du
cours de Fourcroy, il entra franchement dans les vues de ce professeur, et se montra connue
lui l’un des propagateurs les plus ardents des théories et de la nomenclature nouvelles. Bron-
gniart avait publié un tableau analytique des combinaisons chimiques, et travailla avec Has-
scnfraU au Journal des Sciences , Arts et Métiers. Pendant la révolution, il devint pharmacien
des armées. Il était frère de l’architecte éminent à qui l’on doit la Bourse de Paris, et oncle
d’Alexandre Brongniart, longtemps professeur de minéralogie au Jardin des Plantes et direc-
teur de la manufacture de Sèvres : famille illustre ou se perpétuent les traditions du savoir et
du mérite, dans la personne de M. Adolphe Brongniart, membre, comme ses ascendants, de
l’Académie des sciences , et aujourd'hui professeur de Botanique au Muséum.
Brongniart fut le dernier des démonstrateurs de chimie (tu Jardin du Roi. Cette singulière
distribution dans les attributions des professeurs était un reste des traditions scolastiques du
moyen âge. L’enseignement des sciences physiques, dont L’ensemble composait ce qu’on
nommait alors la philosophie naturelle, ne fut longtemps qu’une réunion de doctrines, d’hy-
pothèses que l’on exposait dans la chaire avec toute la pompe magistrale. Lorsque ces
sciences commencèrent à s’appuyer sur l’observation directe et positive, les professeurs conti-
nuèrent à se montrer revêtus de la robe doctorale, qui n’était pas commode pour les manipu-
lations et les travaux de laboratoire. Il fallut donc leur adjoindre uu aide qui fît les expé-
riences dont le professeur en titre expliquait en même temps la théorie. L’exemple de Rouelle
avait montré tous les inconvénients d’une pareille méthode; Fourcroy allait bientôt prouver
que la pratique des opérations peut s’allier parfaitement avec le talent de la parole et l'exposi-
tion lumineuse des théories les plus élevées.
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HISTOIRE. — 1771-1704. 03
Bourdelin était remplacé depuis longtemps par Marquer, membre de l'Académie des
sciences, professeur doué d’une élocution facile et précise, écrivain méthodique et élégant,
qui eut le malheur de surgir dans une époque do transition, et dont les travaux furent étouffés,
pour ainsi dire, entre les doctrines longtemps célèbres de Boérhaaveet de Stahl et les théories
naissantes de Carendish et do Lavoisier. Pierre-Joseph Marquer, né à Paris en 1718, appar-
tenait nécessairement à la première école, il avait près de 60 ans lorsqu'il remplaça Bourdelin
comme titulaire , et , jusque- là , ses écrits comme son enseignement avaient été fondés sur les
idées alors régnantes. Cependant , il ne restait pas étranger aux questions qui s’agitaient si
vivement entre les jeunes chimistes; il avait mémo essayé de modifier la théorie du phlogis-
tique, en y substituant la lumière, es|>érant concilier ainsi des opinions presque antagonistes.
La justesse de son esprit l'attirant comme malgré lui vers les idées nouvelles, il essayait du
moins d’en retarder le mouvement , et n’admettait qu’à regret des doctrines qui renversaient
toutes celles qu’il avait jusque-là professées. Toutefois, les découvertes de Priestley, de La-
voisier, de Schééle ébranlaient vivement ses convictions , et il eut sans doute fini par s’y sou-
mettre, si la mort n’y eût mis obstacle. Macquer succomba à une maladie du coeur, en 1784.
Si tous ces motifs ne permirent pas à Macquer de suivre hardiment la marche de la chimie
philosophique, il se distingua du moins comme praticien, et on lui doit de nombreuses et
utiles recherches de détail. C'est lui qui opéra pour la première fois, en 1771 , la combustion
du diamant; il reconnut que l’arsenic était un métal; il étudia l’un des premiers le platine,
nouvellement apporté en Europe, mais il n’aperçut pas les autres métaux qui s’y trouvent
ordinairement réunis. Il s’occupa du zinc, du plomb, de l'étain, de l’antimoine; il reconnut
la solubilité du caoutchouc dans l’éther et dans les huiles essentielles; il fit d'huurcuses appli-
cations de la chimie à l’art de la teinture. Appelé à diriger les travaux chimiques à la manu-
facture royale de Sèvres , il s'occupa de la chaux , de l'alumine , il se livra à d'immenses re-
cherches sur les terres réfractaires et perfectionna les fourneaux destinés à la fabrication des
poteries.
Manquer était un professeur habile, mais froid; il lisait ses leçons, écrites, à la vérité,
dans un style précis et substantiel; mais son cours était loin d’exciter le même intérêt que les
improvisations piquantes et animées de Guillaume Rouelle. Macquer publia un Dictionnaire
de Chimie qui fut traduit en plusieurs langues, et qui est resté comme un monument précieux
de l'état de la science à son époipie. Il est fâcheux pour sa gloire que ce bel ouvrage ait vu le
jour au moment où de nouvelles idées allaient opérer une révolution complète dans la marche
de la chimie. Macquer était un savant distingué et estimable; son caractère était doux et bien-
veillant , son esprit net et méthodique , son style d'une clarté et d'une éléganco remarquables.
Il travaillait à plusieurs publications ; on trouve plusieurs de ses écrits dans les Mémoires do
l'Académie, dans la collection des arts et métiers, surtout dans le Journal des Savants , o le
plus ancien , dit Vicq-d'Azyr, le mieux fait , et peut-être le moins lu de tous ceux qu’on pu-
blie. » La chaire que Macquer occupait au Jardin allait bientùt passer dans les mains de
Kourcrov.
La chimie préludait, depuis plus d’un siècle, à cette réforme qui devait l’élever à un rang si
distingué parmi les connaissances humaines. Colle science, dans l'âge précédent, avait rempli
un rûle assez secondaire et parfois peu digne d'elle-même, livrée qu'elle était aux mystères
de la magic, de la cabale, aux rêveries et aux spéculations des alchimistes. Tantôt con-
fondue avec les sciences occultes , tantôt avec la métallurgie ou la médecine; sans principes
fondamentaux, sans enseignement authentique, sans langue régulière, elle n'avait commencé
à fixer l’attention des hommes sérieux que depuis la fondation des sociétés savantes. Dés
lors, la masse de faits qu'elle recueillait en silence et leurs déductions généralisées lui don-
naient déjà une physionomie imposante, lorsqu’un phénomène, habilement observé par des
hommes de génio, vint tout à coup lui ouvrir de nouveaux horizons. On chercherait vaine-
ment dans l'Histoire des sciences un autre exemple d'un essor aussi prodigieux fondé sur une
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61 PREMIÈRE PARTIE.
soûle découverte, oollo îles gaz, ol mit les nombreuses conséquences qui s'y ratlm lient. A
partir de celle époque, la cliimio se trouva rapidement changée ilans ses principes , dans ses
procédés, dans son langage ; son importance grandit à tous les veux ; elle ouvrit de nouvelles
routes à tous les arts, tout en se préparant A elle-même des développements illimités : cette
révolution devait s'accomplir tout entière dans l'espace de quarante ans.
M ICQ C IB,
Nous n’avons pas à lelracer ici, et nous le regrrtlons, les phases principales de cette
grande réforme, sorte de drame scientifique, qui pourtant servirait à expliquer l'impulsion
extraordinaire qu'ont reçue depuis, de la chimie, presque toutes les connaissances actuelles.
Les découvertes successives qui s'y rapportent, les circonstances qui les entourèrent, les
hommes qui ont posé les principes, trouvé les procédés, imaginé les théories, créé la nouvelle
langue de la science, depuis Black et Cavendish jusqu'à Priestley et Bergmann ; depuis le mo-
deste Schéélo jusqu'à l'infortuné Lavoisier, les événements de l'Histoire générale, mêlés à ce
mouvement solennel, tout cet ensemble composerait une véritable épopée dont la science
fournirait les données principales, et l’histoire le plan, le tissu, les personnages Mais il
faut nous borner à exposer les progrès de la chimie dans l'enseignement du Muséum, et lu
part que Fourcroy allait prendre à la marche d'une science, en tète de laquelle figurent si di-
gnement les chimistes français.
Antoine-François Fourcroy, fils d’un pharmacien du duc d'Orléans, naquit à Paris cil
1755. Il perdit sa mère à l'Age de 7 ans, et il en éprouva une telle douleur qu'il voulut se
jeter avec elle dans la fosse mortuaire. Quoique rempli d'intelligence , il reçut au collège de
mauvais traitements et en sortit de lionne heure sans y avoir fait de grands progrès. Il se fit
copiste et apprit & écriro aux enfants ; il eut même la pensée de devenir comédien ; mais les
conseils de Vicq-d'Azyr, qui était l'ami île son père , le détournèrent de ce projet et le déter-
minèrent à étudier la médecine. Il donnait des leçons particulières, faisait des traductions et
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HISTOIRE. — 1771 - 1704. B5
voyait quelques malades; mais tout cela ne rendait pas sa situation fort aisée. Il aimait à
rappeler lui-même qu'il était logé dans une mansarde dont la croisée était si étroite, que sa
tête, coiffée à la mode de cette époque, ne pouvait y passer qu'en diagonale. 11 y avait sur
le même carré un porteur d'eau, père de douze enfants. Fourcroy traitait les maladies de sa
nombreuse famille; aussi le voisin lui rendait-il service pour service, cl le jeuuo étudiant ne
manquait-il jamais d'eau.
Après les années d'étude nécessaires, il fallut prendre scs grades. Une sorte d’animosité
régnait alors entre la Faculté et la Société royale de Médecine, dont Vicq-d'Azyr était le secré-
taire. Le docteur Diesl avait légué une somme à la Faculté, pour qu'elle accordât tous les
doux ans des licences gratuites à l'étudiant pauvre qui les mériterait le mieux. Fourcroy con-
courut, et se plaça au premier rang ; mais, lorsqu’on apprit qu’il était le protégé de \ icq-d'Azyr,
il fut repoussé. Heureusement, la Société royale , blessée de ce procédé , fit une collecte pour
couvrir les frais de sa réception; il fallut donc le recevoir. Quant au grade de docteur régent,
comme il dépendait uniquement des suffrages do la Faculté , on le lui refusa d’une voix una-
nime, « ce qui l’empêcha dans la suite d’enseigner aux écoles de médecine, et donna à cette
compagnie le triste agrément de ne point avoir dans ses registres le nom de l'un des plus
grands professeurs de l'Europe. » Ou peut expliquer jusqu’à certain point, par ces motifs, les
préventions de Fourcroy contre des institutions qui permettaient de tels abus , et contre des
hommes qui avaient montré si peu de bienveillance pour sa jeunesse et pour ses talents.
Ses premiers écrits eurent pour objet des matières assez diverses, mais les conseils do
Bucquct le décidèrent à su livrer plus spécialement à la chimie. Bucquet était alors professeur
de chimie à la Faculté do Médecine; la méthode, la clarté et la noblesse de son langage atti-
raient à son cours l’auditoire le plus distingué. Lu jour que lo savant professeur était en proie
à ces douleurs d’entrailles qui lui survenaient subitement, et auxquelles il finit par succomber,
il pria Fourcroy d'achever sa leçon. Celui-ci, après s’en être vainement défendu, monte en
chaire, s'efforce do vaincre son émotion, s'enhardit, s’anime, et nuit par obtenir un succès
éclatant. Bucquet, dès ce jour, lo regarda comme son héritier; il lui prêta son amphithéâtre,
son laboratoire, lui fit faire un mariage avantageux, ot lo présenta à Buffon, pour succéder à
Manquer dans la chaire de chimie au Jardin du Roi. Buffon s'empressa do l'accueillir sur la
renommée de son talent. Son compétiteur était Berthollet.
Lorsque Fourcroy fut mis en possession de l'enseignement, les bases principales de la nou-
velle chimie étaient déjà posées. Pondant les dix dernières années, des découvertes importantes,
des théories primordiales avaient pris placo dans la science. Déjà Black et Wilke avaient
changé la théorie de la chaleur; Baycn avait montré que les chaux métalliques se réduisent
par la simple action du feu , et qu’elles dégagent une substance gazeuse que Priestley avait
recueillie et qu’il avait nommé air vital. Bergmann avait donné à l'analyse une précision mathé-
matique; Sehéèle avait découvert le manganèse, le chlore, l’acide prussique, les acides végétaux
et plusieurs acides métalliques. Priestley uvait répandu un nouveau jour sur les gaz; Fonlgna
et Laborie avaient fait faire do nouveaux pas à l’histoiro de l'acide crayeux (carbonique) ;
Cavendish et Monge avaient pressenti la décomposition de l’eau. Les dissertations , les jour-
naux , les Mémoires académiques étaient remplis de faits et de. recherches de la même valeur.
Cependant , la Théorie avançait lentement , parce que chaque chimiste avait la sienne. I no
réforme complète devenait imminente : il était réservé à Lavoisier d'en diriger le mouvement,
et de la résumer dans les principes de la Doctrine pneumatique.
Les premiers travaux de Lavoisier remontaient à peu près à la même date. En 1772, il avait
montré l'analogie du gaz produit par la combustion du diamant, avec celui qu’on obtenait par
l'incinération du charlion. Deux ans après, dans un do ses premiers écrits, il continuait les
idées de Black sur l’air lixe et présentait l’exposition sommaire des travaux auxquels il se pré-
parait. Dans le cours de quelques années, il décomposait l'air en le faisant agir sur les métaux
au moyeu de la calcination, il retirait l’air respirable du précipité de mercure par l’action do
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6fl
PREMIÈRE PARTIE.
In simple chaleur, ri l’air fixe (acide carbonique) de In combinaison de l’air respiralde avec le
cliarUin. Il décomposait l'acide du nitre, et montrait que les acides minéraux ne différent
entre eux que par leur base, unie à l’air res | arable. En 1777, après avoir posé les fondements
de sa Théorie générale, il opérait l’analyse de l’air par la combustion du phosphore, il montrait
l'analogie de la respiration et de la combustion ; il expliquait théoriquement la fianune, la cha-
leur, l'acidification, et nommait O.ri/gcne la base de l’air respiralde. En 1780, il publiait scs
Mémoires sur les fluides aériformes, sur l’acide phosphorique , et ses travaux avec Eaplacc
sur le calorimètre. Plus tard, il établissait définitivement les principes de son système , il les
généralisait, en étudiait les applications ; il annonçait la décomposition et la recomposition de
l’eau, découvertes qui donnaient le dernier coup à la théorie défaillante du phlogistique; enfin,
à l’aide d’un travail de quinze années, il avait régénéré toutes les parties de la science et fondé
sur une suite de découvertes capitales l'admirable doctrine qui porte encore son nom.
On comprend toutes les résistances que dut soulever une réforme aussi générale, aussi
Complète. Cependant peu & peu les physiciens et les chimistes abandonnèrent ou modifièrent
les idées de Stahl , |iour so rapprocher de la doctrine de Lavoisier. I u chimiste dont les
recherches avaient aussi fort enrichi la science, qui avait étudié le chlore, décomposé l'am-
moniaque, reconnu In nature de l'or et de l'argent fulminant, montré l'action de l'oxygène sur
la décoloration des substances végétales, llerthollet , renonça l’un des premiers aux théories
surannées de la chimie allemande. Guyton de Morceau ne tarda pas à donner le même exem-
ple; Fourcroy s’empressa de s’y joindre, et ces trois chimistes, réunis à Lavoisier, appliquèrent,
de commun accord, à la nouvelle théorie, une nomenclature ingénieuse récemment imaginée
par Guyton de Morvcau. Leur travail, qui parut en 1787, un an avant la mort de Ruffou,
donna un vif élan à la propagation de la doctrine, en généralisant les données, en simplifiant
les formules, et dès lors sans hésitation et sans conteste, presque tous les savants de l’Europe
adoptèrent les principes et la nomenclature des chimistes français.
Fourcroy se montra le champion le plus habile, le plus ardent de la scienee ainsi renouvelée.
Il la développa dans ses leçons comme dans ses écrits. Il ne parla plus dans ses cours que In
nouvelle langue chimique; la lucidité de ses démonstrations , la netteté de sa logique et le
charme de son éloquence contribuèrent puissamment à la propagation des idées nouvelles; il
dirigea vers l’étude de la chimie un grand nombre de lions esprits. Sa réputation s’accrut avec
tant de rapidité que le grand amphithéâtre du Jardin étant devenu trop étroit pour l'affluenco
de ses auditeurs, il fallut deux fois l’agrandir. Le zèle du professeur était te), qu’il fit parfois
jusqu’à trois et quatre leçons dans le même jour ; ce qui ne l'empêchait pas de se livrer aux
expériences, d’écrire de nombreux Mémoires et de publier son cours, dont il parut six éditions
dans l’espace de quelques années.
L’énumération des travaux chimiques do Fourcroy serait trop étendue pour figurer dans
cette esquisse de sa viu; la plus grande partie de ces recherches, d’ailleurs, lui étant commune
avec Vaiiquclin, nous aurons sans doute l'occasion d’y revenir. Fourcroy était entré à l'Aca-
démie des sciences la même année où il fut admis à remplacer Macquer dans la chaire du
Jardin du Roi (1784). Sa renommée comme orateur, son activité prodigieuse, et [leut-être
aussi son ressentiment bien connu contre des institutions que la révolution allait détruire le
firent nommer suppléant à la Convention natiouale. Il n’y entra pourtant, comme député, qu’au
mois d’octobre 1793, par conséquent à une époque postérieure à la mort de Louis XVI. Malgré
les reproches publics qu'on lui en fit, dit Cuvier, il ne monta point à la tribune tant qu’on ne put
y paraître sans déshonneur, et il se renferma dans quelques détails obscurs d’administration,
se contentant, pour récompense, d’obtenir la grâce de quelques victimes. Ilarcet lui dut la
vie, et ne l’apprit d’un autre que longtemps après. Il fit appeler près do la Convention des
savants respectables, que la faux révolutionnaire aurait atteints partout ailleurs. Enfin, menacé
lui-même, il lui devint impossible do servir personne, et des hommes affreux n’ont pas eu
honte de travestir son impuissance en crime... « Quand un homme célèbre, ajouto son illustre
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H1 STOMIE. - 177 1 - 1704.
07
biographe, a eu la malheur d’ftre accusé comme M. de Fourcroy; lorsquo cctto accusation
fait le tourment de sa vie , ce serait en vain que son historien essaierait de la faire oublier eu
(Tardant le silence. Nous devons même le dire ; si, dans les sévères recherches que nous avons
faites, nous avions trouvé la moindre prouve d'une si horrible atrocité, aucune puissance
humaine ne nous aurait contraints de souiller notre bouche de son éloge , d'en faire retentir
les voûtes de ce temple, qui ne doit pas être moins celui de l'honneur que du ironie (I), u
Fourcroy ne prit quelque influence dans l’Assemblée que plusieurs mois après lo fl thermi-
dor. Dés les premiers moments, il s'occupa d’instruction publique et prit part à toutos les
mesures qui so rattachent à cetto branche de l'administration. Il concourut à la restauration
des Écoles, à la réorganisation du Muséum d’hisloirc naturelle, à la création do l'Institut sous
lo Directoire. Il avait fait partie du Conseil des Anciens ; sous les consuls il fut nommé con-
seiller d'Etat. Il devint successivement membre de l'Institut, professeur à l'Écolo do Médecine,
à l’Écolo Polytechnique , nu Muséum , commandant de la Légion d'honnour et directeur
général de l’Instruction publique.
C’est au milieu de ces fonctions si diverses qu’une incroyablo facilité de travail lui permet-
tait encore do publier de nombreux et importants ouvrages : ses Éléments de Chimie, son
Sytlime des Connaissances chimique», dont la troisième édition se composait de dix volumes;
sa Philosophie chimique, dont on fit dix traductions à l’étranger; des Mémoires, des articles
répandus dans l’ Encyclopédie méthodique, dans les Annales de Chimie, lo Journal des Phar-
maciens, le Dictionnaire des Sciences naturelles, le Journal des Mines, les Annales du Muséum,
publication dont il avait conçu la première idée. Cependant la haute considération dont
Fourcroy jouissait , et à laquelle il attachait tant de prix , lui imposait sans cesse de nouveaux
(I) Ctvitn, Khqe historique i'.t. F. de Fouremj, In à l ltisiilul, le 7 janvier 1811.
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68
PREMIÈRE PARTIE.
efforts. Sa santé s’en ressentit ; il éprouvait depuis quelque temps des palpitations, dos ver-
tiges. Pendant prés de lieux ans, il s'attendait , pour ainsi dire , rliaque jour au coup fatal.
Saisi enfin d’une atteinte suliite, au moment où il signait quelques dépêches, il s'écria : i Je
suis mort! » et il l'était en effet. La perte de Fourcroy laissait un grand vide dans la science;
heureusement, de dignes successeurs allaient se partager ce glorieux héritage : Laugier devait
le remplacer au Muséum , Gay-Lussac à l'École Polytechnique , Yuuquclin à la Faculté do
Médecine, el M. Thénard à l’Institut.
L'importance des minéraux comme sujets chimiques et l'appui que se prêtent mutuellement
deux sciences rapprochées par tant de points, rendaient indis[>ensnhle d'établir au Jardin
royal, à eêté de la chaire consacrée à la chimie, l'enseignement spécial de la minéralogie. A
la vérité, Dauhenton, en sa qualité de garde et démonstrateur du Cabinet, recueillait, classait
les échantillons minéralogiques , el en faisait la démonstration à quelques auditeurs, les jours
oit les galeries étaient ouvertes au public; mais ce n'était point là un cours régulier, et ce
naturaliste n'avait pas encore le titre île professeur de minéralogie. Toutefois, il avait lu à
l’Académie des sciences plusieurs Mémoires sur cette branche de l’histoire naturelle et il avait
émis, à diverses reprises, sur des questions de géologie, des vues neuves et d'un véritable
intérêt.
Les rapports uvec les sociétés savantes , avec les académies étrangères el les voyageurs
s’étaient beaucoup multipliés, el ces relations exigeaient une correspondance fort active.
Ruffon obtint la création d'une place d'adjoint au garde du Cabinet , qui serait chargé spécia-
lement île la correspondance. Son choix tomba sur un jeune naturaliste, déjà connu par de
bons écrits, particuliérement par des travaux estimés de minéralogie, el très-capable, par son
zèle comme par la variété de ses connaissances, de remplir de pareilles fondions. Barthélemy
Faujas de Saint-Fond , né à Montélimard, en 1750, avait été destiné par ses parents à la
magistrature. Après avoir fait dans sa ville natale d'assez bonnes éludes et s'être même dis-
tingué par quelque aptitude à la poésie , il avait suivi à Grenoble les cours de jurisprudence.
I il goût très-vif pour les voyages et l’aspect de ces belles montagnes que l'on nomme les
Alpes dauphinoises, l'entraînèrent presque à son insu à une observation approfondie de ces
masses imposantes. Il ne les admirait pas seulement au point de vue pittoresque, poétique :
il voulait connaître leur contexture, leur composition intime ; il cherchait surtout à deviner
l'hisloiro de leur formation et celle des révolutions auxquelles les siècles les avaient soumises.
Au milieu de ces préoccupations, Faujas devint pourtant avocat el même président de la séné-
chaussée; mais dés qu'il fut maftre de se livrer à ses goûts, il reprit ses excursions dans les
montagnes et s’occupa avec ardeur de physique, île chimie et de minéralogie. Quand il eut
recueilli une certaine masse d’observations de celte nature, il entra en correspondance avec
Ruffon. Il lui apportait, comme résultat de ses premières recherches, quelques faits importants
à l’appui des vues du grand naturaliste sur la théorie de la terre. Ruffon l’attira à Paris et
s'efforça de l'y fixer en lui donnant une modeste place au Jardin du Roi. Quelques années
apres , il le lit nommer commissaire royal des mines. Ce nouveau titre permit à Faujas do
parcourir la plupart des provinces de France el lui fournit l’occasion d'y faire plusieurs décou-
vertes d'une importance réelle. Plus tard, il visita l’Angleterre, l’Éeossc, les Hébrides, puis
la Hollande, l'Allemagne el l'Italie, cherchant partout à reconnaître les éléments du monde
primitif, et à retrouver, dans la configuration des masses minérales, la trace «les révolutions
successives du globe. Il établissait ainsi les premiers fondements d'une science, la géologie,
dont le nom n'était pas encore écrit dans nos dictionnaires , bien qu’ello eût été dtjà le sujet
des plus iiigéuicuses hypothèses. Les observations de Faujas venaient y joindre une masse
considérable de faits nouveaux , dont lui-même n’eût pu tirer «;ue «les conséquences prématu-
rées, mais «pii servirent à consolider les bases de la géologie, en attendant qu’un savant du
premier ordre élevât sur elles l’un des plus beaux monuments du génie scientifi«iue moderne.
Faujas était doué d’une activité raie el possédait toutes les qualités du naturaliste investi-
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HISTOIRE. — 1771 -1794.
galeur. Il fouilla avec sagacité, souvent avec bonheur, dans les archives de la nature, et saisit
parfois le secret do ces grands événements c|ui ont remué le sol que nous habitons. Son
ouvrage sur les volcans éteints du Vivante et de l'Auvergne répandit une vive lumière sur ce
sujet aussi neuf qu’intéressant. On lui doit un grand nombre d’écrits sur la plupart des ques-
tions de ce genre, sur les roches, les mines , les eaux minérales , sur la paléontologie et divers
autres sujets d’histoire naturelle. Parmi ses découvertes minéralogiques on place au premier
rang celle des mines de la Voulle, département de l’Ardèche. Par ses recherches sur les
pouzzolanes de Chenuvary-en-Yelay, il attira l’un des premiers l’attention des savants et des
ingénieurs sur le parti que l’on pouvait retirer de leur emplui dans l’art des constructions
hydrauliques.
Pendant les orages de la révolution, la fortune de Faujas se trouva fort compromise; heu-
reusement , il avait reçu quelques missions scientifiques qui mirent sa personne en sûreté. A
son retour, il avait perdu ses emplois , mais il obtint une indemnité en considération de ses
découvertes. Il no tarda pas & devenir professeur do minéralogie au Muséum, et l'un des
administrateurs do l’établissement. En 1818, bien que septuagénaire, il prufessait encore avec
un remarquable succès ; il mourut l’année suivante à sa terre do Saiut-Fond , en Dauphiné.
La minéralogie, eu 1780, avait doue déjà deux représentants au Jardin du Roi, et toutefois
cette science n’y tenait pas encore un rang égal à sou importance. Faujas était souvent éloigné
de Paris, par ses fonctions de commissaire des mines, et Daubcntou no pouvait donner à cette
branche des sciences naturelles qu'une partie de son temps, réclamé d’ailleurs |>ar tant d’occu-
pations diverses. C’est pourtant à lui que cette science doit l'un des hommes qui ont fait faire
à la minéralogie scs plus grands progrès à la fin du dix-huitième siècle : Daubeuton eut la
gloire d’itre le maître de Haiiy.
En 1743, le bourg de Saint-J est, département de l’Oise, donnait le jour à René-Jusl Haiiy,
fils d'un pauvre tisserand. Lue intelligence précoce et son assiduité aux cérémonies de l’église
avaient fait remarquer le jeune René par le prieur d’une abbaye située dans le même village.
Le goût de la musique, que Haiiy conserva toute sa vie, était bien pour quelque chose dans
son empressement à suivre les exercices religieux , mais il n'enlevait rien à sa piété réelle et
sincère. Le prieur lui fit donner quelques leçons au couvent , et lit onlendre à sa mère qu'à
l'aido des recommandations qu'il lui donnerait, l'enfant pourrait aller à Paris achever ses
éludes, lfaiiy partit donc , mais il n’obtint d’abord qu’une place d'enfant de chœur dans une
église du quartier Saint-Antoine. Il s'en contenta , parce que du moins il y trouvait l'occasion
d’exercer ses dispositions musicales; enfin, par le crédit de ses protecteurs, il finit par obtenir
une bourse au collège de Navarre , où sa conduite et son application lui valurent l’emploi de
maître de quartier, puis, avant l'âge de vingt et un ans, celui de régent de quatrième. Peu d’an-
nées après, il était régent de seconde au collégo du Cardinal-Lemoine, et c’est à ce poste
modeste que son ambition semblait vouloir se borner.
Cependant, il avait suivi au collège de Navarre les cours de physique do Brisson, et il s’élail
souvent exercé à en répéter les expériences , mais il n’avait encore aucune notion d’histoire
naturelle. Dans sa nouvelle résidence, il se lia d'amitié avec le respectable Lhomond, homme
pieux et savant , auteur d’ouvrages bien connus , destinés à l'instruction de l'enfance, et qui,
par modestie , s’était contenté de l'emploi de régent de sixième. Lhomond aimait beaucoup la
botanique , et son jounc collègue avait le regret , dans leurs promenades , de ne pouvoir s'en
occuper comme lui. Pendant une de ses vacances, Haüy apprit qu’un moine de Saint-Just
avait quelques notions do cette science. Il conçut aussitôt la pensée de faire une surprise à
Lhomond, et après quelques herborisations dans lesquelles il accompagna le bon religieux, il
avait fait des progrès si rapides , qu'à son retour il était presque à la hauteur de son ami , et
que la botanique devint pour quelque temps leur étudo commune et leur science favorite.
Cette étude le conduisait souvent au Jardin du Roi , qui était voisin de son collège. I n jour
il entra presque pur hasard aune leçon de minéralogie de Daubcntou, et remarqua avec plaisir
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70
PREMIÈRE PARTIE.
que celle science avait des rapports assez nombreux avec la physique, dont il sciait déjà
occupé. Cette leçon, qui l'avait frappé, l’amena à réfléchir sur les différences que présentent,
nu point de vue de la classification , les minéraux et les plantes. Il s’étonna de la constance
des formes, souvent si compliquées, dans toutes les parties d'une même espèce végétale, et
de la variété des caractères extérieurs dans certains minéraux d’une composition d’ailleurs
identique. Dès co moment, ses méditations se tournèrent vers la recherche des lois primor-
diales qui président à la cristallisation. Lue circonstance toute fortuite devint pour lui un trait
de lumière qui dissipa tous ses doutes, et qui allait répandre un jour nouveau sur tous les
phénomènes de celte nature. »
llaüy, examinant quelques minéraux chez un de ses amis, laissa tomber un groupe do
spath calcaire cristallisé en prismes. Lu «le ces prismes se brisa de manière à mettre à nu,
sur sa cassure , des faces parfaitement lisses , qui représentaient un cristal d’uno forme toute
différente de la première. Il examina ce cristal, l’inclinaison do ses faces, do scs angles, et il
remarqua que ses caractères étaient les mêmes que ceux du spath d'Islande, en cristaux rhom-
boïdes. Surpris de sa découverte, il rentre dans son cabinet, prend un spath cristallisé en
hexaèdre, le casse avec adresse et trouve dans ses fragments un nouveau rhomboïde; il agit
de même sur un spath lenticulaire et il obtient le même résultat. llaüy en conclut que ces
divers spaths n'ont qu'une seule et même forme moléculaire, et que ces molécules primitives,
en se groupant de différentes manières, donnent naissance à des cristaux d’un aspect différent.
Il répète cette expérience sur uuo multitude do cristaux et partout il retrouve le même prin-
cipe; partout les faces extérieures résultent du décroissement des lames superposées, qui s’est
opéré , tantôt par les angles , tantôt par les bords , et d'un arrangement particulier des molé-
cules élémentaires , subordonné aux mêmes lois de structure.
Quand il se fut bien assuré de ces faits extraordinaires, qu’il les eut confirmés en appliquant
sa théorie à la prévision de faits nouveaux qui se réalisèrent, enfin quand il les eut vérifiés, en
soumettant les faces et les angles de tous ses cristaux aux calculs rigoureux de la géométrie,
Haüy se hasarda à confier sa découverte à son maître, à Dauheuton, qui lui-même s’empressa
de la communiquer à Replace. Celui-ci, apres avoir apprécié sa nouveauté et compris la
portée de ses conséquences, engagea llaüy à la présenter à l’Académie. Ce n'est pas à quoi il
fut le plus facile de le déterminer (I). « L’Académie, le Louvre, étaient pour le bon régent du
Cardinal-Lemoine une sorto de pays étranger qui effrayait sa timidité. Les usages lui étaient
si peu connus, qu'à ses premières leçons, il y venait en habit long, que les anciens canons de
l’Église proscrivent , dit-on , mais que depuis longtemps les ecclésiastiques qui n’étaient point
on fonctions curiales ne portaient plus dans la société. A cette époque de légèreté, quelques
amis craignirent que ce vêtement ne lui ôtàt des voix; mais pour le lui faire quitter (et c'est
oncorc ici un trait de caractère), il fallut qu’ils appuyassent leur conseil de l'avis d’un docteur
de Sorbonne, — Los anciens canons sont très-respectables , lui dit cet homme sage , mais en
co moment , ce qui importe, c’est que vous soyez do l’Académie. — Il est au reste fort à pré-
sumer que c'était là une précaution superflue, et à l'empressement que l’Académie montra à
l'acquérir, on vit bien qu’elle aurait voulu l’avoir, quelque habit qu’il eût porté. On n’attendit
pas même qu'une place de physique ou de minéralogie fût vacante, et quelques arrangements
en ayant rendu mie de botaniquo disponible, elle lui fut donnée presque d'une voix el de pré-
férence à de savants botanistes. Ses concurrents étaient Dcsfontaines , Tessier , Dombey et
Palisot de Ceauvois.
« 11 reçut un témoignage encore plus flatteur de l'estime de scs nouveaux confrères. Plusieurs
(I) En reproiliiiifcant quelques traits de l'éloge île llaU), par M. Cuvier, que nous risquerions d'affaiblir en
les abrégeant, ce n’est pas un emprunt que nnua avons la hardiesse de lui faire, e'est plutôt un hommage
que nous aimons ü rendre à ce savant illustre, dont tous les écrits nous ont été si souvent utiles dans le
rours de ee travail.
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HISTOlnK. — 1771-1794. 7l
d'entre eux, et des plus distingués, le prièrent de leur donner des explications orales et des
démonstrations de sa théorie. Il leur en (il uir cours particulier. MM. de Lagrange, Lavoisier,
de Laplace, Fourcroy, Bertliollet et de Morvcau vinrent au Cardinal-Lemoine suivre les leçons
du modeste régent de seconde, tout confus do se voir devenu le maître d'hommes dont il aurait
à peine osé se dire le disciple. C'est qu'en effet, dans une doctrine aussi nouvelle, et cependant
déjà presque complète, les hommes les plus habiles étaient des écoliers... Il avait iuvenlé
jusqu’aux méthodes de calcul qui lui étaient nécessaires, et avait représenté d’avance, par des
formules qui lui étaient propres, toutes les combinaisons possibles de la cristallographie.
« Lorsqu’il eut atteint daus l’ Université les vingt ans de service qui suffisaient alors |>our
obtenir la pension d’émérite, llaüy se hâta de la demander. Il y joignit les produits d'un petit
bénéfice et continua de loger au Cardinal-Lemoine. Tout cela ne lui donnait au plus que le
strict nécessaire, mais encore fallait-il que ce nécessaire fût assuré. Malheureusement, les
événements politiques allaient en disposer d’une autre manière. L'Assemblée constituante
avait exigé des ecclésiastiques un serment d’adhésion à la nouvelle forme de gouvernement,
sous peine d’ftre privés de leurs pensions et de leurs places, llaüy, retenu par sa piété scru-
puleuse, se trouva dans celle dernière catégorie; mais ce n’est pas là que s’arrêta pour lui la
persécution. Quelques jours après le 10 août, on emprisonna tous les prêtres qui n’avaient
pas prêté le serinent, et le bon llaüy se trouva nécessairement atteint par cette terrible mesure. »
Fort peu au courant, daus sa vio solitaire, de ce qui se passait autour de lui, il voit un jour
avec surprise des hommes grossiors entrer violemment dans son modeste réduit. Ou com-
mence par lui demander s’il n’a point d'armes à feu : o Je n’en ai d'autre que celle-ci, u dit-il,
en tirant une étincelle de sa machine électrique. Ce trait désarme un instant ces horribles per-
sonnages, mais ne les désarme que pour un instant. On se saisit de ses papiers, où il n'y avait
que des formules d'algèbre; on culbute cette collection, qui était sa seule propriété; enfin, on
le confine avec tous les prêtres et les régents de cotte partie de Paris dans le séminaire de
Saint-Firmin , qui était contigu au Cardinal-Lemoine, et dont on venait de faire une prison.
Cellule pour cellule, il n’y trouvait pas trop de différence : tranquillisé surtout en se voyant
nu milieu de beaucoup de ses amis, il no prend d'autres soins que de se faire apporter ses
tiroirs et de tâcher de remettre ses cristaux en ordre. Heureusement , il lui restait au dehors
des amis mieux informés de ce que l’on préparait.
L'un de scs élèves, depuis devenu son collègue, Ccoffroy-Saint-llilaire, logeait au Cardinal-
Lemoine. A peine instruit de ce qui vient d’arriver à son maltro, il court implorer pour lui
tous ceux qu’il croit pouvoir le servir. Des membres de l'Académie, des fonctionnaires du
Jardin du Roi n'hésitent point à aller se jeter aux pieds des hommes féroces qui conduisaient
cette affreuse tragédie. On obtient un ordre de délivrance, et Ceoffroy-Saint-Iliiairo court le
porter à Saint-Firmin; mais il arriva un peu tant, et llaüy était si tranquille, il se trouvait si
bien, que rien ne put lo déterminer à sortir le soir même. Le lendemain, il fallut presque
l’entraîner de force. A quelques jours de là, allaient avoir lieu les massacres du 2 septembre!
Depuis lors, on ne l'inquiéta plus. La simplicité, la douceur de ses manières suffirent seules
pour le protéger. Un jour pointant ou le fit comparaître à la revue de son bataillon, mais on
le réforma sur sa mauvaise mine. Ce fut là à peu près tout ce qu’il sut, ou du moins ce qu’il
vit de la révolution. Cependant, au milieu de la plus grando effervescence, la Convention le
nomma membre de la commission des poids et mesures et conservateur du Cabinet des mines.
C'est dans ce dernier établissement qu’il écrivit son Traité de Minéralogie, publié d’abord par
fragments dans le Journal tics Mines, et qui forma plus tard 4 vol. in-8”. Cet ouvrage replaça
la France au premier rang dans celte branche d'histoire naturelle. Son succès fut aussi rapide
quo général , parce qu'il était fondé sur une découverte complètement originale, suivie, déve-
loppée et appliquée avec persévérance à toutes les variétés des minéraux, llaüy y plaçait la
cristallisation en première ligne pour la détermination des espèces minéralogiques , et , selon
lui, la composition chimique, malgré sa haute importance, n’arrivait qu’au second rang,
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PREMIÈRE PARTIE.
attendu que I-' même composé peut so présenter sou* diverses forme*. Il donnait enfin à In
minéralogie uno précision absolue, mathématique, pii soumettant à l'observation géométrique
1ns angles ut Ins facns i|uu présentent tous Ins minéraux cristallisés.
V la mort de Daubvnton, eu fut Dolomieu, et non pas Haiiy, qui fut nommé professeur de
minéralogie au Muséum d'histoire naturelle. Ou a vu que Dolomieu avait été, eonlre toutes
les règles du droit îles gnns, jeté dans les prisons de la Sicile. Plongé dans un horrible cachot,
on lui refusa les plumes, le papier, les livres, tout moyen de distraire sa pensée. « — Vous
a voulez donc me faire mourir? dit-il un jour à son geiMinr. — Que m'inqiorte que tu meurns,
« répondit cet homme cruel , je ne dois compte au roi que de tes os ! » l,a fermeté ingénieuse
de Dolomieu finit par triompher de sa situation. Il écrivit sa Philosophie minéralogique avec
un éclat de bois et la fumée de sa lampe, sur les marges d'un volume qu’il était [larvenu à
soustraire à l'inquisition de son gardien. Les fragments de cet ouvrage furent achetés au poids
de l'or par le généreux Joseph liants , et cet argent , qui devait servir nu soulagement du
proscrit , resta tout entier dans les mains de son affreux gl’élirr. Mais ces feuillets furent
connus, et Dolomieu , rendu à la liberté , eut un litre de plus à l’intérêt des savants. L’un de
ceux qui sollicitèrent le plus vivement en sa faveur fut llauy, celui dont la rivalité devait être
pour lui la plus redoutable. Lorsque Lavoisier fut arrêté , lorsque Borda et Dolambre furent
destitués, ce fut encore Haiiy qui écrivit pour eux et qui le (U sans hésiter, ni sans qu’il lui en
arrivât rien. A une pareille époque, son impunité était peut-être plus étonnante encore que
son courage.
La mort prématurés* de Dolomieu, fruit évident des souffrances qu'il avait éprouvées, rendit
hientét à Haiiy la place qui lui était si dignement acquise. Des qu'il fut nommé professeur au
Muséum, en 1802, renseignement de cette branche des sciences naturelles, ainsi que les col-
lections qui s’y rapportent , semblèrent prendre une nouvelle vie. De tous les points de l'Eu-
rope les élèves accouraient aux leçons d'un professeur aussi célèbre que modeste, aussi lucide
et méthodique que complaisant et affable. Quelques années après, llaüy publia un Traité de
Physique, remarquable par la clarté des démonstrations et par l’élégance du style. C’est un de
ces livres trop rares, propres à inspirer aux jeûnas gens le goflt des sciences et qui se fait lire
avec intérêt et avec fruit par les hommes île tout âge. Son Traité de Cristallographie lie parut
qu’en 1822, l'année même de sa mort. C'est dans cet ouvrage, et dans le Traité de Minéralogie,
que Haiiv dévoila tous les secrets de l'organisation des minéraux. Il reconnut les lois suivant
lesquelles la matière, inanimés; en apparence , prend des formes analogues à celles des être*
organisés. Il mesura les éléments primitifs des cristaux, il étudia leur structure et soumit au
calcul les combinaisons suivant lesquelles ils se réunissent, pour donner naissance à ces pro-
duits merveilleux du règne minéral, depuis la molécule saline microscopique jusqu’aux gemmes
et aux pierres précieuses, jusqu'à ces groupes d'un immense volume qui tapissent l'intérieur
des grottes et des cavernes souterraines. La pureté du style ajoutait encore à l'intérêt de ces
découvertes si originales , et le mérite de l'écrivain ne s’y montrait pas au-dessous du savoir
du physicien, du minéralogiste et du cristallographe.
La vieillesse de Haiiv ne fut pas exempte de sollicitude. Il ne désirait pourtant qu’une
aisance suffisante pour pouvoir rapprocher de lui sa famille et en recevoir quelques soins dans
son âge avancé. Il n'y réussit pas complètement. Son frère Valentin , bien connu comme fon-
dateur de l’institution des Jeunes-Aveugles, de retour de la Russie et de l'Allemagne, oit il
avait fondé des établissements analogues, revint, infirme et sans fortune, accroître les charges
du bon professeur cl aggraver encore sa situation précaire. A la vérité , les soins pieux de ses
jeunes parents dissimulaient avec adresse la gêne du pauvre ménage et épargnaient au savant
vieillard de plus graves inquiétudes. Comme lui-même n'avait rien changé à ses habitudes da
simplicité, il ressentait peu les privations matérielles et trouvait encore le moyen d’exercer sa
charité sur de plus pauvres quo lui. On ne peut douter que cet homme si émineut par son
savoir, si plein de candeur et do bonté, si étranger aux choses du monde, n’ait servi de modèle
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HISTOIRE. — 1771 - 1701.
7.7
au personnage principal de la charmante comédie de Michel Perrin. Son vêtement antique,
son air naïf, son langage modeste et familier ne pouvaient faire deviner en lui un des savants
les plus considérés de l'Europe, Un jour, dans une de ses promenades, il rencontra deux sol-
dats qui allaient se battre : il s'informe du sujet de leur querelle, les apaise, les raccommode,
et pour s'assurer que la dispute ne renaîtra point , il va sceller avec eux la puis, à la manière
des soldats, au cabaret.
Malgré la délicatesse de sa complexion , l’existence de Haüy se prolongea jusqu’à un âge
assez avancé. Un accident cruel en accéléra la fin. Il fil une chute dans sa chambre et se cassa
le fémur ; un abcès se forma dans l’articulation et une fièvre aiguë emporta le malade au bout
de quelques jours. Il mourut en 1822, à l’Age de soixante-dix-neuf ans. M. Brongniart, qui lo
secondait depuis quelques années dans son enseignement , fut appelé à le remplacer au
.Muséum.
Nous avons un peu anticipé , relativement à l’ordre de succession parmi les démonstrateurs
du cabinet. Daubenton, en possession de ce titro depuis 1775, devait le conserver jusqu’à la
nouvelle organisation de l’établissement. Depuis longtemps il s'était fait adjoindre, comnio
sous-démonstrateur, un de ses parents, connu sous le nom do Daubenton le Jeune (Edme-
Louis) , né à Monthard en 1732. Vers 1784 , celui-ci se vit forcé, par motifs de santé, de se
démettre de ses fondions. Il était à la fois cousin et beau-frère de Daubenton, et avait épousé
la belle-sieur de Vicq-d'Azvr. Il fut remplacé au Jardin du Roi par Lacépéde, dont nous aurons
bientét à parler.
Daubenton (Louis-Jean- Marie) , le collaborateur de Buffon , avait été nomme, en 1778,
professeur d'Instoirc naturelle au Collège de France, et quelques années après il fut chargé de
faire un cours d’économie rurale à l'École vétérinaire d’Alfort, nouvellement fondée. En 1785,
on créa pour lui une chaire semblable à l’École Normale. Ces soins multipliés n’étaient rien
à ceux qu'il consacrait , avec un zèle qui ne se ralentit jamais, aux collections confiées à sa
surveillance. On a vu tout ce quo le Cabinet avait dû, dès les premières années de son admis-
sion au Jardin du Roi , à son activité comme à son goût tout spécial pour l’arrangement des
collections d'histoire naturelle. L’ordre et la méthode qu’il introduisit dans le classement do
toutes ces richesses doivent le faire reganler comme lo véritablo fondateur de co Cabinet,
aujourd’hui lo plus complet et le plus splendide qui existe. Rien n’égale la patience, le soin,
le dévouement dont il fil preuve dans ces fonctions, qu’il pinça toute sa vie au nombre de
ses devoirs les plus chers, ■ L'étude cl l'arrangement de ces trésors , dit Cuvier , étaient
devenus pour lui uno véritable passion , la seule peut-être qu'on ait jamais remarquée en lui.
Il s'enfermait pendant des journées entières dans le Cabinet, il y retournait de mille manières
les objets qu’il y avuit rassemblés ; il en examinait scrupuleusement toutes les parties ; il
essayait tous les ordres possibles, jusqu'à ce qu’il eût rencontré celui qui ne choquait ni l’cril,
ni les rapports naturels.
Ce goût pour l’arrangement d'un Cabinet se réveilla avec force dans scs dernières années,
lorsque des victoires apportèrent au Muséum d'histoire naturelle une nouvelle masse de
richesses, et que les circonstances permirent de donner à l’ensemble un plus grand dévelop-
pement. A quatre-vingts ans , la tête courbée sur la poitrine , les pieds et les inaius déformés
par lu goutte, ne pouvant marcher que soutenu par deux personnes, il se faisait conduire
chaque matin au Cabinet pour y présider à la disposition des minéraux , la seule partie qui lui
fût restée dans lu nouvelle organisation de rétablissement.
Ainsi, c’est principalement à Daubenton que la France est redevable de ce temple si digne
de la déesse A laquelle il est consacré, et oh l’on ne sait ce que l’on doit admirer le plus, de
l’étonnante fécondité de la nature qui a produit tant d’êtres divers , ou de l'opiniâtre patience
do l’homme qui a su recueillir tous ces êtres, les nommer, les classer, en ussigtier les rapports,
en décrire les parties et en expliquer les propriétés. »
Les travaux de Daubenton s'étendirent à presque toutes les branches des sciences natu-
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71 PREMIÈRE PARTIE.
relies. On sait les nombreuses découvertes dont il enrichit la zoologie, et la rapide impulsion
que ses recherches imprimèrent à ranatomie comparée. En physiologie végétale, il appela le
premier l’atteution sur le mode d’accroissement de la tige des palmiers, et cette observation
prépara, pour ainsi dire, l'admirable découverte de Desfontaines, sur laquelle se fondent
aujourd'hui les grandes divisions de la botanique. Il reconnut aussi dans l’écorce des arbres
l'existence des trachées, que l’on n’avait encore observées que dans le Ifois. En minéralogie,
il publia des idées ingénieuses sur la formation des albâtres, des stalactites, des marbres ligu-
res, etc. Ses travaux en agriculture et en économie rurale eurent un mérite de plus, celui
d'une application et d’une utilité immédiates. Dauhenton s’occupa avec un succès remarquable
de l’éducation des moutons et de l'amélioration des laines. Ses expériences à ce sujet remon-
taient à 1706, et il les continua jusqu’à sa mort. Il démontra l’importance du parcage
continuel des bêtes à laine et le danger de les renfermer dans les étables; il étudia le méca-
nisme de la rumination et en déduisit des conséquences sur la manière de les nourrir. Il forma
des bergers pour propager la pratique de ses méthodes , il distribua ses béliers aux agricul-
teurs, rédigea des instructions à leur usage, et fit fabriquer des draps avec la laine qu’il avait
obtenue, pour démontrer la supériorité de ses produits. C’est de ce point que partent les perfec-
tionnements dont cette branche de l’économie rurale a commencé à s'enrichir dès la fin du
dernier siècle.
Daubentnn avait acquis par ces derniers travaux une sorte de réputation populaire, qui lui
fut très-utile dans une circonstance dangereuse. En 1793, ce naturaliste, presque octogéuaire,
eut besoin, pour conserver la place qu’il honorait depuis cinquante-deux ans par ses talents et
scs vertus, de demander à une assemblée, qui se nommait la section des Sans-Culotles . un
certificat de civisme (I). Il ne l'eût pas obtenu comme professeur ou académicien; quelques
gens sensés le présentèrent sous le titre do berger, et ce fut le berger Daubenton qui obtint le
certifient nécessaire pour le directeur du Muséum national d'histoire naturelle.
Cependant , cette pièce ne le mettait pas complètement à l’abri des persécutions qui mena-
çaient alors lous les hommes paisibles et éminents. Il avait proposé plusieurs fois de faire des
cours d’économie rurale au Jardin des Plantes. Lorsqu’il fut question de réorganiser l’établis-
sement, il se réunit aux autres professeurs pour demander sa conversion en une école spéciale
d’histoire naturelle. En 1794, il fut nommé professeur de minéralogie, et, bien qu’octogénaire,
il n’en fui pas moins exact à remplir ses nouvelles fonctions. C’était un spectacle touchant,
dit encore son panégyriste, de voir ce vieillard entouré de ses disciples, qui recueillaient avec
une attention religieuse ses paroles, dont leur vénération semblait faire autant d’oracles;
d’entendre sa voix faible et tremblante se ranimer, reprendre de la force et de l’énergie , lors-
qu’il s’agissait de leur inculquer quelques-uns de ces grands principes qui sont le résultat des
méditations du génie, ou seulement de leur développer quelques vérités utiles.
Ce zèle pour la science et pour l’instruction de la jeunesse ne l’abandonna pas même dans
(») Voici la copie figurée de celle pièce singulière, qui existe encore :
• Sectiox ûes Saxs Ca lotte.
• Copie de Vexirail de» délibération» de VAs»emblée générale de la séance du cinq de la première décade
du troisième moi» de la seconde année de la Itépublique françoise une et indivisible.
« Appert que d’après le Rapport laite de la société fraternelle de la section des Sans-Culotte sur le bon
• Civisme et faits d'humanité qu'a toujour lémognés le Berger Dauhenton l'Assemblée Générale arrête una-
« ntniement qu'il lui sera accordé, un certificat de Civisme, et le Président suivie de plusieurs membre de
« ladite assemblée lui donne l'âcolade avec toutes les acclamations dues à un vraie modèle d'humanité ce qui
• a été témoigné par plusieurs reprise.
■ Signé R. -G. DARDEL, président.
Pour extrait conforme,
« Signé Dénoxî •
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HISTOIRE. — 1771-1704.
les dernières aimées de sa vie; il faisail des efforls continuels pour se tenir au courant île la
science et no pas rester au-dessous do son enseignement. I n de ses collègues lui avant offert
de le suppléer dans ses leçons, « Mon ami, lui répondit-il, je ne puis être mieux remplacé quo
a par vous ; lorsque l’âge me forcera à renoncer à mes fonctions , soyez sûr que je vous en
a chargerai. » Il avait alors quatre-vingt-trois ans.
Daubentou, d'une compleiion naturellement faible et malgré un travail presque incessant,
parvint néanmoins à une vieillesse avancée , à l'aide d’une étude assidue de lui-même , et eu
évitant tous les excès du corps, de l’âme et de l’esprit, il se délassait de ses travaux scienti-
fiques par des lectures de littérature légère, de romans, do contes, de pièces de théâtre. Il
appelait cela : « mettre son esprit à la diète, n Mmc Daubentou, qui partageait ce dernier goût,
publia un roman qui a joui dans le temps de quelque célébrité ; Zélie dans le désert.
Ln des traits les plus saillants du caractère de Daubenton était la bonne opinion qu'il avait
des hommes; sans doute parce qu'il s’était peu mêlé â leur commerce cl qu'il n'avait pris
aucune purl au mouvement qui entraînait alors la société. Celto disposition bienveillante,
comme sa candeur habituelle, donnait le plus grand charme à sa conversation. Dans sa
conllunce naïve, il se laissait prendre aux démonstrations et aux paroles des hommes saillants
do cette funeste époque et croyait à leur bonne foi ; ce qui lui valut quelques reproches do
pusillanimité. Ceux qui curent le bonheur de le connaître n'y virent jamais qu’une condescen-
dance naturelle, qui d'ailleurs fut toujours sincère et désintéressée.
Daubentou apportait jusque dans ses expériences la candeur et la bonhomie qui formaient
le fond de sou caractère. Douze cochons d'Inde, auxquels il n'avait fait donner pour tout
aliment que des champignons, alin de constater l'action de ces plantes, périrent au bout do
huit jours. On vint aussitôt lui annoncer cette nouvelle. « — De quoi sont-ils morts?
n demande-t-il avec vivacité. — De faim, sans doute, répond tranquillement la personne
n qu’il interroge. — Cela ne m’étonne point, reprend alors Daubenton avec encore plus de
n tranquillité; ces pauvres animaux n’avaient pas dû manger depuis huit jours
Les nuages qui s'élevèrent un moment entre KulTon et lui ne laissèrent aucune trace dans
son âme paisible et bienveillante. Il saisissait même toutes les occasions d'exprimer sa grati-
tude envers celui qu'il regardait toujours comme son protecteur. « Sans lui , disait-il à
n Lacépède, je n'aurais pas eu , dans ce Jardin , cinquante ans de bonheur. »
Dans lu dernière année de sa vie , Daubenton fut nommé sénateur. Il voulut , comme tou-
jours, se mettre en mesure d'accomplir ses nouveaux devoirs; mais la première fois qu’il
assista à la séance, il fut frappé d'apoplexie, et tomba sans connaissance entre les bras de
ses collègues, pour ne plus se ranimer. C’était le 31 décembre 1709. Il finissait avec le siècle,
dont il avait été l’une des gloires ; il était âgé de quatre-vingt-quatre ans. Ses funérailles furent
splendides et touchantes par le nombre des savants , des élèves et des hommes do tous les
rangs qu’elles rassemblèrent. On lui éleva un tombeau rustique, surmonté d'une simple
colonne, sur l'une des buttes du Jardin des Plantes, auprès du Cèdre planté par les mains de
Bernard de Jussieu.
Daubenton ne prit jamais rang parmi les professeurs d'anatomie du Jardin du Roi, et pour-
tant c’est à lui peut-être que se rapportent les progrès les plus marqués que lit cetto science
pendant la période que nous parcourons. Indépendamment de ces descriptions anatomiques,
qui ajoutèrent un si grand prix â l’ Histoire des Quadrupèdes de liuffnn, c’est aussi à ses mains
habiles que l'on doit cette magnifique collection de pièces osléologiques, qui a fourni de si
précieux matériaux aux développements ultérieurs de l'anulomio comparée. Il fut aidé dans
ces derniers travaux par les deux Mertrud; le premier, élève de Duverney, démonstrateur
sous Kerreiu et Winslnw, mort en 1700, et le second, son neveu {Jean-Claude), pour qui
lluffon avait la plus grande estime, et qui laissa au Jardin une véritable renommée de savoir
et d’habileté.
I.e professeur en litre était Antoine Petit , qui avait succédé à Fcrrcin, et qui conservait à
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Antoine Petit , parvenu a une grande célébrité comme savant et comme praticien , et après
avoir acquis une fortune Imnorablc, en fil un généreux emploi en faveur de la science et pour
le soulagement des pauvres. Il fonda , à la Faculté de Médecine de Paris, deux chaires, l'uno
d'anatomie et l’autre de chirurgie. A Orléans, il fil également des fonds pour établir dos con-
sultations gratuites destinées aux indigents. La première institution fut em|H>rtée par les orages
politiques de la fin du siècle, la seconde subsiste encore et porte toujours le nom de son digne
fondateur.
Vicq-d'Arvr n'a donc jamais appartenu à l’enseignement du Jardin du Roi que comme sup-
pléant d'Antoine Petit ; mais c’est là que commença la célébrité de cet éminent professeur, et
il est juste qu'une partie de sa gloire rejaillisse sur un établissement qui en fut la première
source.
Félix \ icq-d'A/.vr, né à Valognes en 1748, était fils d'un médecin et naturellement appelé
70 PREMIÈRE PARTIE.
la chaire d'anatomie la célébrité qu'elle avait acquise sous Duvernoy, llunauhi et Wiuslow.
Antoine Petit, fils d'un tailleur d'Orléans, était né dans cette ville, eu 1722. 11 avait obtenu
de tels succès dans ses premières études, qu’on l'engagea à suivre la carrière de la médecine,
et que la Faculté, en considération de ses talents comino do son peu de fortune, l'admit gra-
tuitement au grade do docteur. Il se livra presque aussitôt à l'enseignement et y obtint do
rapides succès. Il lit partie do l’Académie des sciences en 1780, et fut nommé, en 1769, pro-
fesseur d’anatomie au Jardin du Roi ; mais il lie tarda pas à s'v faim suppléer par A icq-d’Azyr,
dont il avait apprécié tout lo mérite cl pour qui il avait conçu une vive amitié. Vers 1776,
Antoine Petit renonça tout à fait au professoral; il se retira d'abord à Foutenay-aux-Roses.
Quelques années après, ayant perdu sa mère, il alla se fixer à Olivol, près d'Orléans, où il
mourut en 1794. Il eût désiré se voir remplacer au Jardin du Roi par Yicq-d'Azyr, son élèvo
et son ami. mais Buffmi lui préféra Portai, alors très-répandu à la cour, et c'est à ce dernier
que fut accordée la survivance du professeur.
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HISTOIRE. — 1 77 1 - 1 704.
77
à suivre la mémo carrière. Il fit ses premières èlu'les dans sa ville natale, et les poursuivit à
Caen, où il obtiut de tels succès, qu'ils lui inspirèrent d'abord un goût oxclusif pour la litté-
rature et la poésie. Cependant, sou père l'ayant envoyé à Paris, ses rapports avec des hommes
distingués dans les sciences finirent par changer ses premières dispositions, et il reconnut que
l’art médical réunissait les moyens do mettre à prolit presque tout ce qui peut intéresser une
haute intelligence. A peine en possession du titre de docteur, il se fit remarquer par quelques
écrits qui le firent admettre comme associé à l’Académie. Il ouvrit alors des cours d'anatomie
comparée qui attirèrent un grand nombro d'élèves: la chaleur, la clarté, l'élégauco qu'il
apporta dans son enseignement élevèrent sa réputation au point que la Faculté s'en émut, et
qu'en so fondant sur d’anciens règlements tombés en désuétude , elle lit interrompre ses
leçons. C'est alors qu' Antoine Petit, qui avait apprécié la portée du jeune Vicq-d’Azyr, lo
choisit pour son suppléant au Jardin du Roi, espérant laisser dans ses dignes mains une chaire
qu'il songeait dès lors à abandonner. Ou sait que Cuffon devait en disposer autrement.
Vicq-d’Azyr se maria île bonne heure, et par suite d'un événement dénature tout à fait romanes-
que. Il était avec quelques élèvos dans son laboratoire, lorsque des cris do douleur et d'effroi
se firent entendre au dehors, et l'on apporta daus la salle une jeuno |iersonne évanouie. C'était
M,u Lenoir, nièce de Daubeulon. Vicq-d’Azyr s'empresse do lui prodiguer ses soins; il la rap-
pelle à la vie, et cette circonstance devient l'origine d’une liaison qui se termina par un mariage.
.Malheureusement, cette union n’eut pas une longue durée; il perdit sa femme au bout de
dix-huit mois, h la suite d’une longue maladie; mais il conserva l'affection de Daubeulon,
qui devint son protecteur, ainsi que Lassonue , alors premier médecin du roi. A la suite do
cet événement, Vicq-d’Azyr tomba malade, et alla se rétablir dans son pays natal, sur les
bords de la mer. Il profita do ce séjour pour étudier l'organisation des poissons. La mémo
année, Turgot l’envoya dans le Midi, à l’occasion d’une épizootie, et c'est à son retour <ju'i|
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•R PREMIÈRE PARTIE.
proposa au ministre la formation d'un bureau composé «le six membres , chargés de recueillir
tous les documents relatifs aux muladies épidémiques. Telle est la première origine de la
création de la Société royale de Médecine , dont Yicq-d* Azyr prépara les règlements , qui fut
proposée nu roi en 1770 par Lassonne et Turgot, confirmée «leux ans après par lettres patentes
«lu roi Louis \\l , et dont le jeune professeur fut nommé secrétaire perpétuel. Telle est aus?si
In première source de l’animosité que montra la Faculté à l’égard «1«‘ cette fondation, et surtout
«lu mauvais vouloir qu’elle témoigna toujours à Yicq-«rAzyr.
La création «le la Société nivale de Médecine réalisait la jieiisée connue un siècle auparavant
par Chirac, et qui a servi «le hase à la fondation «le l’Académie «!«• Médecine, rétablie en 1820
par le roi Louis XVIII. Cette compagnie était ap|»e1éo h reluire, et rendit, en effet, d<» tels
services, qu’ils Unirent par triompher «les préventions de la Faculté; elle fournit surtout à
Vîcq-d’Azyr l’occasion de développer sur un vaste théâtre les talents «pii le distinguaient; il en-
treprit d’écrire l’éloge de ses membres décédés, et il le fit avec* le plus grand succès. Ln savoir
extrêmement varié , un jugement sain , un style élégant et pur, remarquable surtout par la
distinction, l’élévation des sentiments et des pensées, lui acquirent dès lors une place éminente
parmi les savants comme parmi les gens de lettres, à ce point qu’en 1788 il fut jugé digne d’oc-
cuper, dans h11 sein «le l’Académie française, le fauteuil «pu* Ruffun venait d’y laisser vacant.
L’étendue et la variété des connaissances île Yicq-d'Azyr en faisaient souvent une sorte d’ar-
bitre pour ses collègues , meme les plus instruits ; c’était à lui «pie l’on s’a«lressait de préfé-
rence pour constater l’exactitude «les citations et In réalité «les découvertes, l u docteur, qui
avait puisé toute son érudition dans Haller, citait souvent, comme une autorité, un certain
Pari$ini , nu nom duquel il ajoutait parfois l'épithète de savant et d’illustre. On consulta Vicq-
d’Azvr sur ce personnage, et il avoua «l’abord qu’il lui était inconnu; mais, en y réfléchissant,
il se souvint que ce nom do Pari&ini n’était autre chose «pie le titre par lequel Haller désignait
ordinairement les membres «le l’Académie des sciences de Paris.
L'amitié do I^assouno lui avait fait obtenir la place «le premier médecin «le la reine Marie-
Antoinette. C'était précisément l'époque où cette malheureuse princesse allait soulever contre
elle les attaques les plus odieus«?s et les plus violentes. Vicq-d’ Azyr devint l’objet des suspicions
qui atteignaient alors tous les hommes pourvus d’un emploi â la cour. Surchargé de travaux
et accablé «J’inquiétudos, il se vit obligé, pour conjurer de plus grands malheurs, de prendre
part aux travaux des sociétés populaires et aux actes de l’administration centrale. Après avoir
assisté à üno fêle patriotique, celle où le dictateur proclama l'immortalité de l’âme, la chaleur
et la fatigue lui occasionnèrent une maladie aiguë à laquelle il succomba au bout de quelques
jours, en 1791 , à l’âge «le quarante-six ans.
Lu destinée de Portai devait être bien «lifférente de celle do Vicq-d’Azyr. Antoiue Portai était
comme lui, fils d'un médecin distingué, et naquit à Caillai*, «lépartement du Tarn, en 1742.
Destiné par sa famille à la carrière médicale, et après «Je bonnes études faites chez les jésuites
de Toulouse , il se rendit à Montpellier. Ses progrès furont si rapides qu’après deux ans do
noviciat , il a«lressait à l’Académie do cetto ville , sur des questions médicales , un écrit assez
remarquable pour lui mériter le titre de correspondant de cette compagnie. C’était l’époque où
Sauvage, Lamure, Uarlhez et tiordeu répandaient tant de gloire sur cette école célèbre. Portai
se plaça sous le patronage «le Lamure ; mais, pour s«î livrer aux «'*tudes anatomiques, il eut à
lutter, comme Hunauld, contre une antipathie involontaire que lui inspirait la vue des ca«la-
vres. On raconte que, pour faire ses premières dissections, il était obligé de ruser avec lui-
même et de Rapprocher qu’à reculons du corps sur lequel il devait opérer. Il triompha «lo
cette répugnance machinale à force de volonté, au point «jue, tout en prenant scs premiers
grades, il faisait des leçons particulières d’anatomie et publiait des Mémoires sur divers points
do mé«le« ine «H de chirurgie. Dans sa thèse inaugurale, écrite en latin, il présenta la descrip-
tif»» d’une machine qu’il avait inventé»? dans le but de réduire l«*s luxations par des moyens à
la fois moins «lotiloureux cl plus énergiques.
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HISTOIRE. — 1771 - 1791.
79
« A peine reçu docteur, dil Parisot, Portai tourim les yeux vers Paris : Paris, séjour d'opu-
lence, de lumière et de gloire, où les jeunes talents mûrissent et s’élèvent, où florissaient
alors, avec les sciences, les lettres et les arts, cette aimable facilité de meeurs, celte urbanité,
celte élégance, celte politesse que nous a fait perdre la sévérité de nos manières. C'est là que
Portai se sentait appelé, et sous quels auspices il y allait paraître! Le cardinal de Komis,
promu tout récemment à l'archevêché d'Alby, avait été guéri d’une légère douleur par le père
de Portai , et cette facile guérison valut au (ils les recommandations les plus instantes auprès
de deux hommes qui , avec peu de foi dans leur art , en avaient sondé toutes les profondeurs,
et tenaient alors le sceptre de la médecine, Sénac et Lieutaud. Muni des lettres de l’arche-
vêque, Portai part pour Paris. Sur sa route, il rencontre et s’associe deux autres voyageurs,
d’abord Treilhard, puis l’abbé Maury, que le hasard joignit à eux, lorsqu’il sortait d’Avallon.
Les trois compagnons cheminaient gaiement ensemble, s’entretenant d'abord avec réserve, et
bientôt avec tout l'abandon du jeune âge. Ils se confiaient leurs espérances, u — Moi , disait
Treilhard, je veux être avocat général. — Moi, disait Maury, je serai de l’Académie française.
— Et moi, continuait Portai, de l'Académie des sciences. » En marchant, ils s’échauffaient
l’un pour l'autre dans leur ambition. Arrivés sur les hauteurs qui dominent Paris, ils s’arrêtent
pour contempler cette grande capitale. Au même instant une cloche résonne : c’était un bour-
don de la cathédrale. « — Entendez-vous celte clnclie? dil Treilhard à Maury; elle dil que vous
« serez archevêque de Paris. — Probablement lorsque vous serez ministre, répliqua Maury.
« — Et que serai-jo, moi? s'écria Portai. — Ce que vous serez I répondirent les deux autres,
« le bel embarras, vous serez premier médecin du roi! » Ils so jouaient de l’avenir; mais la
fortune les entendit et se ressouvint de leurs paroles pour les accomplir, et au delà. Cependant
les trois favoris de la déesse entrèrent dans Paris et allèrent se nicher, à leur arrivée, dans la
plus humble maison de la plus humble rue du quartier Latin. Ils y vécurent quelque temps
ensemble avec leur frugalité accoutumée. Leur amitié , du reste , a survécu à toutes les
vicissitudes. »
Sénac et Lieutaud accueillirent leur jeune compatriote avec d'autant plus d'empressement
qu’ils reconnurent en lui des connaissances anatomiques aussi solides qu'étendues, ce qui se
rencontrait alors assez rarement parmi les praticiens. Ils se dévouèrent aux succès de leur
jeune ami et leur appui confraternel ne lui fit jamais défaut. Commo il fallait être docteur de
la Faculté de Paris pour y exercer et surtout pour enseigner, ils réussirent à le faire nommer
professeur d’anatomie du Dauphin , ce qui équivalait en ce sens au diplôme de lu Faculté.
Sans entrer ici dans lo détail des travaux à l’aide desquels Portai établit sa célébrité , qu'il
nous suffise de rappeler qu'un Précis de Chirurgie, qu’il écrivit à l’usage de ses élèves, une
Histoire de l'Anatomie et de la Chirurgie, en six volumes, un grand ouvrage intitulé : Anatomie
médicale, et un nombre prodigieux de Mémoires sur des questions de la même nature, sont
des titres qui témoignent «le sa rare et savante activité. Il était membre de l’Académie îles
sciences et professeur au Collège de France , en remplacement de Ferrein , avant de succéder
à Antoine Petit, au Jardin du Roi. Lue certaine animosité exista longtemps entre Petit et
Portai , non-seulement purce que celui-ci avait obtenu, par une sorte de passe-droit, la chaire
que Petit eût désiré faire passer dans les mains de Vicq-d’Azyr, mais aussi en raison de quel-
ques attaques assez vives que Portai avait lancées, dans ses ouvrages, contre sou prédécesseur.
Petit, offensé, se défendit avec aigreur et violence; Portai répliqua avec politesse et modéra-
tion, mais il ne fit jamais revenir son antagoniste de scs amères préventions à son égard.
Portai avait soixante-cinq ans lorsqu'il publia son Anatomie médicale. Il continua d'écrire
encore pendant vingt uns, sans que ses facultés accusassent ni faiblesse ni altération. Il avait
professé pendant soixante ans, et il exerça lu médecine presque jusqu'aux derniers jours do sa
vie. « Homme doux et paisible, dit Pariset, quoique irritable, et dont le seul tort peut-être a
été dans ses premières années de prendre l'avenir en défiance, de ne pas croire à l'effet naturel
de ses talents , et d'avoir voulu attacher des ailes a la fortune pour en précipiter le vol. a
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RO
P It K M I K It K PARTIE.
Portai avait été sous Louis XM médecin de Monsieur, frère du roi, qui, devenu Louis XVIII,
se ressouvint de sa personne et le nomma son premier médecin. Après la mort de ce prince,
Portai fut premier médecin do Charles X. C'est ainsi «pi’après que Treilhard et Maury furent
devenus, le premier un des chefs de la France, le second un des princes de l’Église, Portai
reçut doublement l'insigne honneur qu’ils lui avaient présagé.
La longue expérience du monde, et d'un monde choisi, avait meublé la tète de Portai d’une
infinité d'anecdotes pleines d'intérêt , et ces anecdotes , assaisonnées «lu sel de son esprit , fai-
saient le charme de ces assemblées de savants, de gens de lettres, de voyageurs, «le ministres,
d’ambassadeurs étrangers qu’il réunissait chaipie semaine autour de lui , et «lonl il se compo-
sait comme une académie brillante et variée. Avec quelle ironie aimable et douce il racontait
qu’ayant guéri le fameux Vestris d’une maladie grave, il reçut quelque temps après la visite
du danseur, qui lui dit : «« Monsieur Portai, je sais tout ce que je vous dois, et je porto un
«« cœur reconnaissant. Je ménage trop votre délicatesse pour vous parler d’honoraires : entre
« artistes, cela ne se fait pas; mais j’ai <|Ucl«pio chose «le mieux à vous offrir. Je vous ai
« observé quand vous entrez dans un salon ; permettez-moi de vous le dire, vous n’avez point
« de grâce, de celte grâce élégante qui assouplirait tous vos mouvements et ferait «le vous
« un homme accompli. Or, cette grâce, je prétends vous la «lonner, » ajouta-t-il en se redres-
sant. Et le voilà qui prend les mains du «locleur et veut le mettre à la première position.
Portai s’excusa et u’apprit point à se donner des grâces.
r
OBI IL.
En 1820, Portai mil h profit son crédit auprès du roi l.nuis XVIII pour en obtenir lu réor-
ganisation de l’Académie royale de Médecine, dont il devint le président honoraire et perpétuel.
11 mourut en 1832, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, après avoir légué à l’Académie les fonds
nécessaires pour la fondation d’un prix annuel sur îles questions de médecine dont il laissa le
choix & ses collègues.
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HISTOIRE. — I 771 - I 791.
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Tandis qu'Antoino Petit , Vicq-d’Azyr et Portai représentaient ainsi dignement l'anatomie au
Jardin du Roi , le modeste poste de sous-démonstrateur, que Daubcnton le jeune venait do
résigner, allait ouvrir les portes do cette institution à un jeune naturaliste, destiué à poursuivre
lu grande lâche que Buffon avait entreprise , à répandro de nouvelles lumières sur l'anatomie
comparée, et à revêtir à son tour des prestiges de l'éloquence les grandes scènes de la nature,
Bernard-Germain-Etienne de Laville, comte de Lacépèdo, était né & Agen, cri 1758, d’une
famille noble et considérée du Languedoc. Ses premières années avaient été l’objet des plus
tendres soins do la part de ses parents, et d’un ami do son père, AI. de Chabannes, alors
évfque d’Agen. L’enfant d'ailleurs était d’un naturel doux et affectueux ; il croyait tous les
hommes aussi bons que ceux dont il était entouré. A douze et à treize ans , comme il le dit
lui-même, il se figurait que tous les poètes ressemblaient à Racine et ri Corneille, tous les
historiens à Bossuet, tous les moralistes à Fénelon. La longue pratique des hommes et les
tristes expériences de sa vio le firent à peine revenir de ces bienveillantes préventions,
La lecture assidue des écrits de Buffon lui avait inspiré de bonne heure un goût passionné
pour l'étude des sciences. Il avait pris ce grand écrivain pour maître et pour modèle. 11 por-
tait scs ouvrages avec lui dans ses promenades, et il les apprit en quelque sorte par cœur; il
admirait ses tableaux, mais il n'était pas moins sensiblo aux beautés réelles de la nature, et
ces deux sentiments devinrent la source des talents qui no tardèrent pas à se développer en
lui.
Un autre goût s’était en même temps emparé de l'imagination du jeune Lacépède ; c'était
celui de la musique, cet allié ordinaire des sentiments tendres, cette poésie naturelle des âmes
douces et expansives. Il en avait reçu les premières leçons dans sa famille, et il y avait fait
de si rapides progrès que la musique devint pour lui comme une seconde langue , qu’il parlait
et écrivait avec une égale facilité. Dès celte époque , il avait conçu le dossin de remettre en
musique l'opéra d ’Armide. Ayant appris que Gluck s’occupait du même travail , il ne renonça
pas tout & fait au sien ; U en adressa même quelques fragments au célèbre compositeur, et
celui-ci lui prodigua à cette occasion les éloges et les encouragements.
A la même époque, Lacépède s’adonnait avec la même ardeur à l'étudo do la physique. Il
avait formé dans sa ville natale , avec quelques jeunes gens du son âge , une sorte d’académie
où l'on faisait en commun des expériences de diverses natures. Ayant tiré de cos recherches
des conséquences qui lui parurent nouvelles, il s’enhardit à les communiquer à Buffon par
correspondance. La réponse du savant ne se fit pas attendre; elle était conçue dans des termes
si flatteurs qu’elle excita encore le zèle du jeune physicien. « C’était, dit Cuvier, plus d'encou-
ragement qu'il n’en fallait pour exalter un homme de vingt ans. Plein d'espérance et de
feu, il arriva à Paris avec ses partitions et ses registres d’expériences ; il y arrive dans la nuit,
et le matin , de bonne heure , U est au Jardin du Roi. Buffon , le voyant si jeune, fait semblant
de croire qu’il est le flls de celui qui lui avait écrit; il le comblo d’éloges. Uno heure après,
chez Gluck, il en est embrassé avec tendresse; il s’entend dire qu'il avait mieux réussi quo
Gluck lui-même dans le récitatif : Il est enfin dans ma puissance, que Jean-Jacques Rousseau
a rendu si célèbre. Le même jour, AL de Montazet, archevêque de Lyon , son parent, membre
de l’Académie française , le garde à un dîner où devait se trouver l’élite des académiciens. On
y lit des morceaux de poésie et d'éloquence ; il y prend part à uno de ces conversations vives
et nourries , si rares ailleurs quo dans une grando capitale. Enfin , il passe le soir dans la loge
de Gluck à entendre une représentation A' Alceste. Cette journée ressembla à un enchantement
continuel ; il était transporté, et ce fut au milieu do ce bonheur qu’il Ht le vœu de se consacrer
désormais à la double carrière de la science et de l’art musical. »
De pareils projets étaient bien dignes d’un jeune homme plein d'ardeur et d'enthousiasme,
mais ils ne pouvaient se présenter sous le même aspect à de graves magistrats ou à do vieux
officiers tels que scs parents. Lacépède, d’après sa naissance et ses relations, pouvait prétendre
à un rang distingué dans la robe, dans l’armée ou dans la diplomatie. Un prince étranger,
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PREMIÈRE PARTIE,
dont il avait fait la connaissance à Paris , sc fit fort de lui procurer un brevet de colonel au
service d’une principauté d'Allemagne. Il obtint en effet ce brevet et alla prendre possession
de son emploi; cependant, après deux voyages, il revint à Paris, sans même avoir vu son
régiment. Mais il avait un titre, un uniforme, des épaulettes; c'était tout ce qu'il en fallait
pour satisfaire sa famille el pour lui donner à lui-même les loisirs de se livrer à ses goûts.
Il se mit donc à cultiver en même temps les sciences et l’art musical. Sur l’invitation de
Gluck, il composa même deux opéras, mais il eut tant de peine à obtenir des répétitions et
fut si contrarié des caprices cl de l’humeur d’une actrice, qu’il se promit île ne plus composer
que pour lui-même et pour scs amis. Il publia néanmoins, en 1 785 , deux volumes sur la
Poétique de la Musique, ouvrage écrit avec feu, plein d’éloquence naturelle, el dont le roi de
Prusse , ainsi que le compositeur Sacchini , le félicitèrent vivement.
Ses progrès dans la carrière des sciences furent plus heureux. Buffnn, après lui avoir fait
obtenir la place de sous-démonstrateur au Jantin du Roi, l’appela à travailler avec lui A la
continuation de son Histoire naturelle. Malheureusement, il ne devait pas recevoir longtemps
les conseils el l’appui de son illustre protecteur. Quelques mois seulement avant la mort do
Buffon, il publia le premier volume do son Histoire des Iteptiles. L'uunéc suivante, il donna
le second , qui traitait des Serpents. Cet ouvrage , par l’intérêt des faits comme par l'élégance
du style, fut jugé très-digne du livre immortel auquel il faisait suite. Il marquait surtout les
progrès qu'avaient faits les idées scientifiques depuis lu publication des premiers volumes de
Y Histoire naturelle. Lacépède y revenait ouvertement aux méthodes el à lu nomenclature quo
Buffon avait tant dédaignées, et dont les sciences d'observation ne sauraient aujourd’hui
négliger le secours.
Buffon venait de mourir, et on était en 1789. Lacépède, que sa réputation do savant,
d’homme de lettres , et une certaine popularité mettaient naturellement en évidence , fut
nommé président de sa section , commandant de la garde nationale , membre du conseil
général de Paris, député d’Agen à la première législature, cl président de cette assemblée. Il
apporta dans toutes ces fondions la bienveillance el les formes agréables , conciliantes , qui
étaient dans son caruclàro , mais il fut bientôt remplacé par des hommes d'une autre trompe,
plus ardents surtout et plus résolus. Lacépède donna sa démission de professeur au Jardin
des Plantes, se retira à la campagne et s’efforça de se fairo oublier. Cependant, ses goûts
d'étude lui faisaient quelquefois désirer de revenir à Paris et il fit pressentir Robespierre à ce
sujet par quelques amis. « Il est à la campagne? répondit le dictateur, eh bien! dites-lui d’y
« rester. » Une telle réponse ne permettait pas de renouveler la demande. Il ne revint en effet
qu’après le 9 thermidor. La Convention , peu de temps après , afin de ranimer l'instruction
publique, que le régime précédent avait anéantie, créa l’École Normale, destinée à former des
professeurs. Quinze cents personnes furent appelées des départements à Paris pour prendre
part aux leçons de cette école improvisée ; des hommes déjà célèbres par leur savoir reçurent
l’enseignement de quelques pédagogues, la plupart incapables et choisis à la hâte. Lacépède,
à l’âge do quarante ans, devint élève de l’École Normale, avec Bougainville, déjà septuagé-
naire, général et grand navigateur, avec le grammairien Wailly, avec Laplace et Fourrier, et
sur les mêmes bancs sc trouvaient des hommes qui à peine savaient lire. La création de
l’École Normale opéra toutefois un bien réel; ce fut un centre où les hommes d'intelligence se
rencontrèrent, échangèrent leurs idées, et conservèrent par des efforts communs le dépôt des
lumières, menacées un moment de s’éteindre tout à fait.
Lacépède n’avait pas été compris au nombre des professeurs dans la nouvelle organisation
du Muséum; mais dès qu’on put prononcer son nom sans danger pour lui, ses collègues
s’empressèrent de l’y appeler. On créa, à cet effet, une chaire spéciale affectée à l’histoire des
Reptiles et des Poissons. Ses leçons furent suivies avec un vif empressement , et le jeune pro-
fesseur, dans la chaire comme dans ses écrits, se montra digne d’être le continuateur de
Buffon. Appelé à l’Institut dès sa formation, il concourut à reconstituer cette savante académie
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IIISTOinE. — 1771 — 1791.
et on devint l'un des premiers secrétaires. Malgré tant de titres & l'illustration , il paraît que le
nom do Lacépède n'élait pas encore arrivé h l’oreille do tous les hommes haut placés de celte
époque. On sait qu'un ministre du Directoire , à qui l’on demandait , après une visite offlciolle
qu’il venait de faire au Muséum, s'il y avait vu Lacépède, répondit qu’il n'avait vu quo la
Girafo, et se plaignit vivement qu'on 11e lui eût pas tout fait voir.
Lacépède publia, en 1798, le premier volume de V Histoire des Poissons, et pendant chacune
des années suivantes, jusqu'en 1803, il fit paraître l’un des volumes qui complètent ce grand
ouvrage. Bien que la guerre eût alors interrompu les relations avec les académies et avec les
naturalistes étrangers , et que les collections du Jardin n'offrissent à cclto époque que do fai-
bles ressources, il avança considérablement cette branche do l’Ilistoiro naturelle, et, de l’aveu
de Cuvier, il n’exista longtemps dans la scienco aucun ouvrago supérieur au sien. « Tout ce
qu’il a pu recueillir sur l’organisation de ces animaux, sur leurs habitudes, sur les guerres
que les hommes leur livrent, sur le parti qu’ils en tirent, il l'a exposé dans un style élégant
et pur; il a su même répandre du charme dans leurs descriptions, toutes les fois que les
beautés qui leur ont aussi été départies dans un si haut degré permettaient de les offrir à
l'admiration des naturalistes. La science, par sa nature, fait des progrès chaque jour; il
n’est point d'observateur qui ne puisse renchérir sur ses prédécesseurs pour les faits , ni de
naturaliste qui ne puisse perfectionner leurs méthodes ; mais les grands écrivains n'en demeu-
rent pas moins immortels. »
L'Histoire des Poissons fut suivie, en 1801, de celle des Cétacees, qui tcmrino le grand
ensemble des animaux vertébrés. Lacépède la regardait comme le plus achevé de ses ouvrages.
Il augmenta à peu près d’un tiers le nombre des espèces enregistrées dans le catalogue des
êtres de cette classe. Plus tard , il dirigea scs travaux sur des sujets plus philosophiques.
L’articlo Homme , qu’il donna dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, est une sorte do
programme de ce qu’il avait en vue pour Histoire physique du genre humain, destinée à faire
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PREMIÈRE PARTIE.
partie d'une histoire des âges de la Nature. Ce beau travail était presque achevé à sa mort,
mais il n'en a encore été publié que quelques fragments.
Après le 18 brumaire, Lacépèdo fut de nouveau lancé dans la carrièro politique et appelé
aux emplois les plus éminents. 11 devint successivement sénateur, président du Sénat, grand
chancelier de la Légion d’honneur, titulaire de la sénatorerie de Paris et ministre d’Élat. A
cette occasion , on lui a reproché parfois sa condescendance pour le pouvoir et la versatilité
de ses opinions, qui peuvent s’expliquer à la rigueur par sa bienveillance naturelle, par son
exquise politesse, par sa modestie pleine de réserve pour lui-mfme et de déférence envers les
autres. Ses démonstrations d’ailleurs étaient sincères cl n'étaient rien à la droiture de scs sen-
timents. Il lit preuve d'une haute habileté dans l'administration de la Légion d’honneur, et il
prouva qu'il savait aussi faire usage dans l'occasion d’une noble fermeté. Le major général
de l’armée avant accordé par faveur des décorations à quelques officiers qui se trouvaient en
dehors des conditions voulues , Napoléon ordonna au grand chancelier de les faire reprendre.
Lacépèdc lui représenta la douleur qu’un tel acte ferait éprouver 4 ces braves; mais, comnio
il craignait de ne pas réussir : « Eh bien , ajouta-t-il , je demanderai pour eux ce que je vou-
« drais obtenir à leur place : l’ordre de les faire fusiller... a Les décorations no furent pas
retirées (I).
Lacépèdc ne pouvait jamais croire à de mauvais sentiments , ni à de mauvaises intentions.
Ces dispositions bienveillantes, expansives, il les manifesta spontanément à toutos les époques
de sa vie , en consacrant sa plume éloquente à la louange de quelques hommes qui lui inspi-
rèrent une haute estime : le prince de Brunswick, Buffon, Dolomieu, Daubeuton, Vandermondo
et d'autres. On a beaucoup parlé de sa politesse excessive; mais il était encore plus obligeant
que poli. Son désintéressement égalait sa bienfaisance. Tous les émoluments qu'il retirait de
scs places s'appliquaient à des actes de libéralité. I n fonctionnaire de ses amis ayant été
ruiné par de fausses spéculations, Lacépèdc fit remettre chaque mois à sa femme une pension
qu’elle croyait recevoir de son mari. I n de scs employés 4 qui, dans un embarras pressant, il
avait donné une assez forte somme , l'ayant prié de fixer l’époque du remlioursemeiil ; a Mon
ami , lui dit Lacépèdc , je ne prête jamais. » Ce savant , aussi recommandable par ses vertus
que par ses talents, aussi étonnant par son activité incessdhte que par la simplicité de ses
goûts et de ses habitudes, mourut en 1825 , vie la petite vérole, 4 l'âge de soixante cl dix ans.
]l fut remplacé par M. de Blainvillc 4 l'Académie des sciences, et par M. Duméril dans sa
chaire du Muséum.
Telle était la situation générale de l'établissement, des collections et do l'enseignement des
(!) Nous possédons l'ampliation de cet ordre, diclé par l'Empereur, écrit et signé par le gênerai Fririon, serré*
taire général du ministère de la guerre. Les termes dans lesquels il est conçu en font un véritable document
historique, dont voici la copie textuelle :
ORDRE DE L'EMPEREUR.
Madrid . le 9 décembre IBÛ8.
M* le (réitérai Clarke, vous témoignerez mon mécontentement nu Roi de Naples, de ce qn'il donne des distinc-
tions à mes soldats, sans ma participation; qu'il n’a point rc droit, et qu'en conséquence aucun de ceux auxquels
il en a donné ne les auront : que tout Français qui porte une décoration ne doit la tenir que de moi; que je
maintiendrai rigoureusement ce principe; et que cela ne se renouvelle plus désormais.
Sur ce, etc.
Signé NAPOLÉON.
Pour copia :
Le Secrétaire général,
1? ri ai on.
C/csl en conséquence de cet ordre que le grand chancelier fut chargé de retirer les décorations qui avaient
été accordées, circonstance qui fut l'occasion de l’acte de fermeté de M. de Lacépèdc.
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HISTOIRE. — 177 1-1794.
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sciences au Jardin du Roi, au moment où Buffon, chargé d’années et entouré de la considéra-
tion la plus éclatante, allait quitter pour toujours ce brillant théâtre de sa gloire, cette insti-
tution a laquelle lui-méme devait sa renommée et qui lui devait en retour sa splendeur et sa
richesse. Depuis l’apparition des trois premiers volumes do 17 lialoire naturelle, chaque année,
jusqu’en 1770, avait vu paraître un volume nouveau. Pendant sa maladio do 1771, cette
publication , en quelque sorte périodique , avait subi une lacune , mais elle avait bientôt repris
son cours, et, dans l'intervalle qui sépare celte époque de l’année 1783, on rit paraître les
neuf volumes suivants. Ceux-ci n'étaient pas entièrement de la main de Buffon. l ue partie en
avait été rédigée par Gueneau de Montbéliard, qui, dans IV listoire de» Oiseaux, parvint à
imiter de la manière la plus heureuse certaines qualités de son st.vle; l’abbé Bexon avait aussi
donné quelques soins au môme travail , mais Buffon en avait revu , retouché tout l'ensemble,
et divers fragments restés célèbres portent , de manière à ne pas la méconnaître , l’empreinte
magistrale de son talent.
Les cinq volumes des Minéraux parurent de 1783 à 1788. C’est évidemment la partie la
plus faible do l’ouvrage , parce que Buffon y prodigua les hypothèses , ot qu’il y tint peu do
compte des nouvelles découvertes de la chimie , non plus que des vues de Romé de Lisle , de
Bcrgmann , de Saussure et de Haiiy sur la cristallisation. Les sept volumes de supplément,
dont le dernier fut publié en 1789, l’année qui suivit sa mort , se composent d’articles déta-
chés; mais le cinquième contient les Époques de la t\alure, l’un des derniers ouvrages de
Buffon , et celui qui devait mettre le sceau à sa renommée comme philosophe , comme natu-
raliste et comme écrivain.
Buffon s’occupa pendant cinquante ans do ce magnifique ouvrage , que la France a adopté
et qu'elle regarde comme une de ses gloires. Cependant, à celle époque de 1788, les trente-six
volumes dont il se composait ne formaient encore qu’une partie du plan que l'auteur avait
conçu. I ne fois qu’il eut entrepris ce grand travail , il ne l’abandonna plus et no s’en laissa
distraire par aucun autre. Daulienton et Gueneau de Montbéliard y avaient dignement con-
couru; Lacépède se préparait & le poursuivre et y joignit en effet, comme nous l'avons vu,
les Reptiles, les Cétacées et les Poissons. Il restait encore à y réunir les Invertébrés et l’his-
toire des Végétaux.
Les services que Buffon rendit au Jardin du Roi sont de deux natures : il développa , il
enrichit l'établissement et imprima & la marche des sciences naturelles la plus vive impulsion
qu’elles eussent encore reçue. Son administration fut aussi active que fermo et intelligente.
L'extension qu’il donna au local et aux collections provoqua de nouveaux accroissements, qui
Unirent par rendre indispensable une nouvelle organisation. Mais partout les cadres étaient
préparés et prêts à recevoir les richesses de toute nature que l'avenir tenait en réserve. Le
goût général pour l'histoire naturelle, conséquence do l’éclat qu’il sut donner au Jardin, en
même temps qu’il publiait son grand ouvrage , attira sur la scienco les regards des gens du
monde et la protection des grands. Buffon en profita habilement pour la réalisation de scs
vues. Il soutint son crédit par sa bienveillance cuvcrs tous ceux qui s'adressaient à lui , en
s'appliquant à ne blesser personne , en restant étranger i toute polémique. Il se vit parfois
obligé de sacrifier aux puissances du jour, dons l’intérêt de l’établissement, mais il lo (U tou-
jours avec dignité: il consacra même souvent les faveurs personnelles qu'il avait obtenues
aux améliorations qu'il projetait , ce qui lui permit d'en solliciter d'autres avec plus de har-
diesse et de succès ; on un mot , tous les moyens qui s’offrirent à lui , il les fit servir avec
autant de zèle que de désintéressement aux progrès de la science, comme aux développements
de la royale institution qu’il avait à diriger.
Presque toute la vio scientifique do Buffon se concentre dans la publication de son Histoire
naturelle , qui commence par la Théorie de ta Terre, et finit par les Époques de la Nature,
deux ouvrages placés aux deux oxtrémités de sa carrière , ayant trait au même sujet , mais
conçus dans des vues toutes différentes, et moins éloignés l’un do l’autre par les trente années
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PREMIÈRE PARTIE,
qui les séparent que par les doctrines presque opposées qu'ils représentent. Lorsqu'il écrivit
le premier, Buffon ne possédait encore que des données fort incomplètes sur cette matière, et
il fut oblige d’y suppléer par des hypothèses plus hardies quo solides. Dans lo second, il put
s'appuyor sur des faits mieux observés, et en tirer de plus houreuses conséquences. Aussi , de
tous les ouvrages du dix-huitième sièclo , c’est peut-être celui qui a donné lo plus d'élan aux
grandes conceptions scientifiques et ouvert la plus largo carrière aux théories relatives à la
constitution du Globe. Toutefois, et bion qu’il les ait traitées avec toute la précision quo com-
porteraient des vérités reconnues, il déclare lui-même que ce no sont encore là que dos
hypothèsos. o A tout prendre, s'écrie à ce sujet M. Flourens, j'aime mieux uno conjecture qui
o élève mon esprit qu’un fait exact qui le laisse à terre, et j’appellerai toujours grande la
« pensée qui me fait penser. — C’est là le génie do Buffon et le secret do sa puissance : c’est
« qu’il a une force qui se communique ; c’est qu’il ose , et qu’il inspire à son lecteur quelque
« choso de sa hardiesse; c’est qu’il mot partout sous mes yeux le courage dos grands efforts ,
« et qu’il me le donne. »
Cependant, on a vivement reproché à Buffon quelques erreurs de détails, sans lui tenir
compto do l’étonnante quantité de faits dont il a enrichi la science. Personne , sans douto , no
soutiendrait aujourd’hui la réalité de certains systèmes qui ne peuvent plus passer que pour
des jeux d’esprit; « mais Buffon, ajoute Cuvier, n’en a pas moins le mérite d’avoir fait sentir
généralement que l’état du Globe résulte d’une succession do changements dont il est possible
de saisir les traces, et c’est lui qui a reudu tous les observateurs attentifs aux phénomènes,
d’où l’on a pu remonter à ces changements... Son éloquent tableau du développement phy-
sique et moral de l’hommo n’en est pas moins un très-beau morceau do philosophie , digne
d’être mis à côté do ce que l’on estimo le plus dans le livre do Locke. Scs idées concernant
l’infiuenco qu’exercent la délicatesse et le degré de développement de chaque organe sur la
nature des diverses espèces , sont des idées de génie qui feront désormais la base de toute
histoire naturelle philosophique et qui ont rendu tant de services à l’art dos méthodes, qu’elles
doivent faire pardonner à leur auteur le mal qu’il a dit de cet art. Enfin ses idées sur la dégé-
néralion des animaux et sur les limites que les climats, les montagnes et los mers assignent à
chaque espèce , peuvent être considérées comme do véritables découvertes , qui so confirment
chaque jour et qui ont donné aux recherches des voyageurs une base fixe dont elles manquaient
absolument auparavant. »
Buffon s’éleva, en effet , dans ses premiers écrits, contre les nomenclatures et les méthodes
en histoire naturelle. On peut expliquer cette singularité en se souvenant qu’il était entré brus-
quement dans la science sans avoir assez étudié les vues des naturalistes qui l’avalent précédé
sur cette matière. Il s’était surtout roidi contre le système artificiel de Linné, fondé sur la
considération d’un caractère unique, et il l’avait confondu avec la méthodo naturelle, ce puis-
sant moyen do généralisation, qui repose sur l’ensemble et la valeur comparée des caractères,
qui subordonno les rapports particuliers aux rapports généraux, et ceux-ci à de plus généraux
encore, lesquels finissent par devenir de véritables lois naturelles. Il est difficile de concilier
cette aversion pour les méthodes avec son esprit généralisateur, systématique , qui semble
dédaigner les faits secondaires, dans la crainte de faire perdre de la grandeur et de l’unité à
ses conceptions. Du reste, on peut croire qu’il évitait à dessoin certains rapprochements, espé-
rant intéresser davantage lo lecteur par ce désordre apparent qui pormel de choisir, do se
reposer, de groupor les matériaux à volonté , selon los idées quo les faits et leurs rapports
inspirent à l’imagination. Ce désordre osl on effet l’un dos caractères de son ouvrage; ce qu’il
y a du certain, c’est quo les éditeurs, qui ont voulu classer ses descriptions suivant des vues
ou des systèmes particuliers, en ont détruit tout le channe. Les hardiesses que faisait accepter
l’écrivain ou le poète ne se pardonnent plus à la parole froide et positive du savant.
A masure que Buffon avança dans son travail , il revint do ses préventions à co sujet , à ce
point que, parvenu à son Histoire des Oiseau er, et même avant, commo lo retnarquo M. Flou-
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HISTOIRE. - 1771-1794.
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rens, il se soumit tacitement & la nécessité où nous sommes de classer nos idées pour nous
en représenter clairement l’ensemble. Il en vint même è créer spontanément une sorte de
classification, fondée sur l'observation comparée des êtres, notamment dans son travail sur la
Gazelle et les Singos. Ses continuateurs, comme nous l’avons vu, se soumirent d'eux -mêmes
à la règle commune et rachetèrent ce défaut, si c’en ost un, sans rien ôter à l’oeuvre du maître
du caractère qui la distingue.
Les attaques dont Buffon fut l’objet ne s’arrêtèrent point à ces remarques générales ; on alla
jusqu’à critiquer sa manière, ce style si universellement jugé irréprochable. D’Alembert, qui
n’aimait ni sa personne, ni son talent, ne l’appelait quo le grand phrasier, le roi des phrasiers.
« Ne me parlez pas, disait-il un jour à Rivarol, de votre Buffon, ce comte de Tuflières, qui,
n au lieu de nommer simplement le Cheval , s’écrie : la plus noble conquête que l'homme ait
« jamais faite est celte de ce fier et fougueux animal, etc. — Oui-, reprit spirituellement
« Rivarol , c'est comme ce sot de Jean-Baptiste Rousseau, qui s'avise de dire :
Des bords sucrés où oail l'aurore,
Aux bords enflammés du couchant ,
n au lieu de dire tout simplement : de l 'Est à V Ouest, n
Voltaire reprochait également au style de Buffon une pompe et uno magnificence affectées.
C’est à lui que s'adressait ce vers :
Dans un style ampoulé parlez-nous de physique,--.
Quelqu’un vantait un jour, en présence de Voltaire, le style de l 'Histoire naturelle, a — Pas
si naturelle I » s'écria-t-il. On sait que Voltaire et Buffon avaient eu quelque démêlé au sujet
des coquilles fossiles et autres productions marines que l’on trouve sur de hautes montagnes.
Cette petite querelle s’apaisa. Buffon , qui l’avait soutenue victorieusement , la termina avec
franchise et dignité; de son côté, Voltaire y mit Un par une plaisanterie : « Je ne veux pas,
a dit-il, rester brouillé avec M. de Buffon pour des coquilles. »
Ces attaques , plus ou moins sérieuses , mais qui caractérisent assez bien l’esprit du temps,
ne changèrent rien à l'opinion générale au sujet de cet homme d'un vrai génie. La postérité
s’est également prononcée à l’égard de ses talents, et il n'y a aujourd’hui qu'une seule voix
sur le mérite de son style. Rousseau a écrit au sujet de Buffon : a Je lui crois des égaux
o parmi scs contemporains, en qualité de penseur et de philosophe; mais, en qualité d'écri-
ii vain, je no lui en connais aucun. C'est la plus belle plume de son siècle. »
n Pour l’élévation du point de vue où il se place, dit Cuvier, pour la marche forte et
savante de scs idées, pour la pompe et la majesté de ses images, pour la noble gravité de ses
expressions, pour l’harmonie soutenuo do son style dans les grands sujets, il ne peut être
égalé par personne. »
C’est là en effet la vraie puissance à l’aide de laquelle Buffon a exercé et exercera longtemps
encore uno influence réelle , non-seulement sur l'avenir des sciences , mais encore sur le
caractère do la langue française. C’est qu’à côté do la faculté de concevoir d'ingénieuses
hypothèses et do hautes théories, il possédait cello do les exprimer avec clarté, avec éloquence.
A un sentiment élevé des beautés de la nature, il unissait l’art de les représenter, de les
embellir par la magie du langage et l’éclat du coloris. On a reproché à son style une sorte
de monotonie ou d'uniformité, qui tient évidemment au sérieux des sujets qu'il avait à traiter;
bien que ce style soit en général d'une gravité soutenue , Buffon a su néanmoins le rendre
flexible et l’approprier à la diversité de formes, d’aspects et de mouvements des nombreux
objets qu'il avait à reproduire. Quelle variété do tons dans ses descriptions du Cheval , du
Lion, du Cerf, de la Fauvette ou du Colibri! Quelle solennité dans la peinture dos grands
phénomènes, ou dans ces vues philosophiques où son génie « embrasse à la fois tout l’espace
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PREMIERE PARTIE.
« qu'il a rempli de sa pensée! » et en même temps, quelle (lnesse de touelie dans ces pensées
morales oii se révéle toute l’exquise délicatesse de ses sentiments. Jamais d'emphase , mais
partout de la noblesse et de la distinction. La grandeur de son style, il est vrai, ne se prêtait
pas aux choses communes et même aux choses de détail, et Quami il voulait, dit M“- Necker,
« mettre sa grande robe sur de petits objets , elle faisait des plis partout. » Sa haute taille
semblait, en effet, avoir quelque peine à se courber : il savait décrire l’Éléphant ou le Chêne
superbe , mais il De descendait point jusqu'à l'humble plante ou à l'insecte.
Ruffon donna le premier exemple de l’application de la poésie aux matières scientifiques, en
ce sens qu'il chercha le premier, dans les scènes de la nature et dans les pensées qu’elles peu-
vent inspirer, la source de toutes ces images, tantôt douces et gracieuses, tantôt fortes et
sublimes qui caractérisent la poésie. o Buffon , dit Condorcet , est poète dans toutes ses des-
criptions. Son harmonie n’est pas seulement de la correction , mais une sorte d'analogie entre
les idées et la parole ; sa phrase est douce ou sonore , majestueuse ou légère , suivant les
objets qu'elle doit peindre ou les sentiments qu'elle doit réveiller. » Il est, en effet, le premier
de nos maîtres dans l’art do peindre la nature. Il a appris à la voir, à l’aimer, à la décrire.
J. -J. Rousseau, et après lui Bernardin de Saint-Pierre et Chàteaubriand , s’en sont évidem-
ment inspirés; en sorte que Buffon, le classique par excellence, se trouverait ainsi, — étrange
paradoxe, — à la tête de tous ceux qui s'efforcent aujourd'hui de revendiquer en leur faveur
la découverte des trésors de poésie et de style que renferment les tableaux et les phénomènes
de la nature.
El toutefois Buffon n’aimait pas la poésie , ou du moins la versification. Il prétendait qu’il
est impossible, dans notre langue, d’écrire quatre vers de suite sans blesser ou la propriété
des termes ou la justesse des idées. C’est ainsi qu'à-propos de ce vers de Racine :
te jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur,
il disait que l’on ne pouvait pas comparer le jour à un fond. « J’aurais fait des vers comme
« un autre , ajoutait-il , mais j'ai bien vite abandonné un genre oit la raison ne porte que des
« fers. Elle en a bien assez d'autres , sans lui en imposer encore de nouveaux. » Il faisait
pourtant une exception en faveur des vers que l’on composait à sa louange.
Buffon aimait la magnificence, et ce goût se reflétait dans scs habitudes , dans son allure et
même dans scs écrits, Comment se serait-il défendu d’un certain orgueil, lorsque, toujours pré-
occupé du grand objet qu’il avait à poursuivre, il avait constamment sous les yeux les heureux
fruits de ses efforts , lorsqu'il recevait de toutes parts les témoignages de la considération la
plus éclatante. Les philosophes et les savants lui prodiguaient l'admiration j J. -J. Rousseau
baisait religieusement le seuil de son cabinet; la statue qu'on lui avait élevée au Jardin du Roi
portait cette légende :
Majeslnli nalurir par nujr'mum.
Son fils avait fait placer, au pied de la tour de Montbard , une petite colonno de marbre, sur
laquelle on avait gravé ces mots :
Eicrlsœ Inrri hnmilis colnmna.
Pendant la guerre d'Amérique, des corsâmes renvoyaient à Buffon des caisses qu'ils avaient
capturées et qui étaient à son adresse. Le roi Louis XV avait érigé sa terre on comté. L’impé-
ratrice de Russie lui adressait les lettres les plus flatteuses et lui envoyait tous les objets pré-
cieux qui pouvaient se rapporter à scs travaux ; enfin , le prince Henri de Prusse écrivait :
ci Si j'avais besoin d'un ami, ce serait lui; d'un père, encore lui; d’une intelligence pour
te m'éclairer, ch ! quel autre que lui ! »
Buffon exerça pendant un demi-siècle, au Jardin du Roi, son utile et glorieuse dictature. Il
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HISTOIRE.— 1771-17 91. 80
changea la nature primitive de l'institution et la dirigea d’une manière plus spéciale vers les
sciences naturelles. Sous son influence, la chimie et la botanique devinrent plus étendues et
leurs applications plus générales. L'anatomie se développa en comparant l'organisation de
l'espèce humaine avec celle das animaux. C'est à ses théories plus ou moins fondées que la
géologie doit évidemment sa première origine. Il en est de même de la zoologie, dont les élé-
ments existaient, mais obscurs et confus , avant l'époque où il attira sur ce point l'attention
des savants et du public. Il faut même regarder comme une circonstance heureuse que les
commencements de celte science soient dus à un homme d'imagination, dont les hypothèses
forcèrent à étudier les objets d'un regard plus scrupuleux. C'est grâce à lui que Duubeuton,
dont l'esprit était aussi exact que celui de RufTon avait de hardiesse, donna à la zoologie une
direction plus assurée, plus scientifique , et que Lacépèdo marcha résolûment dans cette voie,
jusqu’au moment où Cuvier changea complètement la philosophie de la science, en subor-
donnant toutes les considérations théoriques à l’empire absolu des faits et de l’observation.
Qui peut dire si une marche opposée eût fait faire à la science des progrès plus rapides et
amené do meilleurs résultats?
Iluffon avait une figure noble, une taille imposante, des manières distinguées; ajoutons
une constitution robuste, la passion du travail, avant celle de la gloire, et une force de volonté
toujours assujettie à l’empire de la raison. Il réunissait, dit Voltaire, le corps d'un athlète et
l’âme d’un sage. Rien qu’il aimât la représentation et l’appareil de la grandeur, il était simple
dans sa vie privée et d'un naturel bienveillant. Sa conversation 11e donnait aucune idée du son
mérite, parce qu’elle réfléchissait rarement les qualités éminentos de son esprit. Il était poli,
mais sa politesse, peu expansive, semblait plutût une barrière qu’il cherchait à opposer à la
familiarité, Marié à l’âge de quarante-cinq ans, il n’eut qu’un fils, officier distingué de cava-
lerie, â qui la faux révolutionnaire fit expier la gloire de son père et le tort de sa naissance.
Buffon mourut à quatre-vingt et un ans , des suites douloureuses d'une maladie de la vessie. Sa
mort, arrivée au moment où les événements politiques commençaient à prendre île la gravité,
dût en quelque sorte le dix-huitième siècle au point de vue littéraire, et termine l’une des pé-
riodes les plus brillantes des temps modernes, relativement aux sciences et à leur enseignement.
Buffon, dans l’espace de cinquante ans, avait réalisé, autant qu’il est donné à la volonté
humaine de dominer le cours des événements , presque toutes les vues qu'il avait imaginées
pour les développements du Jardin du Roi et [mur les progrès des sciences naturelles. Il avait
levé tous les obstacles et fait concourir â l’accomplissement de ses projets tous les moyens
dont les talents et les circonstances lui avaient permis de disposer. Au moment de quitter la
vie, il avait eu le bonheur si rare de voir scs longs efforts couronnés des succès les plus écla-
tants. El toutefois, dans ce moment même, de nouvelles destinées se préparaient pour l'insti-
tution qui devait tout à son zèle ; elle allait prendre part aux malheurs du pays et déchoir
quelque temps de sa prospérité; mais la grandeur et l’utilité de son objet devaient aussi la
relever plus riche, plus puissante, et lui réserver dans un avenir prochain une fortune et une
gloire encore plus brillantes.
Ce ne fut pas M. d’Angivilliers qui succéda à Buffon comme intendant du Jardin, mais sou
frère , le marquis Flahaut do la Billardcrie , maréchal de camp. Celui-ci fit continuer les tra-
vaux commencés et suivit les errements de l’administration précédente. 11 ordonna la cons-
truction d'une nouvelle serre , destinée aux ficoïdes ; il fit d’ailleurs tous ses efforts pour se
concilier l’affection des professeurs et se montrer digne de son emploi. Mais les événements
extérieurs marchaient avec rapidité; la détresse des finances exigeait la réduction des dépenses
dans tous les services. Le 20 août 1790, Lebrun fit à l’Assemblée constituante un rapport sur
le Jardin du Roi, dans lequel il proposait des modifications importantes dans son administra-
tion et dans son budget. Pendant la discussion de ce rapport , les officiers du Jardin , c’ost le
nom que l’on donnait alors aux professeurs et aux principaux employés, firent parvenir au
L
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Uemarclm de Saint-Pierre mit en effet autant de prudence que de sagesse dans tous scs
actes. Il gagna facilement la confiance et rattachement des officiers du Jardin des Plantes, car
c’est le nom qui fut d'abord substitué à celui de Jardin du Roi. Il administra avec économie
et trouva pourtant le moyen de faire construire une nouvelle serre, adossée à la grande butte,
dans la direction de la grande terrasse et des galeries, serre qui a conservé le nom de son fon-
dateur. Enfin, il se concerta avec les professeurs pour diverses améliorations indispensables
et rédigea dans ce but plusieurs Mémoires conçus dans les vues les plus saines et empreints
d'un talent disposition des plus distingués.
90 PREMIÈRE PARTIE.
président une adresse dans laquelle ils plaçaient cet établissement sous la sauvegarde des
représentants de la nation et faisaient valoir toute son importance pour le bien public. L'As-
semblée renvoya cette adresse au comité des finances, ajourna le rapport et demanda aux offi-
ciers du Jardin un projet pour la réorganisation de l'établissement.
Ce projet fut en effet délibéré et arrêté en assemblée générale des professeurs, réunie sous
la présidence de Daubenton. Il fut signé par tous les membres en exercice et même par
Antoine Petit et Lemonnier, professeurs honoraires. On l'imprima et on l’adressa à l'Assem-
blée constituante; niais les circonstances devenaient tellement graves que l’on ne put y donner
aucune suite. M. de la Rillnrderie ayant quitté la France, Bernardin de Saint-Pierre fut nommé
intendant à sa place. Ce choix était justifié par {dus d’une considération : Bernardin de Saint-
Pierre était un écrivain éminent , animé comme Buffon d’un goût passionné pour les beautés
de la naluro cl doué d'un talent incontestable pour les peindre. A la vérité, il manquait de
connaissances scientifiques positives, mais sou zèle pouvait suffire pour donner à l'enseigne-
ment une impulsion favorable. Il paraissait propre b l’administration, et son caractère doux,
conciliant , sa popularité même pouvaient rendre à rétablissement de grands services et le
garantir des graves dangers qui le menaçaient.
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PIAN 1)1 JARDIN DI ROI EN I7««
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f i oepi.usmen/ doue t/nmuymr ytte <i> frmuttr
f fer et* .fut/ J,* aune ut ut.
1 0 ■'erres ,/e fJtt/ap oyatmir /utr ia ptn/e ÿtn
neudttt/ star 6/t/fnr
U -brrr netttu .emtueuenr par Ho/ /ru
ri trrttn, /< Attife ion- sou Ariuerie'rr
tS /WtAr lu/r.
tt Buef/t /Ht* AifUiM eu cnfrut/ «i 4 1 rme Je l'etu*
dan* fs ./enfin
!.i Bètrf Je . Jaynte uf./uf sou . tirer sur il même rue
t( iarJtu Je ree Met'
/* .Vouori tuupAdAeatrs f.itt au fend de ce /me J *
U Berne ia/tmenr ans stitos Je i any^irAea&v
y# Htynemem de ia tio/urr yms .reposât/ .esœJtn a h nu,
je iotuàe* pour for semis I Jt in.ien parterre
îl (rrm/ufr rrfde Je* /Jouter I SJ ftp nu et e
Si finntuttous irrnnJtéetu , eu petit lois Jet/ un.
futrftr met tfpe fattrteuue œufs Joe Offre* et tut
••u /un duutte/ orf Un ta/c
K //!• Jour ofietir prtutipet/es pla/tfrur en offrit/,
if Uitoj Je* mu mu et,. J in Je
Mer fut A en/e /u rue Je Buf/ôn
it Xus.it u . r.-use rtut/n .tu menue Jr le ermere
iP Immue ni fer,, | le terre Je* urfnu /hu/ter*
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IIISTOIHE. - 177 1 - 1704.
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La Ménagerie de Versailles était comprise au nombre des établissements dont on avait
décrété la suppression. 11. Couturier, régisseur des domaines du roi, écrivit à Bernardin de
Saint-Pierre, do la part du ministre, pour offrir au Jardin îles Plantes les animaux qui lu com-
posaient; mais l'établissement n'avait à sa disposition ni le local pour les recevoir, ni les
fonds nécessaires pour subvenir à leur entretien. Cependant Bernardin de Saint-Pierre comprit
l'importance de cette proposition et rédigea aussitôt un Mémoire sur la nécessité de joindre
une Ménagerie au Jardin national des Plantes. Ce Mémoire, qui porte la dote do 1792, et qui
est adressé à la Convention nationale, fit une sensation telle qu’il détermina l'Assemblée à
prendre des mesures immédiates pour la conservation des animaux existants et à adopter en
principe le projet qui lui était soumis. Ainsi, bien que ces mesures n'aient reçu leur exécution
que l'année suivante, c’est évidemment à Bernardin do Saint-Pierre qu’il faut rapporter l'hon-
neur de cette fondation. L'écrit, d'ailleurs peu connu, qui se rattache à cette circonstance,
trouvera sa place dans la seconde partie de cet ouvrage. C'est un morceau littéraire où la
vigueur du raisonnement s'allie à la plus mille éloquence , et dont le ton général rappelle la
manière de Jean-Jacques , avec qui , pour le talent comme pour le caractère , Bernardin avait
tant d’autres rapports.
Après avoir montré les immenses ressources que possède te Jardiu des Plantes, pour l’étude
de la nature , il remarquait qu’un seul des régnes organisés y présentait les objets morts et
vivants ; qu’à cité des plantes qui végètent et qui vivent , on n’y voyait point les animaux qui
sentent, qui aiment, qui connaissent. Le Cabinet montre les dépouilles de la mort, le Jardin
doit montrer les premiers éléments do la vio. « Quelques lumières, disait-il, quo l’aualomio
comparée ait répandues sur celle de l’homme mémo, l'étude des goûts des animaux, de leurs
instincts, du leurs passions en jette do bien plus importantes pour nos besoins et pour notre
prnpro existence ; elle est le complément de l'Histoire naturelle. C’est cette élude qui a rendu
Bttffon si intéressant, non-seulement aux savants, mais à tous les hommes. Mais cet écrivain
illustre ayant manqué de lieaucoup d’ohjels d’observations, n’a travaillé souvent quo sur des
Mémoires incertains : ses remarques les plus utiles et ses tableaux les mieux coloriés sont
ceux qui ont eu pour modèles les animaux qu’il avait lui-même étudiés; car lus pensées de la
nature portent avec elles leur expression. Quelles riches études il nous eût laissées, s’il eût pu
los étendre à une Ménagerie!... »
A peine ce plaidoyer éloquent eut-il obtenu le succès qu’il méritait si bien, qu’un nouveau
danger menaça le Jardin des Plantes. Ln décret du 18 août 1792 ayant supprimé les Lnivcr-
Sités , les Facultés et autres institutions do la mémo nature , on eut lieu de craindre que lo
Jardin fût enveloppé dans la même proscription. A la vérité , le local et ses dépendances
étaient une propriété nationale ; on y distribuait gratuitement des plantes médicinales aux pau-
vres malades , et , à la rigueur , lo laboratoire de chimie pouvait servir à la fabrication du
salpêtre. Tous ces motifs auraient ou peine à faire respecter l’établissement , si quelques
hommes do courage no se fussent élevés contre la fureur aveugle qui voulait anéantir toutes
les sources d’instruction et jusqu’aux dépôts publics des sciences et des arts. Parmi eux so
distingue Lakanal, l’un do ces hommes convaincus, mais probes et éclairés, dont la fermoté
devait mettre un terme à ces dévastations. Joseph Lakanal était né à Serres, village du
département de l’Ariége, en 1762. Ln de ses oncles, engagé dans les ordres, et avec qui on l’a
quelquefois confondu , devint , au commencement de la révolution , évêque constitutionnel de
Pamiers. Lakanal fut élevé aux Oratoriens. Ses études terminées à dix-huit ans , la congré-
gation désira se l’attacher; on l’envoya à Lectoure, comme professeur de grammaire, puis à
Moissac et à Castelnaudary pour occuper des chaires plus élevées. Comme il se préparait à
recevoir les ordres, il entra an séminaire Saint-Magloire , mais il ajourna son ordination.
Rentré dans les collèges de l’Oratoire, il devint régent de rhétorique à Périgucux et à Bourges.
11 prit scs grades à la Faculté des Arts, et fut reçu docteur à Angers. En 1 785, il était à Moulins
professeur de philosophie; en 1792, il fut nommé député île l’Ariége; il avait alors trente ans.
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PREMIÈRE PARTIE.
« De lu Franco entière', dit M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire , qui a écrit sur Lakaual uno
remarquable notice, île laquelle nous tirons la plupart de ces détails, il nu connaissait que le
séminaire Saint-.Vlagloirc et les collèges îles Oraloriens. Nulle ex|>éricncc des choses du monde,
mais aussi nul de ses préjugés : c'est un homme nouveau pour une situation nouvelle.
Heureusement aussi, c’est un grand eteur pour une grande oeuvre, et l'on verra que Lakanal
n'est pas né seulement pour faire admirer à ses élèves les vertus antiques, il saura les faire
revivre en lui... »
L *fc AN l !..
« La Convention s'ouvre. Quand Lakanal se voit, lui, obscur et inexpérimenté, en présence
de tels hommes et à la veille de tels événements, il se demande ce qu'il pourra faire pour son
pays. A d'autres les succès de la tribune, les hautes influences politiques, l'éclat du puuvoir;
pour lui, il ne sait, il ne croit savoir qu’une chose : enseigner; il s’occupera des écoles. 11
devient au comité d’instruction publique le collègue de Siéyès, do Dauuou, do Chénier, do
Fourcroy, de Boissy-d’Anglas. Peu de semaines s’étaient écoulées, que Lakaual passait |iour
la cheville ouvrière du comité et que ses collègues lui en déféraient la présidence par un vote
presque unanime. »
ci Jamais mission ne fut plus complètement, plus heureusement accomplie. Tout ce qu’il
s’était promis à lui-mème, Lakanal l’accomplit. Placé entre le comité des finances, qui ne
connaît qu’un besoin, l’économie, et la foule de ceux qui no voient dans les sciences, les
lettres et les arts, qu’une inutile aristocratie de l’esprit, Lakanal semble toujours devoir
échouer. C’est une lutte où, durant (rois années, la victoire, souvent emportée do vive force,
parfois adroitement obtenue , resta à la bonne cause. »
Le peuple, vainqueur de Louis XVI au 10 août, poursuivait encore sa victime dans tous
les souvenirs de la monarchie, qu’il voulait extirper du sol de la France, et, à ce titre, les
monuments, les objets d’art, ornements des demeures royales, tombaient de toutes parts sous
des mains égarées. Lakanal, indigné surtout des dévastations commises, sous les yeux même
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HISTOIRE. - 1771 - 1794.
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do la Convention, aux Tuileries, les dénonce énergiquement elles fait réprimer parun premier
décret. Quelques semaines après, le 4 juin 1793, il demande de nouveau la parole : « Les
monuments nationaux , s'écrie-t-il , reçoivent tous les jours les outrages du vandalisme. Des
chefs-d’œuvre sans prix sont brisés ou mutilés. Les arts déplorent ces pertes irréparables. Il
est temps que la Convention arrête ces farouches excès. »
Le Jardin des Plantes , de création ro.ralc comme les Académies , mais à un plus haut
degré, puisque depuis plus d'un siècle et demi il n’était qu’un annexe de la maison du roi ; le
Jardin des Plantes eût, sans nul doute, partagé le sort qui anéantissait tout ce qui avait tenu
par un lien quelconque à la couronne. Lakanal détourne le coup fatal. « Il apprend un matin
que des vandales, selon son expression, vont attaquer devant la Convention l’établissement
ex-royal. Le même jour, à trois heures, il se rend chez Daubenton, appelle au conseil Tliouin
et Desfontaines, et reçoit d’eux, avec de précieuses notes, le Mémoire rédigé en 1790 pour
l’Assemblée constituante; le lendemain, 10 juin 1793, il est à la tribune, et les vandales,
muets de surprise , l’entendent lire un Rapport écrit durant la nuit , et présenter un vaste pro-
jet aussitôt converti en loi : le Jardin des Plantes était érigé en Muséum national d' Histoire
naturelle. Ainsi fut sauvé on vingt-quatre heures et sauvé )>ar une mesure qui , en le trans-
formant , l’agrandissait , un établissement qui, sous sa forme actuelle, minoré et partiellement
imité par toutes les nations civilisées, ne reste pas moins, dans son harmonique ensemble,
unique encore en Europe, »
Trente ans après, Lakanal put se convaincre qu’on n’avait point oublié au Muséum celui
qui, eu 1793, avait été le sauveur et le second fondateur, et, en 1794 et 1795 , le constant et
zélé protecteur de l'établissement. Quand Deleuze, en 1823, rédigea son Histoire du Muséum,
les professeurs y tirent insérer une relation détaillée des faits que nous venons de rappeler, et
un exemplaire fut envoyé i Lakanal, alors réfugié en Amérique, avec cette dédicace, datéo
du 10 juin 1823 et signée de tous les professeurs : A M. Lakanal, pour le remercier du décret
du iO juin 1793. Lakanal fut vivement touché de cet hommage, presque le seul qui soit venu
Consoler son exil.
C’est principalement k Lakanal que l’on doit l'adoption du télégraphe. L’ingénieuse machine
do Cliappe, présentée en 1792 à l’Assemblée législative, avait à peine attiré son attention.
Elle fut représentée l’année suivante à la Convention , et cette fois Lakanal , l'un des commis-
saires chargés de l'examiner, fait accorder une récompense nationale à l'inventeur, obtient
dos fonds pour l'établissement d’une première ligne, et imprime aux travaux une telle activité
que, un mois après, on pouvait communiquer de l’aris à la frontière. Sou Rapport est du
25 juillet, et, le !" septembre, Carnot lisait à la tribune une dépêche qui annonçait la red-
dition do Condé, le même jour, à six heures du matin.
Après le 9 thermidor, Lakanal présenta et fit voter cinq décrets, qui sont pour sa mémoire
de nouveaux titres d’honneur. Les trois premiers fondaient trois grandes institutions, qui sub-
sistent et sont encore aujourd’hui en pleine prospérité ; l'École Normale , l'École des Langues
orientales et le Bureau des Longitudes. Les doux autres décrets organisaient les Écoles pri-
maires et les Écoles centrales. C’était tout l'édifice de l'instruction publique qui venait d’être
reconstruit.
Plus tard, Lakanal prit part à l’organisation de l'Institut et fut nommé, l'un des premiers,
membre do la classe des sciences morales et politiques. En 1797, le Directoire lo chargea
d'une mission dans les départements; il s’y montra ferme, conciliant et désintéressé. Après lo
18 brumaire, l'homme qui avait réorganisé en Franco l’instruction publique accepta une
modeste place do professeur à l’École centrale de la rue Saint-Antoine (Lycée Charlemagne).
En 1814, il s’exila volontairement aux États-Unis et devint président do l’université de la
Louisiane. Quelques années après , il se fit colon et entreprit des plantations dans l’Alabama,
sur les bords de la Mobile. Lorsque l’Académie des sciences morales et politiques fut rétablie,
le nom do Lakanal fut d'abord oublié; mais l’Académie, par un vole unanime, répara cet
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PREMIÈRE PARTIE.
oubli, et un décret de 1834 déclara qu’il reprendrait sa place. Il revint on effet en France en
1837, se maria à l'âge de soixante-quinze ans et eut un (ils. Lakanal sï'tciguit en 1844 , en
disant â quelques amis qui l'entouraient : a Je vais me présenter devant Dieu , le cœur pur et
« les mains nettes. » Il avait dit quelques jours auparavant à l'un d'eux : « Je n'ai jamais
eu sur les mains une goutte de sang , ni dedans une obole mal acquiso. »
Le décret qui organisait le Jardin des Plantes sous le nom de Muséum d'IIistoire naturelle,
fut rendu le 10 juin 1793 et publié le 14. il reproduisait presque intégralement le projet déli-
béré, en 1790, par l'Assemblée des oflicicrs du Jardin, sur la demande de la Convention.
Voici quelles en étaient les dispositions principales : l'égalité des droits , des fonctions , des
émoluments entre tous les professeurs ; une administration simple , confiée à l'assemblée
générale des officiers ; une surveillance fraternelle et réciproque ; l’équilibre maintenu par des
efforts communs, le jioids du travail également supporté par tous ; le droit de vote sur tout co
qui est relatif à l'enseignement; un président annuel, un trésorier et un secrétaire. Le nombre
des chaires était porté & douze ; celui des leçons était augmenté : nux chaires existantes on
ajoutait des cours do chimie appliquée, de culture, de géologie, d’instructions pour les
voyageurs et d’iconographie. La zoologie divisée comprenait deux chaires , indépendamment
de celle d'anatomie des animaux.
Les officiers proposaient les sujets pour les places vacantes, et nommaient les aides-natu-
ralistes. Chaque année, dans une séance publique, on rendait compte des progrès de la science
et de ceux de l'établissement ; on créait une bibliothèque , formée de tous les ouvrages de
physique et d'histoire naturelle recueillis dans les bibliothèques des ordres religieux supprimés
ou dans les dépôts publics, et à laquelle on réunissait la collection des vélins jusque-là dé-
posée à la Dibliotbéquo royale.
Tous les professeurs en exercice conservaient leurs chaires. Lacépèdo ayant envoyé sa
démission quelques mois auparavant, II. Geoffroy-Sainl-Ililnire , présenté par llaiiy et par
Daubenton , fut chargé du cours de zoologie : quadrupèdes , oisoaux , poissons et reptiles ; et
Lamarck qui , depuis quelques années déjà , avait le titre de botaniste du cabinet et de garde
des herbiers, eut la chaire de zoologie qui comprenait les insectes et les vers. Comme co
dernier appartenait à l’administration précédente, nous placerons ici les détails biographiques
qui le concernent ; ceux qui so rapportent à Gcoffroy-Saint-llilaire trouveront naturellement
leur placo dans l’histoire de la période suivante.
Voici la liste des cours arrêtés à cetto époque et les noms des professeurs qui y furent
attachés :
Minéralogie ,
Chimie générale ,
Arts chimiques.
Botanique ,
Botanique rurale.
Culture ,
Zoologie : quadrupèdes , etc..
Zoologie : insectes et vers ,
Anatomie humaine,
Anatomie des animaujr.
Géologie el instructions mue voyageurs ,
Iconographie ,
MM. Daubextos ;
Foi FicitoY ;
Brongniart;
Desfoxtaixf.s;
De Jcssieu;
A. Thouin;
Geoffroï-Saint-Hilaire;
Lamarck;
Portai.;
M E R T r u d ;
Faijas-Saint-Fond;
Vas Spaesdoxck.
Dès l’année 1787 , Buffon avait adjoint au cabinet deux aides pour la préparation des
animaux, ainsi que M. François Lucas, avec le titre d'huissier. A la réorganisation, Jean
Thouin, frire d'André, fut nommé jardinier' en chef. On désigna egalement quatre aides-
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HISTOIHE. — I7Î 1 - 1794. 95
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HISTOIRE. — 1771 - 1 794. 95
naturalistes : MM. Desmoulins, Dufresne, Valenciennes et Delcuze; enfin, trois peintres
d'Ilistoire naturelle : Maréchal et les deux frères Redouté.
Jean-Baptiste-Pierro-Auloine de Monet , chevalier de Lamarek , né à Barcntin, près de
Bapaume, en 1744, était le onzième enfant du seigneur du lieu. On le destina de bonne heure
au sacerdoce , et ou l'envoya chez les Jésuites d'Amiens ; mais sa vocation n'était pas là. La
France , à cette époque , était engagée dans une lutte violente et désastreuse contre la Prusse
et l'Angleterre. L’un des frères de Lamarek avait trouvé une mort honorable, sur la brèche,
au siège de Berg-op-Zootn. Deux autres de ses frères servaient encore avec distinction ;
presque toute sa famille avait suivi la carrière des armes, et le jeune homme avait à cœur
d’imiter de tels exemples. Son père étant mort en 1760; Lamarek quitta aussitôt lo petit
collet ; il partit, à peine âgé de 17 ans, pour l'armée d'Allemagne, monté sur un mauvais
cheval et muni d’une simple recommandation, que madame de Lamctli, amie do sa famille,
lui remit pour lo colonol du régiment de Beaujolais. L’officier, frappé de la mine chétive
du jeune homme, l’admit pourtant comme volontaire. C’était en juillet 1761. Lo maréchal de
Broglie, qui venait de réunir son corps d’armée avec celui du prince de Soubise, devait
attaquer le lendemain les alliés, commandés par lo prince Ferdinand de Brunswick. Cette
bataille île Willinghausen, village situé entre Ham et Lippstadt, fut perdue par les Français.
Une compagnie do grenadiers, au premier rang de laquelle Lamarek s'était placé de son
propre mouvement , se trouva exposée au feu de l’artillerie ennemie, et , dans le mouvement
de la retraite, on l'oublia. Il ne restait plus que quatorze hommes, dont le plus ancien proposa
à la petite troupe de se retirer. Lamark s'y opposa avec énergie, et il fallut que le colonel
envoyât , par mille détours , une ordonnance pour l'y décider. Ce trait de courage ayant été
rapporté au maréchal, le jeune volontaire fut nommé officier. A quelque temps de là, il reçut
le brevet do lieutenant, l'n accident l’arrêta dans sa carrière militaire, à laquelle il se vit par
la suite forcé de renoncer. Son régiment ayant été envoyé à Monaco, un de ses camarades, en
jouant avec lui , le souleva par la tète, ce qui détermina mie affection grave des glandes du
cou , pour laquelle Lamarek fut obligé de venir se faire traiter à Paris. Ce traitement exigea
une année entière; pendant sa longue maladie, il fut contraint de rester dans la solitude,
n'ayant d'autre ressource que de se livrer à la méditation.
Lamarek avait reçu au collège des notions de physique qu'il n’avait point oubliées. Pondant
son séjour à Monaco , il s’était occupé do Botanique , sans autre guide que le Traité des
Plantes usuelles de Chôme), A Paris, logé dans une mansarde, il n’avait guère d’autre spec-
tacle devant les yeux que les nuages et le firmament, ce qui lui inspira également la pensée
d’éludior la météorologie. Il prit dès lors le parti d’apprendre la médecine. Réduit, à cette
époque, à une modique pension de 400 livres, il était forcé, dans les intervalles de ses études,
de travailler dans les bureaux d'un banquier. Cependant, de toutes les parties de l'art médical,
celle qui l'intéressait le plus était la Botanique, et c'est à cette science qu'il s'attacha définiti-
vement. Il s'y livra avec uno persévérance telle qu’après dix ans d’un travail assidu, il se
présenta tout à coup dans le mondo savant, avec un ouvrage aussi remarquable par la nou-
veauté du plan que par celle do l’exécution.
Frappé de l'insuffisance des systèmes imaginés pour la détermination des plantes, Lamarek
avait eu l’idée d’en créer un nouveau qui devait conduire plus facilement et plus sftrement à
ce résultat. Il se mit aussitôt à l’œuvre, et c’est dans ce but qu’il écrivit la Flore française,
ouvrage qui ne tarda pas à avoir un grand retentissement. Sans chercher à augmenter d'une
manière notable le nombre des plantes de la Franco alors connues, il s’était seulement attaché
à les faire reconnaître à l'aide d'une méthode aussi commode qu'ingénieuse. Il prenait pour
point de départ les conformations les plus générales , et , en procédant toujours par voie
dichotomique, il ne laissait chaque fois à choisir qu’entre deux caractères opposés, divisant et
subdivisant toujours par deux, jusqu'à ce que, n’ayant plus à se décider entre deux caractères
bien tranchés, on arrivât infailliblement à la détermination de l'espèce que l’on étudiait. Cette
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(Mi PREMIÈRE PARTIE.
méthode eut un succès rapide ; Buffmi en fut si émerveillé qu'il obtint de faire imprimer la
Flore française par l'imprimerie royale. Dauhculon travailla au discours préliminaire, et,
dans le cours de l'ouvrage, le bon Haiiv vint souvent en aide à la plume encore pou exercéo
de l’auteur. Presque au même moment, une place do Botanique étant devenue vacante à
l'Académie des sciences , Lamarck y fut admis , bien que préseuté en seconde ligne , A
l'exclusion du botaniste Descemet, qui mourut sans obtenir justice de ce passe-droit jusque-là
sans exemple.
Buffon lui donna un autre témoignage de l'intérêt qu'il lui portait, en le faisant voyager
avec son fils , mais pourvu d'une commission de botaniste du roi , qui le chargeait en cette
qualité de visiter les jardins, les cabinets étrangers, et d'établir avec eux des correspondances.
Il parcourut ainsi , pendant deux ans ( 1 781-1782) , la Hollande, l'Allemagne et la Hongrie.
Cependant, à son retour, il n'obtint aucun emploi, et ce ne fut qu’après la mort de Buffon que
M. d'Angivilliers créa pour lui la place de botaniste du Cabinet, avec le soin et la garde des
herbiers du roi. C’est pendant les années qui séparèrent son voyage de son entrée au Jardin
que Lamarck publia la partie botanique de l’ Encyclopédie mélhodii/ue ; travail bien plus
important que sa Flore française , bien qu’il ait joui dans le monde d'une moindre célébrité.
Au moment où le Jardin et le Cabinet du Roi furent reconstitués sous le nom de Muséum
d' Histoire naturelle, Lamarck, alors le dernier venu des officiers qui avaient à se partager les
chaires nouvellement instituées, (ut sur le point de se trouver exclus. Cependant . Lacépèdo
venait de se démettre de scs fonctions et avait laissé vacante la chaire de zoologie relative
aux insectes et aux vers. Lamarck se vit obligé d'en prendre possession. Il avait alors 60 ans
et ne connaissait celte matière que pour s’être occupé de conchyliologie. Mais son courage ne
lui fit pas défaut , et il se trouva bientôt en état , non-seulement de professer avec succès cette
branche de la science , mais encore d’v acquérir une réputation supérieure à celle qu'il avait
obtenue en Botanique. Malheureusement, à peine eut-il obtenu la chaire do zoologie, que sa
vue commenta à s'affaiblir, et qu'il fut obligé de recourir à l'assistance de Latreille, pour
observer et étudier les insectes. Cette infirmité ne (il que s'accroître par un travail forcé, et,
dans les derniers temps , il linil par devenir tout à fuit aveugle.
Lamarck avait beaucoup médité sur les lois générales de la physique et de la chimie, sur
les révolutions du globe, sur les phénomènes météorologiques, sur les lois qui président à
l'organisme et à la vie. Il crut devoir émettre, sur ces différents sujets, des opinions fondées
uniquement sur des raisonnements et des hypothèses. Ses théories, souvent en désaccord
avec les faits , furent jugées avec rigueur ; on chercha même à le tourner en ridicule , et ses
amis lui firent comprendre que quelques-unes de scs publications ne répondaient pas à la
considération que ses autres travaux lui avaient méritée; il se soumit en silence, mais il
continua ses observations. Lorsque l'état de sa vue ne lui permit plus de les poursuivre , et
que ses infirmités curent accru ses besoins , scs moyens d’existence se trouvèrent à fieu près
réduits aux modiques émoluments de sa chaire d’Hisloire naturelle. « Les amis des sciences,
dit Cuvier, attirés par la haute réputation que lui avaient valu ses ouvrages de botanique cl
de zoologie , voyaient ce délaissement avec surprise ; il leur semblait qu'un gouvernement
protecteur des sciences aurait dit mettre un peu plus de soin à s’informer de la position d’un
homme célèbre. Mais leur estime redoublait à la vue du courage avec lequel ce vieillard
illustre supportait les atteintes de la fortune et celles de la nature. Ils admiraient surtout le
dévouement qu'il avait su inspirer à ceux do ses enfants qui étaient demeurés prés de lui. Sa
fille aînée , entièrement consacrée aux dovoirs de l'amour filial pendant des années entières ,
ne l'a pas quitté un instant, n’a pas cessé de se prêter à toutes les études qui pouvaient
suppléer ou défaut de sa vue, d'écrire sous sa dictée une partie de scs derniers ouvrages, do
l'accompagner, de le soutenir tant qu'il a pu faire encore quelque exercice, et ces sacrifices
sont allés au delà de tout ce qu'on pourrait exprimer. Depuis que le père ne quittait plus la
chambre , la fille ne quittait plus la maison. A sa première sortie , elle fut incommodée par
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HISTOIRE. — 1771-1791. 97
l'air libre dont elle avait perdu l'usa ire. S’il est rare île porter à ce point la vertu , il lie l’est
pas moins île l'inspirer à ce degré , et c'est ajouter à l'éloge de Lamarck que de raconter ce
qu'ont fuit pour lui ses enfants. »
Le meilleur ouvrage de Lamarck est sans contredit son Système des animaux sans vertè-
bres. en sept volumes in-8”. C'est là qu’il établit ce grand principe de clussitication qui portage
tout le Régne animal en deux grandes classes, fondées sur la présence ou l’absence des vertè-
bres. C'est en effet la seule circonstance d'organisation qui soit commune à tous les animaux.
Ce trait de lumière était d'autant plus remarquable que Lamarck était assez peu exercé aux
recherches d'anatomie pratique ; mais il profita habilement des travaux de ses devanciers et
même de ses contemporains, pour en déduire des généralités heureuses. On lui doit également
une Philosophie zoologique , dans laquelle il établit une physiologio toute nouvelle, appuyée
toutefois sur des hypothèses dont il ne put déduire que des conséquences forcées, ('.'est là qu'il
développe cette singulière thèse qu’un besoin peut donner naissance à un organe, et que cette
génération spontanée est modifiable indéfiniment : proposition qui tombe évidemment devant
ce fait que, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, les formes animales n'ont pas
changé.
Lamarck répandit ses vues sur divers sujets de physique et d’histoire naturelle dans un
grand nombre d'écrits. Les plus importants ont pour titre : Recherches sur les causes des
principatts faits physiques , etc. ; Mémoires de Physique et d' Histoire naturelle ; Hydrogéologie ,
ou Recherches sur l'influence générale des eaux , etc. ; enfin un Annuaire météorologique dont
il parut successivement onze volumes. Scs idées avaient en général de l'originalité, de la
hardiesse, quelquefois même elles portèrent l’empreinte du génie; mais son intelligence,
appliquée à la fois à un trop grand nombre d’objets, scs théories fondées trop rarement sur
des observations exactes l'ont conduit à des excentricités souvent regrettables. Lamarck était
certainement un esprit hors ligne; il avait le goût du travail, une activité rare, et toutefois,
après une longue vie toute consacrée à l'étude , il lui restera peu de chose peut-être de son
énorme bagage scientifique. Cependant , sa Flore française , sa Philosophie zoologique , mais
surtout son Système des animaux sans vertèbres , sont de justes titres à une célébrité qui s’at-
tachera longtemps encore à son nom. Lamarck avait été marié quatre fois; il mourut en
1829, à l’àgc de 85 ans.
Le décret qui organisait le Muséum une fois rendu, les professeurs, dans leur première
assemblée générale , nommèrent Daubenton président , Desfontaines secrétaire , et André
Tliouin trésorier. Ou prépara le local destiné à la bibliothèque, M. de Jussieu s’occupa de
recueillir les livres qui devaient la composer, M. Toscan en fut nommé bibliothécaire,
Mordant de Launay bibliothécaire adjoint, et, au mois de septembre 1794, elle fut ouverte
solennellement au public.
On s'occupa en même temps de disposer pour la Ménagerie un local provisoire, oit l’on
réunit les animaux de lu Ménagerie de Versailles et quelques autres que l’on se procura par
des acquisitions ou des échanges. L’intendance fut destinée à fournir des logements aux
professeurs ; ou décida de construire un second élage au-dessus des galeries pour doubler
leur étendue. Le règlement intérieur une fois arrêté , le représentant Thibaudeau en fit.au
comité des sciences, lo sujet d’un rapport qui fut adopté et qui fixa d’une manière définitive
l’organisation du Muséum.
Cependant, on avait bien compris, dès le principe, la nécessité de créer une troisième
chaire de zoologie ; mais , en l'absence de Lacépcde , démissionnaire , on crut ne devoir pas
en parler dans le projet d’organisation , si* réservant de faire valoir ultérieurement les droits
de l'éminent professeur. C’est eu effet ce qui eut lieu : la loi du 1 1 décembre 1794 créa celle
troisième chaire de zoologie, et on s'empressa de désigner Lacépèdc pour l'occuper.
La même loi ordonna l'acquisition des terrains compris entre la rue Poliveau, la rue de
Seine, la rivière, le boulevard de ITIdpilal et la rue Saint- Victor , afiu de compléter le péri-
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l'HKJIlfcHK PA1IT1E.
mètre occupé pur le Muséum. La commission d’instruction publique avait formé un plan
encore plus vaste, mais impraticable, et, en mai 1794, le Comité de salut public l’avait
converti en loi ; mais cette loi fut rapportée, à la sollicitation même des professeurs, et on
décida que l’étendue du Jardin serait bornée définitivement par les rues de Buffon et de Seine,
par la rivière et la rue Saint-Victor. Le projet ainsi limité devenait d’une exécution plus facile,
et, toutefois, il ne put se réaliser complètement que longtemps après.
A la fin de 1794, l'amphithéâtre fut agrandi et terminé par l’addition de trois pavillons et
du laboratoire de chimie. C’est dans ce local que se fit, en janvier 1795, l'ouverture de
l’École normale, sous la présidence de Lakanal et de Siéyès, délégués par la Convention, en
présence de quatorze cents élèves venus de tous les points de la France, des douze professeurs,
et par une magnifique leçon de l’illustre Laplacc.
QUATRIÈME PÉRIODE
1794-1815
Le Muséum «l'histoire naturelle était fondé, mais son inauguration arait eu lieu sous de
tristes auspices. L'activité, le zèle et le savoir de ses professeurs ne pouvaient suffire à tout
ce que la science et renseignement attendaient de cette grande institution. Les troubles de la
société , la pénurie des finances , l'interruption de tout commerce avec les académies étran-
gères, la difficulté des rapports avec l’autorité qui changeait de mains chaque jour, toutes ces
causes entravaient l'exécution des projets les mieux conçus et des mesures les plus utiles. On
fil pourtant l’acquisition de quelques terrains, on entreprit des constructions indispensables,
on préparait l'organisation de la Ménagerie et les développements du Cabinet; mais, d'une
autre part, on ne pouvait pourvoir aux nécessités les plus urgentes; on manquait d’argent
pour payer les ouvriers, pour nourrir les animaux, pour acheter des engrais. Ou cultivait des
pommes de terre dans les carrés destinés aux plantes rares ; les collections s’entassaient dans
les magasins; on n’avait ni local, ni armoires pour conserver les objets les plus précieux.
Heureusement , le dévouement et le courage des professeurs ne se ralentissaient point , et leur
désintéressement , bien digne des vrais amis de la science , prévint plus d’une fois la ruine
imminente de l'établissement.
Cet étal de choses devait se prolonger jusqu’aux dernières années de ce siècle, qui marchait
si difficilement vers sa fin. Cependant, grâce à une administration bien entendue, on parvint
à exécuter des améliorations d’une réelle importance. Dés l'année 1 705 , on acheta, pour les
réunir au Muséum, toutes les propriétés particulières qui entouraient l’hôtel de Magny. On y
établit les bureaux et oti y réserva un local pour le Cabinet «l’anatomie. Ou disposa des loge-
ments pour les professeurs daus d'autres bâtiments , autrefois possédés par la communauté
«tes Noui eaux-Comertis , et situés le long de la me de Seine. Les jardins qui dépendaient de
Ces habitations furent réunis au Labyrinthe. Ou commença la construction d'une serre tem-
pérée; on acheta quelques pièces des terrains que l’on destinait à la Ménagerie et dans lesquels
on dessina les premiers parcs pour les animaux ruminants; on entreprit la construction du
Second étage au-dessus des galeries, cl un peu plus tard colle d'une nouvelle serre, destinée
Aux végétaux rapportés par le capitaine Baudin. Ces constructions furent dirigées par l’archi-
tecte Molinos, qui avait succédé & Verniquet, à qui l'on doit l'érection du grand Amphithéâtre
actuel.
Cependant , le Muséum recevait de différents points des objets de la plus grande valeur
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HISTOIRE. — 1 704 - 181 ô.
pour ses collections. En 1795, la conquête de la Hollande lui avait procuré 1rs drus Éléphants
et le cabinot d'histoire naturelle du Statliouder, riche surtout en objets do zoologie. Une aulra
collection précieuse lui était parvenuo de la Belgique; l’année suivante, M. Desfonlaines avait
offert au Muséum sa collection d'insectes de Barbarie. L'Académie des sciences lui avait donné
une pépite d’or d'un poids considérable; le gouvernement avait remis au Muséum la collection
de pierres précieuses do l’hôtel des Monnaies. En 1797, on acheta la collection d’oiseau»
d’Afriquo, do Lcvaillant, puis celle des oiseaux de la Guyane, de Brochcton; enfin, on 1798,
on reçut les nombreuses collections do botanique et de zoologie rapportées d'Amérique par le
capitaine Baudin et ses savants collaborateurs.
Au commencement de 1706, le capitaine Baudin, récemment de retour d’un voyage de
recherches dans l'Inde, avait annoncé au gouvernement qu’il avait laissé dans l'Ile do la
Trinité une riche collection d’histoire naturelle, et qu’il l'offrirait au Muséum, si on voulait
lui confier un vaisseau pour l’aller chercher. Celto demande , vivement appuyée par les pro-
fesseurs, fut accordée, à la condition que Baudin emmènerait avec lui quatre naturalistes.
On désigna pour l'accompagner Maugé et Lerillain, pour la zoologie; Dru, pour la botanique,
ainsi que Biedley, jardinier du Muséum.
I.
imii
Baudin partit du Havre en septembre 1706. Son vaisseau ayant fait naufrage aux fies Cana-
ries, le gouvernement espagnol lui donna un autre bâtiment pour continuer son voyage. L’île
do la Trinité étant alors au pouvoir des Anglais, il se dirigea sur Saint-Thomas, et de là sur
Porto-Rieo. Après deux ans, il appareilla pour revenir en France, et entra à Fécamp avec
scs collections au mois de juin 1798. u Jamais, dit Delcuze, on n’avait reçu à la fois un aussi
grand nombre de végétaux et surtout d’arbres des Antilles : il y avait une centaine do caisses
dont plusieurs renfermaient des individus de six et jusqu’à dix pieds de hauteur; les plantes
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PREMIÈRE PARTIE.
avaient été si bien soignées pendant la traversée, qu’elles étaient en pleine végétation et
qu’elles réussirent très-bien dans nos serres. »
« Le résultat du voyage ne se bomu point a procurer au Jardiu «les plantes vivantes, il enri-
chit également les cabinets : les herbiers furent accrus d’un grand nombre de plantes des
Antilles, recueillies et desséchées avec soin par Dru et Riodley, qui n’avaient pas négligé d’in-
diquer le lieu où elles avaient été ramassées. Riodley avait fait «le plus une collection de tous
les bois de Saint-Thomas et de Porto-Rico , et il avait attaché à chaque échantillon un numéro
qui renvoyait au rameau fleuri «lu mtMne arbre conservé dans l'herbier, ce qui donna au pro-
fesseur de botanique la facilité de les déterminer. Les deux zoologistes rapportaient aussi des
peaux de quadrupèdes , des Oiseaux et des Insectes. La nombreuse collection d’Oiseaux faite
par Maugé était surtout très-intéressante , parce que la plupart des espèces manquaient au
Muséum et que tous les individus étaient parfaitement conservés. »
Toutes ces richesses auraient fini par être perdu«is pour la science, si l’on n’eût pourvu à
leur conservation par des mesures immédiates. En 1798, les professeurs se décidèrent à pré-
senter au gouvernement un Mémoire pour lui faire connaître tes besoins du Muséum. On y
énumérait les objets précieux «pie l’on avait reçus, mais dont on ne pouvait tirer aucun parti :
tes collections restaient enfoutes dans «tes caisses, où elles étaient exposées à «Mro «lélruites
par les insectes ou par «i'autres causes; tes animaux vivants étaient logés provisoirement
dans des écuries, où le défaut d’air, le froid et une mauvaise alimentation allaient les laisser
périr : un moment , la détresse fut telle que l’on «lut autoriser le surveillant de la Ménagerie à
faire tuer les animaux les moins précieux p»mr servir à la nourriture des autres.
Il était presque impossible au gouvernement «le satisfaire à ces demandes, dans l’état «»ii la
guerre et les dissensions intérieures avaient réduit lu France. On pourvut toutefois aux besoins
tes plus urgents; mais les événements «jui fur«»nt la conséquence «lu 18 brumaire (9 novem-
bre 1799) changèrent la face des choses, et dès lors un nouvel avenir s’ouvrit à la prospérité
«lu Muséum. Lo gouvernement consulaire comprit toute l'importance «ie l’institution et résolut
aussitôt do lui donner tous les développements qu’elle nteritait. Ou reprit les travaux inter-
rompus, on continua tes acquisitions de terrain, on mil en ordre tes collections. On fit acheter
à Londres plusieurs animaux importants pour la Ménagerie : «leux Tigres, deux Lynx, un
Mandrill, un Léopard, une Panthère, une Hyène, divers Oiseaux étrangers. Sir Joseph Banks,
avec sa générosité accoutumée, saisit c«*Ue occasion pour offrir au Muséum quelques plantes
intéressantes <jui manquaient aux serres. A lu même époque, la collection anatomique s’enri-
chit des dépouilles «le plusieurs animaux rares; M. Latrcille, aide naturaliste d’un mérite
éprouvé , disposa la collection d’lns«*ctes avec un soin et une intelligence qui annonçaient un
entomologiste des plus distingués; sous les mains de M. Alexandre Brongniart, les cadres du
Cabinet do Minéralogie s’étendirent , se complétèrent ; enfin , on common«;a à former, avec les
échantillons accumulés dans les magasins, des collections classiques destinées à enrichir les
Écoles centrâtes «les départements.
Cependant, une circonstance grave menaça tout à coup d'interrompre lo cours «le cette
prospérité naissante. On eut un moment la pensée «le confier l’administration du Muséum à
un intendant, directeur général, nommé par le ministre, et de réduire tes fonctions des profes-
seurs à leur enseignement, ainsi qu’à la conservation des collections qui s’y rapportent. Les
professeurs s’émurent de ce projet , non dans leur intérêt personnel , mais dans celui des
sciences et do l’institution. Ils s'empressèrent de faire de vives représentations à ce sujet ; ils
firent valoir les rapides développements «lu Jardin sous l’administration des premiers inten-
dants , qui tous avaient été professeurs , les notables succès «jue l’établissement avait «tejà
obtenus, grâce au nouveau régime administratif, le «langer «le voir quelque jour cette adminis-
tration passer «lans tes mains d’un homme, étranger aux sciences , et qui pourrait , à leurs
progrès réels, préférer l’éclat d’une institution brillante sous d'autres rapports ; ils ajoutaient
que l’état «le subordination où so trouveraient les professeurs risquerait «te paralyser leur zèle.
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HISTOIRE. - 1 794- 1 815.
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rendrait leur responsabilité illusoire, enfla que ceux d'entre eux ijui étaient pourvus do places
éminentes dans l'État ne pourraient recevoir des ordres d'un chef moins élevé hiérarchique-
ment, et se verraient contraints do so démettre de leurs fonctions. Ces motifs ne furent pas
accueillis; le ministre persista et nomma M. de Jussieu directeur. Celui-ci, loin d'accepter,
protesta avec plus d'énergie, et Cbaptal , devenu ministre do l'intérieur, se lutta du faire droit
à des réclamations qui lui parurent parfaitement fondées.
Sous l’impulsion de ce ministre, à qui le Muséum doit des souvenirs pleins de reconnais-
sance, l'institution ne tarda pas en effet à reprendre une vie nouvelle. Cbaptal était médecin,
chimiste très-distingué , professeur éminent. Il avait été dans l'École du Montpellier, comme
Fourcroy dans la chaire du Jardin des Plantes, l’éloquent propagateur d’une science encore
toute nouvelle. Il comprenait mieux que personne la portée des sciences naturelles et toutes
les ressources (pie leurs applications promettaient à l’industrie. Élevé au premier emploi de
l'administration publique , sa première pensée avait été du ramener les esprits dans les voies
do l'ordre , a l’aide di* l'étude, et de fonder la prospérité do la nation sur les développements
do l'intelligence : il no pouvait donc mauquor do couvrir le Muséum de sa haute protection.
L'enceinte totale du Jardin qui , dans les premières années de l'administration de Bnffon,
n’était que de vingt et un arpents, avait été plus que doublée en 1783. L’Écolo botanique,
déjà fort étendue par les soins de Jussieu , fut augmentée d’un tiers par ceux de Desfontaines,
et replantée intégralement. La galerie supérieure du Cabinet et son ameublement furent ter-
minés. On arrêta le plan de la Ménagerie et des parcs; on construisit de nouvelles salles pour
un laboratoire de zoologie et pour les préparations anatomiques. Dès l’année 1802, le Muséum
se trouva complètement organisé; toutes les parties do l'établissement recevaient la même
impulsion ; l'ordre, l’activité régnaient sur tous les points, et l’enseignement, confié aux mains
des plus habiles professeurs, attirait de nombreux élèves autour do ce large foyer de lumières
et de savoir.
La seule partie des collections qui laissât encore à désirer était celle do la minéralogie, qui.
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PREMIÈRE PARTIE.
créée par Dauhenton avec des soins tout particuliers et une assiduité de cinquante ans, pré-
sentait néanmoins beaucoup de lacunes, line collection très-riche et très-étendue , avant été
apportée en France par un Allemand , M. Weiss, les professeurs s’empressèrent d'appeler sur
ce sujet l’attention de Cliaplal, qui, après avoir pris l’avis du Conseil des mines, trouva le
moyen, à l’aide d'échanges et de quelques sacrifices, de l'acquérir pour le Muséum. En IS02,
M. Geoffroy-Saint-llilaire fit don à l'établissement des objets île toute nature qu’il avait
recueillis en Égypte pendant un séjour de quatre années. Celte collection, du plus haut intérêt
au point do vue de l'histoire naturelle , comme sous les rapports historique et archéologique,
contenait entre autres plusieurs des animaux sacrés conservés dans les tombeaux do Thèbes
et de Memphis , ainsi qu'une foule d’autres pièces qui devaient jeter une vive lumière sur
diverses questions importantes de philosophie naturelle.
Vers la même époque, l’etnpereur Napoléon donna au Muséum la collection des Poissons
fossiles, achetée au comte de Gazola, une autre collection du même genre, offerte par la ville
de Vérone, et celle dos roches de Corse, recueillie par M. de Barrai.
Les travaux du laboratoire do zoologie avaient pris une immense activité. On s’en étonnera
peu quand on saura que ces travaux étaient dirigés par des zoologistes de premier ordre,
remplis de zèle et de talents, qui s’étaient imposé la mission de créer de leurs propres mains
la galerie d'anatomio comparée, et qui donnaient l'exemple du travail aux élèves et aux dessi-
nateurs qui les secondaient : entreprise qui devait faire autant d’honneur à leur courage,
qu’elle rendait de services à la scienco, car alors ces travaux difficiles n’étaient pas exempts
do danger. En 1803 et 1801, Cuvier acheva avec le plus grand succès, sur trois individus
morts successivement au Muséum, l’anatomie de l'Éléphaut, jusque-là fort peu connue et
aujourd'hui aussi complète que celle du Cheval.
En 1801, le Muséum s’enrichit à la fois d'une collection considérable de zoologie et de
botanique, la plus importante qui lui fût jamais parvenue. Au commencement de l’année 1800,
l'Institut avait proposé au premier consul d’envoyer deux vaisseaux aux terres australes pour
y faire des découvertes relatives à la géographie et aux sciences physiques et naturelles.
Le premier consul adopta cette idée , et , sur la présentation de l'Institut et du Muséum
d’Histoire naturelle, il nomma, pour faire partie de l'expédition, vingt-trois hommes instruits,
qui furent chargés de s’occuper uniquement de ce qui est relatif au progrès des sciences. Les
deux vaisseaux le Géographe et le naturaliste , commandés, lo premier par le capitaine Baudin,
le second par lo capitaine Hamclin, partirent du Havre le 19 octobre 1800; ils relâchèrent
à l’Ile de France, oh restèrent la plupart do ceux qui s’étaient embarqués pour des recher-
ches scientifiques.
Après avoir quitté l’Ile de France , les deux vaisseaux allèrent reconnaître la côte occiden-
tale de la Nouvelle-Hollande, et ils se rendirent à Timor, oü ils passèrent six semaines. De là,
ils retournèrent visiter la même côte , ils firent le tour de la terre de Diemen , et remontant au
Nord, ils allèrent au port Jackson, oii ils firent un séjour do cinq mois. Ils reprirent ensuite
la route de Timor, en passant par le détroit de Bass. De Timor , ils revinrent en France, et ils
entrèrent dans le port de Lorient le 25 mars 1801.
Des cinq zoologistes qui avaient été nommés pour cette expédition, deux s’étaient arrêtés à
l’ile de France. Les deux autres, Maugé et Levillain, étaient morts pendant le voyage. Péron,
resté seul, se lia de la plus intime amitié avec AI. I.esueur, peintre d’histoire naturelle
et très -bon observateur; ces deux hommes infatigables vinrent à bout de recueillir, de
conserver cl de décrire une infinité d’objets. On passa quinze jours à débarquer la collection
ou port de Lorient, et elle fut aussitôt envoyée nu Muséum. Pour en donner une idée , nous
no saurions mieux faire que de transcrire ici quelques phrases du rapport fait à l’Institut par
M. Cuvier.
a Chaque jour dévoile mieux , dit-il , l’importance et l’étendue do cctto collection do
zoologie. Plus de cent mille échantillons d’animaux grands et petits, et appartenant à toutes
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HISTOIRE. — 1794 - 1815.
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les classes, la composent. Elle a déjà fourni plusieurs genres importants; et le nombre des
espèces nouvelles, d’après le rapport des professeurs du Muséum, s’élève à plus de deux mille
cinq ceuts. »
« Tout ce qu’il était possible do conserver, ils l’ont rapporté, soit dans l’alcool, soit
empaillé avec soin, soit desséché. Lorsqu’ils ont pu préparer des squelettes, ils ne l'ont pas
négligé, et celui du crocodile des Moluques prouve jusqu’où leur zèle s’est étendu à cet
égard. » »
« Le même voyage, ajoute Delcuze, procura au Muséum plusieurs animaux vivants, du
nombre desquels étaient le Zèbre et le Gnou, que M. Jansen, gouverneur du Cap, envoyait à
l’impératrice Joséphine, et qu’elle donna au Muséum. La collection de Botanique n’était pas
moins importante que celle de zoologie. La végétation de la Nouvelle-Hollande ne ressemble
point à celle des autres parties du globe. Quelques plantes étaient déjà connues pur les Anglais
et par le voyage de M. de Lubillardière , mais elles étaient en petit nombre auprès de celles
qui furent apportées en 1804. Il y avait plusieurs caisses d'arbrisseaux vivants qui se multi-
plièrent facilement, un très-grand nombre de graines qui germèrent, des herbiers très-bien
conservés, dans lesquels les trois quarts au moins des plantes étaient nouvelles, et dont
plusieurs même ne sont pas encore connues, malgré les savantes recherches de M. Robert
Brown. Quelques-unes ont été publiées dons les Annales du Muséum. Ce qu’il faut surtout
remarquer, c’est que les plantes de la Nouvelle-Hollande, depuis le port Jackson jusqu’au
détroit d’Entrecasteaux , ne sont point de terre chaude comme celles des Tropiques; toutes
peuvent passer l’hiver en pleine terre dans les départements méridionaux do la France, et un
grand nombre ne craindraient pas les hivers à Paris. Aussi depuis que le Muséum a reçu cet
envoi, a-t-on vu s’introduire dans les jardins les Métrosidéros , les Mélaleuca, les Leptos-
permum, qui, par la beauté de leurs fleurs, ont d'abord excité l’admiration. Les magnifiques
Eucalyptus qui, dans leur pays natal, s'élèvent à 150 pieds, et dont le tronc acquiert 7 à 8 pieds
de diamètre , commencèrent à se multiplier. On les conserve encore dans l’Orangerie à cause
de l’époque à laquelle ils fleurissent. Mais en les élevant de graine , on parviendra à changer
leurs habitudes, et ils seront cultivés dans nos parcs. C’est du Muséum que de beaux individus
de tous ces arbres de la famille des Myrtes se sont répandus chez les pépiniéristes, et de là
dans toute la France. »
Les herbiers, autrefois réunis assez confusément dans des pièces dépendantes (lu logement
du professeur de Botanique, avaient été transportés dans une salle des maisons nouvellement
acquises, et d’abord confiés aux soins de Lamarck; mais celui-ci, faute de local, n’était point
parvenu à les mettre en ordre, et, devenu professeur de zoologie , le temps lui avait manqué
pour y donner ses soins. Desfontaines s'y consacra avec zèle, et réussit à classer toutes ces
richesses. Cette partie des collections devait bientôt s’enrichir du magnifique herbier des
plantes équinoxiales de l’Amérique, recueillies par MM. de Humboldt, Ronpland et Kunth. Cet
herbier contenait 4,600 espèces, dont plus de 3,000 étaient inconnues jusque-là, et renfer-
mait tous les échantillons d'après lesquels avaient été gravées les figures qui accompagnent
leur grand ouvrage sur l'histoire des plantes équinoxiales. En 1809, le ministre acheta la
collection des bois de l’Amérique septentrionale, recueillie par Michaux le fils, ainsi que
l’herbier du même pays , et qui est le type de l’ouvrage d’André Michaux père , mort à Mada-
gascar, en 1802. Ou y joignit les beaux herbiers de M. Martin, directeur des pépinières de
Cayenne.
La collection do minéralogie s’était accrue de la série des roches de Corse de M. Rampasse,
qui complétait celle de M. de Barrai. On y avait réuni les nombreux échantillons de ce Règne
qu’en 1808, M. Geoffroy-Saint-Hilaire avait rapportés de Lisbonne, ainsi que les minéraux
envoyés d’Italie et d’Allemagne par M. Marcel de Serres. Ces dernières acquisitions avaient
trouvé place dans les salles récemment ouverte?, dans le prolongement des galeries du cabinet,
et dans les constructions dont on les avait surmontées au second étage.
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PRKMlfcRK PARTIE.
Mais la partie des collections qui avait acquis le plus de développements était celle qui se
rapporte à la zoologie. Peu de temps après la réorganisation du Muséum, on avait présenté le
plan d’une vaste Ménagerie, dans laquelle les animaux de toutes les classes et de tous les
climats auraient été placés dans des conditions en rapport avec leurs besoins et leurs
habitudes ; mais ce projet , dans lequel on avait eu peu d’égard aux moyens d’exécution , fut
abandonné. En 1802, l'architecte Molinos ayant présenté le plan d’une vaste rotonde destinée
à renfermer les animaux féroces, on commença à mettre ce projet à exécution; mais on ne
tarda pas à reconnaître ses inconvénients et les travaux furent suspendus. On les reprit en
181 1 , toutefois après avoir modifié la distribution intérieure, de manière à pouvoir y loger les
grands herbivores, comme les Éléphants , les Chameaux et les fdrafes. Cette habitation,
destinée à être chauffés* pendant l’hiver, bien qu’elle ne remplisse pas complètement toutes les
conditions désirables, ne laisse pas d’être très-utile et de faire un effet assez pittoresque nu
milieu des parcs dont elle est entourée.
La Ménagerie s’était augmentée de vingt -quatre animaux envoyés par le roi de Hollande,
et de plusieurs autres offerts par des voyageurs ou des négociants étrangers. On étendait
chaque année l’espace destiné aux animaux vivants. Les Cerfs, les Daims, les Axis, les
Bouquetins, le Zèbre, les Kanguroos, respiraient en liberté, errnient dans des parcs charmants
et logeaient dans des abris construits avec goût et élégance. Les Oiseaux aquatiques avaient
des bassins ou des mares appropriés à leurs instincts; les Paons , les Autruches, les Casoars
avaient leurs enclos réservés ; les Faisans et les Oiseaux de basse cour des cages commodes et
de lurges espaces : il ne manquait plus qu’un logement convenable pour les Singes et une
volière : l’avenir devait y pourvoir.
Les galeries d’anatomie comparée furent ouvertes au public en 1806. La plus grande partie
des pièces qui la composaient étaient l’ouvrage de Cuvier. Ces galeries n'offraient plus
seulement une arido collection de squelettes, mais une série complète de parties et d’organes,
appartenant à toutqs les classes du Hègne animal , et préparés avec le plus grand soin , de
manière à servir à l’étude et à ,1a comparaison. Ce travail, auquel le jeune professeur s'était
livré avec une ardeur et une persévérance extraordinaires , avait été pour lui l’occasion d’une
découverte qui , fondée sur des études anatomiques , devait fournir des éléments de la plus
haute importance aux progrès de la géologie , et ouvrir à l’étude des révolutions du globe une
carrière aussi immense qu’imprévue.
On avait beaucoup fait pour la zoologie, en créant une Ménagerie déjà très-nombreuse, en
consacrant un vaste laboratoire aux préparations anatomiques , en rassemblant les matériaux
d’une galerie d’anatomie comparée. Mais ce qui devait surtout imprimer une marche nouvelle
à cette branche de la science; c’était l’organisation de son enseignement. Cet enseignement
était alors réparti entre plusieurs cours : celui de Geoffroy-Saint- Hilaire, qui s’appliquait à
tout l’ensemble de la science, celui d’anatomie comparée, dans lequel Cuvier avait remplacé
Morlrud, mais en lui donnant une physionomie toute nouvelle; le cours de Lacépède, relatif
aux Reptiles et aux Poissons; et celui de Lamarck, qui comprenait les Vers et les Insectes.
Un peu plus tard, Ceoffroy-Saint-Hilairc, chargé à la fois de son cours, de la correspondance
et du soin des collections, demanda qu’on lui adjoignît un naturaliste pour la surveillance et
le mouvement «le la Ménagerie. On désigna pour cet emploi M. Frédéric Cuvier, frère du
professeur, déjà connu dans lu seicnce par de bons travaux de zoologie. .Nous verrons bientôt
tout ce qu’un pareil concours d’hommes de talents et «le génie devait répandre de nouvelles
lumières sur cette branche importante des sciences naturelles; mais il faut reprendre à sa
source l’histoire des événements scientifiques de cette période et celle des savants qui la rem-
plissent d’une manière si brillante par leurs actes et par leurs découvertes.
Étienne Geoffroy-Saint-Hilairo, le créateur de l’anatomie philosophique en France, naquit
à Étampes en 1772. Sa famille, originaire de Troves, avait déjà, dans le siècle précédent»
Jfourni trois membres à l’Académie des sciences , et l’un d’eux avail été professeur au Jardin
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HISTOIRE. — 1794- 1815. 105
du Roi ( 1). Son pore appartenait au barreau, et le jeune Etienne semblait naturellement des-
tiné à la même carrière. Son Alu en lion de famille fut non-seulement dirigée par son père,
mais surtout par sou aïeule maternelle, femme d’un vrai mérite, <|ui déposa dans son rieur
le germe des vertus et le goût du travail. Sa constitution était délicate; il avait montré de
l'aptitude et de l’intelligence dans ses classes, et on eut d'abord la pensée de le destiner à
l’Église. Son père, chargé de famille , avait dans le clergé quelques amis puissants, dont la
protection pouvait lui faciliter les abords de la carrière ecclésiastique. Il obtint en effet une
bourse au collège de Navarre, puis un mince cauouicat à Etnmpes, mais avec la |H*rspective
d'un bénéfice assez avantageux dans le même diocèse. Cependant le jeune homme, avant
même de quitter le collège, se sentait entraîné par une autre vocation. A Navarre, il avait
suivi avec le plus vif intérêt les cours do physique de Brisson, et, en 1790, au moment de ter-
miner ses études, il supplia son père de lui permettre de suivre les cours du collège de France
et du Jardin des Plantes. Son père y consentit, à la condition qu’il entrerait comme pension-
naire en chambre au collège du Cardinal-Lemoine , et qu'il suivrait en même temps les cours
de l’École de droit. Geoffroy- Saint-Hilaire se résigna ; avant la fin de l’année , il était déjà
bachelier, mais l’étude de la jurisprudence ne répondant point à ses goûts, il obtint la permis-
sion de quitter la carrière du droit pour celle de la médecine. C’était lui ouvrir la seule voie
qui convint réellement h ses dispositions, celle îles sciences naturelles, à laquelle il ne tarda
pas à se livrer exclusivement.
Geoffroy-Saint- Hilaire trouva au Cardinal-Lemoine l’abbé Haüy, régent émérite do seconde,
physicien et minéralogiste célèbre, dt’jà membre de l’Académie depuis sept ans. Bien qu'au
réfectoire ils ne dussent fias s’asseoir à la même table, il y avait entre eux plusieurs motifs de
rapprochement et le jeune homme s’enhardit à l’aborder. Haüy avait fait ses études à Navarre
et était élève de Brissou; leurs goûts et leurs souvenirs les portaient naturellement l’un vers
l’autre. Geoffroy-Sainl-Hilaire, quoique bien jeune encore, fut admis en tiers dans l'intimité
qui existait entre Haüy et le vénérable Lhomond. On juge combien le jeune homme profitait
à leurs conversations savantes, car Lhomond était botaniste et Haüy s’était occupé aussi de
zoologie; mais la minéralogie, la physique et la chimie étaient les sujets les plus habituels «Je
leurs entretiens. Geoffroy s’affermissait de plus en plus dans la résolution de se livrer à l’étude
de ces sciences; il était un des auditeurs les plus assidus des cours de Foureroy et de Pau-
benton. Présenté à ce dernier par llaûy, Dauheiiton le prit on amitié, le fil travailler près de
lui et lui confia la détermination do quelques échantillons de la collection de minéralogie.
A ce moment, l'horizon politique se rembrunissait de jour en jour. On était en 1792, et le
clergé était alors particulièrement en butte a l'animosité de la faction démagogique. Haüy,
qui se trouvait au nombre des prêtres qui avaient refusé le serment , venait d’être arrêté avec
d'autres ecclésiastiques du Cardinal-Lemoine et de Navarre, et incarcéré avec eux dans l’église
de Saint-Firmiu , convertie en prison (2) .
Geoffroy-Sainl-Hilaire , effrayé du danger auquel est exposé son maître et son aini, court
chez Daubcnton, chez les membres de F Académie , chez les hommes influents, et grâce à ses
démarches, il obtient l’ordre d'élargissement du bon professeur. Il le lui apporte le 11 août,
à dix heures du soir, mais l’illuslre physicien ne peut se décider à quitter encore ses amis; il
veut passer la nuit auprès d’eux , et le lendemain , jour de fête, il veut, dans la prison même,
remercier Dieu do sa délivrance. Enfin, le 15, ce n’est qu’à force de sollicitations que
Gooffroy-Saint-Hilaire parvient ù l’entraîner et à le sauver, car on était à la veille des événe-
ments de septembre. Mais Geoffroy n’avait pas terminé su tâche; d’autres professeurs de
;l) Voyez pages 19 cl 20.
(-> Le* habitations ont aussi leurs destinée* : Sainl-Firmin fut «l'a boni mi collège; en 1021. il devint le cou-
vent île la Mission; plus taré, cm le convertit en séminaire ; il servit de prisou pendant la terreur, puis on y
établit F nstitut'on des Jeune. Aveugles; aujourd’hui c'est une caserne.
N
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loti PREMIERE PARTIE.»
Navarre et du Cardinal-Lemoine étaient restés sous les verrous. Il entreprend de nouvelles
démarches, mais en vain ; cependant les circonstances deviennent de plus en plus graves : des
menaces sinistres lancées contre les prisonniers le décident ; il ne prend plus conseil que de
son courage et de son dévouement (I).
a Un plan d'évasion s’était présenté à son esprit; il fait aussitôt ses préparatifs. A la faveur
des relations qui naissent du voisinage, il avait déjà réussi à gagner l’un des employés de
Saint-Firmin. Le 1rr septembre, par l'entremise de son barbier, il parvient à se procurer la
carte et les insignes «l'un commissaire des prisons. Retiré dans sa chambre , dont la fenêtre
avait jour sur Saint-Firmin, il attend, plein d’anxiété, le moment favorable. Le 2 septembre,
à deux heures, au moment oii le tocsin sonne, oii le désordre est partout, il revêt ses faux
insignes, il se présente à la prison, il y |>énè!ro, et hientét ses maîtres connaissent les moyens
d’évasion qu'il a préparés. « Tout e>t prévu, leur dit-il, et vous n'avez qu’à me suivre. » Tout
avait été prévu en effet, tout , sinon le dévouement sublime de ces vénérables prêtres. « Non,
répond l’un d'eux, l'abbé «le kérauran, proviseur de Navarre, non, nous ne quitterons pas nos
frères; notre délivrance rendrait leur perte plus certaine! »
« Les supplications de (îeoffroy-Saint-Hilaire ne purent vaincre leur résolution. Il sortit,
plein de regrets, suivi d’un seul ecclésiastique, qu'il ne connaissait pas. »
« Dans la mémo journée, le massacre, qui , vers trois heures, avait commencé aux Carmes
et à l’Abbaye, devint général. De sa fenêtre, Geoffrov-Saint-Hilaire vit frapp«»r plusieurs vic-
times; il vit, et cet horrible spectacle lui est toujours resté présent, il vit pnripiter d’uu
second étage un vieillard «pii n'avait pas répondu à l’appel , soit qu’il eût voulu se cacher,
soit peut-être qu’il fût sourd.
« Kt pourtant, il restait à sa fenêtre, ne pouvant détacher son esprit de la pensée «l’être
utile aux ecclésiastiques «h? Navarre et du Cardiual-Lemoine , et toujours prêt à saisir les
chances favorables qui pourraient naître des circonstances. Il attendit en vain toute la soirée;
mais, dès que la nuit fut venue, il se rendit avec une échelle à Saint-Firuiin, à un angle de
mur qu’il avait le matin même, afin de tout prévoir, indûjué à l’abbé de kérauran et a ses
compagnons. Il passa plus «le huit heures sur le mur, sans «jue personne se montrât. Enfin,
un prêtre parut, et fut bientôt hors «le la fatale enceinte; plusieurs autres lui succédèrent;
l'un d’eux, en franchissant le mur avec trop de précipitation, fit une chute et se blessa le pied.
(Ieoffroy-Saint-Hilaire le prit dans ses bras, et le porta dans un chantier v«iisin. Puis, il courut
de nouveau au poste que son dévouement lui avait assigné , et «1’autres ecclésiastiques
s’échappèrent encore. Douze victimes avaient été ainsi arrachées à la mort , lorsqu'un coup
de fusil fut tiré du jardin sur Gcoffrny-Saint-Hilaire et atteignit ses vêlements. Il était alors
sur le haut du mur, et, tout entier à ses généreuses préoccupations, il ne s'apercevait pas que
le soleil était levé.
» Il lui fallut «loue «lescendre et rentrer chez lui, à la fois heureux et désespéré. Il venait do
sauver douze vénérables prêtres ; mais il ne devait plus revoir ses chers maîtres de Navarre :
au pieux rendez-vous convenu entre le lilw-raleur et les victimes , le libérateur seul s’était
rendu! »
Épuisé par de telles émotions, Geoffrny-Saint-ililniro se relira dans sa famille el y tomba
malade. Inc fièvre nerveuse mit quelque temps ses jours eu danger, mais sa jeunesse
triompha, et, au commencement «le l'hiver de 17U2, il vint à Paris pour reprendre ses tra-
vaux. On comprend avec quelle effusion il fut reçu par Haüy, par Lhomond, et même par
Daubenton à qui Haiiy l’avait signalé et recominan«lé comme son sauveur. Jamais recom-
mandation ne Int mieux accueillie : Daubenton , qui déjà l'avait apprécié , sembla l'adopter
(I) Non* devons fis details, ainsi que lis principaux traits de cette biographie, au bel ouvrage publié par
M. ls:ilore iieolTroy-Saml-Hilaire, sur la vie, les travaux et la doctrine scientifique île son illustre père. Nous
ne pouvions les puiser à une source tiliis exacte et surtout plus résiliable.
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HISTOIHE. — 1794- 181 :». 197
comme un fils , el il saisi! avec empressement la première occasion «jui s’offrit de lui ouvrir
les portes du Jardin des Plantes.
Nous ne résistons point nu désir île reproduire ici un fragment d’une lettre écrite à Geoffroy-
Saint-llilairc, à l’occasion de sa maladie, par l'excellent Haiiy : « Le rétablissement de votre
santé, lui disait-il, exige que vous écartiez toute occupation sérieuse. Laisscz-là les problèmes
sur les cristaux et tous ces rhomboïdes et dodécaèdres , hérissés d’angles et de formules algé-
briques ; attachez-vous aux plantes qui so présentent sous un air bien plus gracieux , et
parlent un langage plu^intelligible. tii cours de Botanique est de l’hygiène toute pure; oii n’a
pas besoin do prendre les plantes en décoction ; il suffit d’aller les cueillir pour les trouver
salutaires. Nous reprendrons l’étude des Minéraux, lorsqu’elle sera plus de saison. Je suis
toujours fort tranquille ici ; j’ai assisté ces jours derniers à la revue de notre bataillon, mais
sans pique ni fusil ; j'ai seulement répondu à l’appel, après quoi l’on m’a permis do me retirer;
cette démarche m’a procuré beaucoup d’accueil de la part des principaux membres de la
section; tous les absents ont été notés; j’ai cru devoir éviter cette petite disgrâce, et je me
conformerai toujours au principe, que tout ce qu’on peut faire, on le doit. »
Lacépède s’était vu obligé, par divers motifs, de se retirer à la campagne et de résigner ses
fonctions de démonstrateur au Cabinet d’histoire naturelle. Dauhcnton proposa à Bernardin
de Saint-Pierre de nommer Geoffroy-Saint-Hilaire à la place devenue vacante. La proposition
fut agréée ; mais , au mémo instant, l’établissement lui-même était menacé dans son existence.
On a vu ailleurs comment le coup fut détourné par le dévouement de Lakanal. La nouvello
organisation éleva tout à coup le sous-démonstrateur «lu Cabinet au rang de professeur titu-
laire au Muséum. Ce ne fut pas Néanmoins sans quelque opposition : Fourcroy, alors nombre
influent du comité d’instruction publique, blâma avec violence la nomination d'un professeur
encore iiu'onnu et à peine Agé de 21 ans. La fermeté de Daubenton, secondée par les instances
de Haiiy et par l’autorité de Lakanal, maintint G«.4offr<»y-Sainl-llilaire dans la possession de
remploi. L’ne autre difficulté vint de (îeoffroy lui-mème qui, eu effet , se trouvait bien jeune,
et peut-être un pou déplacé pour une chaire «le zoologie, science que jusque-là il avait peu
étudiée; mais Daubenton s’opposa énergi«|ueinent au refus que lui dictait su modestie : « J’ai
sur vous l’autorité d’un père, lui «lit-il, et je prends sur moi la responsabilité de l’événement.»
(ieoffroy-Saint-Hilairo céda; toutefois, un autre scrupule s’éleva daus son esprit : la chaire
appartenait «le droit a Lacépède, que des causes indépendantes de sa volonté avaient éloigné
«le Paris. Il écrivit donc à Lacépède pour lui offrir cette chaire ; Lacépède refusa avec délica-
tesse, et dans des termes tels que le jeune professeur dut se résigner à prendre pla«*e au milieu
de ses maîtres.
Tout était à créer dans renseignement qui lui était destiné. La collection zoologi«|ue , com-
mencée sous Buffon, ne s’était développée qu’avec lenteur. Les squelettes de Dautienlon avaient
été longtemps relégués dans les combles du Cabinet, « où, selon une expression «fe Cuvier,
ils gisaient entassés comme des fagots. » Les salles d’anatomie comparw? étaient surtout fort
incomplètes. Geoffroy-Saint-llilahe n’avait aucun antécédent pour le cours qu’il allait entre-
prendre : ni leçons, ni méthode, ni matériaux, ni auditoire; il n’avait pas à suivre, mais à
«lonner l’exemple. Lamarck se trouvait dans la même situation. Des deux cours de zoologie,
l’un était confié à un botaniste, et l’autre à un minéralogiste de 21 ans.
Geoffr«>y-Saint-llilaire commença néanmoins, dès son entrée en fonctions , à former les
collections «jui devaient servir «le base à son enseignement ; il enrichit surtout do ses propres
travaux la collection dos Mammifères et d«vs Oiseaux. Son cours fut ouvert au mois «le mai
1794, et, dès la fin delà même année, il publiait sou premier travail zoologique, sur VAye-Aye.
Mais déjà il avait rendu à la science un éminent service , en créant presque inopinément la
Ménagerie. On a vu que la première pensée de cet établissement , que Buffon avait appelé «le
ses vœux, sans oser en faire la proposition formelle, avait été énoucéc, avec l’autorité de la
raison et de l’éloquence, par Bernardin de Saint-Pierre. Après le 10 août, la Ménagerie do
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PRKMlfcllK PARTIR.
Versailles ayant été dévastée , il avait réclamé le petit nombre d'animaux <|ui avaient échappé
ail massacre, au nom du Jardin des Plantes, mais on n'avait pu donner suite à cette demande
pour divers motifs. Les professeurs, dans leur projet de règlement, insistèrent à leur tour sur
le meme sujet, du moins comme une vue d’avenir; une circonstance fortuite, et dont il
sera parlé plus au long lors de la description du Muséum dans la seconde partie de cet
ouvrage, saisie avec habileté par (ieoffroy-Saint-Hilaire, amena subitement la réalisation de
l'Institution de 1a Ménagerie.
Le décret qui fut rendu à ce sujet, sur la proposition de Lakaual, protecteur ardent et
dévoué de rétablissement , porte la même date que celui qui rétablissait au Muséum la chaire
d’histoire des Reptiles et des Poissons en faveur de Lacépèdc : 1 1 décembre 179-L
Cette même aimée est aussi celle des premières relations de Ccnffroy-Sainl-llilaire avec
Cuvier « qui devait être, tour à tour, le plus cher de ses amis, le plus illustre de ses collègues
au Muséum, et le plus puissant de ses adversaires scientifiques. L’agronome Tessier, ancien
membre de l’Académie des sciences et ami de la famille Ceoffroy, s’était retiré en Normandie
pour fuir la persécution, et exerçait à l’hépital de Fécamp les fonctions de médeciu en chef.
Il y lit la connaissance d'un jeune homme, habitant d'un château voisin, où il faisait l'éduca-
tion du (ils d’un gentilhomme protestant, M. d’Iléney. Tessier, avant la révolution, avait ou
le bonheur de révéler au monde savant un homme devenu depuis justement célèbre , l’astro-
nome Delanibre. Dès ses premiers rapports avec le jeune précepteur, qui lui communiqua
quelques travaux d'histoire naturelle, Tessier comprit , suivant ses expressions, « qu'il venait
encore d'avoir la main heureuse. » Il annonçait h ses amis qu'il venait de faire « la meilleure
de ses découvertes, » et leur demandait d’ouvrir la carrière des sciences à un autre Delambre.
Ceoffroy, après avoir aussi parcouru les Mémoires du jeune protégé de Tessier, se prit pour
l’auteur d’une estime mêlée d'enthousiasme , et dans son admirution déjà affectueuse, il lui
écrivait : » Venez, Monsieur, venez jouer parmi nous le rôle do Linné, d'un autre législateur
de l'Histoire naturelle. » Cuvier vint en effet, au commencement de 1795 , passer quelques
mois à Paris avec son élève.
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HISTOIRE. — 1701-1815. Iü9
Gooffroy-SainUiilaire l’accueillit avec empressement, et une vivo amitié ne tarda pas à
s’établir entre eux. « Même amour de l'étude, même élan de la jeunesse vers tout ce qui est
noble et beau , même désir de servir la science et leur pays. » Aussi , dès le premier moment ,
ils vécurent en frères : les amis, l’habitation, les moyens d’étude, tout devint commun, et
ils s’associèrent pour composer ensemble un premier ouvrage. Peu de temps après. Cuvier,
nommé suppléant du cours d’anatomie comparée , se décidait à rester à Paris.
Nous dirons ailleurs quels succès attendaient ce jeune et brillant naturaliste , quelles idées
le rapprochèrent et l'éloignèrent tour à tour de la ligne suivie par son savant émule. Hâtons-
nous de constater ici que, quelle qu’ait été la dissidence de leurs opinions scientifiques, le
souvenir de leur première amitié prévalut toujours et no s’effaça jamais de leur cœur, «< Je
crois , a dit (îooffroy-Saint-Hiluire , dans l'un de ses derniers écrits , que l’on devra dire un
jour de moi que j’ai rendu à la société deux services éminents. »> L’un de ces services, il le
place dans ses travaux de philosophie naturelle; l’autre, qu'il semble mettre sur la même
ligne, « c’est, dit-il, d’avoir appelé à Paris et d'avoir introduit chez les naturalistes le célèbre
Georges Cuvier. »
Pendant la même année, les «Jeux amis publièrent en commun cinq Mémoires, presque tous
relatifs à la classe des Mammifères. C’est là qu’à l’occasion de certains phénomènes physiolo-
giques, de la détermination de quelques espèces , et de l’établissement de divers genres nou-
veaux , se trouvent déposés les germes des vues générales qui dominent aujourd’hui tout
l’édifice des sciences zoologiques. L’année suivante, Geoffroy- Saint- Hilaire publia seul un
Mémoire sur les Makis, où s'établit, pour la première fois, ce principe au développement
duquel il «levait consacrer toute sa vie : « l’unité de composition organique. » On y trouve
également l'idée-mére de l’anatomie philosophique, formulée dans les termes suivants : « La
Nature a formé tous les êtres vivants sur un plan unique, essentiellement le même dans son
principe, mais varié de mille manières dans toutes ses parties accessoires. «
Au commencement de 1798, Berthnllet vint proposer à Gcoffroy-Saint-Hilaire de prendre
part à une expédition lointaine et encore secréte, dans laquelle la science «levait jouer un
certain rôle. «« Venez, lui avait-il dit, Monge et moi serons vos compagnons, et Bonaparte’
sera notre général. »> Geoffroy-Saint-Hiloire n'hésita point; il accepta sans savoir dans quels
climats allait l’entraîner sa destinée aventureuse. Le choix seul des matériaux scientifiques
que l’on emportait semblait indiquer pour but l’exploration de l’Égypte ou de la Syrie.
Le 19 mai 1798, sortit de la rade «le Toulon la grande escadre commandée par l'amiral
Brueys. Elle portait trente-six mille soldats, dix mille marins et un nombre considérable de
gens de lettres, d’artistes et de savants, parmi lesquels on comptait Monge , Fourier , Malus,
Berthollet, Dolomieu , Cordier, Geoffroy-Saint-llilaire, Jomard, Larrey, et une foule d’autres
«Jéjà illustres ou prêts à le devenir. Geoffroy monta avec son frère, officier du génie, sur la
frégate V Alceste ; peu de jours après, on so présentait devant Malte, cl la ville imprenable
tombait au pouvoir des Français. V la fin de juin, on débarquait sur la plage d’Égypte, et le
lendemain on s’emparait d’Alexandrie.
Geoffroy-Suinl-llilaire commença aussitôt ses recherches de zoologie et d'anatômie com-
parée. il fut l’un des sept chargés par Bonaparte «le former l’Institut d’Égypte, établi ou Caire.
Pendant un an, il se livra avec anieur à ses explorations et à ses travaux : année d’enclianle-
mcnl pour un jeune homme enthousiaste de la science et de la nature. « Après une excursion
dans le désert, un voyage sur le Nil, une visite aux Pyramides, il se retrouvait tout a coup
au milieu de la civilisation do son pays, parmi des collègues dont la plupart étaient devenus
ses amis ; il pouvait communiquer à un Institut français les fruits d’une exploration terminée
la veille sur les ruines d'Héliopolis ou «le Meraplus; et si, le soir, il voulait prendre du repos,
il retrouvait l'élite «les officiers, des savants, des littérateurs, des artistes, réunie chez le général
cil chef, dans un cercle <|ue Paris lui-même eût envié au Caire. »
Gcoffroy-Baiiil-Hilaire fit successivement avec Savigny, Mcchain et plusieurs autres mem-
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1 10 PREMIERE PARTIE.
bres de la commission, trois voyages dans le Delta, dans la Haute- Egypte, jusque par-delà
les cataractes et à lu mer Rouge; il eu rapporta d’immenses et curieuses collections de toute
nature, car il se montrait partout géologue, zoologiste, archéologue, ethnographe. Ou connaît
le triste dénomment de cette célèbre expédition, les désastres qui raccompagnèrent et les nom-
breuses péripéties qui retinrent si longtemps la flotte et la commission scientifique, tantôt au
Caire, tantôt à \lexandric, livrées tour à tour à In peste, à la famine, à la trahison, à toutes
les horreurs d’un siège prolongé. C’est pendant le blocus d’ Aloxandrio que Gooffroy-Saint-
liiluire étudia les Poissons de la Méditerranée, qu’il fit ses belles expériences sur la Torpille,
sur le Malaplérure, et qu’il écrivit son Mémoire sur l'anatomie comparée des organes élec-
triques.
Enfin , une capitulation est consentie; nos savants vont être libres, mais on leur annonce
que leurs richesses scientifiques resteront au pouvoir des Anglais. Les protestations sont
unanimes et énergiques. Entraîné par elles, honteux de facto qu’il avait signé, Menou fit
entendre quelques représentations, mais llutchinson insista. Geoffroy-Saint-Hilaire et scs
collègues Saviguy et Delillc se rendirent aussitôt au camp anglais ; ils établirent que nul
n’avait le droit de leur ravir des collections, fruits do leurs travaux particuliers. Ils ajoutèrent
qu’eux seuls possédaient la clef de leurs dessins, de leurs plans, de leurs notes, et que ce
serait en priver non pas la France seulement, mais la science et le monde entier. Le général
fut inflexible. Ce fut alors, dit l'historien do l’ex)>édilion d’Égypte, que, par un élan courageux,
par une inspiration énergique, Geoffroy-Saint- Hilaire sauva une partie que tout le monde
considérait comme perdue. « Non, s’écria-t-il . nous n’obéirons pas! Votre armée n’entre que
dans deux jours dans la place. Eh bien ! d'iei-là, le sacrifice sera consommé. Nous brûlerons
nous-mêmes nos richesses. Vous disposerez ensuite de nos personnes comme bon vous sem-
blera. — C’est à de la célébrité que vous visez. Eh bien ! comptez sur les souvenirs de l’his-
toire : vous aurez aussi brûlé une bibliothèque à Alexandrie! » L'effet produit par ces paroles
fut magique, le général no vit plus devant lui que la réprobation qui pèse encore, après douze
siècles, sur la mémoire d’Omar, et l’article H» de la capitulation fut annulé.
Jusque-là l’existence de Geoffroy- Saint-Hilaire, bien que vouée aux travaux scientifiques,
avait été également remplie d’événements , d’agitations et de périls , au milieu desquels
l'homme et le citoyen se montrent sans cesse à côté du savant. Ce ne fut qu’en janvier 1802
qu’il revit le Muséum , sa famille et ses amis. Ses collections avaient beaucoup souffert,
mais elles contenaient encore d’immenses richesses. Dans te rapport qui fut fait à ce sujet
par Lacépède, Cuvier et Lamarck, les commissaires déclaraient que leur collègue avait
dépassé toutes les espérances que l’on pouvait fonder sur son zèle. Arrivés à la partie archéo-
logique des collections , ils ajoutèrent : u On ne peut maîtriser les élans de sou imagination ,
lorsqu'on voit encore, conservé avec ses moindres os, ses moindres poils, et parfaitement
reconnaissable, tel animal qui avait, il y a deux ou trois mille ans, dans Thèbes ou dans
Memphis , des prêtres et des autels ! »
Geoffroy s’empressa aussitôt de mettre en ordre toutes ses richesses, et commença a les
décrire. De 1803 à 1806, datent ses plus nombreux travaux de zoologie et d’anatomie com-
parée. Il lira de tous ces matériaux les éléments de plusieurs Mémoires sur la Faune d’Egypte,
sur le polyptère, sur les Poissons électriques, le Crocodile, l’appareil respiratoire surnuméraire
de rHétérobranche, et diverses monographies remarquables par leur exactitude, dans lesquelles
il exposa et développa les nouvelles théories qui le préoccupaient. A la même époque , il tra-
vaillait au Catalogue des Mammifères du Muséum, oit il commençait à modifier la classifica-
tion du Mémoire de 1795, qui lui était commun avec Cuvier. Déjà il avait été frappé de cette
idée qu’il entre inévitablement de l’arbitraire dans une méthode; qu’uni? classification est tou-
jours imparfaite cl que la vraie science doit être cherchée plus loin et plus haut; que les faits
ne sont pas lés seuls éléments de noire savoir, et que l’observation n’est pas la source unique
de nos connaissances en histoire naturelle.
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HISTOIRE. — 1794-1815. III
\ partir <lo IXOfl, Geoffroy-Saint-Hilaire s’attacha à approfondir cetto pensée, ainsi c|uo les
grands principes sur lesquels il voulait fonder une nouvelle école zonlogique : l'unité de com-
position, le balancement des organes, la théorie des analogues, le principe des connexions, etc.
Quelques-unes de ces idées n’étaient pas entièrement nouvelles : lîuffon. Camper, Vicq-d’Azyr
et d’autres les avaient vaguement énoncées, Geoffroy lui-même en avait nosé les germes dans
ses premiers Mémoires. I,e moment était venu de leur donner plus de consistance et de les
établir d’une manière nette et précise, de les élever, en un mot, A la bailleur d’une science.
Tel est le point de départ de In scission qui allait surgir entre lui et Cuvier, l’origine de la lutte
mémorable qui devait diviser si longtemps les deux plus grands naturalistes dont s’honorait
alors la France. Ln nouvel iucidciit devait encore la suspendre et mettre nu temps d’arrêt
dans les travaux sur lesquels (iwITroy-Saini -Hilaire voulait s'appuyer lui-même pour la
soutenir.
Eu 1X08. Napoléon, maître du Portugal, résolut d'v envoyer un naturaliste pour reconnaître
les matériaux scientifiques que l’on pourrait tirer de celle source. Cette mission fut donnée à
Geoffroy-Saint-Hilaire, A qui l'on adjoignit Delnlnnde, jeune préparateur du Muséum, plein de
savoir et de dévouement, qui depuis fut l’intrépide explorateur de l’Afrique, et mourut martyr
de son rèle pour la science. Geoffroy devait visiter toutes les collections, les Musées, les
bibliothèques, et choisir tous les objets qui pourraient être utilement transportés A Paris. Il
avait reçu A cet égard des pouvoirs illimités ; mais, dès le principe, il se posa A lui-même pour
règle de conduite cette maxime : que les sciences ne sont jamais en guerre. Il voulut que sa
mission, pour être utile A lu France, le fût aussi au Portugal, et, avant de partir, il fit préparer
plusieurs caisses remplies d’objets destinés à remplacer, dans les collections portugaises , les
productions du Brésil, alors si rares ou France et très-abondantes dans le pays qu’il allait
visiter.
l'arli de Bayonne au mois de mars, il entra en Espagne sous île funestes auspices : une
crise violente allait y éclater. Les deux naturalistes se rendaient paisiblement de Madrid A la
frontière portugaise, quand ils se virent enveloppés par l’insurrection. Arrêtés aux portes de
Mérida , leur escorte eut peine A les protéger contre la fureur du peuple, qui voulait assouvir
sur deux hommes inoffensifs leur haine contre les Français. Ou les mil en prison ; la populace
voulut en enfoncer les portes et y mettre le feu. Plusieurs jours se passèrent dans cette liori-
rible angoisse. 'Tout à coup, au milieu de cette crise terrible, un rayon d’espoir arrive jusqu’A
eux : un léger service allait être payé par un bienfait.
Quelques jours auparavant, une voilure dans laquelle se trouvait uno dame espagnole
versait sur la route que parcouraient les deux voyageurs; la dame était légèrement blessée;
ils s'empressent de lui offrir leurs soins, lui font accepter leur propre voiture, l’accompagnent
jusqu’A la ville voisine et ne la quittent qu’après s’être assurés que leur secours lui devient
inulile. G'élait une dame de Mérida , femme d'un officier supérieur, et nièce du comte de
Torrefresno, gouverneur de l'Estramadure. L’arrestation des deux Français, les tentatives
violentes du peuple contre eux , le danger qu’ils courent sont les premières nouvelles
qu'elle apprend A son arrivée à Mérida. Dans la nuit du II au 12, par l'autorité du gouver-
neur, les portes de la prison s'ouvrent pour eux; leur voiture leur est rendue, une escorte
les accompagne , et , le 1 3 , ils sont A Elvas , première ville de Portugal , alors occupée par les
Français.
Geoffroy-Saint-Hilaire, accueilli A bras ouverts par Junnt, son ancien compagnon d’Egypte,
se mit en devoir d’accomplir sa mission. Les musées et les bibliothèques s'ouvrirent devant
lui, mais il déclara qu'il ne s’y présentait que comme visiteur et pour ses propres étuoes ; qu’il
recevrait des dons, qu'il ferait des échanges, et qu’il ne voulait rien obtenir que par la conci-
liation , jamais par la violence, l ue telle conduite lui conquit aussitôt l’estime et la confiance
des dépositaires de ces trésors. Ce qu'on lui eût caché, on le lui montra, on le lui offrit. Il lit
une ample moisson d'objets précieux, n’emportant quelles doubles inutiles, après avoir mis
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112
PREMIERE PARTIR.
en ordre, déterminé les échantillons qu'il laissait, et remplacé ceux qu’il avait choisis par
d'autres qu'il avait apportés et qui manquaient aux mémos collections.
Geoffroy-Saint' -Hilaire n’avait fait qu’obéir aux sentiments généreux de toute sa vie; mais,
dans cette circonstance, la conduite la plus noble avait été aussi la plus habile. La guerre se
rallumait en Portugal. Au mois de juillet, les Anglais débarquèrent en force supérieure. Ln
armistice, puis une capitulation entraînèrent l’évacuation du pays. Le Portugal voulut garder
les collections scientifiques que Geoffroy-Saint-H ilaire avait faites avec tant de soin et de
désintéressement. L’Académie de Lisbonne intervint en faveur du savant français, et l’on
décida qu'il y aurait partage. JJn tiers des caisses lui fut accordé, mais à tilre personnel, fine
nouvelle négociation lui valut un autre tiers; enfin, pour concilier la stricte équité avec
l'amour-propre des commissaires, on convint que Gcoffroy-Saint-H ilaire abandonnerait seule-
ment quatre caisses , qu’il désignerait lui-méme. Il indiqua celles qui contenaient ses propres
effets, son linge, ses livres. Il partit enfin et arriva à La Rochelle, en octobre 18 10. Les
savants portugais, rendant justice à la noblesse, à la loyauté avec laquelle il avait rempli sa
mission, déclarèrent qu’il avait emporté leur respect et leur estime; et lorsqu'on 1814, les
nations que la France avait autrefois vaincues réclamèrent les richesses que la guerre leur
avait enlevées, le Portugal seul ne réclama rien.
Kn 1809, (ieoffroy-Snint-Hilairc fut nommé professeur de zoologie à la Faculté des sciences.
Il refusa d’abord cette chaire pour la laisser à Lamnrck, qu’il croyait y avoir plus de droits
que lui; mais Lamarck , déjà vieux et infirme, ne crut pas pouvoir la remplir dignement et
refusa. Geoffroy se trouva donc placé à la tète de l’enseignement do la zoologie , et comme
son programmo n’avait aucune limite, il put y donner la carrière la plus étendue aux tendances
de son esprit généralisateur. C’est dans cette chaire que, soutenu par l’intérêt respectueux
d’un auditoire déjà versé dans les études philosophiques, il put s'élancer plus libre dans le
champ des abstractions et présenter avec autorité ces grandes lois de l'organisation animale,
à la conception desquelles son nom demeurera attaché. Il entreprit en même temps la descrip-
tion et la détermination des productions nouvelles des deux Indes qu’avait procurées à la
science sa mission en Portugal, et rédigea, pour le grand ouvrage d’Egypte, l'icthyologie, la
immunologie et l’erpétologie. Après une maladie grave, qu’il éprouva en 1812, il alla se réta-
blir et prendre quelque repos à Coulommiers. .Nommé représentant, en 1815, par les électeurs
de sa ville natale, ces nouvelles fonctions l’éloignèrent un moment de ses travaux accoutumés,
mais hientél rendu à ses chères études, il en reprit le cours avec une ardeur nouvelle, et
renonça désormais à loute autre carrière que celle de la science.
En 1818, Geoffrov-Snint-Hilaire publia son ouvrage célèbre intitulé : Anatomie philoso-
phique. Nous avons vu plus haut quelles étaient, depuis l’origine de ses travaux en zoologie,
les tendances de l’auteur au sujet des grandes lois sur lesquelles se fonde l’organisation du
Règne animal. L’anatomie philosophique est le résumé de ces lois, telles que Geoffroy-Saint-
Hilaire les a conçues, en les appuyant sur les faits qui résultent de ses longues observations
zoologiques. Son objet spécial est d’ajouter la recherche des analogies à la recherche des
différences, laquelle est le résultat unique de la méthode et de la classification. Observer,
décrire, classer, n’est pour lui que le commencement de In science; il y ajoute l’emploi du
raisonnement; après l’exposition des faits, cello de leurs conséquences, qui sont les lois
générales de l’organisation.
« Pour lui , la méthode ne doil pas être seulement une suite de divisions , do cou|>es , de
ruptures, mais au contraire un enchaînement de rapports qui s’appellent, s’adaptent, s'iden-
tifient. Toutes ces distinctions opérées, à mesure que le nombre des espèces s’accroît, les
différences s’effacent, se fondent par des nuances intermédiaires, les grands intervalles se
comblent et Vunilé du ftégne se montre. »
Cette recherche des analogies conduit Fauteur à ce qu’il appelle la Théorie des analogues ,
laquelle n’est autre chose que l’ensemble de ces lois el de ces principes. Celui qui se présente
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HISTOIRE. — 1791 - 1815.
113
le premier est le principe «le la connexion des parties, c’est-à-dire de la position relative et de
la dépendance des organes entre eux ; cette connexion est fixe, tandis que la plupart «les autres
caractères : la fonction, la forme, la grandeur sont variables. De ce principe découle la consi-
dération des organes rudimentaires ; cette considération elle-même est la base d’un troisième
principe; qui consiste dans le balancement des organes , lequel complète la théorie «les analo-
gues. «« Un organe normal ou pathologique, dit Geoffroy-Saint-Hilaire, n'acquiert jamais une
prospérité extraordinaire, qu'un autre de son système ou de ses relations n'en souffre «la ns
une même raison. » Une augmentation, un excès sur un point suppose une diminution
sur un autre, et, comme le dit Goethe, le budget de la nature étant fixe , une somme trop
considérable affectée à une dépense exige ailleurs une économie. Ainsi , dans la philosophie
anatomique, tout se tient et s’enchaîne par des liens multiples, liens de correspondance et
d’harmonie, résultant du concours de toutes les vues de l’auteur vers un but commun.
Geoffroy-Saint-Hilaire posait doue l'unité de composition comme la loi «le premier ordre
dans l'organisation «lu Règne animal. Buffon avait dit qu’il existe dans les êtres une confor-
mité constante, un dessein suivi, une ressemblance cachée plus merveilleuse que les «liffé-
rencos apparents. « Il semble, avait-il ajouté, que l’Être suprême n’a voulu employer qu’une
idée, et la varier en même temps «le toutes les manières possibles, afin que l’homme pût
admirer également et la magnificence de l’exécution et la simplicité «lu dessin. » C’est «le
cette pensée que Geoffroy-Saint-Hilaire venait de faire sortir toute sa doctrine d’anatomie
philosophique.
En appliquant ce principe au développement anormal et incomplet que l’on dt'signnit sous
le nom «le Monstruosités , il porta le système dos causes accidentelles, si longtemps soutenu
par Lémery fils, jus«]u'au dernier <l«'gré d’évidence. Geoffroy-Saint-Hilaire donna l’explication
la plus rationnelle de ces phénomènes, à l’ai«le «le «leux principes : celui de Perré/ de déve-
loppement et celui de Y attraction des parties similaires. A ses yeux, les monstres ne sont plus
que des anomalies secondaires et accidentelles, et les phénomènes de cet ordre sont devenus
pour lui l’objet d’une science nouvelle, à laquelle il a donné le nom de Tératologie.
Jusque-là, Geoffroy-Saint-Hilaire n’avait appliqué le principe do l’unité de composition
qu’aux animaux vertébrés, et aucune contestation sérieuse ne s’était élevée à cet égard. En
1820, il voulut l’étendre aux animaux inarticulés, et Cuvier commença à manifester son
improbation. Geoffroy, loin de s’en inquiéter, reprit ses études zoologiques, mais cette fois
sous l’influence de sa théorie généralisée; et, en 1830, il se crut en position d’en appliquer
les principes même à la classe des Molluscjues. C’est à celte occasion que l’impatience do
Cuvier éclata. La belle ordonnance que celui-ci avait établie dans sa classification des inverté-
brés, et «jui était l’heureuse application «le sa méthode, se trouvait menacée par le principe
d’un plan uniqtn1 dans l’organisation des animaux de toutes les classes ; il était naturel «pi’il
s’efforçât de la défendre, et Pou sait avec quelle supériorité il savait faire prévaloir ses
opinions.
« Le débat, dit M. Fl ou rens (I), fut porté devant l’Académie. Jamais controverse plus vive
ne divisa deux adversaires plus résolus, plus fermes, munis de plus de ressources pour un
combat depuis longtemps prévu , et , si je puis ainsi dire , plus savamment préparés à ne pas
s’entendre. — Entre ces deux hommes, tout, d’ailleurs, était opposé : dans l’un, la capacité
la plus vaste, guidée par une raison lumineuse et froide; dans l’autre, l'enthousiasme le plus
bouillant, avec des éclairs de génie.
« De l’Académie, de la France, l'émotion s’étendit dans tous les pays ou l’on pense sur de
tels sujets. Nous eussions pu nous croire revenus à ces temps antiques, où les sectes philoso-
phiques en s’agitant remuaient le monde. Le monde se partagea. Les penseurs austères et
(I) Floue li. «torique d'Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, lu A l'Académie «Us sciences , dans la séance publique
annuelle du Si mars 18S2 4
O
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111
PREMIERE PARTIE.
réguliers, ceux qui sont plus touchés de la marche sévère et précise des sciences que de leurs
élans rapides, prirent parti pour M. Cuvier. Les esprits hardis se rangèrent du côté de
M. Geoffroy. Du fon«l de l'Allemagne, le vieux Goethe applaudissait à ses arguments.
« Goethe en vint à se passionner si fortement sur ces questions, qu’au mois de juillet 1830,
abordant un ami, il s’écrie : « Vous connaissez les dernières nouvelles de France : que pensez-
« vous de ce grand événement? Le volcan a fait éruption; il est tout en flammes. — C’est
« une terrible histoire, lui répond celui-ci; et, au point où en sont les choses, on doit s’al-
« tendre à l’expulsion de la famille royale. — Il s’agit bien rie trène el de dynastie, il s’agit
«< bien de révolution politique! reprend Goethe; je vous parle de la séance de l’Académie des
« sciences de Paris : c’est là qu’est h* fait important , et la véritable révolution, celle de l’es-
« prit humain ! >»
« Dans ce débat, en effet, oü la discussion directe semblait ne porter que sur le nombre ou
la position relative de quelques organes, la discussion réelle était celle des deux philosophies
qui se disputeront éternellement l’empire : la philosophie des faits particuliers et In philosophie
des idées générales... Quant aux doux adversaires, la discussion eut sur eux l’effet ordinaire de
toutes les discussions : chacun d’eux en sortit un peu plus arrêté dans ses convictions.
o Lorsque, dans la dernière année du dernier siècle, M. Cuvier publia ses Leçons d'ana-
tomie comparée , l’admiration fut universelle. De grands résultats, de grandes lois, aussi
certaines qu’inattendues, étonnèrent tous les esprits. La même main qui fondait l’anatomie
comparée, en faisait sortir une science plus neuve encore, la sciences des êtres perdus. A la
voix du génie, la terre se recouvrait de ses populations antiques. Cependant, après les vues
générales et supérieures, était venue l’étude des détails. Les faits n’étaient plus que des faits.
La moisson «les grandes idées semblait épuisée.
« Alors, un génie nouveau s’élève : original, hardi, d’une pénétration infinie. Il rertiue
toute la science et la ranime. Il rajeunit le fait par l’idée. A l’observation exacte , il mêle la
conjecture ; il ose. Il franchit les bornes connues; et, par delà ces bornes, il pose une science
nouvelle, à laquelle il donne quelque chose de ce qu’il avait en lui-même de plus essentielle-
ment propre et «le plus marqué : de son audace, «le son goût pour les combinaisons abstraites
et hasardées, de ses lumières vives et imprévues. — La gloire de Geoffroy-Saint-llilaire sera
d’avoir fondé la science profonde «le la nature intime des êtres : Y Anatomie philosophique. »
Qu’on nous panlonne l’étendue «le cette citation. Pour apprécier la portée d’un événement
scientiflcpie aussi grave, il fallait non-seulement l’autorité d’un tel juge, il fallait aussi sa
plume éloquente et sa haute impartialité.
Cette diseussmn ne pouvait se continuer plus longtemps sur le terrain académique. Une
sorte de trêve la suspendit, en attendant qu’elle fût reprise par les deux adversaires, soit «lans
leur chaire professorale, soit dans leurs écrits. Geoffroy -Saint -Hilaire résuma en effet ses
opinions dans un livre intitulé : Principes de philosophie zoologique. Cuvier annonça qu’il
publierait les siennes sous ce titre : De la variété de composition dans les animaux . Cette
controverse célèbre, à laquelle la mort de Cuvier devait mettre un terme fatal, servit du moins
à fixer l’attention des savants sur les id«'*es générales de philosophie naturelle. Ou examina ,
on étudia les théories de Geoffroy-Saint-llilaire, circonstance heureuse qui avait manqué au
succès «le Goethe, lors«ju*il avait émis ses premières vues sur la Métamorphose des plantes.
L'important, le «lifficile pour les novateurs n’est pas d’exposer leurs théories, mais do les faire
écouter, de les faire comprendre. Cette fois, le public écouta; il comprit la haute gravité de
ces questions, et, sans prendre parti pour ou contre l’un ou l’autre «les illustres athlètes, il
vit que la science avait quelque chose à gagner des «leux parts; car c’est le propre de la con-
tre verse scientifique «le donner toujours naissance à «l 'utiles vérités.
Hàtons-nous de dire que Cuvier et Geoffroy-Saint-Hilaire ne furent jamais qu’adversaires
scientif’Mjues et ne cessèrent point d’être personnellement amis. Vers la fin «le leur carrière, les
«leux savants furent, «lans l’espace «le deux années, frappés «tans leurs affections les plus vives
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HISTOIRE. — t704- 1815. 115
et atteints rie la même douleur : ils perdirent l'un et l’autre une tille de 20 ans. (le fut pour
eux la triste occasion de revenir spontanément aux témoignages d’une estime . d’une amitié
réciproque, fondis1 sur la justice qu'ils rendaient au mérite l'un de l’autre et sur des souvenirs
que des dissidences scientifiques n'avaient pu effacer.
Geoffroy-Sainl-Ililaire survécut douze ans à Cuvier. Ses dernières années furent eneoro
consacrées à la science; il revint aux travaux d’observation, et continua d'exposer, dans la
chaire et dans quelques écrits, ses théories et scs principes ; il (U deux voyages, l’un en
Belgique et l’autre en Allemagne, où l’accueillirent les sympathies les plus vives. En 1810, il
s’aperçut tout à coup qu'il ne pouvait plus lire : il était frappé de cécité. Quelques années
après, en 1844 , il s'éteignit, à l’Age de 72 ans.
En terminant cette esquisse biographique , qu'il nous soit permis d'ajouter aux traits qui
caractérisent le savant, de nouveaux faits qui témoignent de l'énergie et de l’ardente générosité
de son Ame. On sait ce que fit Geoffroy-Saint-llilaire pour lu bon Hutiy; on connaît moins son
dévouement en faveur de quelques autres victimes de nos dissensions politiques. « L'enthou-
siasme , dit Pariset , j'ai presque dit le fanatisme do l’humanité, ce fanatisme qui n'est qu’une
pitié souveraine, et ne serait peut-être qu'une exacte justice, était sa religion; et cette
sainte religion, d’autres proscrits la retrouvèrent dans son cœur. » Il parviiU |>endant quel-
ques jours A soustraire le poète Ijpucher à la mort qui finit par l'atteindre , en le cachant chez
lui au Jardin des Plantes. Il détourna avec adresse le coup qui menaça un moment Uaubenton,
son maître et son père adoptif. Ses avis et ses démarches protégèrent longtemps Lacépèdn
dans sa retraite de Leuville. Pendant la campagne de Portugal, il avait eu le bonheur de
soustraire aux plus grands dangers l'évêquo d’Evora, l’un des hommes les plus distingués de
sa nation, le Fénelon portugais; peu de semaines après, le prélat sauvait A son tour un do
nos postes surpris par l'ennemi, et il adressait à son libérateur ces simples et touchantes
paroles ; « Je me suis souvenu de vous. » Ajoutons un dernier trait. Le 29 juillet 1830,
l’archevêque de Paris avait trouvé une retraite chez M. Serres, A l'hépital de la Pitié; mais ses
traces ayant été suivies, Geoffroy vint lui offrir un asile chez lui, l’y conduisit et l’v retint, à
l’abri de toute recherche, jusqu’au rétablissement de l’ordre. M. deQuélen quitta la maison do
Geoffroy lo 14 août : c’était le même jour que, trente-huit ans auparavaut, Hnüv lui avait dû
sa déiivranco.
Entre les deux naturalistes auxquels se rapportent tous les progrès de la zoologie pendant
cette périodo, nous no pensons pas avoir besoin de transition. Plus d'un point les rapprocha
dans leur existence comme dans leurs travaux; leur carrière scientifique , commencée on
même temps , fut à peu près de la même étendue , et la renommée , qui s’attacha à leurs
savantes recherches, se répondit d’une manière A peu près égale sur leur personne, sur leur
pays et sur le Muséum qui fut, pendant quarante années, le glorieux théâtre de leur ensei-
gnement. Georges Cuvier ( Léopold - Frédéric -Chrétien -Dagobert ) naquit A Montbéliard,
le 23 août 1769 , cetto année si fertile en grands hommes , qui donna naissance A llumbnldt ,
A Canning, ASoult, A Walter Scott, à ChAteaubriand , A Napoléon. Sa famille, originaire du
Jura, était protestante, et, lors des persécutions religieuses, avait cherché un refuge dans la
principauté de Montbéliard, alors dépendante du Wurtemberg. Son père, officier dans un régi-
ment suisse, attaché au service de France, n’avait pour toute fortune, après quarante ans de
services, qu'une modiquo pension de retraite. Heureusement, le jeune Cuvier trouva près do
sa mère, femme d’un esprit élevé, les moyens de s'instruire et de développer son cœur ainsi
que son intelligence. Il fil , dans ses premières études, des progrès rapides : assis aux genoux
do sa mère, il apprenait scs leçons, il lisait des ouvragos d’histoire, de littérature, de voyage;
il dessinait avec une facilité étonnante , tout en prêtant l'oreillo aux sages réflexions de son
excellent guide. Comme Lacépèdo, il s'inspira de bonne heure par la lecture des ouvrages de
Buffnu. A treize ans, il avait copié les mille planches enluminées qui accompagnent son
llinloire naturelle, en corrigeant le dessin et la couleur des ligures parleur comparaison avec
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PREMIÈRE PARTIE.
les contours cl les nuances des objets eux-mêmes. Une mémoire prodigieuse et une aptitude
remarquable à tous les travaux intellectuels venaient s'ajouter aux heureuses dispositions de
son esprit sérieux et patient.
Ses études classiques terminées île bonne heure, ou chercha à obtenir pour lui une bourse
à l’Université de Tubiugue, dirigée vers les études théologiques. Mais il fallait pour cela subir
un concours; et, bien que Cuvier se fût jusqu'alors montré le premier dans toutes les classes,
il échoua , soit qu’une circonstance fortuite eût détourné un moment sa pensée , soit que le
professeur fût volontairement coupable d'un passe-droit. C’est à cette circonstance qu’il dut
l’entrée de la carrière oh l'appelait naturellement son génie. L’enfant s’en consola en repre-
nant ses études avec une nouvelle ardeur. Cependant, le duc Charles de Wurtemberg, qui
avait entendu parler de ses talents précoces, avant appris l’échec qu’il avait éprouvé , le fit
appeler et lui accorda une place gratuite dans l’Académie Caroline de ivtuttgardl, où s’ensei-
gnaient à la fois les arts, les sciences et l’administration. Ce magnifique établissement réunis-
sait quatre cents élèves qui y recevaient des leçons de plus de quatre-vingts maîtres. Il
comprenait cinq Facultés supérieures : le droit, la médecine, l’administration, l'art militaire
et le commerce, la' cours de philosophie terminé , les élèves passaient dans une de ces
cinq Facultés. Cuvier choisit l'administration, par ce singulier motif qu'on s’y occupait
beaucoup d'histoire naturelle, et qu’il y avait de fréquents occasions d'herboriser et de
fréquenter les Cabinets. Il apprit en peu de mois la langue allemande, les mathématiques,
les éléments du droit, et commença à so livrer à son goût de prédilection pour l’étude de
l'Histoire naturelle, à l'aide d’un exemplaire de Linné, qui forma pendant dix ans toute sa
bibliothèque scientifique.
En sortant de celte école, il pouvait es|>érer un emploi très-prochain dans l’administration ,
mais la position de ses parents ne lui permettait pas d’attendre , et il accepta avec empresse-
ment l’offre d’une place de précepteur dans une famille do Normandie, auprès de Fécamp.
C'était en I7H8, l'année même de lu mort de Buffou; Cuvier avait près de 19 ans. Là, tout en
se livrant à son nouvel emploi, il se prend à étudier, à observer les insectes, les mollusques,
les poissons , et déjà so forment dans son esprit les premiers rudiments de ses grandes vues
sur l’ensemble du Régne animal. C’est dans cette silencieuse retraite, au milieu d’une famille
aimable et distinguée qu’il passa ces années orageuses qui devaient être aussi terribles pour la
France qu’elles furent douces et fécondes pour le jeune savant.
Cependant, la révolution avait eu quelques retentissements dans la ville près de laquelle il
habitait ; on voulait y créer une société populaire. Cuvier fit comprendre aux hommes éclairés
et paisibles quo leur intérêt le plus puissant était de la constituer eux-mêmes, afin de la
dominer. On suivit ce conseil ; la société se forma ; Cuvier en fut nommé le secrétaire, et dans
les assemblées, au lieu de s’occupor de politique , on se borna à agiter des questions d’écono-
mie et d’agriculture. Ou a vu plus bout que Fécamp possédait alors l’abbé Tessier, un des
agronomes les plus distingués de France, qui, pour se soustraire à des dangers plus graves,
remplissait alors les fonctions de médecin de l’hôpital de cette ville. Tessier apprend qu’une
société s’adonne à sa science favorite; il s’v fait présenter, il y parle, et à ses discours Cuvier
reconnaît l’auteur des articles d’agriculture de l’ Encyclopédie méthodique. A la fin de la
séance, il s’approche de l’orateur, lui fait comprendre qu’il l’a reconnu, le rassure d’ailleurs,
ot lui demande la permission d’aller causer de science avec lui. A la première confidence des
travaux du jeuue savant, Tessier s’étonne, s’émerveille, et, ravi de sa découverte, il l'annonco
à ses anciens amis du Muséum et do l’Académie. Lui-même , de retour à Paris , l’y appelle
avec instance et lui offre son logement, n Ne rejetez, lui écrivait-il, ni l’hospitalité que je
vous offre, ni les vœux des amis que je vous ai donnés, et qui vous appellent. Votre mérite
et leurs soins feront le reste. » On sait l’accueil que tirent à Cuvier, Jussieu, Laméthrie, La-
cépède et Geoffroy-Saint-Hilaire. il était à peine âgé de 26 ans, et, avant d’entrer dans lu
capitale, il y avait déjà une réputation de savoir et dos liens de la plus vive amitié.
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HISTOIRE. — 1794 - 1815.
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« Admirez, s'écrie un de ses biographes (I) , par quel enchaînement de conjonctures, en
apparenco insignifiantes ou malheureuses, la Providence conduit le jeune Cuvier vers sa desti-
née! line santé délicate le rend studieux et de bonne heure appliqué; une mauvaise composi-
tion de collège le dissuade du sacerdoce et lui concilie l'amitié d'un prince puissant; le défaut
de fortune le préserve du séjour énervant et corrupteur des villes, et lui fait trouver à propos,
dans une campagne voisine do la mer, un stimulant pour ses souvenirs classiques, un air
salubre pour sa faible santé , dos matériaux pour ses éludes favorites , en même temps qu'une
école de mœurs et un asilo assuré contre les orages politiques et les sanglantes calamités
d’alors, a C'est là, il est vrai, un concours de circonstances singulières qui ont pu servir au
développement de sa destinée; mais ce qu'il ne devra qu’à lui-même, c’est sa passion pour
l’étude, cette application persévérante, cette patience que Buffon assimilait au génie, et cet
ensemble si rare de facultés qui allaient en faire non-seulement !o naturaliste le plus brillant,
mais l’une des capacités les plus vastos et les plus variées de notre époque.
La carrière lui est ouverte , et il va la parcourir à pas de géant. Scs premiers travaux ont
un tel caractère de profondeur et d’originalité, sa parole est si précise et si lumineuse qu’il
devient aussitôt comme le centre et le chef d’une école nouvelle, Millin le fait nommer membre
de la commission des arts, puis professeur (l'Histoire naturelle à l’école centrale du Panthéon.
Lacépède et Geoffroy-Sainl-Hilaire le font admettre au Muséum comme adjoint, ou plutôt en
remplacement du vieux Merlrud, duns la chaire d’anatomie comparée. Tous les obstacles
s'aplanissent comme d'eux-mêmes, et aussitôt Cuvier appelle auprès de lui tout ce qui restait
de sa famille : son vieux père et son frère Frédéric, qui, lui aussi, prendra bientôt dans la
science une place honorable et tout à fait digne de son nom.
La variété des talents qui distinguèrent Georges Cuvier et la multiplicité des matières aux-
quelles il les appliqua en fout, pour ainsi dire, plusieurs hommes, qu’il faudrait examiner
successivement pour apprécier d'une manière convenable l'ensemble de son génie. N'ayant à
le considérer ici que comme naturaliste, c'est encore à M. Flourens — et quel autre pouvait
mieux nous servir de guide? — que nous emprunterons les principaux détails que nous allons
reproduire sur les travaux scientifiques de son illustre prédécesseur.
Les premières recherches de Cuvier s’appliquèrent à la réforme de la classification et de la
méthode en zoologie. Il avait compris dès l’abord qne la classification comme l’explication des
phénomènes de cet ordre no pouvaient procéder que de la connaissance approfondie de la nature
intime et île l’organisation des auimaux. Cette connaissance , qui avait évidemment manqué à
Linné et à Bufrou, était à ses yeux la cause de l’imperfection de leurs systèmes. Il s’attacha
donc à étudier ces grandes lois. C’est à leur aide qu’il renouvela la zoologie , l’anatomie com-
parée , et sur cos deux sciences il eu fonda par la suite deux autres : celle des animaux fossiles
et la géologie.
Quels que soient le mérite et l'exactitude des recherches anatomiques de Daubenton , il est
certain que jusqu’alors les naturalistes s'étaient principalement attachés aux caractères exté-
rieurs des animaux. Linné, dont l’influence avait été si puissante, avait divisé le Règne animal
en six classes : les Quadrupèdes , les Oiseaux , les Reptiles , les Poissons , les insectes et les
Vers. Or, ces classes, notamment la dernière, tantôt séparaient les animaux les plus rappro-
chés par leur organisation , tantôt réunissaient les plus disparates , en sorte que la classifica-
tion, au lieu de favoriser l’étude îles rapports, rompait quelquefois ceux-ci de la manière la
plus choquante. Le seul moyen de réformer celte classification était de la fonder sur l'organi-
sation même , sur l’anatomie dos animaux , car c’est l’organisation seule qui donne les vrais
rapports et permet d’en tirer des généralités d’un ordre supérieur.
C’est ce que fit Cuvier dès le premier Mémoire qu'il publia en 1791 , où il divisa tous les
êtres confondus jusque-là sous le nom d’.lnôiunix A sang blanc, on six classes : les Mollns-
(I) >1, fsiilore Bourdon.
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PREMIÈRE PARTIE.
quc‘8, les Crustacés, les Insectes, les Vers, les Echynodermes et les Zoophytes. Tout était neuf
dans cette distribution , niais aussi tout y était si évident qu’elle fut généralement adoptée.
Dès lors, le Régne animal prit une nouvelle face : la précision des caractères sur lesquels
s’appuyait cette distribution , la convenance parfaite des êtres que chaque classe rapprochait ,
tout dut frapper les naturalistes; une lumière subite venait de se répandre sur les parties les
plus élevées de la science; les grandes lois de l’organisation animale étaient saisies. Nul
homme n’avait encore porté un coup d’œil aussi étendu sur ces lois générales; on comprenait
tout ce que la zoologie devait attendre d'un début aussi éclatant.
Dans un second Mémoire, reprenant en particulier l’une des classes qu’il venait d'établir,
celle des Mollusques, Cuvier jeta les fondements de son grand travail sur ces animaux, travail
qui a produit les résultats les plus neufs et les plus féconds de la zoologie et do l’anatomie
comparée modernes. C’étaient l’exactitude et la précision dont Daubenton avait donné le modèle,
appliquées aux parties les plus fines et les plus délicates et à l’organisation d’une classe dos
plus difficiles à étudier.
Le principe qui lui avait servi de guide dans ces recherches était celui de la subordination
des organes, que Bernard et Laurent de Jussieu avaient imaginé et appliqué d’une manière si
heureuse à la botanique, mais qui n’avait pas encore pris place dans la zoologie, sans doute
h cause du nombre et de la complication des organes qui constituent les animaux. Cuvier
s’appuyant sur l’anatomie n’hésita pas k étendre ce principe à la classification des êtres de ce
Règne , et le résultat de ses efforts donna naissance à son grand ouvrage intitulé : Le Règne
animal distribué d'après son organisation , oii sa doctrine zoologique se montre reproduite*
dans tout son ensemble et coordonnée dans toutes ses parties.
Jusque-là, on ri’avait guère vu dans la méthode qu’un moyen de distinguer les espèces;
Cuvier en fit l’instrument meme do la généralisation des faits. Appliquée au Règne animal, la
méthode, en effet, n’est autre chose que la subordination des groupes entre eux, d’après l’im-
portance relative des organes caractéristiques et distinctifs de ces groupes. Or, les organes les
plus importants sont aussi ceux qui entraînent les ressemblances les plus générales; en sorte
qu’en fondant les groupes inférieurs sur les organes subordonnés et les groupes supérieurs sur
les organes dominateurs , ceux-ci comprennent nécessairement les inférieurs , et que l’on peut
toujours passer des uns aux autres, par des propositions graduées, et do plus en plus géné-
rales , à mesure que l’on remonte des groupes inférieurs vers les supérieurs.
Jusqu’ici, Cuvier n’avait encore considéré, dans les grandes classes d’animaux sans vertè-
bres, que les organes de la circulation. En considérant le système nerveux , qui est un organe
beaucoup plus important, il arriva h découvrir quatre formes générales de ce système, qui
partagent tout l’ensemble du Règne animal, il y a donc quatre plans, quatre types, ou quatre
formes générales du système nerveux dans les animaux, qui donnent lieu à ce que Cuvier
appela dos embranchements. L’une comprend les Vertèbres , la seconde les Mollusques, la
troisième les Articulés , et la dernière les Zoophyles. A l’aide de ce trait de lumière, l’esprit
saisit nettement les divers ordres de rapports qui lient les animaux entre eux : les rapports
d’ensemble constituent l’unité, le caractère du Règne , les rapports plus ou moins généraux ,
l'unité des embranchements , des classes , et les rapports plus particuliers constituent l’unité
des ordres, des genres.
Ce premier ouvrage une fois produit, Cuvier voulut entrer plus avant dans les détails , afin
de compléter le système qu’il n’avait encore présenté que d’une manière abrégée. C’est alors
qu’il entreprit la seconde partie de son œuvre, et il la commença par V Histoire des Poissons ,
qui composait, parmi les Vertébrés, la classe la plus nombreuse et la moins connue. R voulait,
par l'exposition détaillée et approfondie de toutes les espèces de celte classe, offrir un modèle
pour la description ultérieure do toutes les autres. Le premier volume de ce beau travail parut
en 1828 ; l’ouvrage devait en avoir vingt ; il en publia neuf en moins do six ans ; la mort do
l’auteur en arrêta l’exécution définitive, mais les matériaux étaient recueillis, mis en ordre, H
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HISTOIRE. — 1794- 1815.
119
M. Valenciennes, qui l’avait secondé si habilement , devait le continuer. Les deux collabora-
teurs avaient quadruplé le nombre des espèces décrites dans les ouvrages les plus récents,
ceux de Bloch et de Lacépéde : « Ouvrage étonnant par son étendue, dit M. Flourens, plus
étonnant encore par cet art profond de la formation des genres et des familles, dont l’auteur
semble s’étro complu à dévoiler les Secrets les plus cachés , et par cette science des caractères
que nul homme ne posséda jamais à un tel degré : résultats de l'expérience la plus consom-
mée et fruits du génie parvenu à toute sa maturité. »
Presque au même moment , Cuvier opérait dans l 'anatomie comparée une réforme tout
aussi importante. Cette scienco dont il ne parlait jamais lui-même qu’avec enthousiasme, il la
regardait comme celle qui devait dominer tout ce qui se rapporte aux êtres organisés. Il n’a
pas achevé non plus le grand ouvrage qu’il avait préparé et médité toute sa vie sur ce sujet,
mais il en avait répandu les éléments dans plusieurs publications, notamment dans ses Leçons
d’anatomie comparée , dont cinq volumes parurent par les soins de M. Duméril, et daus ses
Recherches sur tes ossements fossiles , dont M. Duvernoy a publié trois volumes. Ces travaux
en peu d’années, ont porté rapidement celte science si longtemps négligée au niveau, et peut-
être au-dessus de toutes les autres sciences cultivées k la même époque. Jusque-là, l’anatomie
comparée n’était qu'un recueil de faits particuliers touchant la structure des animaux; Cuvier
en fil la science des lois générales de l'organisation animale. Il en déduisit comme principes
généraux : que chaque espèce d’organes a ses modifications fixes et déterminées ; qu'un rap-
port constant lie entre elles toutes les modifications do l'organisme; il en tira la loi de subor-
dination des organes dans l’ordre de leur importance, celle de corrélation ou de coexistence .
et divers autres rapports généraux sur lesquels s’appuie aujourd'hui la philosophie de cette
science.
Mais l’application la plus neuve et la plus brillante que Cuvier ait faite de l'anatomie com-
parée est celle qui se rapporte aux ossements fossiles. C’est grâce aux travaux de cette nature
qu’il retrouva, dans les entrailles de la terre, les traces d’une création antérieure à la nôtre.
L’étude de ces fossiles l’amena à recomposer la géologie, l’histoire des révolutions du globe
terrestre, et a faire de tous ces débris, comme l’a dit M. Dupin, autant de médailles attestant
l’âge relatif des terrains qui les recèlent, fournissant des dates aux diverses opérations de la
nature pour la formation de notre sol , et une sorte de table chronologique des révolutions qui
ont amené l'état dans lequel nous le voyons aujourd’hui.
Le globe que nous habitons présente presque partout des traces irrécusables des grandes
révolutions qu'il a subies à diverses époques. Les produits de la création actuelle, de la nature
encore vivante, recouvrent partout les débris d’une création antérieure, d'une nature détruite.
Des masses considérables de productions marines so trouvent à une grande distance des mers,
sur de hautes montagnes. De grands ossements, découverts dans le sein de la terre, ont
fait croire à des races de géants qui avaient existé dans des siècles fort reculés ; des savants
eux-mêmes ont longtemps regardé les pierres figurées, les pétrifications et les coquillages
fossiles comme des jeux de nature. Bernard Palissy émit le premier, au seizième siècle, à ce
sujet, des opinions plus rationnelles, et vit dans tous ces phénomènes des preuves frappantes
des grands cataclysmes auxquels notre glolwi avait été soumis. A partir de cette époque, l'at-
tention des naturalistes commença à se tourner sur ce sujet. Dans le cours du dix-huitième
siècle, celte partie de la science, qui ne portail pas encore do nom, fit des progrès assez rapi-
des ; niais l’étude des ossements fossiles devait bientôt , dans les mains de Cuvier, lui donner
le plus grand essor, et constituer désormais les bases réelles de la Géologie.
Son premier travail à ce sujet date do la fondation même de l'Institut. Le 1er pluviôse an iv
(4 avril 1790) , jour de la première séance publique tenue par celte assemblée, le jeune natu-
raliste lut devant elle un Mémoire sur les espèces d’Éléphants fossiles, comparées aux espèces
vivantes, dont la conclusion semblait annoncer toute la série do ses découvertes ultérieures à
ce sujet.
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PREMIÈRE P \RTIE.
u Qu'on s e demande, disait-il, pourquoi l’on trouve tant de dépouilles d’animaux inconnus,
tandis qu’on n'en trouve aucune dont on puisse dire qu’elle appartient aux espèces que nous
connaissons , et l’on verra combien il est probable qu’elles ont toutes appartenu à des êtres
d’un monde antérieur au notre, à des êtres détruits par quelque révolution du «loin?, à des
êtres dont ceux qui existent aujourd’hui ont rempli la place. >»
« L’idée, ajoute M. Flourens, l’idée d’une création entière d'animaux antérieurs à la créa-
tion actuelle, d’une création entière détruite et perdue, venait donc enfin d’être conçue dans
son ensemble. Le voile qui recouvrait tant d étonnants phénomènes allait donc enfin être sou-
levé, ou plutôt il l’était déjà, et le mol de cette grande énigme qui, depuis un siècle, occupait
si fortement les esprits , ce mot venait d’être dit. Mais pour transformer en un résultat positif,
et démontrer celte vue si vaste et si élevée, il fallait rassembler de toutes parts les dépouilles
des animaux |M*rdus, il fallait les revoir, les étudier toutes sous ce nouvel aspect; il fallait
les comparer toutes, et l'une après l'autre, aux dépouilles des animaux vivants; il fallait,
avant tout, créer et déterminer l’art même de cette comparaison. Or, pour bien concevoir
toutes les difficultés de cette méthode, de cet art nouveau, il suffit de remarquer que les osse-
ments fossiles sont presque toujours isolés, épars; que souvent les os de plusieurs espèces,
et des espèces les plus diverses, sont mêlés, confondus ensemble; que presque toujours ces
os sont mutilés, brisés, réduits eu fragments. Que l’on se représente ce mélange confus de
débris mutilés et incomplets recueillis par Cuvier; que l’on se représente sous sa main habile
chaque os, chaque portion d’os allant reprendre sa place, nllanl se réunir à l’os, à la portion
d’os à laquelle elle avait dû tenir, et toutes ces espèces d’animaux , détruites depuis tant de
siècles, renaissant ainsi, avec leurs formes, leurs caractères, leurs attributs, et l’on ne croira
plus assister à une simple nfiéralinn anatomique , on croira assister à une sorte de résurrec-
tion , et ce qui n’ùtera sans doute rien au prodige , à une résurrection qui s’opère à la voix de
la science et du génie ! »
Mais quel est le principe qui doit présider à celte reconstruction merveilleuse des espèces
perdues? C’est celui de la corrélation des formes, principe au moyen duquel chaque partie
d’un animal peut être donnée par chaque autre, et toutes par une seule. Mais laissons Cuvier
lui-même expliquer par quel enchaînement logique d’idées il arrive à établir cette loi , et à en
tirer d’admirables conséquences. « L’anatomie comparée possédait, dit-il, un principe qui,
bien développé, élait capable de faire évanouir tous les embarras : c’élait celui de la corréla-
tion des formes dans les êtres organisés , au moyen duquel chaque sorte d’être pourrait , à la
rigueur, êlre reconnue par chaque fragment de chacune do ses parties.
« Tout être organisé forme un ensemble , un système unique et clos , dont les parties se
correspondent mutuellement et concourent à la même action définitive par une réaction réci-
proque. Aucune de ces parties no peut changer sans que les autres changent aussi , et , par
conséquent, chacune d’elles, prise séparément, indique et donne toutes les autres.
« Ainsi, si les intestins d’un animal sont organisés de manière à ne digérer que de la chair,
el do la chair récente , il faut aussi que ses mâchoires soient construites pour dévorer une
proie, ses griffes pour la saisir et la déchirer; ses dénis pour la couper et la diviser, le sys-
tème entier de ses organes du mouvement pour la poursuivre et pour l’atteindre , ses organes
des sens pour l’apercevoir de loin. Il faut même que la nature ait placé dans son cerveau
l’instinct nécessaire pour savoir se cacher et tendre des pièges à ses victimes. Telles seront les
conditions générales du régime carnivore ; tout animal destiné pour ce régime , les réunira
infailliblement , car sa race n’aurail pu subsister sans elles; mais, sous ces conditions géné-
rales, il en existe de particulières, relatives à la grandeur, à l’espèce, au séjour de la proie
pour laquelle l’animal est disposé, et de chacuhe de ces conditions particulières résultent des
modifications de détail dans les formes qui dérivent des conditions générales. Ainsi, non-
seulement la classe, mais l’ordre, mais le genre, et jusqu’à l’espèce, se trouvent exprimés
dans la forme de chaque partie..... En un mot, chaque portion de l’animal détermine les
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HISTOIRE. — I 791-1815. 121
autres ; la forme de la dent entraîne la forme du condyle , la forme du condyle celle de l’omo-
plate, celle des ongles, tout comme l'équation d’une courbe, entraîne toutes ses propriétés
La moindre facette d’os , la moindre apophyse ont un caractère déterminé , relatif à la classe,
à l’ordre, au genre, à l’espèce auxquels elles appartiennent, au point que, toutes les fois que
l’on a seulement une extrémité d’os bien conservé, on peut, avec de l'application, et en s’ai-
dant avec un peu d’adresse de l’analogie et de la comparaison effective, déterminer toutes
ces choses aussi sûrement que si l’on possédait l’animal entier. J’ai fait bien des fois l’expé-
rience de cette méthode sur des portions d’animaux connus, avant d’y mettre entièrement ma
confiance pour les fossiles; mais elle a toujours eu des succès si infaillibles, que je n'ai (dus
aucun doute sur la certitude des résultats qu’elle m’a donnés. »
Telle est, en effet, la méthode à l’aide de laquelle Cuvier, en explorant avec persévérance
les entrailles de la terre, parvint à déterminer et à classer les restes de plus de cent cinquante
Mammifères ou quadrupèdes ovipares , dont plus do quatre-vingt-dix appartiennent à des
espèces aujourd'hui inconnues. Ces recherches lui firent découvrir en mémo temps des ani-
maux de toutes les classes : des Oiseaux, des Reptiles, des Poissons, des Crustacés, des
Mollusques , des Zoophytes, et l’on vit ainsi reparaître, par groupes et par masses, toutes ces
populations éteintes, qui attestent les révolutions successives du globe que nous habitons.
Mais, toutes ses découvertes opérées, il s'agissait de les classer, et, suivant les couches do
terrain oü on les avait faites, de les rapporter aux différentes catastrophes que le globe avait
dû éprouver à diverses époques.
En 1769, Pallas avait publié un Mémoire sur les Ossements fossiles de Sibérie , oii l’on
apprit avec étonnement que l’Éléphant, le Rhinocéros et l’Hippopotame, animaux qüi no
vivent aujourd’hui que sous la zone torride , avaient habité autrefois les contrées les plus sep-
tentrionales. Dans un second Mémoire, il rapporta ce fait non moins extraordinaire d’un Rhi-
nocéros trouvé tout entier dans la terre gelée, avec sa peau et sa chair; fait qui s’est renou-
velé depuis dans cet Éléphant découvert en 1806 sur les bonis de la mer Glaciale, et si bien
conservé que les Chiens et les Ours ont pu en dévorer et s’en disputer les chairs. Buffon s’était
hâté d'appuyer sur le premier fait son système du refroidissement graduel des régions po-
laires, mais le second ne pouvait pas s’y accommoder, car il montrait que ce refroidissement,
loin d'avoir été graduel, avait dû être, au contraire, subit et instantané; il prouvait que le
mémo instant qui avait fait périr les animaux dont il s’agit , avait rendu glacial le pays qu’ils
habitaient; car, s’ils n’eussent été gelés aussitôt que tués, il est évident qu’ils n’auraient pu
nous parvenir avec leur peau , leur chair et toutes leurs parties parfaitement conservées.
À ces faits déjà si difficiles à expliquer s'ajoutait cette observation si frappante que les osse-
ments des animaux trouvés à l’état fossile sont très-différents des animaux analogues, aujour-
d’hui vivants. Cuvier vit dans toutes ces circonstances les preuves les plus évidentes des révo-
lutions successives du globe; il ne s’agissait plus que de fixer l’ordre et, en quelque sorte, la
chronologie de ces révolutions. « C'est aux fossiles seuls, dit-il , qu’est due la naissance de la
théorie de la terre; sans eux, l’on n’aurait peut-être jamais songé qu’il y ait eu dans la for-
mation du globe des époques successives et une série d’opérations différentes. Eux seuls
donnent la certitude où l’on est qu’ils ont dû vivre à la surface, avant d’être ensevelis dans la
profondeur. »
Ainsi , les dépouilles des êtres organisés , par leurs rapports avec les couches du globe dans
lesquelles on les rencontre, montrent les différents âges de la terre qui les a nourris; elles
montrent qu'aprés chacune des catastrophes que cette terre a subies, la vie animale a pris
do nouvelles formes, jusqu’à celles qui caractérisent les espèces aujourd’hui existantes. Eu
pénétrant , en effet, dans les profondeurs du sol , on ne trouve aucune trace de la vie animale
ou végétale sur les granits et les schistes, premiers fondements de l’enveloppe actuelle du
globe; dans les terrains de transition qui forment la seconde couche, on voit paraître des Zoo-
phytes, des Mollusques, des Reptiles gigantesques et inconnus aujourd'hui : Y Ichthyosoure ,
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PREMIERE PARTIE.
le Plésiosaure, nie. , espèces de Lézards prends commo des Baleines. Dans la troisième couche,
commencent à se retrouver les grands Mammifères terrestres, les Pachydermes énormes
découverts dans les carrières de Montmartre, les Paléothérium, les Lephiodons, les AnopIMé-
rium , en même temps que des Carnassiers , des Rongeurs , des Crocodiles , des Tortues et
des Poissons. -
La quatrième couche de terrains renferme les dépouilles d’animaux marins; au-dessus,
celles-ci disparaissent, et on retrouve une nouvelle population d'animaux terrestres. Ce sont
des Hlanimouths , Éléphants gigantesques, des Rhinocéros, des Hippopotames, des Masto-
dontes, des Paresseux énormes dont les espèces actuelles ne dépassent pas la taille d'un Chien
et dont les races perdues égalent en grandeur les Rhinocéros , et celte population se retrouve
partout dans les couches sablonneuses et limoneuses île toutes les latitudes , sur les bords de
la mer Glaciale aussi bien que dans les carrières de Montmartre. Ce n'est enfin que dans les
dernières couches superficielles du globe, dans les concrétions récentes, que l'on trouvai
l'état fossile des os appartenant A des animaux connus, aujourd'hui vivants.
Dans les couches précédantes , on ne trouve presque aucun Quadrumane , presque aucun
Singe. Mais un fait bien plus remarquable, c’est qu’on n’y reucoutre aucun ossement humain.
Ainsi, l’espèce humaine n’a été contemporaine ni de toutes ces races perdues, ni de toutes ces-
catastrophes qui les ont détruites; ainsi, l’Homme est le dernier des êtres vivants que la na-
ture semble avoir produits, et nous nous trouvons aujourd’hui au milieu d’une quatrième suc-
cession d'animaux et conséquemment de végétaux terrestres. Entre chacun de ces Ages , de
ces générations différentes, la mer est venue recouvrir la terre, engloutir les débris des êtres
organisés qui vivaient A sa surface, et ce n’est qu’après sa troisième irruption que l’Homme,
accompagné des animaux actuels, est venu en prendre possession. « La science , guidée par
le génie, a donc pu remonter jusqu’aux époques les plus reculées de l’histoire de la terre;
elle a pu compter et déterminer ces époques , marquer le premier moment où les êtres orga-
nisés ont paru sur le globe, et toutes les modifications, toutes les révolutions qu’ils ont éprou-
vées. Sans doute, toutes les preuves de cette grande histoire n’ont pas été recueillies par
Cuvier; mais il n’est pas jusqu’aux découvertes que d’autres ont fuites après lui qui n’ajou-
tent encore A sa gloire , à peu près comme on a vu graudir le nom de Colomb , A mesure que
les navigateurs, venus après lui, ont fait mieux connaître toute l’étendue de sa conquête. »
En parcourant cette suite brillanto dos travaux de Cuvier, où l'historien de la science trou-
verait difficilement quoique temps de repos, nous avons passé sur les détails de sa vie privée,
auxquels nous devons pourtant revenir. Ses premiers Mémoires, publiés en 1795, l’année
même de la fondation de l’Institut , lui avaient ouvert les portes de celte Compagnie , où il
forma , avec Dauhenton et Lacépède , le premier noyau de la section de zoologie. Il en était
secrétaire en 1799, lorsque Bonaparte, revenu de la campagne d’Égypte et nommé premier
consul, fut élu président de celte assemblée. Les rapports qui s’établirent entre le président et
le secrétaire donnèrent au grand capitaine l’occasion d’apprécier le savant. Daubenlon étant
mort à la fin do la même année. Cuvier lui succéda dans la chaire d'histoire naturelle au
Collège de France, et fut chargé d’honorer sa mémoire en présence do l'Institut. L’éloge qu'il
prononça A cette occasion est le premier de cetto série de panégyriques qui forment l'un de ses
meilleurs titres de gloire; cifr, A ses nombreux talents, Cuvier unissait encore ceux de l'ora-
teur et de l’écrivain. En 1802, il succéda A Mertrud dans la chaire d'anatomie comparée au
Muséum. Lorsqu’on réorganisa l'Instruction publique, il fut chargé, eu qualité d’inspecteur
général, de présider à lu fondation des Lycées. Devenu secrétaire perpétuel de l'Institut, c'est
A lui que Napoléon demanda un rapport sur les progrès des sciences naturelles depuis 1789;
travail immense dans lequel il dut passer en revue toutes les branches des connaissances de
cet ordre, y compris la physique, la chimie, la médecine, comme leurs principales applica-
tions, et qui est resté comme un véritable monument de l’histoire scientifique pendant cette
époque. Dans la même année, il fut nommé conseiller à vie de l’Université.
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HISTOIRE. — 1794-1815.
123
On a blâmé parlais Cuvier d'une 'certaine condescendance pour le pouvoir , et dans cette
occasion surtout oit les paroles qui terminaient ce célébré rapport n’avaient pourtant que le
caractère d'une louange aussi élevée que délicate. « Il m’a loué comme j’aime à l’être, » avait
dit Napoléon. Cependant, Cuvier s'était borné â l’inviter à imiter Alexandre et à faire tourner sa
puissance aux progrès de l'Histoire naturelle. « Il est permis de croire, ajoute judicieusement
M. Flourcns, que la louange qui n’a d'aulro but que de porter un souverain à faire de grandes
choses , n’est point indigne d’un philosophe. »
En 1813, Napoléon avait manifesté le dessein de charger l'Aristote moderne do l'éducation
de son Ois ; c’est probablement dans cette prévision qu’il le chargea , à plusieurs reprises , de
diverses missions en Italie.
Cuvier conserva sous la Restauration sa haute position scientifique , à laquelle vinrent
s’ajouter encore de nouvelles fonctions. Il fut nommé successivement conseiller d’Étal, prési-
dent du Comité de l'intérieur, chancelier de l'Université, grand officier de la Légion d’honneur,
directeur des cultes non catholiques , enfin baron et pair de France. Il avait refusé la place
d'intendant du Jardin du Roi et le portefeuille de ministre de l’intérieur. Cuvier montra que
l’esprit des affaires n’est pas incompatible avec le génie des sciences. Il introduisit, surtout
dans l'Instruction publique, des améliorations importantes. C’est lui qui fit introduire, dans
l’enseignement des collèges, dos cours d'histoire , do géographie , de langues vivantes , do
sciences physiques et naturelles; et, en 1809, c’est à lui qu'ou dut l'organisation de la Faculté
des sciences.
Les nombreuses fonctions dont il était revêtu n'enlevaient rien à ses devoirs de professeurs.
Hans les dernières années , il avait entrepris au Collège de France une sério de leçons sur
l’histoire des sciences naturelles. Lu 8 mai 1832, il ouvrit ce cours pour la troisième fois,
en présence d'un immense auditoire. A l’issue do celte séance, il fut atteint des premiers
symptômes d’une paralysie , sans doute provoquée par des excès de travail et qui , en peu de
jours, devait lo conduire au tombeau. Tous les secours de l’art furent inutiles. Il vit arriver
la mort avec une sérénité admirablo : il s’était fait transporter dans son cabinet , comme sur
son champ de bataille , pour y exhaler son dernier soupir , entouré de sa famille , de ses amis,
des objets ordinaires de scs travaux. Sa ligure était calme, reposée ; aucune altération sensible
ne s’y faisait apercevoir. Il n’exprima qu’un regret, celui de laisser inachevés les ouvrages
importants qu’il méditait encore et dont les matériaux étaient entièrement préparés. Cuvier
mourut le 13 mai 1832 , cl , comme Aristote, à l'âge de 63 ans.
Le nombre et l’étendue des travaux de ce grand naturaliste ne peuvent s'expliquer que par
les facultés supérieures dont son esprit était doué , par sa mémoire qui tenait du prodige , par
sa facilité à passer sans effort d’un travail à un autre , mais aussi par l’ordre et la régularité
qui présidèrent toujours â l’arrangement de sa vie. Aucun homme ne s'était jamais fait une
élude aussi suivie, aussi méthodique de l’art de ne perdre aucun moment. Chaque heure
avait son travail marqué ; chaquu travail avait un cabinet qui lui était destiné , et dans lequel
se trouvait tout ce qui se rapportait à ce travail : livres, dessins, objets. Tout était préparé,
prévu, pour qu’aucune cause ne vint arrêter, retarder l’esprit dans le cours de ses médita-
tions et de ses recherches. Voici, du reste, d’après l’un de ses biographos, quel était habi-
tuellement le programme de sa journée :
o Levé à neuf heures , il déjeunait à dix ; il consacrait cet intervalle à dresser le plan de sa
journée, à donner des ordres, à lire sa correspondance et aussi à ranger sur son bureau les
matériaux do ses travaux. Ce bureau offrait quelquefois un curieux spectacle; on y voyait
rangés avec ordre des livres ouverts à un chapitre précis et tous au même , des planches gra-
vées, dos animaux empaillés, des squelettes, des mâchoires, des crânes, quelquefois une
pièce à demi disséquée, et quelquefois à côté d’un ossement fossile, tin discours ébauché ou
un éloge , des esquisses et des épreuves , des crayons , des plumes , un compas et même un
burin, car il gravait aussi. A celte description, il faut ajouter, d’après M. Pasquier, que
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PREMIÈRE PARTIE,
chacun des differents cabinets où travaillait Cuvier était arrangé suivant l'espèce d'occupation
à laquelle il était destiné, et de manière à lui permettre de trouver toujours sous sa main les
ouvrages dont il pouvait avoir besoin pour ce genre de travail.
« Au déjeuner, où il arrivait presque toujours un livre à la main, Cuvier se faisait apporter
les journaux. Après le déjeuner, repas pour lui toujours frugal , il donnait des audiences aux-
quelles était admis quiconque avait à lui parler, et pour lesquelles il n’exigeait pas, comme
tant d'insignifiants personnages , qu’on lui écrivit d’avance ; jamais il ue faisait attendre.
« Quand on demeure, disait-il, au Jardin des Plantes, si loin des solliciteurs, on n’a pas le
« droit de leur fermer sa porte, u II recevait les intimes à sou bureau , devant sa table à la
Tronchiu ; car toujours , étant chez lui , il écrivait debout. Quant aux étrangers , il lus recevait
dans son salon; il les écoutait et leur répondait en se promenant. Autant il était vif A écon-
duire les intrigants et les fats, autant il était affable et bou pour les hommes studieux, et
surtout les jeunes gens timides et laborieux , dont il aimait à encourager le zèle en leur prodi-
guant des secours et des conseils. A ers midi, Cuvier avait coutume de monter dans sa voi-
ture, où il lisait et écrivait même, en se reudant soit au conseil d'Élat, soit au ministère de
l’intérieur, pour sa direction des cultes, soit au Conseil royal ou à l'une des trois Académies
dont il était membre. Toutes ces fonctions, il les remplissait avec ponctualité, avec amour ;
mais il était surtout admirable à sou secrétariat de l'Académie des sciences. Aussi impartial
qu’attentif, il lisait intrépidement les mémoires ou lus lettres les plus illisibles, traduisait A la
simple vue les textes étrangers, donnait l'équivalent de ce qu'un autre que lui aurait trouvé
incompréhensible, écoutait chaque réclamation et prenait note de toutes choses pour les
procès-verbaux comme pour les analyses annuelles. »
Cuvier fut, à la vérité, admirablement secoudé par d'habiles collaborateurs, heureux de se
placer sous son brillant patronage. Nous avons cité MM. Duméril, Duvcrnoy , do lilainville,
Brongniart , Valenciennes, qui ont droit de réclamer une large pari dans ses premières recher-
ches. A ces noms devenus célèbres, nous devons joindre celui de M. Emmanuel Rousseau,
« homme modeste et infatigable; » ce sont les expressions de Cuvier, qui avait aussi partagé
les travaux de Mertrud et de GeofTroy-Saiul-Hilairo , et celui de Eaurillard, qui, dans un éloge
couronné pur l'Académie de Besancon , paya un si noble tribut à lu mémoire de sou maître,
u Ses collaborateurs! s'écrie Pariset, des rois , des princes , dos ministres, des négociants,
des voyageurs, des savants, des navigateurs de toutes les nations l'ont été. Ils se disputaient
l'honneur do procurer ou de transmettre à Cuvier, de toutes les parties du monde, les notes,
les dessins, les échantillons qui pouvaient contribuer à la perfection de son travail. » La
haute cousidératiou dont il jouissait et sa position élevée dans la science attiraient chez lui
tous les savants étrangers qui visitaient la capitale. Il admettait à travailler dans sa vaste
bibliothèque tous les naturalistes qui réclamaient cette faveur. Les voyageurs que, sur sa dési-
gnation , le Gouvernement dirigeait sur tous les points du globe pour recueillir des documents
scientifiques, recevaient de lui des instructions particulières, en sorte que l’on pouvait dire de
lui , comme de Linné, que, par toute la terre, on interrogeait la nature en son nom.
Comme écrivain , Cuvier, sans avoir la pompe , la majesté , l'éclat de Buf fou , se distingue
par uu style naturel, grave, précis, élégant, parfaitement propre à l'exposition scientifique.
Plus forme, plus élevé, plus brillant dans ses discours, il prend encore de la noblesse et de la
grandeur, lorsqu'il traite de hautes questions do philosophie.
En général, son style reflète los qualités dominantes du sou esprit : l’ordre, la clarté,
l’étendue des pensées, la force et la netteté de l’expression. On retrouve toutes ces qualités
dans son célèbre rapport sur les progrès dus sciences naturelles, dans ses discours à
l'Académie, et surtout dans ses éloges historiques , où clics sont encoro rehaussées par une
forme plus vive, plus animée, plus saisissante. « Sou débit, dit M. Flourens, était en général
grave, et même un peu lent, surtout vers le début de ses leçons; mais bientét ce débit
s'animait par le mouvement des pensées; et, alors, ce mouvement qui se communiquait des
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H1ST01HE. — 1794-1815. 125
pensées aux expressions , sa voix pénétrante , Tiuspiralion de sou génie peinte dans ses youx
et sur son visage, tout cet ensemble opérait sur son auditoire l'impression la plus vive et la
plus profonde. On se sentait élevé, moins encore par ces idées grandes, inattendues, qui
brillaient partout , que par uue certaine force de concevoir et de penser que cette parole sem-
blait tour à tour éveiller , ou faire pénétrer dans les esprits. »
Cuvier s’était marié à trente-quatre ans. Il avait épousé madame Duvauccl , veuve do l’un
des viugt'liuit fermiers généraux, morts victimes de la Révolution. 11 en avait eu quatre
enfants. Les deux premiers moururent en bas âge; il perdit le troisième, qui était un (ils, à
l’âge de sept aus. Mais un plus grand malheur lui était réservé; ce fut la perte d'une fille
charmante , personne d’un mérite accompli , qu’il adorait , et qui mourut a l'âge do vingt-deux
ans, huit jours avant de contracter un mariage qui lui promettait le plus heureux avenir.
« Au moment où Cuvier avait été si soudainement enlevé â l’admiration publique, dit
M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilairo , un fait, encore sans exemple peut-être, s’était produit, et
ce fait était le plus magnifique hommage que pût recevoir la mémoire de notre immortel
zoologiste : le mouvement de la science s’était ralenti tout à coup ; il avait presque paru , en
France, du moins, s’arrêter un instant. C’est que les naturalistes de toutes les écoles s’étaient
sentis également atteints , les uns perdant un chef sous lequel ils étaient depuis si longtemps
habitués â marcher, les autres, un adversaire dont l’opposition même, si utile autrefois au
développement des théories nouvelles , était nécessaire encore à leur libre défense. »
Les événements scientifiques qui composent cette période de l’histoire du Muséum d'histoire
naturelle, semblent en effet se concentrer uniquement dans les progrès si considérables que
fit la zoologie sous Cuvier et Geoffroy-Saint-Hilaire , et, cependant, d’autres sciences s’avan-
çaient également d’un pas rapide et soutenaient avec honneur la renommée de cette grande
école. Ainsi , la chaire de minéralogie , en passant des mains de Daubenton , de Dolomieu et
de Hauy , dans celles d’Alexandre Brongniart , non-seulement conservait tout son éclat , mais
semblait ouvrir à cette science des voies nouvelles et fécondes. L’enseignement de lu chimie
continué, après Fourcroy, par Laugier, Vauquelin et (iay-Lussac, attirait aux cours du Muséum
un auditoire avide de recueillir la parole de ces illustres maîtres; et la Botanique, confiée aux
soins d’A.-L. de Jussieu et de Desfontaines; l’Agronomie, à ceux d’André Thouin et de Bosc,
poursuivaient leur marche progressive, eu attendant que deux jeunes botanistes, aux noms
chers à la science, vinssent augmenter ses richesses , en même temps que la célébrité do leurs
savantes familles.
Le nom de Brongniart était déjà acquis au Muséum d’histoire naturelle. C’était celui du
démonstrateur des cours de Fourcroy , devenu , à la réorganisation , professeur de chimie
appliquée aux arts. Alexandre Brongniart né à Paris, en 1770, était neveu de ce chimiste et
fils de l’éminent architecte à qui l'on doit le palais de la Bourse et plusieurs autres monu-
ments de la capitale. Entouré, dès sa jeunesse, de savants, d’artistes et de tous les moyens
d’instruction, son éducation se ressentit de cet heureux concours d’éléments, si propres à
développer sa précoce intelligence. Cependant le goût des sciences prévalut dans son esprit;
il était né curieux, ardent, appliqué; son élocution était facile, et l’on assure que Lavoisier
prit plaisir à lui entendre faire, à quinze aus, uue leçon de chimie.
Alexandre Brongniart fit ses premières études scientifiques à l’École des mines. A vingt
ans, il était allé faire un voyage en Angleterre pour visiter les mines du Derbyshire; peu de
temps après, il publia un premier Mémoire sur l’art de VémaiUewr , qui fut son début dans la
carrière céramique. Devenu préparateur des cours de son oncle, au Jardin des Plantes, il
commença l’étude de la médecine; mais, atteint par la première réquisition , il se fit commis-
sionner, comme pharmacien militaire, à l’armée des Pyrénées. Pendant quinze mois, il par-
courut ces belles montagnes, en zoologiste, en tiolauistc et en géologue. Cependant, soupçonné
d’avoir favorisé l'évasion du naturaliste Broussonnct, qui, en effet, n’échappa à la mort qu’en
franchissant la frontière, à la brèche de Roland , il fut mis en prison. Rendu à la liberté après
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126 PREMIÈRE PARTIE.
le 0 thermidor, il revint à Parts et obtint un emploi d'ingénieur, attaché à l'agence des mines.
Bientôt après, il fut nommé professeur d'histoire uaturello à l'École centrale des Quatre-
Nations; en même temps, il devint collaborateur des meilleurs recueils scientifiques do
l’époque. En 1800, sur la recommandation do Bcrlhollel, qui avait compris toute sa portée,
il fut nommé directeur de la Manufacture do porcelaine de Sèvres.
A l’époque de la réorganisation do lTniversilé impériale, Alexandra Brongniart fut chargé
de composer un Trailt! élémentaire de minéralogie. Cet ouvrage , qui parut on 1 807 , l'un des
meilleurs et des plus pratiques qui eussent paru jusqu’alors sur cette science, était le complé-
ment indispensable du Traité d'ilaùy sur le même sujet. I.a clarté et l'originalité d'exposition,
qui on font le principal caractère, le rendirent aussitôt classique, et l'auteur en fit le texte de
scs leçons A la Faculté des sciences , où il secondait M. Haüv , professeur titulaire. A la mort
de son illustre maître, il fut appelé à le remplacer dans la chaire de minéralogie au Muséum.
Am. BBOKcniAai.
M. Brongniart n'avait pas cessé de s'occuper do zoologie. C'est à lui qu’on doit la division
des Reptiles en quatre ordres ; classification adoptée aussitôt par Cuvier et par tous les natu-
ralistes. Il créa pour les Animaux do celte classe, les noms de Sauriens, do Batraciens, de
Chélonicns et iV Ophidiens, que l'on répète chaque jour sans so rappeler qu’il en fut l’auteur. Il
posa également les bases de la classification des Trilobites, ces singuliers crustacés, étrangers
à toutes les créulions modernes, et son Mémoire à ce sujet est le point de départ do tous les
travaux qui, depuis, so sont rapportés à cette immense famille. C'est ô celte occasion que
Brongniart entra en rapport avec Cuvier, dont il devint presque aussitôt le collaborateur et
l’ami. Il venait de faire, en 1800, un voyage en Auvergne, où il avait signalé, connno formés
dans l'eau douce, des terrains qui ne renfermaient, à l'état fossile, que des coquilles fluvia-
tiles; c’était une application nouvelle de la zoologie à l'étude des couches minérales. Cuvier
reconnut dès lors dans Alexandra Brongniart lu collaborateur qu'il cherchait , cl , dès l'année
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HISTOIRE. — 1794- 1815.
127
1810, ils présentèrent ensemble à l'Institut leur Essai sur la géographie minéralogique des
environs de Paris, lis avaient été secondés dans ces recherches devenues célèbres par
MM. Beudant, Constant Prévost et Desmarest fils. C’est principalement à ce beau travail,
devenu le type de tous les travaux du même genre, que Brongniart dut, en 1815, son
admission à l’Académie des sciences.
En 1827, Alexandre Brongniart fit avec son fils un voyage en Suisse. Il y fit de nom-
breuses recherches géologiques, dont il joignit les résultats à sa seconde édition de sa
Description géologique des environs de Paris. En 1824, il visita, dans le même but, la
Norwége et la Suède, où Berzélius voulut lui servir lui-même de guide et d’interprète. C’est
là qu’il posa les premières bases de la classification des plus anciens terrains fossilifères , et
qu’il recueillit les éléments de son beau travail sur les blocs erratiques. A la même époque,
il donna de nombreux articles au Dictionnaire des sciences naturelles. Dans les années sui-
vantes, il fit un voyage en Italie, dont les résultats enrichirent la science de plusieurs
Mémoires importants, entre autres sur la théorio générale des volcans, et celle du Vésuve
en particulier. En 1825, il obtint le titre d’inspecteur général des mines.
Alexandre Brongniart était doué d’une activité prodigieuse. A l’âge de dix-huit ans, il avait
été l’un des fondateurs de la Société philomatique ; il en resta le trésorier depuis cette date
jusqu’à sa mort. Il exerça le professorat durant une. période de trente années. Il ne cessa
jamais de donner des soins a la collection minéralogique du Muséum , aujourd'hui la plus
riche du monde. Pendant les quarante-sept ans qu’il fut placé à la tête de la Manufacture de
Sèvres, il s’occupa constamment de perfectionner et d’enrichir ce célèbre établissement. Il
visita dans ce but toutes les fabriques de porcelaine do l’Europe. Artiste, administrateur,
géologue, chimiste, il réunissait toutes les conditions désirables pour un pareil emploi. C’est
à lui que l’on doit la renaissance d’un art presque perdu, celui de la peinture sur verre. Enfin,
il fonda, à Sèvres, le Musée céramique, riche collection des poteries de tous les âges et de tous
les pays, qui lui fournit les matériaux du dernier ouvrage qu’il ait publié, sous le titre de
Traité des arts céramiques , en deux volumes in-8°, avec atlas, 1844.
M. Brongniart était le patriarche d’une famille toute scientifique, digne d’un chef aussi
illustre, et qui faisait à la fois sa gloire et son bonheur. Son fils, à qui l’on doit les belles
recherches sur les végétaux pétrifiés, contemporains des animaux fossiles, enfouis dans les
mêmes sépultures , et, comme eux, appartenant, pour la plupart , à des genres aujourd’hui
perdus, M. Adolphe Brongniart, bien jeune encore, avait pris place à ses côtés a l’Académie
des sciences, ainsi que ses deux gendres. L’un d’eux était M. Victor Audouin, né en 1797,
naturaliste distingué, fondateur des Annales des sciences naturelles et de la Société entomolo-
gique. Après avoir été suppléant de Lamarck au Muséum , il fut {nommé professeur d’ento-
mologie, à la place de Latreillo, mort en 1833. On lui doit d'importantes observations sur
les crustacés , sur la muscardino du Ver à soie , sur la pyrale de la Vigne , une Histoire
naturelle du littoral delà France, en collaboration avec M. Milne- Edwards. Audouin fut admis
à l’Académie des sciences en 1838, et mourut prématurément en 1841. L’autre gendre
d’Alexandre Brongniart est M. Dumas, dont tout le monde connaît les litres scientifiques, les
talents élevés , et qui tient aujourd’hui un si haut rang parmi les premiers chimistes de notre
époque.
M. Brongniart sut jouir pleinement, mais avec modestie, des biens dont le sort l’avait
comblé. Sa maison était un véritable sanctuaire do la science; ses collections étaient ouvertes
à tous les naturalistes; son salon , qui réunissait les savants, les artistes, les hommes éclairés
de toutes les nations, rappelait ces écoles do l’antiquité où les philosophes discutaient avec
leurs disciples. Son accueil bienveillant, les lumières variées que l’on puisait dans sa conver-
sation, ses encouragements, son exemple surtout, exerçaient l’influence la plus heureuse
sur tous ceux qui l’entouraient. Il aimait et protégeait les jeunes savants, qui, en retour,
avalent pour lui autant d’attachement que de vénération. M. Brongniart mourut en 1847, à
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PREMIÈRE PARTIE.
l’âge de soixante-dix-sept ans. Carrière honorable cl liien remplie, qui montre eombien le
goût du travail , le zèle pour la science et le dévouement au devoir laissent encore de place
aux plus heureux sentiments, nu culte des arts, aux jouissances de la famille et aux douceurs
de l'amitié.
I.a géologie, qui tient de si prés à la minéralogie, avait non-seulement pris un rang
délinitif parmi les sciences naturelles, mais elle s'était élevée à une hauteur inespérée sous
l'influence des découvertes et des théories de Cuvier et de Rrongniart. Faqjas de Saint-Fond
continuait d'en faire la matière de son enseignement au Muséum; toutefois, l'âge commençait
â affaiblir ses forces, et, rcjjré à la campagne, il no venait guère à Paris que pour faire son
cours. Les collections, qui s'augmentaient journellement, avaient besoin d’èlro disposées
dans un nouvel ordre : ce soin était réservé à M. Cordier, inspecteur divisionnaire des mines,
élève et ami de Dolomieu, son compagnon dans plusieurs voyages, son collègue dans l’expé-
dition d'Ègyple, et qui devait hientût succéder à Faujas de Saint-Fond.
Nous n'avons rien â ajouter à co que nous avons dit plus haut de l’enseignement de la
botanique au Muséum, durant cette période. Quant â la chimie, on sait que la chaire de
Fourcroy échut, en 1810, â Laugier, son suppléant dopuis plusieurs années. Dès l'année
1801, la chaire do chimie appliquée, laissée vacante par Auguste Drongniart, avait passé
dans les mains de Yauquelin, l'élève et le collaborateur assidu de Fourcroy.
Nicolas-Louis Yauquelin naquit en 1763, dans la petite commune de Saiut-Andié-d’Hé-
berlot , département du Calvados. Ses parents étaient pauvres. Ils cultivaient la terre pour les
autres et pour eux-mèmes, car ils possédaient quelques champs et une cabane. Dans lo
voisinage était lo château d’Hébertot, appartenant nu descendant d'un homme illustre, du
chancelier d'Aguesseau. Le |wro de Yauquelin avait 1a direction d'assez grands travaux d’agri-
culture, que le jeune homme partageait comme un simple ouvrier. Cependant, il faisait
quelques études chez le magistor du village, et il montrait autant d’intelligence que d’appli-
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HISTOIRE. — 1 704-1815. 129
cation. Sa mère, charmée de ses succès autant qu’éblouie par la belle livrée que portaient
les domestiques du château, lui répétait souvent : <» Courage, Colin! applique-toi : tu auras
quelque jour de beaux habits comme ces messieurs. »
Lassé des travaux rustiques et préférant ceux qui so rapportaient à l’étude , Vauquelin se
présenta chez un pharmacien de Rouen , qui l'admit comme garçon de laboratoire. Ce phar-
macien faisait chez lui quelques cours de physique et de chimie. Vauquelin, tout en surveillant
les fourneaux et les appareils, saisissait â la volée quelques paroles du professeur, les
recueillait avec soin dans sa mémoire , puis , à l'aide de quelques livres que lui prêtaient les
élèves, rédigeait, pendant la nuit, les notions qu’il avait retenues. Surpris dans ce travail
par le professeur, au lieu d’encouragements, il reçut des réprimandes et le maître, dans son
emportement, mit en pièces le manuscrit. «On m'aurait ôté le seul habit que j’eusse au
« monde, disait Vauquelin, j’aurais été moins affligé. » Ce trait de dureté le révolta, et il
quitta Rouen pour venir à Paris.
Cependant, déjà formé par le travail et par ses études secrètes, il n'hésita pas à se présenter
comme élève en pharmacie, dans quelques officines. Il eut le bonheur de trouver une place
chez Chéradanie, professeur à l’École de pharmacie. C’est là qu’il connut Laugier, et, plus
tard , Fourcroy , déjà professeur brillant et très-répandu. Fourcroy avait une sœur malheu-
reuse, que la famille Chéradame avait accueillie et qu’il venait voir souvent, il avait besoin
d’un aide, d’un préparateur; frappé de l'intelligence et de l’exactitude de Vauquelin, il lui
offre un logement, sa table et 300 francs de traitement, mais ce qui touche bien plus le jeune
chimiste , la direction d’un laboratoire et le patronage d’un maître déjà célèbre.
('.'était l’époque où, sous l’inspiration des découvertes de Lavoisier, Fourcroy, lui-niême,
l’un des fondateurs de la nomenclature chimique, répandait les nouvelles lumières de cette
science au Lycée, au Jardin des Plantes, dans son propre amphithéâtre, où, par le charme
«le sa parole, comme par l'intérêt des phénomènes qu’il expliquait, il faisait naître partout
l’admiration et l’enthousiasme. Placé à la source de ces vérités proclamées qvec tant d'éclat ,
Vauquelin s’échauffait «le la même ar«leur. Il étudiait la physique, l'anatomie, l’histoire nalu-
r«*lle, il reprenait sous main ses éludes classiques, il s’exerçait surtout à l’analyse chimique,
partie de la science dans laquelle il se posa bientôt en maître, et où personne depuis n’espéra
l'égaler. Fourcroy, qui r«>gardnit Vauquelin comme son plus «ligne ouvrage, l’encourageait à
se produire, à sortir de l’ombre qui convenait si bien à sa timidité, enfin, il l'associa à ses
recherches, et, dès cette époque, commença à paraître celte suite de travaux célèbres, signés
do leurs «leux noms réunis. A partir «le ce moment , ces «leux noms se trouvèrent confondus
en «|uel«|iie sorte dans l’esprit, dans l’estime de tous les chimistes. Jamais, en effet, deux
natures si diverses ne s'étaient plus heureusement associées. L’ardeur, la vivacité, l'esprit
synthétique de Fourcroy étaient tempérés par la sagacité froide, patiente, ingénieuse de Vau-
quelin. Fourcroy sans lui eût anticipé sur l’aveuir, Vauquelin sans Fourcroy n’eût peut-être
rien fait pour sa propre renommé»*. Réunis, ils se complétaient l’un par l’autre, et leur
association présentait l’idéal des conditions les mieux appropriées à la recherche scientifique :
le génie «jui imagine et celui «pii exécute, l'habileté «jui réalise et le talent «pii expose et
résume.
Vauquelin, de garçon de laboratoire devenu un grand chimiste, Fourcroy aurait voulu qu'il
devînt un grand professeur; mais est-ce là une faculté qui s’acquiert par l’élude, quand les
dispositions natives ne s’y prêtent qu’à regret? Néanmoins, à force de lutter contre les
obstacles, Vauquelin parut avec succès dans la chaire professorale. Ce n’étaient point l'abon-
dance, la facilité, la richesse «l'élocution de Fourcroy; mais la simplicité «les démonstrations,
l’exactitude «les expériences, une profusion inépuisable de détails pratiqu<s, voilà co «pii
donnait tant de prix à ses cours, à l’Athénée «les arls, au Lycée, et bientôt dans In chaire «lu
Muséum d'histoire naturelle, «< Aussi, «lit Pariset, tandis «pie, par l’éclat de ses leçons,
Fourcroy répandait le goût «le la chimie et se formait «l«*s légions d’admirateurs, Vauquelin,
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PREMIÈRE PARTIE.
par la solidité des siennes , inculquai! la science , et lui formait une élite d'excellents élèves.
Tout ce qui fait aujourd’hui l'ornement de la chimie française est sorti de son école. Enfla ,
une place fut vacante dans l’ancienne Académie des sciences; elle fut donnée à Yauquelin.
Vauquelin fut le dernier membre que nomma cette illustre compagnie, a
« Déjà l’orage grondait au-dessus do ce grand abîme que creusait la révolution française, et
où s’engloutirent et l’Académie des sciences, et tous les corps savants, et toutes les écoles, et
toutes les institutions ; époque désastreuse où tout manquait à la France, excepté sou invincible
courage, où les sentiments les plus naturels, la paix, la modération et jusqu'à la pitié, sem-
blaient bannis du fouir des hommes. Du moins, cette pitié ne fut-elle jamais éteinte dans le
cœur de Vauquelin, et quelle preuve il en donna ce jour de fatale mémoire où l'antique trône
de France s’écroula dans le sang , et où ses défenseurs furent si malheureusement aux prises
arec la fureur populaire! MM. Chevallier et Robinet racontent que ce jour-là, pour éviter la
mort qui lo pressait, un garde suisse s'échappe , fuit, court, vole, tourne une rue, trouve une
porte, s’y jette , traverse une cour comme un trait et tombe palpitant , où? dans le laboratoire
de Vauquelin, à ses pieds et aux pieds de deux femmes qui étaieul avec lui. Que faire! il n’est
qu’un parti : c’est de rendre ce malheureux si différent de lui-même que l’œil des meurtriers
ue puisse le reconnaître. A l'instant ses vêtements sont ôtés, jetés au feu, brûlés, ses mous-
taches coupées, son visage, scs mains noircis de charbon; on l’affuble d’un vieux liabit et
d’un tablier. Le voilà ce que fut Vauquelin, garçon de laboratoire. Quel magicien opéra une
métamorphose si prompte et si complète? co vif sentiment d'humanité, celte pitié pénétrante
qui ne raisonne plus avec le péril, et fait renoncer à la vie pour sauver celle d'un infortuné.
Heureusement ceux qui, le couteau à lu main, poursuivaient le garde suisse, perdirent sa
trace. Il s’était évanoui comme l’oiseau qui fuit, comme la flèclio qui vole. Le laboratoire qui
l'avait reçu faisait partie d’une offloine que Vauquelin avait prise daus son changement de
fortune , et qu’il tenait avec le titre de maître en pharmacie. Les deux dames qui partageaient
sa nouvelle demeure étaient les sieurs de Fourcroy. Il avait été leur pensionnaire. Elles avaient
été pauvres, elles l'avaient recueilli : il les recueillit à son tour, et no s’en sépara jamais.
Les rôles étaient changés , parce que les cœurs ne l'étaient pas.
« Cependant , les événements so précipitent. Seule et debout contre toutes les nations, la
France, pour s’en défendre et pour les attaquer, la France, au milieu do ses divisions, cher-
che en elle-même toutes scs ressources. Ce qu’elle demandait autrefois à l’étranger, elle le
demande à ses concitoyens, à Monge, à Rertliollet; elle le demande à Vauquelin , mais dans
quels termes! L'ordre qu’il reçoit est ainsi conçu ; « Pars, fais-nous du salpêtre ou marche
au supplice. « La postérité le croira-l-elle? Sous ces accents do fureur, on cachait un bien-
fait : on voulait sauver Vauquelin en le rendant nécessaire. Il port, il visite les départements,
il en fait sortir des milliers de salpêtre qu’il expédie pour les ateliers de la capitale. On sait le
reste : l’Europe fut vaincue , et l'histoire , en célébrant les triomphes de la France , fera res-
souvenir qu'ils n’ont pas été moins dus au génie qu’à la valeur de ses habitants.
« Revenu au calme et à l'œuvre, on reconnut l’utilité des sciences et les services qu’elles
avaient pu rendre. On avait détruit , on s’empressa de reconstruire les institutions savantes.
A côté des Lycées et des Écoles centrales qu'organisait Fourcroy, s’élevèrent et l’École poly-
technique, et l’École des mutes, et l'Institut national. Une place fut marquée pour Vauquelin
dans ces trois derniers établissements. Il fut un moment successeur de J. d’Areet à 1a chaire
de chimie du Collège de France; mais Fourcroy était fixé au Jardin du Roi; la mort de
M. Aug.-L. Brongniart y laissait vacante la chaire de chimie appliquée aux arts. Ce fut celle
que Vauquelin préféra, et, en se réunissant à l’illustre colonie du Jardin des Plantes, il sem-
blait rentrer dans le sein de sa propre famille. La Légion d’honneur fut créée : Vauquelin fut
un des premiers légionnaires. On forma des Écoles spéciales de pharmacie; il fut mis à la
tète do cello do Paris.
« A peu prés à lu même époque, on avait fondé un bureau de garantie pour les matières d’or
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HISTOIRE. — 1794- 1815.
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et d'argent; Vauquelin en sollicitait la direction , mais on le refusa : il n'était que grand chi-
miste. On voulait îles connaissances spéciales, et il les avait; un praticien et un manipulateur,
et il l'était. Il s'euferme, compose l'Art de l'essayeur , et le jette dans le public, en gardant
l’anonyme. A l'instant, on se récrie sur l’excellence do l’ouvrage , dont l’auteur ne peut élro
qu'un essayeur consommé. Yauquolin se nomme et obtient la place.
o Un dernier hommage lui était réservé, ajoute Pariset, à qui j'emprunte ici les meilleurs
traits de l'éloge qu'il a fait de Yanquelin, à l'Académie de médecine. Il eut, en 1809, le
malheur de perdre Kourcroy. La chaire de chimie n’appartenait plus à personne. Il fallait,
pour l’occuper, l’obtenir au concours , et avoir le titre de docteur en médecine. Ce titre, Vau-
ipielin ne l'avait pas, mais il eu était digne, et par des connaissances médicales très-étendues,
et par d’autres connaissances que n’ont pas toujours les médecins de profession. Il écrivit sur
l'analyse de la matière cérébrale, dans l'homme et les animaux, une Thèse qui lui valut à la
fois le doctorat et la chaire. L’estime , le respect , la crainte , le sentiment que l’on avait de sa
supériorité , tout concourut à écarter ses rivaux. Il triompha sans combattre, et la chaire
vint à lui plutôt qu'il n'alla à elle... »
Que servirait de présenter ici In longue énumération des travaux chimiques de Vnuquelin ?
Ces détails n’apprendraient rien aux chimistes de profession , auxquels les nombreux travaux
de ce savant sont si familiers, travaux dont les ouvrages spéciaux sont en quelque sorte rem-
plis? Qui ne sait que parmi les corps nouveaux qu’il a découverts se trouve en première ligne
le chrome , métal qu'il relira le premier du plomb rouge de Sibérie , et qu’il retrouva dans lo
rubis spinelle, à l’état d’acide; découverte du plus grand intérêt pour la teinture, pour l’art
do colorer le verre, les émaux et la porcelaine? Il trouva, dans l’aigue-marine et dans l’éme-
raude, une terre nouvelle, la glucine, que d'autres chimistes avaient longtemps confondue
avec l'alumine. Il faudrait citer du moins ses recherches sur l’asparagine, sur les quinquinas,
sur les acides pectique, citrique, tartareux, sur la conversion des acides les uns dans les
autres , sur l’identité de l’acide pyroligneux avec l’acide acétique, sur celle du sucre avec la
gomme et la fécule, et une multitude d’autres travaux qu’il exécuta tantôt seul, tantôt en
collaboration avec Kourcroy ou d’autres chimistes , mais qui portent tous l’empreinte d’mio
étude sévère, profonde, attontivo, comme ils se distinguent par les vues d’utilité et d’applica-
tion qu’il s'efforcait toujours d’y rattacher.
Vauquelin était d’une taille élevée, d’une physionomie ouverte et calme, où se réfléchissait
la sérénité de son esprit, qu’animait seulement deux grands yeux noirs, d’un regard plus ferme
que pénétrant , et oh se peignaient à la fois l’intclligonce et la bonté. Dans les épanchements
de son «eur, il aimait à parler du lieu de sa naissance, do In pauvreté de ses parents, de
l'humilité de sa condition, des rudes épreuves do son premier ège. Il faisait presque etiaque
année le voyage d’Hébertot , non pour y promener l’orgueil de sa célébrité , mais pour con-
soler, honorer sa mère, pour assurer son bien-être et celui de ses frères, et retrouver au
milieu des siens ces vires affections de famille dont les premières impressions sont ineffaça-
bles, et qu'il étendait jusque sur ses élèves. Il eut, en (827, l'honneur d'être élu député par
10 département du Calvados. Arrivé à la fin de sa carrière, entourée de la considération la
mieux méritée, rien n’eût manqué & son existence, si sa santé depuis quelque temps chance-
lante ne se fût assez rapidement altérée. Il voulut encore aller respirer l’air natal. Après dès
alternatives do bien et do mal , une imprudence accéléra la funeste catastrophe. Malgré les
soins les plus éclairés , il sentit sa lin s'approcher, et occupé dans ces moments suprêmes de
quelques vers de Virgile qu’il essayait de traduire, il expira tranquillement en novembre 1829.
11 était Agé de 66 ans.
Laugier était depuis un an préparateur du cours de Fourcroy, son parent, et le suppléait
parfois dans ses leçons, lorsque Vauquelin vint occuper la chaire île chimie appliquée, au
Muséum. André Laugier, né à Paris en 1770, était fils du trésorier des Quiuze-Vingts. Un
homme puissant de l'époque, d'une moralité fort suspecte, niais ayant la haute main sur
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PRKVlfcRK I* V 11 T I B .
l'établissement, oui la |»onséedo prélever une certaine somme sur la caisse do l'administration
et proposa à Laurier père do surcharger ses comptes. L'intègre comptable s’y refusa avec
indignation, et la vengeance ne se lit point attendre. I ne lettre de cachet fut lancée* contre lui,
et il perdit non-seulement son emploi , mais une partie de sa fortune. L’aisance de sa famille
se trouva fort restreinte, et l’éducation «lu jeune André s'en ressentit quelque peu. Cependant,
on le plaça à Picpus. puis au collège «le Lisieux, à Paris; il obtint «piolqucs succès dans ses
classes, bien qu'il fût peu encouragé par ses maîtres, et, à ce sujet, il racontait lui-mème
une aventure de collège, bien capable en effet «l’éteindre plutôt «pu* «l’exciter son émulation.
Sa classe comptait prés «b* cent élèves; il était le plus jeune do tous, et rarement dans les
compositions il dépassait le quarantième. Le professeur ne s'étonnait nullement «le ne pas le
voir figurer en meilleur rang, l’Age «le l’enfant lui en indiipiait le vrai motif. Cependant, après
quelques efforts, Laugier se lit jour et obtint une «|«-s premières places. Heureux de «•«* petit
triomphe, il en attendait la récompense , lors«pi’«m le manda chez le frère correcteur, el là le
succès du fils fut traité avec autant «le justice que la probité «lu père. Encore était-il «pie le
professeur préloudnit légitimer cet acte «le brutale sévérité par un raisonnement spécieux, car
il disait ; «« Je tu* sévissais pas contre lui, parce «pie j«* ne le croyais pas capable «le mieux
faire; mais, puisqu'il vient d'obtenir une bonne place, il est évi«lent que c'était sa faute, et
«pie, par conséquent, il doit être puni pour le passé. »
Ses études étaient terminées en 1788. La chimie, à cette époque, préludait au brillant essor
qu'elle allait prendre dans les dernières années du siècle ; Fourcrov était l'un de ses élo«ju. nts
interprètes, et c'est à son école «pie Laugmr vint puiser les premières notions de celte science.
Il se livra avec ardeur au travail sous ce précieux patronage, mais les événements politi«|ues
ne tardèrent pas à l’y arracher. La France venait d’ètre envahie; l'ennemi se dirigeait sur la
capitale; Laugier se lit soldat et rejoignit l'année; il avait alors vingt-deux ans. tjon équipage
était mince, les pluies étaieuf 'abondantes, les marches f«»reé«*s, et sa santé eut fort à souffrir.
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HISTOIRE. — 1704- 1815.
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Le jeune chimiste n'avait aucune vocation pour le métier des armes, qu’il n'avait embrassé
que par un généreux élan de patriotisme; après six mois do campagne, et lorsque les Prussiens
eurent repassé la frontière, il quitta ce qu'on appelait le camp de la Lune, sans avoir brûlé
une amorce, et n'emportant pour tout trophée que des douleurs de rhumatisme, qui, pendant
tout le reste de sa vio, devinrent pour lui d'importuns souvenirs de son premier fait d'armes.
De retour à Paris en 1794, il fut nommé, sur la recommandation de Fourerov, à un emploi
dans les poudres et salpêtres; mais il ne le posséda que peu de temps. Il venait d’épouser la
fille de Chéradame, chez qui Yauquelin avait fait scs premières études pharmaceutiques, et
Laugier se décida à prendre le même parti. L’étude qu'il avait faite de la chimie lui devenait
d’un grand secours, et il fut bicntûl en état de gérer la pharmacie de sou beau-père. Mais, au
même moment, l'expédition d’Égypte ayant été résolue, il ne résista point au désir d'en faire
partie, et il obtint en effet uu emploi de pharmacien major. Arrivé à Toulon, il tomba malade,
et l’escadre ayant fait voile, il resta attaché à l’hôpital militaire de cette ville; peu de temps
après, il fut chargé de la chaire de chimie à l’école centrale du département du Yar.
En 1799, Laugier fut nommé professeur à l’hôpital militaire d’instruction à Lille, et il y
professait avec distinction, lorsque Fourcroy, devenu directeur de l'instruction publique, le
choisit pour son suppléant au Muséum d'histoire naturelle : la tâche était difficile à remplir ;
Laugier, sans avoir la brillante élocution de Fourcroy, se faisait pourtant remarquer par la
clarté, par la méthode, par une grande lucidité d’exposition; ses leçons étaient très-suivies, et
à la mort du professeur en titre, la chaire de chimie générale lui fut acquise comme un héritage
justement mérité. La plaee qu’il laissait vacante allait être occupée par M. Chevreul.
Fourcroy ne borna point là son affectueuse protection envers Laugier. Il en fit son secrétaire
intime;. au rétablissement de PI Diversité, celui-ci devint chef de bureau dans In division de
l’instruction publique, au ministère de l’intérieur. Il était depuis longtemps professeur d'his-
toire naturelle à l’École de pharmacie de Paris, il en fut nommé sous-directeur en 1811, puis
directeur en 1829, après lu mort de Yauquelin.
Laugier, obligé de se partager entre ses devoirs d’administration et ses recherches scientifi-
ques, ne put jamais donner à celles-ci tout le développement qu’il eût désiré, et pourtant la
liste de ses travaux est encore considérable. Il les dirigea toujours de préférence sur l’analyse
des minéraux, sur la composition des fossiles inorganiques. Ces analyses très-nombreuses
sont d’une telle exactitude qu’elles ont servi de type à Berzélius pour établir son système de
minéralogie. Il s’occupa également de l’analyse des aérolühes, et il a indiqué la meilleure
méthode à suivre pour déterminer la nature et les proportions des éléments que ces pierres
météoriques peuvent contenir. Enfin il a étudié les concrétions calculeuses, et remarqué le
premier ce qui distingue les calculs vésicaux des herbivores de ceux des animaux carnivores.
Laugier mourut en 1832, victime du fléau qui enleva la même année aux sciences Sérullas,
Henry, Plis son. Cuvier et tant d’autres savants. Deux de ses (ils occupent aujourd'hui d’ho-
uoritblcs postes scientifiques, l’un à l’Académie des sciences, l’autre à la Faculté de médecine
de Paris. Son éloge fut prononcé, en présence de l’École et de la Société de pharmacie, par
M. Hnhiquet, de l’Académie des sciences, et c’est de cette intéressante notice que nous avons
tiré les principaux détails que nous venons de reproduire.
La science poursuivait ainsi sa marche progressive, et la prospérité du Muséum se dévelop-
pait avec calme et sécurité, tandis qu’au dehors lu France était menacée par une formidable
coalition. En 1813, les finances de l'État étant absorbées par les besoins de la guerre, on fut
obligé de restreindre les allocations destinées aux sciences. L’administration du Muséum fit
suspendre les travaux commencés, on se borna aux dépenses les plus indispensables; un
grand nombre d’élèves furent obligés de rejoindre les armées; l’enseignement seul n’éprouva
aucune interruption.
L'année suivante, lorsque les troupes étrangères entrèrent à Paris, un corps de Prussiens su
présenta à la porte du Muséum, oii il sc pressait de bivouaquer. Dans le premier moment les
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PREMIERE PARTIE.
professeurs surpris, isolés, n'avaient aucun moyen de communiquer avec l’autorité et étaient
à la discrétion des vainqueurs. Le commandant prussien consentit néanmoins à attendre deux
lieures, avant d'occuper le poste qui lui était assigné. Ce délai suffit aux administrateurs pour
recourir à la protection d’un savant illustre, M. de Humboldt, qui obtint aussitôt une sauve-
garde, et le Muséum fut mis à l’abri de l’occupation. Quelques jours après, les souverains
étrangers en personne venaient en admirer les richesses, la belle ordonnance, et rassurer eux-
mêmes les professeurs sur le sort do ce précieux établissement.
Le Muséum d’histoire naturelle venait d’échapper à un grand danger, qui malheureusement
devait se représenter dès l’aunée suivante. En 1815, les alliés manifestèrent des intentions
moins généreuses ; chaque nation réclama les objets que les guerres précédentes leur avaient
enlevés. Un redemanda au Muséum les collections du Stathouder, et M. Brugmann fut dési-
gné pour en prendre possession; mais ce savant, ayant compris la difficulté d’une pareille
restitution et le tort qu'elle pourrait faire même à l’étude de l’histoire naturelle, se prêta à tous
les moyens de concilier les intérêts de sa patrie et ceux do la science. Il intercéda dans ce sens
auprès de son souverain, qui lui donna de pleins pouvoirs à ce sujet. Il fut donc convenu que
l’on ferait pour la Hollande une collection d’une valeur équivalente à celle que l’on avait
reçue, mais qui serait choisie seulement parmi les doubles du Muséum. Cette collection, com-
posée de dix-huit mille échantillons, était évidemment plus riche et plus précieuse que celle
«pii composait l’ancien cabinet du Stathouder. L’empereur d’Autriche, loin de rieu réclamer,
lit don à l’établissement de plusieurs plantes qu’il ne possédait pas encore, o4 de deux collec-
tions, l’une de vers intestinaux, faite par M. Bremsor, l’autre de champignons modelés en cire.
H y joignit un catalogue des doubles de son cabinet, parmi lesquels les professeurs étaient
invités à choisir les objets qui manquaient au Muséum, à la charge de les remplacer par des
échanges. D’autres souverains exigèrent davantage. Des pierres précieuses, des livres et des
objets do diverse nature retournèrent ainsi à leurs anciens propriétaires, et firent dans le cabi-
net quelques vides, qui, heureusement, ne tardèrent pas à être comblés.
CINQUIÈME PÉRIODE
1815- 1853
Pendant les premières années qui suivirent la paix générale, le budget du Muséum fut
«l’abord réduit, puis ramené au taux précédent, puis il reçut quelques allocations extraordi-
naires. On augmenta beaucoup l’étendue du cabinet d'anatomie comparée. En 1818, on com-
mença In construction d'une ménagerie pour les animaux féroces, qui fut terminée en 1821 ;
on continua à acquérir les terrains qui bordaient encore la rue «le Seine, et «jue l'on convertit
aussitôt en parcs; on se prépara également à élever de nouvelles serres destinées aux végé-
taux exotiques récemment parvenus de Cayenne et de l’Inde.
Les grands événements qui venaient «le s'accomplir n'avaient pas interrompu les voyages
scientifiques, et le Muséum en recueillait chaque jour les fruits aussi abondants que précieux.
MM. Diard et Duvaucel avaient fait parvenir des envois considérables de Calcutta et «le Suma-
tra, M. Leschcnault en avait adressé d’autres de Pondichéry et de Chandernagor; on en avait
reçu «lu Brésil par M. Auguste Saint-Hilaire, de l’Amérique septentrionale par M. Milbert;
M. de Lalande qui était allé au Cap, et qui avait pénétré fort avant dans l’intérieur d«; l’Afri-
que, avait rapporté la collection znologiquo la plus nombreuse «|uu l’on eftt reçue depuis celle
«le Péron et de Baudin.
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HISTOIRE. — 1815-1853. 135
D'autres voyageurs, ajoute Deleuze, qui n’avaient pas une mission spéciale s’empressèrent
de donner également des preuves de leur zèle pour la science. M. Dussuniier Fonbrune, négo-
ciant de Bordeaux, envoya un grand nombre d’objets des Philippines; M. Stéven, savaut natu-
raliste au service de la Russie, qui avait passe douze ans dans la Tauride et le Caucase, offrit
au Muséum les principales plantes de cette contrée; Dumont d’Urville, alors lieutenaut de
vaisseau, celles qu’il avait recueillies dans les îles de l’Archipel et sur les bords du Pont-
Kuxin; Freycinet, récemment arrivé de son voyage aux Terros-Aust raies, rapporta une col-
lection en tout geure faite par les naturalistes de l’expédition, MM. Oaudichaud, Quoy et
(iaimard. Le capitaine Philibert, chargé de parcourir les mers de l’Asie et d’aller à la Guyane
française, ayant pris à son bord M. Perrottet, ce jeune naturaliste rapporta cent cinquante-
huit espèces d’arbres et arbustes vivants, dont la plupart n’existaient dans aucun jardin de
l'Europe. A celte collection végétale, la plus précieuse qui fût encore parvenue au Muséum,
étaient joints quelques oiseaux rares, ainsi que le Gymnote, poisson célèbre qui donne à
volonté de violentes commotions électriques; enfin le baron Milius, commandant de 171e
Bourbon, venait de rapporter quelques animaux vivants et divers objets d’histoire naturelle.
Un zèle si ardent, si louable, et les conquêtes scientifiques qui en étaient les résultats, dé-
terminèrent le gouvernement à prendre une mesure propre à régulariser et à rendre encore
plus profitables les expéditions scientifiques. In fonds annuel de 20,000 francs fut destiné à
attacher au Muséum des élèves voyageurs. Ces élèves, nommés sur la présentation des profes-
seurs et examinés par eux, furent dès lors envoyés successivement dans toutes les contrées
encore mal explorées, munis d’instructions spéciales sur les recherches qu’ils avaient à y faire.
Ils furent chargés en outre d’entretenir une correspondance active avec le Muséum, et non-
seulement de recueillir tout ce qui pourrait accroître nos richesses naturelles, mais de natura-
liser au delà des mers les produits de notre agriculture.
Malheureusement, la première application que l’on fit de cette utile mesure n’eut qu’un
funeste résultat. Des trois voyageurs partis en 1820, deux périrent victimes de leur zèle, en
arrivant à leur destination. Godefroy, appelé par la variété de ses talents à rendre de grands
services à la science, fut tué dans une émeute, par les naturels du pays, peu de jours après
sou débarquement à Manille. Ilavet, jeune homme à la fois distingué par son esprit, par son
savoir et par son caractère, mourut à Madagascar, à la suite des fatigues qu’il avait éprouvées.
Le troisième, M. Plée, arriva heureusement aux Antilles, d’où il fit parvenir au Muséum d’im-
portantes collections.
De pareils exemples , loin de décourager les jeunes navigateurs , ne firent qu’enflammer
leur zèle. Ces champions intrépides de la science ne comptent pas avec les sacrifices que cette
noble mission leur impose. Quelques pas de plus faits par eux dans le vaste champ de la
nature, quelque utile découverte à laquelle leur nom pourra se rattacher, voilà ce qui les
dédommage des privations et des dangers auxquels ils s'exposent avec tant d’abnégation
personnelle. Il nous en coûte de ne pouvoir reproduire ici la liste complète do cette phalange
courageuse; mais, du moins, arrêtons un moment nos regards sur l’un do ses membres les
plus dignes de nos souvenirs comme de nos regrets.
Danc le cours de l’automne 1826, un jeune hommo, déjà cbnnu dans la science par des
travaux remarquables , s’embarquait au Havre pour les États-Lnis. Il allait chercher, sous un
climat étranger , des impressions d'une nature nouvelle et quelque soulagement à de vifs cha-
grins, à des peines de cœur. V ictor Jncquemont était né à Paris en 180!. Ses études termi-
nées, son père désira qu’il apprît la médecine, et le fit entrer, pour étudier la chimie, dans le
laboratoire de M. Thénard. Lejeune adepte faisait quelques expériences, lorsqu'un vase rempli
do cvanogèue se brisa entre ses mains, et il respira une partie de ce gaz. Il en résulta de graves
symptômes d’une phthisie laryngée, qui altéra sa santé assez profondément pour l’obliger à
passer plusieurs mois à la campagne. Pendant sa convalescence, il s’occupa de botanique,
d’agriculture, de géologie. Sa vocation était décidée : il allait être naturaliste. Il entreprit
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136 PREMIÈRE PXRTIK.
aussitôt quelques voyages en Auvergne, dans les Cévenne>, dans les Alpes, préludes de
courses plus lointaines , et des périls qu’il se disposait résol û ment à affronter.
Après quelque séjour à New-York, qu'habitait un de ses frères, Victor Jacquemont partit
pour Saint-Domingue, où il reçut de l'administration du Muséum la proposition d’entreprendre
dans l'Inde un voyage conçu d'après des vues toutes nouvelles. 11 s'agissait non-seulement
d’y faire des recherches d'IIistoiro naturelle, mais de recueillir des documents étendus sur la
statistique , sur les races , les mœurs et les habitudes des ludous. I,e jeune savant hésita
d'abord, craignant de rester au-dessous d'une pareille tâche; puis, après avoir réfléchi, il
accepta cette mission. Il alla à Londres pour se familiariser avec la langue anglaise , et pour
se ménager des protections dans les pays qu’il allait parcourir, puis il vint à Paris pour sou-
mettre aux professeurs du Muséum le plan de son voyage et pour prendre congé de ses amis.
Au mois d'août 1828 , il s'embarqua à Brest sur la Zélée . Il n’arriva qu’en mai 1829 à Cal-
cutta, mais le navire avait relâché successivement à Ténériffe, à Rio-de-Janeiro, au cap «le
Bonne- Espérance , â Bourbon et à Pondichéry. Il fut accueilli avec bienveillance par les prin-
cipaux personnages de l'Inde anglaise, entre autres par William Bentinck. gouverneur général.
Après six mois «le séjour à Calcutta, ses prépnrutifs terminés, il se mit en route avec une
escorte considérable et se dirigea vers Bernarès, la ville sainte dos Indous. Dans les premiers
mois de 1830, il visita Mirzapour, les mines dh diamant de Panna, Dehli, où il fui présenté
au gran«l niogol, Schah- Mohammed, descendant deTanierlan. Il fui conduit en gramlo pompe
à l'audience de l’Empereur, escorté d’un régiment d’infanterie, d’un détachement «le cavalerie,
d’une armée «le domesli«|uos et d’une troupe d’éléphants richement caparaçonnés. Schah-
Mohammed lui offrit un vêtement d'honneur, et attacha lui-même «X son turban de mngnifl«|u«*s
pierreries. Au mois d’avril, le jeune voyageur, avec une suite de cinquante jjersonnes, se
dirigea vers le Nord; il remonta jus«|u’aux sources du Gange , il gravit les flancs «le rilima-
laiu , couverts de neiges perpétuelles, puis redescendit le long de ses gradins septentrionaux,
eu s’approchant des frontières «le la Chine. IViuiaut cetle partie du voyage, il éprouva une
longue série «le fatigues, de privations et «le misères, qu’il supporta pendant plus de cin«| mois
avec un courage admirable. Il souffre «le la faim, de la soif; il est assailli «le tempi’U's dont la
violence nous est inconnue; les nuits sont glacées et sans sommeil; ses gens se révoltent; il
les ré«luit à l’obéissance par s«»n énergie, et, au milieu «le tous ces périls, il ne |w>r«l pas une
occasion «le recueillir, chemin faisant, toutes les productions naturelles qu'offrent à ses regards
ces étranges contrées.
Il arrive enfin sur les limites «le la Chine, au pays «le Kanawer, et ne peut résister au désir
de pénétrer dans le céleste Empire. Il se décide à traverser, avec qu«*lques montagnards bien
armés, d’imnienst's déserts, des populations hostiles, et à gravir des montagnes «|ui parais-
sent inaccessibles. Il trouve sur son passage un fort bi»»n défendu; il ordonne à son escorte de
se former en colonne et inarche hardiment à sa Me. I/* commandant veut s'opposer à cette
violation du territoire et s’approche de Jactjuemont , qui , sans mettre pie«l à terre , le saisi!
par sa longue queue tressée et le jette â bas de son cheval. La garnison , frapp«'*e «le cet
acte d’énergie, le laisse pass«*r avec sa troupe, et, après <|ueh|ues courses sur le sol
chinois et quelques combats* analogues , il rentre dans l’Inde, efi traversant une seconde fois
rilimahiïa.
Au mois «le mars 1831, il passa le Setledje el entra «lans le PtMidjâh, «jni comprend les d«»ux
royaumes de Lahore el de Cachemyr. Il avail reçu dans IcThibet une lettre du général Allard,
oflï»*i«?r français, <|ui lui offrait ses services auprès de R«‘iidjit Singh, Maharadjah «les Seiks,
souverain de ce pays, et «lont Allant commande les armées. iuc«|ueinont passa presque tout
l’été à Lahore et à Cachemyr. Il y vécut en grand seigneur, comblé «les témoignages de l'ami-
tié et de la fnuniflcence de Remljit Singh , logé dans un pavillon royal , ayant une sorte de
cour, un gentilhomme «le la chambre, une compagnie d«»s gardes. Il se livra, grâce à celle
utile protection, à «les recherches fort étendues dans «jos contn*es jusque-là si mal explorées,
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HISTOIRK. — 1815-1853. 137
et quitta Rendjit Singh, ravi de son accueil et comblé de scs bienfaits. Il fait même entendre
que le souverain lui avait offert sérieusement la vice-royauté de Cachemyr.
Au mois de novembre, Jacquemont repassa le Setledje; dès qu’il se retrouva sur le terri-
toire britannique, il renvoya sou escorte et revint à Delhi. Il y fil emballer et embarquer ses
collections sur le üjemnuh, et se prépara à entreprendre un nouveau voyage dans les contrées
méridionales do l'Inde. Il partit, en effet, dés le mois de février 1832. Sou intention était de
visiter toute la presqu’île en deçà du Gange et de s'arrêter à Bombay , après avoir visité le
pays des Marottes et les villes les plus importantes du pays, puis de gagner le cap Comorin,
on logeant la côte de Malabar, enfin de remonter au Mord parle plateau de Misore et de visiter
les montagnes Bleues. Il ne put exécuter qu'en partie ce projet de voyage , le plus complet
que l’on eftt encore entrepris dans les Grandes Indes.
Victor Jacquemont arriva au mois de juin à Pouna , près de Bombay. C’était la saison des
[duies , et le choléra y exerçait <le grands ravages, l.'n de scs domestiques fut atteint du lléau
et en mourut ; lui-même éprouva une violente dyssenterie dont sa sauté , jusque-là si parfaite,
fiait par triompher. Il était d’ailleurs prudent , très-attentif à son régime et à toutes les me-
sures hygiéniques convenables dans des climats si différents du nôtre. Daas le cours de sep-
tembre, avant de revenir à Bombay, il voulut visiter l'tlc de Salsetlc, située au bas du versant
occidental des Ghalos, pays malsain, couvert de forêts. On était dans la saison la plus dange-
reuse de l'année ; il y éprouva les plus rudes fatigues , tantôt sous un ciel brûlant , tantôt au
milieu d'ombrages pestilentiels. A la lin d'octobre, il arriva à Bombay, mais épuisé et malade.
Un négociant anglais, M. Micol, qui le logeait chez lui, le confia aux soins d'uu habile mé-
decin. Jacquemont était atteint d’une inflammation du foie, et, médecin lui-même, il comprit
aussitôt toute la gravité île sa situation. Après trente jours de douleurs, il ne put se faire
aucune illusion sur l’issue de sa maladie et ne songea plus qu'à consoler ses amis , à écrire à
sa famille, à recommander scs collections à ceux qui l'entouraient et qui lui procuraient les
plus tendres soins. Il venait d'être nommé membre de la Légion d'honneur; il commanda
lui-même ses funérailles, se composa une épitaphe aussi simple que modeste, et mourut
le 7 décembre 1832, à l'àge de 31 ans. Su correspondance, recueillie en deux volumes, est
pleine d’intérêt ; elle reste , avec ses riches collections , comme un haut témoignage de l'intré-
pidité, du savoir de ce jeune naturaliste, et justifie tous les regrets qu'une perte aussi cruelle
a dû inspirer aux amis de la science. M. Adrien de Jussieu qui, lui-même, vient d'être enlevé
si prématurément aux sciences naturelles , a publié une notice touchante sur Victor Jacque-
mont , dont il fut l’ami.
Les diverses branches de l'enseignement au Muséum , pendant la période que nous parcou-
rons , et qui s’étend jusqu'à l'heure où nous écrivons ces lignes , conservèrent celte haute re-
nommée conquise à l’aide de talents si variés, si éminents et au prix de tant de nobles efforts.
Heureusement , la majeure partie des professeurs qui en occupaient les chaires à cette dote ,
les occupent encore aujourd’hui; toutefois, depuis 1815, la mort n'a pas laissé d'en mois-
sonner plusieurs et des plus éminents. Après la perle de Cuvier , de Gooffmy-Saint-IIilnirc et
de Victor Audouin , dont la zoologie eut successivement à déplorer la perte , cette science eut
encore à regretter MM. Latreillc cl do Blainville. La chimie, d’abord représentée par Laugier
et Vauquclin , vit passer les chaires occupées par ces deux savants aux mains de Gay-Lussac
et de Sérullas, qui, eux-mêmes, les abandonnèrent à de dignes successeurs; enfin, dans la
botanique, de nouvelles pertes appelèrent Bosc et Adrien de Jussieu à remplacer André Thouin
ainsi que le vénérable Antoine-Laurent do Jussieu, et ces deux botanistes eux-mêmes ont
aussi disparu de la liste des professeurs du Muséum. C’est à retracer quelques truits de
leur biographie et à rappeler leurs principaux titres scientifiques que seront consacrées les
dernières pages do cet écrit.
Louis-Joseph Gay-Lussac naquit, le 6 décembre 1778, à Saint-Léonard , petite ville du
département de la Haule-Vionne, où son grand-père avait été médecin, et où son |>érc exerçait la
n
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138 PREMIÈRE PARTIE.
charge Je procureur du Roi. Il était destiné au barreau , et fut élevé d'abord dans sa ville
natale, puis dans un pensionnat prés de Paris, où il se prépara à subir les examens d’ad-
mission à l'école polytechnique, alors l’école centrale des travaux publics. Admis, en effet,
îles premiers, dans cette célèbre école, il en sortit en 1800, pour entrer dans le service des
ponts et chaussés. Rerthollet, alors professeur de chimie à l’école polytechnique, avait re-
marqué en lui tant do douleur, de zélé et d'intelligence, qu’il voulut le fixer près do lui, et en
fit son répétiteur; c'est chez ce savant que Guy-Lussac connut Laplucc , qui , de son coté . le
dirigea dans la carrière de la physique.
Le premier Mémoire du jeune savant, publié en 1801 , eut pour objet le mode de dilatation
des gaz et des vapeurs. C’est là qu’il établit que In différence des résultats obtenus jusqu'alors
dans celte sorto de recherches n'était due qu’à la présence de l’eau dans les gaz et que, lors-
qu'ils sont parfaitement desséchés, ils se dilatent tous d’une manière uniforme et constante.
Ce travail fut suivi de plusieurs autres : sur le perfectionnement des thermomètres et des
baromètres; sur la tension des vapeurs, leur mélange avec les gaz, leur densité, l'évaporation,
l’hygrométrie et la mesure des effets capillaires. En 1 804 ,’uno occasion s'offrit d’ajouter encore
à cet ensemble de recherches physiques. Il fut chargé, avec M. Riot, d’exécuter une ascension
aérostatique, dans le but de s'assurer si la force magnétique cesse d’agir hors du contact de
la masse terrestre. Le 24 août de celle année, les deux jeunes physiciens entrèrent dans un
aérostat disposé à cet effet , dans le jardin du Conservatoire des Arts et Métiers, et s'élèveront
à une hauteur de près de 4.000 mètres. Ils constatèrent qu’à celte hauteur l’intensité magnétique
se conservait sans altération notable; que l'électricité atmosphérique, constamment négative,
s'accroissait, et que la température s’abaissait graduellement en raison des hauteurs. Le ballon
étant trop petit pour los porter plus haut ensemble , Guy-Lussac recommença seul l’ascension
quelques jours après. Cette fois il parvint à une hauteur de prés de 7,000 mètres, la plus
grande qu’aucun homme ait jamais atteinte, et , pendant cinq heures d’observations, il s’as-
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HISTOIRE. — 1815- 1853.
139
sura que l'air perd environ un degré de chaleur par 174 mètres d'élévation; il recueillit de
l’air à différentes hauteurs, et reconnut, par l’analyse, que l’air des couches élevées de l'at-
mosphère avait la même composition que celui des couches inférieures ; onlln, il recueillit unu
foule d'observations importantes sur le décroissement des pressions des températures et do
l'humidité, à diverses hauteurs. Ces habiles recherches le signalèrent dés lors comme un phy-
sicien très-distingué , et no tardèrent pas à le faire admettre à l'Institut.
A celte époque, M. de Humboldt arrivait de son voyage scientifique dans l'Amérique méri-
dionale : il se prit d’amitié pour Gay-Lussac , et l'associa à ses recherches de physique et do
chimie. Au retour de quelques excursions qu’ils tirent ensemble, en France, en Suisse, en
Italie et en Allemagne, ils s'appliquèrent à des observations d’eudiométrie : ils reconnurent
que, dans la formation de l'eau, un volume de gaz oxygène se combine par la combustion
avec iloux volumes do gaz hydrogène. Plus tard , Gay-Lussac généralisa cette observation , et
il en tira cetto Loi do» volumes , si féconde en applications, bien qu’elle ait tardé à s’établir
dans la science.
Ces travaux furent suivis de longues ci savantes recherches sur l'action de la pile do Volta.
En 1807, MM. Hisinger et Berzélius avaient annoncé le pouvoir du courant voltaïque pour
désunir les éléments des corps composés, et lu faculté qu’il possède de transporter ces élé-
ments A des pèles contraires. L'aimée suivante, llumphry Üavy multiplia les expériences de
cet ordre ; il les varia , les reproduisit avec des appareils d'une grande puissance et finit par
rolirer de la potasse et de la soude , deux substances simples , pourvues de tous les caractères
métalliques, qu’il nomma le Potassium et le Sodium. Ces deux métaux, combinés de nouveau
avec l’oxygène qu’on en avait séparé, reproduisaient les alcalis primitifs. 1 ne découverte
aussi éclatante avait valu nu chimiste anglais le prix de 50,000 francs, proposé par Napoléon,
pour les résultats les plus importants qui seraient obtenus par l'emploi de la pile de Voila.
MM. Gay-Lussac et Thénard s'empressèrent de suivre celte voie nouvelle , qui leur parut fé-
conde en conséquences inattendues. L'Institut venait d’obtenir du Gouvernement les moyens
de faire construire une pile d’une puissance considérable. Gay-Lussac et Thénard furent
chargés de diriger les expériences auxquelles cet appareil était destiné. Dès le mois de mars
1808, ils annonçaient la découverte d'un moyen d'obtenir plus en grand les nouveaux mé-
taux sans l'emploi de la pile, la décomposition de l’acide borique par leur action, etc.; ils
poursuivirent leurs recherches avec activité et en publièrent les résultats, en 1811, dans l’ou-
vrage intitulé : Recherches physico-chimiques, en deux volumes. Davy, de son côté, mit A profit
les recherches des chimistes français pour compléter les siennes ; noble et loyale émulation ,
sans rivalité , qui enrichit la science des faits les plus curieux dont elle eut fait la conquèts
depuis les découvertes de Lavoisier.
En 1813, un manufacturier de Paris, Courtois, avait découvert, dans les lessives do varechs,
une substance qui lui parut nouvelle, et il avait communiqué sa découverte à Gay-Lussac.
Pou de jours après, celui-ci présenta à l’Institut une première note dans laquelle il établissait
les principaux caractères de la nouvelle substance, et lui donnait le nom (Y Iode. Dans lo cou-
rant du même mois, il en lut une seconde sur le même sujet; ces deux notices n'étaient que le
prélude d'un Mémoire trés-étendu qui parut l'année suivante, et qui était une véritable mono-
graphie de l'iode. Ce dernier travail était si complet, quo depuis lors on n'a pu qu'en étendre
les résultats ou perfectionner les procédés employés par l’auteur, sans rien changer aux don-
nées qu'il avait établies. Lo Mémoire de Gay-Lussac sur l’iode est resté un modèle d’explora-
tion chimique; l'étude do la nouvelle substance y est présentée avec une sûreté de jugement
et une finesse de tact qui ne laissent rien d’incertain et d'inobservé ; de l'avis do tous les chi-
mistes, il est aussi parfait qu'un travail de cette nature peut l'être A son temps donné.
L’année suivante, en 1815, Gay-Lussac mit le sceau à sa réputation do chimiste par la
découverte du Cyanogène , ou azoture de cartione. Cette découverte fut d'une haute impor-
tance pour la science, en ce qu'elle offrait le premier exemple d'un corps composé qui, dans
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10
PREMIÈRE PARTIE.
ses combinaison», porte des caractères que l'on n’avait encore remarqué que dans les corps
simples, puis en ce qu'elle modifia profondément la théorie de l’acidité. C'est en effet de ses
deux Mémoires sur l’iode et sur le cyanogène, que Gay-Lussac déduisit sa théorie des Uydra-
cides, l'un des pas les plus brillants que la science oit faits dans les premières années de notro
siècle.
Mais ce n’est pas à ces recherches de science pure, à ces belles théories fondéos sur l'exac-
titude et l'évidenco des faits observés, que devaient se borner les travaux de Gay-Lussac.
Devenu professeur de physique et de chimie à l'École polytechnique, puis au Muséum, il porta
dans son enseignement la dignité sirnplo cl un peu froide de son caractère, la lucidité, la rec-
titude et la justesse habituelles de son esprit. Depuis 1806, il était membre du comité consul-
tatif des arts el manufactures, près le ministère du commerce; en 1808, il fut attaché À l'ad-
ministration des poudres et salpêtres; plus tard, il fut nommé vérificateur à la mounaie. Ces
divers emplois l'amenèrent à faire plusieurs travaux d’application des sciences aux arts et &
l'industrie; il inventa l'alcoolomètre, il construisit un baromètre portatif, perfectionna l’essai des
matières d'or et d'argent, il publia des instructions pratiques d’une grande utilité sur plusieurs
fabrications, sur les chlorures décolorants, sur l'essai des alcalis du commerce, etc. Il faisait
partie de l’Institut depuis l'année 1801. Élu, en 1821, député de la Haute-Vienne, il no rem-
plit dans ce poste politique d'autre rôle que celui d'un savant actif, loyal cl dévoué. En 18.10,
il fut nommé pair de France, et mourut en 1860, dans sa soixante-douzième année, d'une
maladie du cccur. Gay-Lussac avait des goûts simples, modestes, des habitudes d’ordre et de
ponctualité. Les succès qu’il obtint, toujours justifiés par son mérite reconnu, no porteront
jamais ombrage à personne. Parvenu à une fortune honorable et à tous les honneurs que peut
procurer la science, il laissa la mémoire d'un homme intègre, irréprochable, cl de l’un des
savants les plus recommandables dont sa patrie puisse s'honorer.
Georges-Simon Sérullas naquit le 2 novembre 1771. à Pondu, département de l’Ain; l’illus-
tre Bicliat fut son condisciple au collège de Mantua. Le père de Sérullas était notaire, et, pour
obéir à la volonté paternelle, l’enfant fit d’abord quelques études dans cette direction ; mais
son esprit et son goût le portaient vers les sciences naturelles. Les événements de la révolu-
tion vinrent changer sa destinée. La guerre ayant éclaté, il s'enrèln comme simple soldat à
l’âge de dix-sept ans. Il quitta bientôt la carrière militaire active, pour venir prendre à Bourg
quelques notions de pharmacie, et il obtint, en 1793, un emploi de pharmacien militaire dans
l’armée des Alpes. I,e pharmacien en chef, Lauliert, qui avait été professeur de physique à
Naples, ayant remarqué son zèle et son intelligence, le prit en amitié, et lui enseigna la bota-
nique, la physique, ainsi que les premiers éléments de la chimie. Sérullas, à peine ôgé de dix-
neuf ans, fut nommé pharmacien-major.
A l’époque du blocus coutinenlal, Parmentier ayant proposé au ministre de la guerre do
remplacer le sucre par le sirop de raisin, Sérullas fut chargé d’en préparer des quantités
énormes, qui suffirent pendant plusieurs anuées à la consommation des hôpitaux d’Italie. Le
ministre lui donna à ce sujet de hauts témoignages do satisfaction, mais il allait bientôt en
mériter de plus éclatants. Plusieurs sociétés savantes avaient proposé pour sujet do concours
le moyen d’extraire la matière sucrée contenue dans les végétaux indigènes. Sérullas présenta
deux Mémoires; l’un fut couronné, en 1810, par la Société d'agriculture du département de la
Seine; l’autre, en 18(3, par la Société de pharmacie de Paris. Encouragé par de tels succès,
il en poursuivit avec plus d’ardeur sa double carrière, il obtint le grade de pharmacien prin-
cipal, et fit partie du corps d’armée de Ney, qu’il suivit en Allemagne, en Pologne, en Russie;
en 1816, il fut nommé pharmacien en chef et premier professeur à l'hôpital d’instruction do
Metz.
A cette époquo commence pour Sérullas la seconde partie do son existence. Parvenu à l’Age
de quarante-deux ans, il se remet à étudier les mathématiques et le grec,, indispensables à ses
nouvelles fonctions.. il entreprend un cours public de cliimio auquel assistent les officiers du
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HISTOIRE. — 1815-1853. Ml
génie et de l'artillerie, la plupart sortant de l’Ecole polytechnique. Ses jours et ses nuits
s'écoulent dans l’étude. Il publio successivement un travail sur la conversion du sirop de raisin
en alcool, et un Mémoire sur les fumigations cltlonques. En 1820, sous le titre d'Obse real ions
physico-chimiques sur les alliages du potassium et du swlium, il donne des détuils nouveaux
et curieux sur ces deux métaux. Il étudie l'antimoine et fait connaître que toutes les prépara-
tions antimoniales, excepté l’émétique, renferment de l’arsenic. Il désigne, sous le nom do
carbure d’antimoine, un corps obtenu eu chauffant, en vase clos, avec du charbon, une certaine
quantité d'émétique. Il indique les moyens do se servir de cette substauce pour enflammer,
sous l’eau, la poudre à canon. Il produit de beaux travaux sur la formation de l’éther sulfuri-
que, sur les composés do brome, d’iode, de cyanogène. Son courage scientifique s'exerce dans
son laboratoire, comme sur un champ de bataille; il s’expose journellement à perdre la vie,
car ses recherches se portent sur des substances jusqu'alors inconnues, dont les émanations
pouveut être mortelles. L’habile professeur, les mains et le visage couverts de cicatrices, n’en
continue pas moins ses travaux avec passion, et son zèle comme son intrépidité sont couronnés
par des découvertes d’une haute importance qui éveillent l’attention de tous les chimistes de
l'Europe ut attachent à son nom une rapide renommée.
Sérullas, nommé en 1827 membre de l’Académie royale de médecine, fut appelé l’année
suivante au Val-de-Grâce, comme pharmacien en chef et premier professeur. Peu d’années
après il devint le successeur de Vauquelin à l’Académie des sciences; celte haute position lui
valut, en outre, le titre d'oflicier de la Légion d’honneur. C'est à cette époque qu'il annonça
la réaction de l’acide indique sur les sels du morphine, découverte si importante [tour la méde-
cine légale. Eu 1832, il venait d’être nommé professeur de chimie générale au Muséum, en
remplacement de Laugier. Cette chairo, l'une des plus brillantes de l'Europe, réalisait le vceu
le plus cher de sou ambition. Mois déjà ses organes digestifs, altérés par le travail et par les
gaz délétères auxquels il s'était exposé, rccélait les germes d’une maladie chronique qui, sous
l'influence de l'épidémie alors régnante, devait rapidement devenir mortelle. C'est aux funé-
railles de Cuvier qu’il en ressentit les premières atteintes ; peu de jours après il avait succombé,
à l'âge de cinquante-huit ans.
Quelques années avant cette fatale époque de 1832, qui enleva au Muséum, Laugier, Cuvier
et Sérullas, en 1828, la botanique, ou plutôt l'agronomie eut à déplorer la (>erte de M. Bosc,
professeur de culture depuis l'année 1825. Louis-Augustin-Guillaume Bosc, né à Paris
en 1769, était fils de Ilosc d’Antic, l'un des médecins de Louis XV, qui plus tard s’occupa des
arts industriels et à qui l’on doit de bons travaux sur l'art de la verrerie. Le jeune Bosc avait
annoncé, mémo avant de savoir lire, des dispositions singulières pour l’histoire naturelle.
Négligé par une bello-mère qui lui portail peu d’affection, et presque abandonné à lui-même
dans une campagne des environs de Langres, il recueillait des plantes, des minéraux, des
insectes; « il ne se souvenait pas, disait-il, d'avoir eu d'autres jouets, n On le destina à l'art
militaire et ou l’envoya à Dijon pour étudier les mathématiques, mais il suivait de préférence
un cours de botanique, alors professé par Durande avec un certain succès. Il se passionna
aussitôt pour celte science, et surtout pour le système de Linné, qu’il préféra dès lors, et toute
sa vie, à toute autre méthode.
Revenu à Paris avec sa famille, Bosc renonça à la carrière des armes et entra dans les
bureaux du contrôle général, puis à l’administration des postes, où son intelligence lui valut,
à dix-neuf ans, l’emploi de secrétaire do l’intendance. Cependant il continuait à se livrer à
l'étude de l’histoire naturelle; il se lia avec Jussieu et Broussonuct, qui le mirent en rapport
avec lo fameux Roland, depuis ministre, et avec sa femme devenue non moins célèbre. Il ne
s’occupait pas exclusivement de botanique, mais encore d’entomologie, et il lit à cette occa-
sion la connaissance de Fabricius, dont jusque-là , en 1782, il n’avuit pas même entendu
parler. C’est à cotte époque qu’avec Broussonnet et quelques autres naturalistes, il fonda à
Paris la Société linnéenne, sur le modèle de celle de Londres, qui déjà avait rendu à la scieuce
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PREMIÈRE PARTIE.
de notables services. Mais les actes de la Société naissante ne tardèrent pas à être arrêtés par
les troubles civils. Les adeptes se livraient à des recherches très-suivies ; les gens de la cam-
pagne prenaient leurs excursions rurales pour des rassemblements de malintentionnés; à Paris
même, le buste qu’ils avaient érigé, on 1790, sous le grand cèdre du Litian, fut brisé parla
populace qui, au lieu de Charles Linncus, avait cru lire, au-dessous de ce buste : Charles
Neuf.
Roland étant parvenu au ministère, M. d'Ogny, intendant des postes, fut destitué, l’admi-
nistration fut réorganisée . cl Rose devint l’un dos trois administrateurs; en 1793, à la chulo
de Roland, il fut lui-même arrêté, puis rendu un moment h ses fonctions; quelques jours
plus tarif , il était définitivement renvoyé et obligé de se soustraire par la fuite & uno mort
certaine. Il s’était retiré dans une petite maison, située dans la forêt de Montmorency, et dans
laquelle il avait un moment donné asile à Roland. Le jour où madame Roland avait été
arrêtée, elle lui avait conllé sa fille , et c'est dans ses mains qu'elle déposa ses célèbres
Mémoires. Bosc resta quelque temps caché dans celte solitude, revêtu du costume des gens
du pays et se livrant aux mêmes travaux , ce qui ne l'empêcha pas d'y recueillir quelques
malheureux suspects comme lui, entre autres La Roveillèro-Lepcaux , qui, bientôt, allait
devenir l'un des chefs du nouveau Gouvernement. Il racontait qu'un jour, il cachait dans un
petit grenier l’un des députés voués à l'échafaud , au moment où le hasard amenait autour
do la maison, des agents occupés à la recherclio des proscrits. Ce danger écarté, il ne put
offrir à son hôte que des limaçons , des racines sauvages , et las œufs d'une seule poule , qui ,
le lendemain , lui fut enlevée par un oiseau de proie.
Rose ne tira pas grand profit des sorvices qu’il venait de rendre à ces proscrits île la veilla,
devenus des puissants du jour. Cependant , on lui avait promis de le nommer , à la première
vacance, consul aux États-Unis. Il voulait y aller rejoindre son ami Michaux, qui dirigeait à
lu Caroline un jardin du naturalisation. Après avoir vainement uttendu , il partit à pied pour
Bordeaux, et s'embarqua, en 1798, sur un vaisseau américain ; arrivé à Charlestown, il apprit
que Michaux était revenu en France. Il fut nommé pourtant consul à New-Yorck , mais il no
put obtenir son exequalur du président Adams. Il s'eu consola on s'établissant dans le jardin
de Michaux , et en se livrant avec une nouvello ardeur à l’étude de l’histoire naturelle.
Bosc revint en Franco en 1800, apportant des matériaux nombreux, qu’il distribua aussitôt
à tous les naturalistes, car, à l'exemple de J. Banks, c’était pour la science et non pour lui-
même qu'il se livrait à ses laborieuses recherches. Il donna, en effet, scs Insectes à Fabricius et
Il Olivier ,ses Poissons à Lacépède, ses Oiseaux à Baudin , ses Reptiles à Latreille, ne gardant
pour lui-même que les vues générales et le savoir qu'il avait acquis. Cependant, après le 18 bru-
maire , il obtint successivement divers emplois dans les postes et dans les hôpitaux de Paris.
Envoyé en Suisse et en Italie pour des recherches scientifiques, il rapporta do Vérone la bello
collection do Poissons, dont le Muséum s'enrichit. Chaptal le chargea do l’inspection des
jardins et des pépinières de Versailles, il fut ap|>elé au Conseil d'agriculture, au jury de l'École
d'Alfort, et, eu 1806, il devint membre du l’Institut.
C’est à partir de cette époque, qu’il commença cos nombreuses publications, qui rendirent
do si grands services à l’agriculture. Très-versé dans toutes les branches de l’histoire natu-
relle, il en fit de précieuses applications à l’agronomie. Il s'occupait surtout des pépinières
et do la naturalisation des arbres exotiques. Les journaux scientifiques de l’époque, le
Dictionnaire d'histoire naturelle de Béterville sont remplis do ses écrits sur ce sujet. Il
publia une nouvelle édition de l’ouvrage d’Olivier de Serres , le Dictionnaire d'agriculture de
Y Encyclopédie méthodique, un Supplément au cours do l'alibé Rozier, et une foule d'autres
travaux d'une grande importance pour l'agronomie. Bosc ne succéda qu'en 1825, à André
Tliouiu , comme professeur de culture nu Muséum. L’année précédente, surpris dans le Var,
par un violent orage, il avait été. saisi d’une fièvre, qui se convertit en une affection chronique,
et qui devint la source de la maladie dout il mourut en 1828.
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HISTOIRE. — 1815-1853.
113
« Sans les chagrins, dit Cuvier, qui prouonça son éloge à l'Académie des sciences, sans
les accidents qui se combinèrent pour détruire sa santé, Bosc aurait pu longtemps encore se
rendre utile aux sciences et à son pays. La nature l’avait créé vigoureux ; une stature robuste,
une figure noble et calme annonçaient à la fois la force du corps et la pureté de l’àme.
Étranger aux intrigues du moude, ou pourrait dire qu’il l'a été quelquefois aux ménagements
que la société réclame; mais toujours aussi il a été plus sévère encore pour lui-même que
pour les autres. Sa probité inflexible, son dévouement entier à ses amis, un désintéressement
poussé jusqu'à l'exagération , et qui , après tant de travaux et tant d'occasions légitimes
d'améliorer sa fortune, ne laissa à sa famille d’autre ressource que la justice du Gouvernement,
ne marqueront pas moins sa place parmi les hommes que leur caractère désigne au respect
delà postérité , que parmi ceux quo leurs services désignent A sa reconnaissance. »
En 1833 , la Zoologie eut à regretter la perte de Pierre-André Lalrcille, professeur d’ento-
mologie, savant consciencieux et modeste, à qui cette partie de l’histoire naturelle rapporte
de si éminents progrès. Latreille , né à Drives, en 1762, d’abord attaché au Jardin des
Plantes comme aide naturaliste , puis comme répétiteur , devint membre de l'Académie des
sciences, et enfin, professeur au Muséum, en 1820. On lui doit une Histoire naturelle lies
Fourmis, un Cours d'entomologie , une Histoire des Crustacés et des Insectes, et plusieurs
autres ouvrages d'un haut intérêt sur la même branche de Zoologie. On sait qu'il composa
toute la partie entomologique du Régne animal de G. Cuvier.
Après ce largo sacrifice fait , en quelques années , aux nécessités du sort , et pendant une
période assez étendue, aucun nouveau changement n’avait eu lieu dans le personnel do
l'enseignement du Muséum, lorsqu'une perte aussi subite qu’imprévue vint lui enlever un de
ses professeurs les plus éminents. Dans les premiers jours de mai 1850, 11. de Blaioville,
après une brillante leçon faite à la Sorbonne, parti pour aller voir, auprès de Dieppe, une
parente malade , fut trouvé sans vie dans un wagon du chemin de fer , oü il venait de prendre
place depuis quelques instants.
llenri-Marie Ducrolay de Rlainville était né à Arques (Seine-Inférieure) , le 1 2 septembre 1777,
d'une famille noble et distinguée de Normandie. Ayant perdu son père dans un âge encore fort
tendre, après des études assez rapides, il fut placé à l'Écolo militaire de Beaumont. En 1792,
il quitta brusquement cette École et alla chercher un refuge sur un bâtiment qui était en
croisière dans la Manche; il y passa plusieurs mois, et prit part à quelques combats sérieux.
Rentré en France, en 1796, il eut le malheur de perdre sa mère, et, pendant quelques années,
lancé au milieu des troubles et des écarts de la société de l'époque, il resta longtemps incertain
sur la carrière qu’il aurait à suivre. Il avait été successivement élève de l’école de Mars, sous
les tentes de la plaine des Sablons, musicien au Conservatoire de Paris et peintre dans l’atelier
rie David. A vingt-sept ans, il n’avait encore rien d’arrêté pour son avenir, lorsqu’un jour,
entré par hasard au Collège do France , oh il entendit une leçon do Cuvier , il en sortit avec la
résolution rie se vouer désormais à l’étude des sciences et de devenir professeur. Aussitôt
il rompit arec sa vie précédente, se mit à étudier avec ardeur, se fit recevoir docteur on
médecine, et s'exerça au professorat en faisant des cours d’anatomie. Deux ans après, il
suppléait Cuvier dans ses leçons au Colléga de France et au Muséum.
Lorsqu'on 1812, M. de Blainvillo monta pour la première fois dans sa chaire professorale,
Cuvier jouissait déjà dans la science d’une autorité incontestée et d'une gloire éclatante. Il
avait tendu à son jeune émule une main protectrice, l’avait admis aux travaux de son labora-
toire, et le traitait avec une affection toute paternelle. On aurait donc pu s’attendre à voir
M. de Blainville adopter avec confiance les doctrines de ce grand naturaliste, et subordonner
ses propres idées à celles do son illustre patron. « Mais, comnio le remarque M. Milite
Edwards (I), doué d’une inlelligence puissanlc et difficile à convaincre, il ne se contentait
(I) Discours prononcé aux funérailles de M. île Dlain ville, le 7 mai I8.T0.
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I» n F. M 1 f: R K PARTIE.
jamais de la parole du maître, et se plaisait à envisager les choses à des points de vue
nouveaux; il apercevait rapidement le côté vulnérable d’un argument, se préoccupait des
conquêtes qui restent à faits.' plus oncore que des découvertes déjà faites , et, logicien inflexible,
esprit militant, il aimait à peser la valeur des observations et à en déduire des principes
nouveaux. Aussi, loin de vouloir marcher seulement dans les voies déjà aplanies par son
illustre guide, s’engagea-t-il bientôt sur une route nouvelle, où ses progrès furent brillants
et rapides. A raison de la multiplicité de ses travaux, il acquit, en peu de temps, une légitime
renommée, et, jeune encore, il eut la gloire de former école à côté de l'école de son maître. »
On comprend que de telles dispositions devaient, tôt ou tard, séparer ces deux naturalistes,
et c’est, en effet, ce qui arriva. Peu d'années après , chacuu d'eux , tout en suivant dans ses
travaux une ligne analogue, professait des doctrines différentes; n Quel bien, disait blainville,
n Cuvier m'a fait en me retirant sa faveur et sa protection ! Je lui dois ce redoublement pour le
n travail , ce feu dévorant , qui me permettront , je l'espère , de m'élever à sa hauteur, et me
n donneront peut-être des droits à lui succéder. Bans cette rupture qui m'afflige, répétait-il les
n larmes aux yeux , jo me serais engourdi et je ne serais qu'un protégé. » Cette dissidence re-
grettable n’empêcha pas M. de Blainville de poursuivre une honorable carrière et d'atteindre à
tous les honneurs scientifiques réservés à des talents supérieurs. En 1830, il était admis à
l'Académie des sciences, et lorsqu’on 1832 Cuvier fui enlevé d’une manière si rapide, N. de
Blainville fut unanimement désigné, par la voix publique et par le choix de ses confrères, à le
remplacer dans sa chaire du Muséum.
Sans énumérer ici les nombreux travaux de M. de Blainville, qu’il nous soit permis d’en
indiquer on peu de mots le caractère général cl d’en signaler toute l'importance. « A l'exemple
de Cuvier, dit le même savant que nous venons de citer, .M. de Blainville était à la fois anato-
miste, observateur et zoologiste habile, llans ses travaux ardus sur les Mollusques, sur les
Annélides, sur les Zoophytes, sur les Vertébrés, il ne sépara pas l’élude de l'organisation inté-
rieure des animaux de ccllo des affinités naturelles dont nos classifications sont l'expression.
Mais, tandis que Cuvier demandait directement à l'Anatomie comparée les éléments néces-
saires à la construction de l’édifice zoologique, M. de Blainville, considérant les formes exté-
rieures des animaux comme traduisant toujours d’une manière fidèle les caractères essentiels
do l'organisme , chercha à fonder, sur la considération de ces formes , le système à l’aide
duquel les zoologistes s'efforcent de représenter les différences et les ressemblances introduites
par la nature dans la constitution de ces êtres. »
M. <le Blainville présenta d'abord ces résultats généraux dans son Prodrome d'ime nouvelle
distribution systématique du fiègne animal, publié en 181(1, et, plus lard , dans divers articles
du Dictionnaire des sciences naturelles. Ces vues ne furent pas toutes accueillies avec la même
favour; cependant, les progrès de la science sont venus donner à quelques-unes une tardive
mais entière conlirmation. Sans adopter toutes les innovations qnc propose M. de Blainville,
les naturalistes sont unanimes à reconnaître que ce zoologiste rendit à lu science des services
signalés; qu’il y a introduit plus d'une idée heureuse et hardie ; qu'il a ajouté aux faits déjà
connus un grand nombre de faits nouveaux; que tous scs écrits portent l'empreinte d'une
intelligence robuste, et que sa célébrité s'accroîtra encore dans l'avenir. Les erreurs que l’on
peut commettre disparaissent et s'oublient avec le temps ; mais les vérités que l’on découvre
ont une durée étemelle, La science, après la mort de tels hommes ne songe plus aux imper-
fections de leurs œuvres , et n'enregistre dans ses annales que les bienfaits qu'elle en a reçus.
Lorsqu’on 1832, M. de Blainville vint occuper la chaire d'anatomie comparée au Muséum,
il entreprit sur les animaux vertébrés un grand travail destiné à servir de complément et de
pendant à l'immortel ouvrage de Cuvier sur les ossements fossiles. M. de Blainville avait déjà
B2 ans lorsqu’il commença la publication do ce livre monumental, et la vingt-quatrième
livraison était sous presse, quand une mort subite est venue mettre un terme à scs laborieuses
recherches. Mois ce n'est pas là que devait se borner l’activité de cette forte intelligence. Dans
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H1ST0IRK. — 1815-1853. 145
les dernières années de sa vie, M. de Blainville publia une Histoire des sciences naturelles,
dans laquelle il lit preuve d'une immense érudition. C’est une chose digne de remurquo quo
Cuvier et Blainville , tout en appréciant les objets à des points de vue différents, et souvent en
professant des doctrines opposées, se soient retrouvés partout sur le même terrain, tn homme
d'une intelligence ordinaire, ajoute encore M. Jlilne Edwards, n’aurait osé s’engager dans une
pareille lutte, ou bien y aurait promptemeut succombé. M. de Blainville, au contraire, n’a
point iléchi sous le fardeau qu’il s'imposait ; il se sentait la force nécessaire pour fournir la
longue carrière, si glorieusement parcourue par son prédécesseur; et, bien qu’il n’ait laissé
dans la science ni des traces aussi profondes , ni des monuments si beaux , ce n’est pas pour
lui un faible honneur que d’avoir su briller à côté d’un pareille lumière.
M. de Blainville était doué d’une complexion vigoureuse qui promettait de résister à des
méditations soutenues, à des travaux incessants. Ses cours attiraient de nombreux auditeurs.
Son élocution, sans être très-brillante, frappait surtout par l’abondance et l’originalité des
idées. Son imagination était ardente, son cœur excellent. « En le voyant, dit M. C. Prévost,
soutenir et défendre avec une chaleur enthousiaste ce qu’il croyait vrai ou bon , attaquer et
poursuivre avec une ardeur parfois opiniâtre ce qu’il regardait comme faux ou mauvais, ceux
qui l'entendaient livrer à une critique serrée, spirituelle et souvent piquante, les idées qu’il ne
croyait pas devoir admettra de confiance, pouvaient croire son caractère difficile et même inso-
ciable. Pour le connaître, il fallait avoir vécu avec lui dans le tête-à-tête, ou l'avoir vu dans
le monde, en dehors des luttes et des rivalités scientifiques; gai alors, enjoué, aimable, faisant
preuve des connaissances les plus variées, plein de bienveillance et d’aménité, il savait , dans
les salons , faire oublier qu’il était homme de science. Pour avoir l’idée do ce que valait
l'homme, il fallait avoir eu besoin de lui, lui avoir demandé un service, des conseils, lui avoir
accordé et témoigné une entière confiance et avoir acquis la sienne ; alors on ne pouvait plus
se défendre de l’aimer et de l'estimer à jamais. »
Il nous reste à parler de la perte encore toute récente que le Muséum vient d’avoir à dé-
plorer, dans la personne de M. Adrien de Jussieu, mort cette année mémo, 1853, à l’âge
de 55 ans, dans toute la force de son talent et de son intelligence. Fils d’Antoine-I.aurent de
Jussieu , par conséquent petit neveu des trois illustres frères : Antoine , Bernard et Joseph de
Jussieu, ou sait que le dernier survivant île celte savante famille, marchait dignement sur ses
traces glorieuses. Adrien de Jussieu, né à Paris, au Jardin des Plantes, le 23 décembre 1797,
montra do bonne heure qu’il serait digne du beau nom qu’il portait. Après de brillants succès,
obtenus dans ses études classiques ; après avoir remporté le prix d’honneur au concours gé-
néral des collèges de Paris, il hésita quelque temps entre la carrière des sciences et celle de la
littérature; mais il ne pouvait faillir à de tels antécédents. Il dirigea toutes les forces de son
intelligence vers l’étude de la nature, et, s’inspirant des idées qui étaient pour lui un bien de
patrimoine, il devint bientôt un botaniste habile. Mais il comprit que l’héritier des Jussieu ne
devait parler au public qu’avec autorité , et que , par conséquent, il lui fallait être à la fois
sévère dans ses travaux et sobre dans ses écrits ; que des succès éphémères seraient indignes
do son nom, cl qu’il devait préférer un petit nombre d’œuvres irréprochables à une longue
liste de productions incomplètes ou fragiles. Ce respect pour lui-même l’a rendu moins fécond
que beaucoup de scs contemporains , mais chacun de scs travaux porte lo cachet de la matu-
rité , et peut braver impunément toute critique.
Sa première publication fut un excellent Mémoire sur la famille des Euphorbiacécs , qui lui
servit de thèse inaugurale pour obtenir le titre de docteur en médecine. Peu de temps après,
il présentait à l’ Vrademie des sciences plusieurs Mémoires, sur les Rutaeées, sur les Méliacées,
sur les Malpighiacées , monographies complètes qui montraient toute la portée de son esprit
ingénieux et profond , et qui sont regardées comme de véritables modèles. Dés l’année 1824 ,
il fut appelé à suppléer son père au Muséum comme professeur do botanique rurale. Deux ans
après, il lui succédait comme professeur titulaire. En 1831, il venait, cinquième du nom,
»
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140
PREMIÈRE PARTIE.
prendre place à l' Académie des sciences, n Digne héritier, dit M. Milne Edwards , d'un de ees
beaux noms dont l’Université de France sera toujours lière, il était en quelque sorte la per-
sonnification des idées qui, depuis prés d'un siècle, guident et fécondent les travaux des natu-
ralistes. La gloire de ses ancêtres l'entourait comme une auréole et rehaussait l’éclat dont il
brillait lui-même. Il nous était venu précédé de tout un cortège de grands maîtres, et, dans
notre pensée, son imago restera toujours associéoau souvenir de la lignée d’hommes illustres
dont il était le descendant. »
En 1840 , attaché à la Faculté des sciences avec le titre d’agrégé, il vint y occupor, dix ans
plus tard, la chaire de llolauique, rcsléo vacante par la démission de M. do Mirhol. En 1839,
M. de Jussieu publia ses Recherches sur la structure des Plantes monocotylédones. I,a même
sûreté de méthode, lu même prudence d'investigation, la mémo réserve d'hypothèses, lui
permirent d’asseoir sur des bases plus certaines et plus étendues, ce groupe naturel, créé par
son père. On reste émerveillé, dit M. Decaisne, en étudiant ce travail, de la multitude do
faits rassemblés, de la clarté et île la précision de leur coordination, de la sagacité avec
laquelle il a su éviter les écueils oii des maîtres habiles étaient venus échouer. En abordant
dans son grand travail les questions de symétrie florale, de fécondation, d'anatomio comparée,
M. de Jussieu donna à cette oeuvre un degré do perfection quo porsonno encore n'a pu
atteindre.
L'écrit le plus répandu, le plus populaire qu’ait produit Adrien do Jussiou, est un ouvrage
élémentaire de Botanique, qui , sous un petit volume, renferme les données les plus essen-
tielles , les plus positives de la science , considérée dans toutes ses parties ; c'est un modèle
d’exposition, de clarté, de mosure, un résumé remarquable par la netteté du plan, par la
précision des détails, comme par l’élégance du style, l’n seul mot peut en faire apprécier
l’incontestable mérite : publié depuis moins do dix ans, il a bientôt passé dans toutes les
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HISTOIRE. — 1815- 1853. 147
langues de l'Europe , et vingt-quatre mille exemplaires eu sont aujourd’hui répandus dans
les mains de tous les étudiants du monde.
M. do Jussieu était un homme de mœurs simples, douces et pures, d'un jugement exquis,
d'une forte intelligence, d'un esprit orné; sa parole était vive, élégante, variée; son caractéro
plein de lionté, de bienveillance et de douceur dans les relations habituelles, ne manquait ni
de fermeté, ni d'énergie dans les occasions importantes. Personne ne posséda à un plus haut
degré les vertus du foyer domestique. Ses habitudes de famille étaient simples et toutes
patriarcales. A toutes ces qualités du cœur, se joignait un tour d’esprit éminemment français
et une gaieté aimable, qui ont donné au cours de botanique rurale de M. do Jussieu, une
rcuonunée qui ne |>érirn pas. n Rien de plus charmant que ses herborisations, dans lesquelles
le maître s'élevait des notions élémentaires jusqu'aux sommités de la science; rien du plus
louchant que do lo voir entamer et résoudre, à la manière des sages de l'antiquité, les
questions les plus controversées de la Botanique ; il prodiguait , dans ces occasions, les trésors
do son érudition variée, répondant à toutes les questions qu'on lui adressait avec cette
précision, ce sens exquis, cette variété d'images qui trahissait autaut la richesse de sou
esprit que son savoir profond. Ceux qui ont pu vivre avec lui dans cette intimité do l'école,
savent l’heureuse influence de ces herborisations sur les jeunes esprits et quelle sage direction
il a su leur imprimer. »
Lorsque la mort vint trancher prématurément cotte existence si remplie, si noblo, si pure,
M. de Jussieu était président de l’Académie des sciences. Ses collègues, MM. Ad. Ilrongniart,
Duméril, I)evaisne, Milnu Edwards s'empressèrent d’apporter sur sa tombe le tribut de leurs
éloges et de leurs regrets. C'est à eux que nous avons eu recours pour tracer ces lignes;
pouvions-nous trouver de plus éloquentes paroles que celles qu'inspirent la douleur, l'attache-
ment et l'estime pour la mémoire d'un cher et illustre ami î
A cette dernière et cruelle perte s'arrête naturellement lo tableau historique que nous avions
à tracer. C’est à regret que nous n'avons pu donner h cette histoire du Muséum, comme à celle
des hommes qui complètent sa renommée , tous les développements dont un pareil sujet était
susceptible. La splendourdo l'établissement frappe tous les yeux, les richesses qu'il renfemio
excitent l'admiration; mais il fallait dire quels efforts ont coûtés toutes ces merveilles, quels
hommes les ont recueillies , étudiées , en ont tiré do si beaux résultats ; il fallait , sur chaque
pierre du monument , écrire le nom de celui qui l'avait posée. Nous n’avons fait que signaler
ces noms glorieux ; la postérité seuto , dans sa reconnaissance , peut leur offrir un hommage
digne de leur dévouement, de leur génie, des lumières qu'ils ont répandues sur les œuvres de
lu nature, et des services qu’ils ont rendus à lu civilisation.
P.-A. CAP.
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148
PREMIÈRE PARTIE.
ALDR0VAN1)
Ulysse Aldhovand naquit en i.r>27. Un con-
temporain, Isaac Bullarl, qui a publié en 1582 de
nombreuses biographies d'hommes illustres, s'ex-
prime en ces termes sur son compte :
« Si la Grèce a vanté autrefois son Ulysse.
l’Italie no doit pas moins se glorifier de la nais-
sance de celui-ci, qui, non coulent de l'honneur
qu’il avait de sortir des comtes d’Aldrovand, dé-
libéra de rendre son nom recommandable à la
postérité en lui découvrant dans ses doctes écrits
toutes les merveilles qui paraissent sur le théâtre
de l’univers. Poussé de cette généreuse résolu-
tion, il fil de longs voyages pour remarquer la
forme, les inclinations et les qualités des ani-
maux cl des plantes de chaque contrée : il perça
jusqu’aux entrailles de la terre pour reconnaître
la vertu des animaux, passa des yeux dans la ré-
gion de l’air pour considérer tous les oiseaux
qui y volent et y respirent, chercha dans l'océan
et dans les rivières les poissons qui s'v nourris-
sent; puis, remontant de l’esprit dans les deux,
examina la constitution des astres et des météores
avec leurs opérations différentes sur les corps
inférieurs . sans rien laisser échapper à sa con-
naissance de tout ce qui pouvait servir h l'éclair-
cissement de la philosophie naturelle et de la
médecine qu’il avait entrepris d’enseigner à Bo-
logne. »
On voit d’après ce panégyrique qu Aldrovand
«lut être de son temps un homme universel. S'il
n’apporta pas dans ses travaux une méthode irré-
prochable. il eut au moins un très-grand mérite
d'observation et d'infatigable patience.
Retiré à Bologne , il s'occupa de mettre en
ordre ses collections, les décrivit dans ses cours,
et commença une immense publication à laquelle
il associa comme graveurs Laurent Bennino de
Florence, Cornillc Suint de Francfort et Christo-
phe Coriolan de Nuremberg qu'il paya de ses
deniers jusqu'à la fin de sa vie. Pendant la belle
saison, il allait souvent avec eux à une maison
qu'il avait près de Bologne, et il leur faisait co-
pier d’après nature tout ce qui s’offrait à leurs
regards et leur paraissait digne d’élre reproduit
Le sénat de Bologne, le cardinal Monlalle.
François-Marie duc d'Urbin et d’autres seigneurs
italiens s’empressèrent de contribuer aux dépen-
ses qu occasionnaient des travaux si étendus.
Entouré de si magnifiques encouragements,
après avoir publié douze livres de l’histoire «les
oiseaux qu'il dédia nu pape Clément VIII. il re-
mit par son testament toutes ses collections au
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NOTICES HISTORIQUES.
sénat de Bologne dans l'espoir qu’après sa mort
son ouvrage serait continué et ses collections
préservées de l'oubli. Son espérance fut réali-
sée; celle noble compagnie considérant le mérite
de l'ouvrage cl la dernière volonté du testateur,
alloua une somme considérable à Jean-Corneille
Uterverius, de Dclfl en Hollande, et professeur de
l’université de cette ville, et à Thomas Dempster.
gentilhomme1 écossais son collègue, pour -assurer
la publication et l’achèvement de l’ouvrage.
Cette encyclopédie d'histoire naturelle forma j
13 volumes in-folio et fut réimprimée à Francfort I
en 1510.
Aldrovand n’eut pas la joie de voir son ouvrage ,
terminé. Quatre volumes parurent seulement de !
son vivant.
Frappe1 de cécité, il mourut le i mai 1505. âgé ;
de 80 ans.
Le recueil des peintures, qui ont servi d'ori- ;
ginaux aux gravures de cet immense ouvrage, a j
été transporté pendant la révolution au Muséum
«l’histoire naturelle de Paris et fait partie «les
précieuses peintures conservées à la Bibliothèque.
Nous ferons remarquer qu’à cette époque éloi-
gnée, alors que l’étude de l'histoire naturelle
commençait â peine â naître en France, le sénat
de Bologne ne balança pas à consacrer une
somme immense à la publication de l'ouvrage
119
d’Aldrovand; de pareils encouragements sont
honorables à la fois pour le gouvernement qui
les accorde et les savants qui les reçoivent.
D’autres honneurs ne manquèrent pas â Aldro-
vand: le pape Urbain VIII céjébra sa mémoire
dans les vers suivants : •
Multipliées rerum formas quas [wuius et œilier
Exhibe I, et quidquid promit et abdit humus.
Mens haurit, speclant oculi, dmn cuncla sagaci,
Aldrobaxde, tuus digerit arte liber.
Miratur proprios solers induslria fœtus,
Quamquc tnlit moli se neqat esse parem.
Obstupct ipsa simul rerum fectmda creatrix.
Et cupit esse suum quod videt artis opus.
* Les formes variées des choses, tout ce que
nous offrent la mer et les plaines éthérées, tout
ce que nous montre la terre et tout ce qu elle
nous cache dans ses profondeurs, tout cela, l’es-
prit le saisit, les yeux le yoieut, Aldrovand, dans
ion livre, ingénieux assemblage de tant de mer-
veilles. L’art admire son propre ouvrage, et se
déclare inférieur à ce qu’il vient de produire. La
féconde création de toutes les choses est elle-
même frappée d’élonneinent, et. contemplant
cette production de l'art, elle en voudrait être
appelée la mère. »
RÉÀUMUR
R k a u m t a ( René-Antoine Fkrc h aulx d e),
physicien et naturaliste, né à La Rochelle en
1683, mort en 1757, reçu à l'Académie des
sciences dès 1708, i\ l’âge de 23 ans, et pendant
cinquante ans porta ses recherches sur l’histoire
naturelle, la physique générale et la technologie.
Ses travaux sur la cémentation et l’adoucissement
des fers fondus, sur la fabrication du fer-blanc,
sur la porcelaine, sont au nombre des plus utiles
et des plus beaux que puisse citer la science. On
lui doit le thermomètre qui porte son nom et qui
est divisé en quatre-v iugls degrés ; il le lit con-
naître cil 1731. Il contribua par son influence
plus encore que par ses travaux à l’essor que
prirent les sciences d’observation et d'application
au XVIIIe siècle. Outre nombre do mémoires in-
sérés dans le recueil de l’Académie des sciences,
on lui doit des Mémoires pour servir à l'histoire
des insectes f 6 vol. in-4°. 1734-42.
G. Cuvier en parle en ces termes : * L’auteur
déploie au plus haut degré, dans cet ouvrage, la
sagacité dans l'observation et dans la découverte
de tous ces instincts si compliqués et si constants
dans chaque espèce, qui maintiennent ces faibles
créatures. Il pique sans cesse la curiosité par des
détails nouveaux et singuliers. Son style est uu
peu diffus , mais d’une clarté qui rend tout sen-
sible ; et les faits qu'il rapporte sont partout de
la vérité la plus rigoureuse. Cet ouvrage se fait
lire avec l'intérêt du roman le plus attachant.
Malheureusement il n’est pas terminé, et le ma-
nuscrit du septième volume, laissé après la mort
de l’auteur à l'Académie des sciences, s’est trouvé
si en désordre et si incomplet qu’il a été impos-
sible de le publier. Il devait y parler des grillons
et des sauterelles, et les coléoptères auraient rem-
pli le huitième et les suivants. Les six volumes
qui ont para traitent des autres ordres des in-
sectes ailés. Dans les deux premiers, il est ques-
tion des chenilles, de leurs formes, de leur genre
de vie, de leurs métamorphoses en papillons, des
insectes qui les attaquent, ou qui vivent dans
leur intérieur et à leurs dépens. Le troisième
roule sur ces petites chenilles nommées teignes,
ou fausses teignes, qui habitent dans l’intérieur
des substances qu'elles dévorent, ou qui se font
des étuis cl des vêtements pour se mettre à l’abri :
il contient aussi l'histoire si remarquable des pu-
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150
PREMIÈRE PARTIE.
corons qui sucent les arbres et des insectes ana-
logues. Les mouches qui produisent les noix de
(»alle des arbres; les vers dont naissent les mou-
ches à deux ailes, et qui ont des germes de vie
si diversifie**, depuis le cousin, qui habite plu-
sieurs années dans l'eau avant de prendre des
ailes, jusqu'à l'œstre qui se tient dans la chair
des animaux vivants, ou dans leur estomac, ou
dans les fosses les plus profondes de leur gorge
ou de leurs narines, et leur causent des douleurs
effroyables, occupe le quatrième. On trouve dans
le cinquième, après différents genres d’insectes
assez curieux, l'histoire de la merveilleuse répu-
blique des abeilles et de son gouvernement.
Réaumur avait demandé aux géomètres d’expli-
quer quel avait été le motif de la figure déter-
minée des rhombes qui forment le fond de cha-
que cellule d’un rayon de miel ; et Kœnig réso-
lut ce problème en prouvant que c’était de toutes
les formes possibles, dans les conditions don-
nées, celle qui épargnait le plus la matière de la
cire.
Nous devons dire ici que les recherches de
Schirach et surtout celles de Huber ont infiniment
ajouté à tout ce que les découvertes de Réaumur
avaient déjà détonnant; mais l'histoire qu'il a
donnée n’en est pas moins très-riche en faits cu-
rieux dt le produit d'observations faites avec
autant d'esprit que d’assiduité. Des républiques
moins populeuses et moins recherchées dans
leurs ouvrages, celles des bourdons, des frelons,
des guêpes, les industries remarquables des di-
verses guêpes et abeilles solitaires remplissent
le sixième volume, qui est un des plus curieux
de l’ouvrage.
« Réaumur y annonce la découverte surprenante
que Trembley venait de faire du polype et de sa
faculté de se reproduire de chacun de ses tron-
çons. Déjà dans un de ses volumes précédents, il
avait fait connaître celle de Bonnet sur la faculté
qu’a le puceron de se reproduire plusieurs géné-
rations de suite, sans accouplement. Ces natura-
listes, jeunes encore, avaient été excités par sou
exemple, et c’était en marchant sur ses traces
qu’ils avaient observé des faits si curieux. »
La vie de Réaumur se passa fort tranquillement,
tantôt dans s«*s terres en Saintonge, tantôt dans
sa maison de campagne de Bercy près Paris. Il
ne prit point d'emploi et consacra tous ses mo-
ments aux sciences. La considération publique
et une grande déférence de la part du gouverne-
ment suffirent à ses désirs.
Une chute faite eu 1757, au château de la Bcr-
mondière dans le Maine, où il était allé passer
les vacances, accéléra sa fin. 11 mourut le 1 8 oc-
tobre. âgé de 74 ans.
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NOTICES HISTOniOI ES
151
Cu. BONNET
Charles Bonnet, né en 1720, d’une famille
riche cl distinguée par les places qu'elle avait
remplies, fut destiné à la jurisprudence et recul
l'éducation convenable pour s'y préparer : une
conception facile, une imagination heureuse lui
donnèrent de prompts succès dans les lettres et
dans la physique; mais elles ne lui permirent pas
de se livrer d’abord avec plaisir aux méditations
plus abstraites de la philosophie, et encore moins
à l’élude de toutes ces formes, de toutes ces pe-
tites décisions particulières dont tant de codes
sont remplis.
Ce goût pour des idées agréables, pour des
recherches aisées, quoique ingénieuses, était déjà
une disposition favorable pour l'histoire natu-
relle particulière; un hasard le jeta tout à fait
dans eette vocation. Il lut un jour, dans le S/wc-
tacle de la nature, riiistoirc de l’industrie singu-
lière de l'espère d'insecte appelée Formica leo.
Vivement frappé de faits aussi curieux que nou-
veaux pour lui, il ne repose plus qu’il n’ait trouvé
un formica leo; en le cherchant, il trouve bien
d'autres insectes qui ne l'attachent pas moins, fl
parle à tout le monde du nouvel univers qui se
dévoile à lui. On lui apprend Icxistencc de l’ou-
vrage de Réaumur, il l'obtient à force d'impor-
tuner le bibliothécaire public, qui ne voulait pas
d’abord le confier à un si jeune homme ; il le dé-
vore en quelques jours; et court partout pour
chercher les êtres dont Réaumur lui enseignait
l’iiisloire. Ï1 en découvre encore une foule dont
Réaumur n’avait point parlé; et le voila, à seize
ans, devenu naturaliste. Il le serait probable-
ment resté pour la vie, sans les intirmilés qui le
contraignirent de donner une autre direction à
son esprit.
Il entra en quelque sorte à pas de géant dans
la carrière de 1 observation. A dix-huit ans, il
communiquait déjà à Réaumur plusieurs faits in-
téressants. cl à vingt il lui révéla sa belle décou-
verte de la fécondité des pucerons; merveille
inouïe! non moins admirable que la patience
qu’un si jeune homme avait mise à la constater.
L’Académie des sciences ne crut trop pouvoir se
hâter d’inscrire ce jeune observ ateur parmi ses
correspondants.
Bientôt après, un compatriote de Bonnet vint
offrir un plus grand miracle aux savants étonnés :
le polype et sa reproduction indéfinie par la sec-
tion furent publiés j»ar Abraham Trcmbley. Bon-
net aussitôt appliqua le ciseau à tous les animaux
communément appelés imparfaits; il vit les par-
ties coupées renaître dans les vers de terre et
d'eau douce; il en multiplia aussi les individus
en les divisant, quoiqu'il n’y ail aucune compa-
raison à faire entre leur organisation déjà si com-
pliquée, et l’homogénéité presque complète du
polype. Ainsi commença à sc montrer dans les
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152 PREMIERE
animaux une force que l'on avait jusque-là re-
gardée comme réservée aux plantes.
C’est en suivant les vues de Bonnet, que Spal-
lanzani porta jusqu'à leur dernier terme les preuves
de celte force, quand il fit reproduire au limaçon
sa tête avec sa langue, ses mâchoires et scs yeux ;
et à la salamandre ses pattes avec tous leurs os,
leurs muscles, leurs nerfs et leurs vaisseaux.
Celle propriété mise en jeu dans les vers pré-
senta à Bunuel plusieurs phénomènes de détails
faits pour étonner. L’extrémité antérieure fendue
donnait deux têtes qui, à peine formées, deve-
naient ennemies l une de l’autre : lorsque l’on fai-
sait trois tronçons, celui du milieu reproduisait
ordinairement une tête en avant et une queue en
arrière. Mais il y avait aussi quelquefois une sorte
d'erreur de la nature ; le tronçon du milieu pro-
duisait deux queues, et, ne pouvant se nourrir,
était condamné à une prompte d^lruction.
Il semblait qu’il fut de la destinée de Bonnet
que les idées ou les essais incomplets dos autres
lui fissent faire de grandes découvertes et de beaux
ouvrages, et en effet e’«*st moins en concevant des
idées ingénieuses qu'en poursuivant sans relâche
leur développement, que les grands génies ont
marqué leur place. Le germe du calcul différen-
tiel est dans Barrow, celui des forces centrales dans
Huyghens; et Newton n’en est pas moins l'hon-
neur de l'esprit humain.
(Quelques expériences pour faire végéter des
arbustes sans terreau, une conjecture de Calan-
drini sur l'objet de la différence entre les deux
surfaces des feuilles des arbres, firent entrepren-
dre à Bonnet son Traité de l’usaye des feuilles,
l’un des livres les plus importants de physique
végétale que le dix-huitième siècle ail produits.
Non-seulement il retrouva au plus haut degré
dans les végétaux cette force de reproduction, par
laquelle de chaque partie séparée d’un corps or- ,
ganisé. peut à chaque instant renaître le tout ; il
lit principalement remarquer cette action mutuelle
du végétal et des éléments environnants, si bien
calculée par la nature que. dans une multitude de
circonstances, il semble que la plante agisse pour
sa conservation avec sensibilité et discernement.
Ainsi il vil les racines se détourner, se prolon-
ger pour chercher la meilleure nourriture; les
feuilles se tordre quand on leur présente l'hu-
midité dans un sens différent du sens ordinaire,
les brandies se redresser ou se fléchir de diverses
façons pour trouver l'air plus abondant ou plus
pur; toutes les parties de la plante se porter vers
la lumière, quelque étroites que fussent les ou-
vertures par où elle pénétrait. 11 semblait que le
végétal luttât de sagacité cl d'adrebse avec l’ob-
servateur, cl chaque fois que celui-ci présentait
un nouvel appât ou un nouvel obstacle, il voyait
la plante se recourber d’une autre manière et
toujours prendre la position la plus convenable à
son bien-être.
Ces recherches sur les feuilles occupèrent Bon-
PARTIK.
net pendant douze ans : elles forment sou plus
beau titre de gloire, par la logique sévère, par la
sagacité délicate qui y brillent, et par la solidité
de leurs résultats.
Que de secrets aurait pu révéler encore, après
un tel début, un esprit de cette trempe, si la na-
ture lui eût laissé les forces physiques nécessaires
pour l’observation. Mais ses yeux affaiblis par
l'usage du microscope lui refusèrent leur secours,
et son esprit trop actif pour supporter un repos
absolu se jeta dans le champ de la philosophie
spéculative. Dès lors ses ouvrages prirent un au-
tre caractère, et il n’y traita plus que ces ques-
tions générales agitées par les hommes depuis
qu’ils ont le loisir de se livrer à la méditation, et
qui les occuperont encore aussi longtemps que
le monde subsistera.
Nous ne suivrons pas Ch. Bonnet sur ce nou-
veau terrain; nous nous contenterons de signaler
sc> Considérations sur les corps organisés , dans
lesquelles il s'étudia à soutenir la thèse de la
préexistence «les germes pour laquelle il trouva
de puissants soutiens dans Spallanzani et Haller.
Dans un autre ouvrage général, sa Contempla-
tion de la nature, Bonnet s’attacha â celle propo-
sition de Leibnitz, que tout est lié dans l'univers ,
et que la nature ne fait point de saut y mais au lieu
de la restreindre comme le philosophe allemand
aux événements successifs et dans les rapports de
couses et d’effets, ou du moins â l'action et à la
réaction mutuelle des êtres simultanés, il l'appli-
qua aussi aux formes de ces êtres, et aux grada-
tions de leur nature physique et morale.
Celte échelle immense, commençant aux sub-
stances les plus simples et les plus brutes, s'éle-
vant par des degrés infinis aux minéraux régu-
liers, aux plantes, aux zoophytes, aux insectes,
aux animaux supérieurs, à l'homme enfin, et par
lui aux intelligences célestes et se terminant dans
le sein de la divinité; celle gradation régulière
dans le perfectionnement des êtres, présentée avec
le talent de Bonnet, formait un tableau enchan-
teur qui dut gagner beaucoup d’esprits et avoir
beaucoup de partisans.
Pendant longtemps les naturalistes s'appliquè-
rent â remplir les vides que le défaut d'observa-
tions laissait encore, selon eux. dans cette échelle,
et la découverte d’un chaînon de plus dans cette
immense série leur paraissait ce qu’ils pouvaient
trouver de plus intéressant.
Mais quelque agréable que celte idée puisse
paraître â l'imagination, il faut avouer que, prise
dans cette acception et dans celte étendue, elle
n’a rien de réel ; sans doute les êtres de certaines
familles se ressemblent plus ou moins entre eux ;
sans doute il en est, dans quelques-unes, qui par-
tagent certaines propriétés des familles voisines :
la chauve-souris vole comme les oiseaux, le cy-
gne nage comme les poissons; mais ce n’est ni
au dernier quadrupède ni au premier oiseau que
la chauve-souris ressemble le plus. Le dauphin
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NOTICES HISTORIQUES.
lierait les quadrupèdes aux poissons encore mieux I
que le cygne n’y ratlacherail les oiseaux. Ainsi
il y a des rapports multipliés, mais point de ligne
unique; chaque être est une partie qui exerce sur
le tout une influence déterminée, mais non pas
un échelon qui y remplirait une place fixe.
Bonnet eut le malheur de partager, avec d'au-
tres hommes de mérite de son siècle, leur injuste
mépris pour cet art ingénieux de distinguer les
êtres par des marques certaines, que l'on pro-
scrivait sous le nom de nomenclature. Il ne son-
geait pas que c'est en histoire naturelle la base
nécessaire de toute autre recherche, et il ne
soupçonnait pas que c’est le chemin de cet autre
art, bien plus profond, de déterminer la nature
intime des êtres, en établissant entre eux des
rapports rationnels et constants.
Bonnet appartenait à cette classe d'écrivains
habitués dans leurs écrits à plaire A l'imagination
pour pénétrer jusqu’à la raison de leurs lecteurs,
et sa Contemplation de la nature en particulier est
aussi remarquable par l'agrément du style que
par le nombre des faits qui y sont rassemblés et
présentés sous les rapports les plus intéressants :
e’est un des livres que l'on peut mettre avec le
153
plus d'avantage dans les mains «les jeunes gens
pour leur inspirer à la fois le goût de l'étude et
le respect pour la Providence.
Les autres ouvrages de Eh. Bonnet sont l’Essai
de psychologie et l'Essai analytique sur les facultés
de l’dme, enfin sa Palingénésie philosophique. Ses
oeuvres complètes ont été recueillies à Neufchft-
lel en 1779, et forment 18 vol. in-8**. 11 conserva
pendant un assez, long temps ce calme «le l'âme
dont ses écrits portent l’empreinte. Il mourut
heureux et honoré, à l’âge de soixante-treize ans,
à la suite d’un affaiblissement graduel, le 20 mai
1793.
La ville de Genève, glorieuse «l’avoir eu un
tel citoyen, lui décerna «les honneurs publics.
Après ses ouvrages, le monument qui lui fait
le plus «l'honneur, re sont res hommes mêmes
«pie formèrent ses conseils et son exemple, et
nous croyons ajouter un dernier trait au tableau
de sa vie, en traçant immé«liatement à sa suite
celle d’un neveu qui ne fut pas moins illustre, et
qui, sans avoir porté ses idées sur un champ
aussi étendu, a fait des pas plus hardis et plus
sûrs «lans la c.-yrière plus étroite qu’il s'était
tracée. G. Cuvier.
DE SAUSSURE
Cuvier, qui a écrit l’éloge de de Saussure,
rend un éclatant hommage au génie de ce savant,
qu'il appelle son maître et son gui«le. De Saussure
a posé le premier les Imiscs de la science géologi-
que, et a rassemblé les matériaux qui «levaient
servir à construire le magnit'iipie édifice que Cu-
vier a su si bien coordonner on immortalisant
son nom.
Ilcnri-Benedicl «le Saussure est né en 1740, et
est mort en 1799. Il cultiva d'abord la botanique
et lit d'ingénieuses observations sur l'écorcc des
feuilles. L'élude de la structure du globe l'em-
porta bientôt dans son esprit sur celle de la
structure «1«‘$ plantes. « J'ai toujours eu, dit-il
dans un de ses ouvrages, une passion décidée
pour les montagnes; j<? me rnppclh* encore le
saisissement que j’éprouvai la première fois que
mes mains louelièr«‘nt les rochers du Salèv<* et
que m«*s y«?ux jouirent de ses points de vue. A
l'âge de dix-huit ans. j'avais déjà parcouru plu-
sieurs fois les montagnes les plus -voisines d«*
Genève. Mais ces montagnes peu élevées ne sa-
tisfaisaient <pf imparfaitement ma curiosité; je
brûlais du désir de voir de près les Hautes-Alpes.
Enfin, en 1760, j'allai seul et à pied visiter les
glaciers «i«* Cliamouny peu fréquentés alors, et
«lont l'accès passait même pour difficile et dan-
gereux. J'v retournai l’année suivante, et depuis
lors je n'ai pas laissé passer une seule année sans
j faire de grandes courses et même «les voyages
pour l’élude des montagnes. Dans cet espace «le
temps, j’ai traversé quatorze fois la chaîne en-
tière «les Alpes par huit passages différents; j’ai
fait seize autres excursions jusqu'au centre de
celte chaîne; j'ai parcouru le Jura, les Vosges,
les montagnes de la Suisse, «le l'Auvergne, d'une
i partie «le l’Allemagne, et «‘elles de l’Angleterre,
! de l'Italie, «le la Sicile et des îles adjacentes. J'ai
fait tous c«*s voyages, le marteau du mineur à la
! main, sans autre but que celui d'étudier l'histoire
naturelle, gravissant sur toutes les sommiU'*s ac-
rtssibles qui me promettaient quelque observation
intéressante. et emportant toujours d«>s échantil-
lons des mines et des roches, surtout «le celles
i qui m’avaient présenté quelque fait important
pour la lltforie. afin de les revoir et «Dr les
étudier à loisir. »
Il n'avait pu encore gravir jusqu'à la rime du
Mont-Blanc «|u‘il voyait chaque jour de sa fenêtre.
, Dix fois il l’avait en qu<*hjue sorte ntta<jué par
les vallées qui y aboutissent; il en avait fait le
j tour ; il l’avait examiné du sommet d«*s monta-
i gnes voisines et l'avait toujours trouvé inacces-
1 sible, lorstpi'il apprit, le 18 août 1787, que deux
; habitants «le Chamoiinv. en suivant le chemin le
j plus direct, venaient de s'élever la veille à celle
cime qu'aucun mortel n'avait «‘neore atteinte,
i On peut juger de son ompr«‘ssomcnt à suivre
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PREMIÈRE PARTIE.
154
leurs traces; le 19 août, il était déjà à Chamouny,
mais les pluies et les neiges l'arrêtèrent encore
cette année. Ce ne fut que le 21 juillet 1788 qu'il
obtint enfin cet objet principal «le ses vœux.
Accompagné d’un doincslhpic et de dix-huit
guides qu’encouragèrent ses promesses et son
exemple, après avoir monté pendant «leux jours,
et couché deux nuits au milieu «les neiges; après
avoir vu sous ses pieds d'horribles crevasses, et
entendu rouler à ses côtés deux énormes avalan-
ches, il arriva à la cime vers le milieu de la troi-
sième journée.
Ses premiers regards, dit-il, se tournèrent vers.
Chamouny, d'où sa famille le suivait avec un té-
lescope, et où il eut le plaisir de voir flotter un
pavillon, signal convtmu pour lui faire connaître
qu'on avait aperçu son arrivée, et que les in-
quiétudes sur son sort étaient au moins suspen-
dues. Il se livra ensuite avec calme et penduiit
plusieurs heures aux expériences qu'il sciait pro-
posées, quoique, à cette hauteur de 21,000 pieds,
la rareté de l'air accélérât le pouls comme une
fièvre ardente et épuisât de fatigue au moindre
mouvement, qu'une soif cruelle se fit sentir dans
ces régions glacées, comme «huis les sables de
l’Afrique, et que la neige, en répercutant la lu-
mière, y éblouit et brûlât le visage ; on y retrou-
vait à la fois les inconvénients du pôle et du tro-
pique, et de Saussure, dans un voyage de quel-
ques lieues, bravait presque autant de souffrances
que s’il eut fait le tour du monde.
Hiche de tant de trésors d'observations si péni-
blement a«*4|uises, de Saussure eut le courage de
résister à la tentation de bâtir un système à lui.
Cuvier a fait de cette particularité le trait princi-
pal de son éloge: il s’arrête à contempler cet
homme qui, apnS de si longues imhlitations et de
si grands travaux, se demande ce qu’il a fait, ce
qui lui reste à faire, et, qui trouvant la science
encore bien pauvre en comparaison de ce qu’il lui
faut acquérir encore, ne veut pas conclure et
abandonne à scs successeurs l«* mérite de termi-
ner son œuvre.
DE CANDOLLE
L’année 1778, qui vit mourir Voltaire et J. -J.
Rousseau, vit naître Augustin Pyramus de
C a nii o l le, à Genève, le 4 février, un mois
après la mort de Linné, deux mois après la mort
de Haller, trois mois après celle do Bernard de
Jussieu.
Rapprochement singulier, et qui l’est d'autant
plus, que de Candolle semble s'ôtre imposé la tâ-
che de continuer, et si l'on peut ainsi dire, de
rendre à la Imlaniquc ces trois grands hommes. Il
disait lui-même, en souriant, qu’il avait publié la
Flore française pour imiter Haller, la Théorie élé-
mentaire de la botanique pour être «ligne de Ber-
nard de Jussieu, et 1 e Système naturel des végétaux
pour remplacer l’ouvrage de Linné.
Il se livra d’abord à la littérature pour laquelle
il avait un goût très-prononcé, et fit quelques vers
qui oblinriMH l'approbation de Florian, ami de son
père; mais, à l’Age de seize ans, il donna une autre
direction à ses études, et se livra exclusivement
à l’étude des sciences naturelles. A dix-huit ans,
il vint à Paris, et après un séjour de cinq années,
pendant !<?squcllcs il étudia à fond la botanique,
il publia, à la prière de Desfontaines, son His-
toire des plantes grasses, <|ui commença sa répu-
tation. Mais bientôt un travail d’un ordre plus
élevé, cl surtout d’un caractère plus original, vint
marquer beaucoup mieux le rang qu'il devait
prendre dans la science.
Il eut l’heureuse idée de s’occuper du som-
meil des plantes. Il s'assura d’abord que l’air
n’était pour rien dans ce phénomène, car des
plantes dormantes plongées dans l'eau y passè-
rent du sommeil à la veille et de la veille au
sommeil comme â l’ordinaire.
L'action de l’air étant exclue, restait celle de la
lumière. Des plantes dormantes furent donc pla-
cées dans l’obscurité, et tour â tour soumises ou
à l’action de cette obscurité même, où à l’action
de la lumière. Or, en éclairant ces plantes pen-
dant la nuit et en les laissant dans l'obscurité
pendant le jour, M. de Candolle parvint à chan-
ger complètement les heures de leur veille et de
leur sommeil; il vit les plantes diurnes s'épanouir
le soir.
Aidé de la seule lumière artificielle, il avait
coloré en vert les plantes étiolées comme le fait
le soleil, il avait changé les heures du sommeil
et du réveil des plantes, il avait prouvé, et ceci
est bien plus remarquable, que les plantes ont
des habitudes ; car ce n’est pas tout de suite, ce
n'est qu’au bout d’un certain temps qu'elles per-
dent leurs heures ordinaires pour en prendre
d’autres.
La vie des plantes est donc un phénomène
bien plus compliqué, bien plus rapproché de la
vie des animaux qu’on ne l’avait soupçonné en-
core: elles ont leur action, leur repos, leur som-
meil, leur veille, leurs habitudes.
Par ce remarquable travail, de Candolle venait
de passer du rang d’élève à celui de maître; l’A-
cadémie. quoiqu'il n'eut encore que \ingt-deux
ans, l'inscrivait sur la liste de scs candidats :
Adanson disait, en parlant de lui, qu'il était dans
les grands chemins de la science. Lamarck lui
confiait la seconde édition de la Flore française ,
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155
NOTICES HISTORIQUES.
el Georges» Cuvier le choisissait pour son sup-
pliant à la chaire d'histoire naturelle du Collège
de France.
Celte noble mission fut pour de Candolle le but
et l'occasion de voyages nombreux el pleins de
fatigues.
u La botanique, dit Fontencllc, n'est pas une
science sédentaire et paresseuse, qui se puisse
acquérir dans le repos et dans l'ombre du cabinet...
Elle veut que I on coure les montagnes cl les
forêts, que l'on gravisse contre des rochers es-
carpés, que l’on s’expose au bord des précipices.»
Ce que Fonlenelic écrivait pour Tourueforl peut
s'appliquer à de Candolle. La seule exploration
des hautes régions des Alpes par ce botaniste
prouve que l'enthousiasme de la science a une
intrépidité qui ne le cède à aucune autre. Un jour,
il veut gagner le Grand-Sainl-Bernard par le col
Saint-Remi, passage presque impraticable. Le col
franchi, reste une pente très-inclinée, fortement
gelée, et qui se termine par un précipice. Les
guides marchaient en avant, marquant les pas
dans la neige avec leurs bâtons ferrés. Notre
voyageur suivait en silence; tout à coup le pied
lui manque et, glissant avec une effroyable rapi-
dité, il entend les cris de détresse de ses guides
qui ne peuvent lui porter aucun secours. Enfin, il
aperçoit une petite fente dans la glace; il y en-
fonce fortement son bâton, cl ce bâton l'arrête.
Aux cris de détresse succèdent des cris de joie;
le plus intrépide de scs guides vient à lui par un
long détour, et lui traçant un chemin dans la
neige, le conduit dans un lieu sûr. a Ah ! lui dit
alors ce brave homme en F embrassant, persoune
ne m’avait jamais donné autant d'inquiétude. »
La mort d’Adanson laissant une place vacante
à l'Institut, de Candolle se présenta, mais Palisot
de Beauvois l'emporta. Cet échec fut très-sensi-
ble pour de Candolle, qui accepta la chaire de
botanique que lui offrait avec empressement la
Faculté de Montpellier.
La brusquerie de Crclcl, alors ministre de l'in-
térieur, nous dévoile à quel point de Candolle était
apprécié comme savant. De Candolle et Laplace
se trouvaient chez le ministre, et Laplace. voulant
exprimer par quelques paroles flatteuses la haute
estime qu’il portait à de Candolle, dit au ministre :
« Monseigneur, vous nous jouez un mauvais tour;
nous comptions avoir bientôt II. de Candolle à
l'Institut. — Votre Institut ! votre Institut! s'écrie
M. Crelet. — Eh quoi! répond Laplace tout
étonné. — Savez-vous que j’ai envie quelquefois
de faire tirer un coup de canon sur votre Insti-
tut? Oui, Monsieur, un coup de canon pour en
disperser les membres dans toute la France. N’est-
ce pas une chose déplorable de voir toutes les
lumières concentrées dans Paris, et les provinces
dans l’ignorance? J’envoie M. de Candolle à
Montpellier pour y porter de l'activité. »
L’enseignement de de Candolle à Montpellier
y ranima en effet toutes les études
I Dans sa Théorie élémentaire de botanique, de
! Candolle a posé les premières bases de sa théorie
générale sur l’organisation des êtres.
Selon lui, chaque classe d'êtres est soumise à
un plan général, cl ce plan général est toujours
symétrique. Tous les êtres organisés pris dans
leur nature intime sont symétriques.
Mais cette symétrie, comment la déterminer?
Elle est rarement le fait qui subsiste, elle est
souvent altérée, et il faut remonter à la symétrie
primitive à travers toutes les irrégularités subsé-
quentes. En un mot, la symétrie est le fait primi-
tif, l'irrégularité n'est jamais que le fait secon-
daire. Par exemple, le fruit du chêne, le gland,
n’a jamais qu’une graine, et c’est le type primitif
altéré. Mais, dans la fleur du chêne, l’ovaire a
toujours six graines, et c'est le type primitif re-
trouvé.
La théorie de de Candolle révèle à l'observa-
teur un monde nouveau.
En 1815, la Restauration ayant fait un crime à
de Candolle de la faveur dont il jouissait sous le
gouvernement impérial, de Candolle quitta la
France cl retourna à Genève. Son retour dans sa
patrie fut un jour de fêle. Un créa pour lui une
chaire d'histoire naturelle et le jardin botanique.
En 1827, de Candolle publia \ Orgunographie vé-
gétale, et en 1832, la Physiologie végétale, qui lui
valut le grand prix que la Société royale de Lon-
dres venait d'instituer.
Il nous reste à parler de son plus important
ouvrage, publié une première fois sous le titre de :
Systema naturale regni vegelabilis. Recommencé
en 1824 sous une forme plus abrégée, il prit le
titre de : Vrodromus systemalis naluralis regni ve-
getabilis. Quatre-vingt mille plantes y sont rangées
dans un ordre admirable, c'ost-â-dire dans l'ordre
même de In nature; chacune s'y trouve indiquée
avec ses caractères, ses rapports, sa description
entière; tout dans cette description est d’une pré-
cision de détail jusque-là sans exemple; l'auteur
a laissé cet immense ouvrage inachevé, et pour-
tant il sc compose déjà de sept énormes volumes
de sept à huit cents pages chacun.
La puissance de tête que supposent d’aussi
grands travaux n'honorc pas seulement celui en
qui on l’admire, elle honore l'espèce humaine en-
tière; la force de l’homme on parait plus grande.
Les travaux de de Candolle marquent dans la
botanique une époque nouvelle.
Tournefort ayant constitué la science, Linné
lui ayant donné une langue, les deux Jussieu ayant
fondé la méthode, il ne restait qu'à ouv rir à la
botanique l’élude des lois intimes des êtres; c’est
ce qu’a fait de Candolle.
Il est le seul homme depuis Linné qui ait em-
brassé toutes les parties de cette science avec un
égal génie. #
11 mourut le 9 septembre 1841. Ses dernières
paroles furent celles-ci : Je meurs sans inquiétude,
mon fils achèvera mon ouvrage.
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156
l’H E M I (■; Il K PARTIE.
Do L'atuiollc api^arlonnit à toutes les académies
savantes du monde. Il fui inseril. en 181 i. sur la
liste d«*s huit usso«'iés étrangers de l'Académie
des sciences de Puris. liste qui s'ouvre |Nir les
noms de Newton et du c/.ar Pierre, cl «pii depuis
bientôt deux siècles li a en aucun temps dégénéré
de cette première splendeur.
>1. KJourens, secrétaire perpétuel de l’Acadé-
mie «les sciences, a prononcé, le 2 décembre 1842,
l'éloge île de (landolle en séance publique; c'est
ce remarquable travail qui nous a servi â donner
sur de (iandolle les détails qui précèdent, et nous
ne pouvons qu'engager nos lecteurs â recourir à
cet éloge historique qui est suivi d’une liste com-
plète des ouvrages de de Landolle.
AD A NS ON
Michel Aimnson. membre de l'Institut et «le
la Légion d'honneur, membre étranger «le la So-
ciété royale «le Lou«lr«*s, ci-devant pensionnaire
de P Académie «l«*s sciences «*t censeur royal, na-
quit à Aix en Provence, le 7 avril 1727, d'une
famille écossaise qui s'était attachée au sort du roi
Jacques. Son père, écuyer de M. «!«• Yintimille,
archevêque d’Aix. suivit ce prélat lorsqu'il fut
nommé archevêque «le Paris. «*l amena avec lui
dans la capitale le jeune Michel, alors Agé «le
trois ans. M. Adanson le père avait encore «piatre
aiftrcs entants et n'était pas riche, mais la protec-
tion de l'archevêque l'aida dans leur éducation :
chacun d'eux recul un petit bénéfice. «*t Michel
Adansoti en particulier eut. A l'âge d<‘ sept ans.
un canonical h Champeaux en Brie, qui servit à
payer sa pension au collège «lu Plessis.
B«'au«'oup de vivacité «lans l’esprit, une mémoire
imperturbable et un ardent «lésir des premiers
rangs, c’en était jdus qu'il ne fallait pour avoir
de gratuls succès au collège et pour être montré
avec complaisance dans les occasions.
Le célèbre obseï valeur anglais, Tuhcnillc
Needham, renommé alors par les faits nombmix
et singuliers que ses microscopes lui avaient fait
découvrir, assistait un jour aux exercices publies
du Plessis; frappé de la manière brillante «lont
le jeune Adanson h'S soutenait, il «lemanda la
permission «l’ajouter un microscope aux livres
que l’écolier allait recevoir en prix, et en le lui
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157
NOTICES H I S T O R I O L E S.
remettant. il lui dit avec une sorte de solennité :
Vous qui êtes si avancé dans l'étude des ouvrages
des hommes, vous êtes digne aussi de connaître
les œuvre s de la nature.
Ces paroles décidèrent la vocation de l'enfant.
Dès cet instant, sa curiosité ne change plus d'ob-
jet: l'œil attaché, pour ainsi dire, à cette éton-
nante machine, il y soumet tout ce que lui fournil
l'enceinte étroite de son collège, tout ce qu’il
peut recueillir dans les promenades en s'écartant
furtivement dis sentiers tracés à ses camarades,
les plus petites parties des mousses, les insectes
les plus imperceptibles. Il n’eut point de jeu-
nesse; le travail et la méditation le saisirent à
son adolescence, et pendant près de soixante-dix
années tous ses jours, tous ses instants furent
remplis par les ol>scrvulions pénibles, par les
recherches laborieuses d’un savant de profession.
Admis au sortir du collège dans les cabinets do
Réaumur et de Bernard de Jussieu, une riche
moisson s’offrit à son activité; il la dévora avec
une sorte de fureur: il passait ses journées en-
tières au Jardin des Plantes. Vers l’âge de dix-
neuf ans il avait déjà décrit méthodiquement plus
de quatre mille espèces des trois règnes.
C était beaucoup pour son instruction, mais ce
n’était rien pour l’avancement de la science. A
force d’instances et par le crédit de .MM. de Jus-
sieu. il obtint une petite place dans les comptoirs
de la Compagnie d’Afrique et partit pour le Séné-
gal le 20 décembre 1718. Les motifs de son choix
sont curieux : C’est que c’ était, disait-il, de tous
les établissements eurojiéens, le plus difficile à
pénétrer, le plus chaud , le plus malsain , le plus
dangereux à tous les autres égards, et par causé -
quent le moins fourni des naturalistes.
II parait d’ailleurs avoir eu toujours un tempé-
rament très -robuste; on le voit, dans sa relation,
tantôt |Kircourir des sables échauffés à soixante
degrés qui lui racornissaient les souliers, cl dont
la réverbération lui faisait lever la peau du visage;
tantôt inondé par ces terribles ouragans de la zone
torride, sans que son activité en fut ralentie un
instant.
En cinq ans qu'il passa dans celte contrée, il
décrivit un nombre prodigieux d'animaux et de
plantes nouvelles, il leva lu carte du llcuvo aussi
avant qu’il put le remonter, il dressa des gram-
maires et des dictionnaires des langues des peuples
riverains; il tint nn registre d’observations météo-
rologiques faites plusieurs fois chaque jour, et
composa un traité détaillé de toutes les plantes
utiles du pays; il recueillit tous les objets de son
commerce, les armes, les vêtements, les ustensiles
de ses habitants.
De retour en Europe, le 18 février 1754, avec sa
riche provision de faits et de vues générales, il
chercha aussitôt à prendre parmi les naturalistes
le rang qu’il croyait lui appartenir.
L'imagination la plus hardie reculerait à la
lecture du plan qu’il soumet en 1774. au juge-
ment de l’Académie des sciences. Il ne s’agis-
sait pas en effet d’appliquer sa méthode uni-
verselle, fondée sur la comparaison effectuée
des espèces, à une classe, à un règne, ni même
à ce qu’on appelle communément les trois règnes,
mais d'embrasser la nature entière dans l'accep-
tion la plus étendue do ce mot. Les eaux, les
météores, les astres, les substances chimiques,
et jusqu'aux facultés de l’Ame, aux créations de
l’homme, tout ce qui fail ordinairement l’objet de
la métaphysique, de la morale et de la politique,
tous les arts, depuis l’agriculture jusqu’à la danse,
devaient y être traités.
Les nombres seuls étaient effrayants : vingt-sept
gros volumes exposaient les rapports généraux de
toutes ces choses et leur distribution ; l'histoire de
quarante mille espèces était rangée par ordre
alphabétique dans cent cinquante volumes; un
vocabulaire universel donnait l’explication de deux
cent mille mots, le tout était appuyé d’un grand
nombre de traités et de mémoires particuliers, de
quarante mille figures et de trente mille morceaux
des trois règnes.
Des commissaires nommés parl’Académic pour
examiner ce travail donnèrent à Adanson le con-
seil très-sage de détacher de ce vaste ensemble
les objets de ses propres découvertes, et de les
publier séparément. Les sciences auront longtemps
à regretter qu’il ait refusé de suivre ce conseil, ear
divers mémoires, indépendants de ses grands ou-
vrages, montrent qu’il était capable de beaucoup
de sagacité dans l’examen des objets particuliers.
Adanson fut le premier qui fil connaître la vraie
nature du Taret, ce coquillage qui ronge les vais-
seaux et les pieux et qui a menacé l’existence
même de la Hollande. On doit en dire aulaul du
Baobab, arbre du Sénégal, le plus gros du monde,
car son tronc a quelquefois \ ingt-quatre pieds de
diamètre et sa cime cent vingt à cent cinquante.
L’histoire des grammaires et les nombreux ar-
ticles d’Adanson insérés dans la première Ency-
clopédie réunissent, à quantité de faits nouveaux,
beaucoup d érudition et de netteté.
Il a fait beaucoup d'expériences sur les variétés
des blés cultivés et en a vu naître deux dans l’es-
pèce de l’orge.
Le premier, il a reconnu que la faculté engour-
dissante de certains poissons dépend de l'élec-
tricité.
Il découvrit le premier les moyens de tirer une
bonne fécule bleue de l'indigo du Sénégal.
Buffon a fait connaître d'après lui plusieurs
quadrupèdes et plusieurs oiseaux, et h* premier il
a décrit le Calago et le Sanglier d' Ethiopie.
Livré tout entier à l’exécution du plan gigantes-
que qu’il avait conçu. Adanson, enfermé dans son
cabinet et comme séquestré du monde, fut perdu
pour la science et la société, il prit sur son som-
meil, sur le temps de ses repas; lorsque quelque
hasard permettait de pénétrer jusqu’à lui, on le
trouvait couché au milieu de papiers innombra-
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15»
PREMIÈRE PARTIR.
blés qui couvraient les parquets, les comparant,
les rapprochant de mille manières.
C'est au milieu de cet isolement que la pauvreté
cl les infirmités vinrent l'accabler; il sut en sup-
porter les rigueurs avec un courage et une patience
sans exemple.
I! semblait ignorer lui-métne que le dénûment
le plus affreux l'entourait, pour peu qu'une idée
nouvelle comme une fée douce et bienfaisante
vint sourire à son imagination.
Il mourut le 5 août 1806, après avoir enduré
pendant plusieurs mois, sans pousser un cri, les
plus cruelles souffrances, soutenu dans ce triste
état par les soins de deux vieux serviteurs restés
fidèles à sa mauvaise fortune.
Il avait demande par son testament qu'une
guirlande de fleurs prise dans les cinquante-huit
familles qu'il avait établies, fut la seule décoration
de son cercueil : passagère et louchante image du
monument qu'il s’est érigé lui-mérac.
G CUVIER.
Péron (François), naturaliste et voyageur,
naquit, le 22 août 1775, à Ccrillv. petite ville du
Bourbonnais. Après avoir embrassé la carrière
militaire, qu’il fut obligé de quitter après une
assez longue captivité et la perle de l'œil droit, il
se livra à l ‘élude de la médecine et des sciences
naturelles. Il fut attaché à l'expédition de Baudin,
et partit à bord du Géographe , où il commença des
observations météorologiques et de belles expé-
riences qui démontrent que les euux sont plus
froides dans le fond qu'à la surface cl qu'elles le
sont d'autant plus qu’on descend à une plus grande
profondeur. Un séjour assez prolongé dans l’Ile
de Timor lui permit d ‘étudier les mollusques et
les zoophytes que, la chaleur du soleil multiplie à
l’infini dans les eaux peu profondcs.el les peint
des plus vives couleurs. Après avoir reconnu la
partie orientale de la terre de Dicmen. on entra
dans le détroit de Bass cl l’on gagna port Jackson,
on suivit les rôles de la nouv elle Hollande et l'on en
fil le tour. Péron déploya un courage et une acti-
vité infatigables. Pes cinq zoologistes nommés
par le gouvernement, deux étant restés à l’ilc de
France et les deux autres étant morts au commen-
cement de la seconde campagne, il se trouv ait seul
chargé de cet immense travail et il suffisait à tout.
Peu de temps après le départ de Timor, le capi-
taine lui ayant refusé des liqueurs spirilucuses
absolument nécessaires pour conserver sers mol-
lusques, il se priva pendant tout le voyage de sa
portion d'arack, et ce qui est plus remarquable,
il communiqua son enthousiasme à plusieurs de
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NOTICES HISTORIQUES.
scs amis qui consentirent à faire le môme sacrifice. I
Pendant les tempêtes, aidant aux manœuvres l
comme un simple matelot, il continuait les obser- i
valions aussi paisiblement que s'il eût été sur le
rivage. Pendant une descente qull fit ù l’Ilc King.
avec quelques naturalistes, un coup de vent chassa
le vaisseau en pleine mer, et pendant quin/.e jours,
ils ne l'aperçurent plus. Péroiune perdit pas un
moment l’occasion d’augmenter ses collections et
ses observations; après la seconde rclùche h Timor,
on revint ù l'ilc de France où l'on resta cinq mois.
On fit encore une relâche au Cap, et Péron en pro-
fila pour examiner la bizarre conformation des
Boschimans, tribu de Hottentots.
Il débarqua enfin à Lorient, le7 avril 180i, d’où
il sc rendit à Paris et fut chargé de publier, avec
Freycinet, la relation du voyage et la description
des objets nouveaux en histoire naturelle, avec
son ami Lcsueur. La collection d’animaux avait
été déposée au Muséum d'histoire naturelle, il ré-
sulte du rapport delà commission, qui l'avait exa-
minée et dont M. Cuvier fut l'organe, qu elle
contenait plus de cent mille échantillons d'ani-
maux, que le nombre des espèces nouvelles s'é-
levait à plus de deux mille cinq cents et que
Péron et Lcsueur avaient eux seuls fait connaître
159
plusd'animauxquetouslesnaturalistesdesderniers
temps ; enfin que les descriptions de Péron rédi-
gées sur un plan uniforme, embrassant tous les
détails de l’organisation extérieure des animaux,
établissant leurs caractères d’une manière absolue
et indiquant leurs habitudes et l'usage qu'on en
peut faire, surv ivront, à toutes les révolutions des
systèmes et des méthodes.
Péron, que l’Institut s’empressa d'admettre au
nombre de ses correspondants, ne mit au jour
que la première partie «le sa relation; sa santé était
affaiblie par de longues fatigues, une maladie de
poitrine dont il était attaqué, fil des progrès ef-
frayants; après un voyage à Nice qui améliora sa
santé, et lui permit de reprendre scs travaux, il
retomba dans un état pire que celui ou il était
avant son départ. 11 voulut aller finir ses jours dans
le lieu de sa naissance auprès de deux sœurs qui
avaient été les premiers objetsde sa tendresse; ce fut
dans leurs bras qu’il expira le 14 décembre 1H10.
Scs principaux ouvrages sont : 1° Observations
sur r Anthropologie ; 2" Voyage de découvertes
aux Terres Aulrales pendant les années 1800-
1804; 3" Histoire générale et particulière des
Méduses.
L. C.
Delalande. Geoffroy-Sainl-llilaire fut chargé. J
en 1821, de faire un rapport à l’Académie des 1
sciences, nu nom d'une commission dont il I
faisait partie et composée de G. Cuvier, de
Desfontaines, de M. de Humbohlt, de Lacépède,
La treille et M. Dumeril, ayant pour mission d’étu-
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IfiO
PHKMlfeRE PARTIE.
dier 1rs résultats du vovago accompli |»ar Delà*
lande au cap de Bonne Espérance, par ordre du
Gouvernement, dans les années 1818. i8l9et1K20.
L'illustre rapporteur signalait à cette époque
une tendance remarquable, chez des hommes ar-
dents, aussi savants qu’infatigables, à se vouer &
l'exploration dos diverses contrées de la terre.
Los circonstances contribuaient à développer cette
ardeur des naturalistes à aller s'enquérir en tons
lieux et des ehoses et des hommes, à appeler tous
les peuples à une participation commune et réci-
proque, à un échange paternel de toutes les pro-
ductions du globe. La guerre avait eu de fâcheux
résultats pour le Muséum d’histoire naturelle. Le
Gouvernement conçut l’idée de procurer aux ainis
des sciences et des arts un dédommagement «le
ces perhfs, pensée généreuse dont le développe-
ment fut poursuivi avec le zélé le plus louable.
t’.’est dans ces circonstances qu'un voyage d'his-
toire naturelle futcontiéàDelalande; il était signalé
comme propre à ce serv ice scientifique : élevé au
Muséum d’histoire naturelle, il y avait rempli avec
distinction les fonctions d'aide-naturalistc pour la
zoologie, et il avait déjà fait preuve d'habileté et
de dévouement dans trois précédents voyages,
l’un en Portugal, le second sur les côtes de la
M«'*diierranéc et le troisième au Brésil, sous les
auspices de M. le duc de Luxembourg, ambassa-
deur en ce pays.
II partit en avril 1818 et débarqua le 8 août à
Falsbay, à dix lieues du cap de Bonne Espérance,
accompagné de son neveu le jeune Verrcmtx
(Jules), âgé de 12 ans.
Deux mois furent employés à recueillir une foule
«la plantes pendant la belle saison si courte en ce
climat, mais si riche en magnifiques espèces : après
la saison des pluies qui a lieu pendant les mois de
juin, juillet et août, la terre rafraîchie se couvre
de verdure, di's collines entières semblent de
vastes parterres de fleurs diversement coloriées et
distribuées par grandes masses. Les liliacés. les
bruyères, les protées, parmi lesquelles on remar-
que le Prolea argentea, forment eclte couronne de
fleurs que la sécheresse vient bientôt flétrir pour
rendre à la terre l'aspect triste et monotone qu'elle
conserve le reste de l’année. •
Delalatide avait surtout pour mission de se pro-
curcr plusieurs espèces qui manquaient au Mu-
séum : ('hippopotame et le rhinocéros bicorne.
Il partit pour une premièreexpédition, accompa-
gné de son neveu et de trois Hottentots; un chariot
et vingt-deux bœufs formaient son équipage. Celte
première course n’eut pour résultat que la trou-
vaille d’une Baleine échouée -sur le sable; malgré
la chaleur la plus ardente et une odeur infecte, le
courageux voyageur dépeça cette Baleine qui avait
soixante-quinze pieds de long et parvint à conser-
ver tous les os et les fanons de la mâchoire supé-
rieure; il en découvrit une autre à peine connue
en Europe, la Baleine à ventre plissé.
Une seconde course fut plus heureuse : après
1 six semaines de recherches dans les marais qui
bordent le Berg-River, un de scs Hottentots, en-
voyé à la découverte, vint lui annoncer qu’il avait
entendu crier un hippopotame dans le voisinage
des joncs qui bordent le fleuve. Cette nouvelle le
transporta de joie. « Mes gens, mon neveu et moi.
raconte-t-il, nous nous armâmes; j étais prévenu
que le moindre bruit avertissait ces animaux vigi-
lants de notre présence; nous en étions à un quart
de lieue, il fallut nous courber, et ce fut presque
en rampant «jue nous fîmes le chemin qui nous
séparait d'eux; à quelque distance, nous nous
divisâmes, après être conv enus de tirer sur le plus
gros de la troupe. Mon coup de fusil et ceux de
mes Hottentots l'atteignirent, je le vis tomber et
je poussai un cri de joie; les autres hippopotames
. se précipitèrent dans le fleuve avec un bruit épou-
1 vanlahlc, le blessé se releva et vint fondre sur
moi (ne sachant sans doute où il allait, et je dois
m'estimer heureux qu’il n’ait pas été se jeter dan»
le fleuve qui l'eût porté à la mer). Un s«?condcoup
do fusil l'étcndil mort à mes pieds, jeu ai rap-
porté la peau et le squelette; l’un et l’autre ser-
viront à prouver combien sont inexactes les des-
criptions qu’on a faites de cet animal. »
Une troisième course dans le pays des Cafrcs
enrichit sa collection d’un grand nombre d’insec-
tes rares, d'oiseaux, de quadrupèdes inconnus,
entre autres d’ichncumons, dhélamys et de plu-
sieurs espèces d’antilopes, enfin du rhinocéros
bicorne, qui faillit lui coûter la vie. « J’avais dit-
il entièrement dépouillé le rhinocéros, et j'étais
allé à mon camp chercher du monde et un chariot
pour l’enlever, craignant avec juste raison qu’il
ne fût dérobé par les Cafrcs ou dévoré par les
bêtes féroces. Je revenais de cette course, lorsque
mon cheval qui jusque-là avait été très-docile,
irrité par l'odeur du rhinocéros, s’emporta avec
une telle violence «pie je n'en fus plus maître; il
nie renversa, et dans ma chute je me meurtris la
tète et me cassai la clavicule. »
Après huit mois de séjour dans le pays des Ca-
fres, au milieu des combats qui se livramn! chaque
jour et menacé sans cesse d’être assassiné*.
Delalande reprit la route du Cap. rapportant «le
son voyage une collection immense composée «le
dix-huit mille quatre cent seize indiv idus en échan-
tillons appartenant à deux mille neuf cent qua-
rante-six espèces, sans compter les graines.
Parmi les espèces importantes et curieuses in-
troduites par Delalande, il faut citer le chien sau-
vage [iycaon piclus . le prolèlc Delalande [Pro-
Ides Lalandii le renard aux grandes oreilles
{Megalotis Lalandii . la loutre sans ongles.
Aonix Lalandii). la gerboise du Cap i llelamys
Cafer), les cynictiset une foule d’antilopes rares
et nouvelles.
Mais ce «pii ajoutait un prix immense à ces
magnifiques collections, c’était une réunion de
pièces anatomiques de diverses races humain«‘s cl
surtout des types à peine connus en Europe.
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NOTICES HISTORIQUES.
A la variété, à la nature de ces objets, dit le
rapporteur, on est disposé à penser que plusieurs
talents divers ont été employés à les réunir; c’est
sans doute une des choses les plus remarquables
de ce voyage, que celte égalité d'attention donnée
aux êtres les plus petits, a des insectes presque
microscopiques et en même temps aux animaux
des plus grandes dimensions.
ICI
Le Gouvernement, à la suite de ce rapport,
nomma Delalande chevalier de la Légion d'hon-
neur et se chargea de la publication de la relation
de son voyage.
Pierre-Antoine Delalande, né en 1786, est mort
en 1823.
L. C.
Constantin-François Ciiasskb<*:uf, comte de
Volnby, né en 1737, à Craon, est mort en 1820.
Il vint & Paris pour étudier la médecine, mais il se
livra de préférence aux travaux scientifiques. En
1782, il entreprit un voyage en Orient, apprit
l'arabe chez les Druses du Liban, et pendant
quatre ans. parcourut la Syrie et T Egypte. La pu-
blication de son voyage lui valut une grande
réputation, et prépara les esprits A l’idée de la
glorieuse expédition qui eut de si importants ré-
sultats pour les sciences et surtout pour les scien-
ces naturelles. En 1794, il fut nommé professeur
d'histoire aux écoles normales, et fut membre de
l'Institut lors de sa création. Son amitié avec
Franklin le lit accueillir avec enthousiasme aux
États-Unis, dans un voyage qu iLfit en ce pays
en 1793.
Ü
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IG2
P n F. M I k U K PARTIR.
Le baron Jean-Baptiste-Joseph Foi rier, né il
Auxerre, le 21 mars 1768. fut à la fois un géo-
mètre et un physicien de premier ordre, un écrivain
d'un talent supérieur, un citoyen utile il sa pairie
dans les .diverses carrières où l'appela l'intérêt
public, une gloire pour la France qu'il honora
par ses travaux et ses découvertes.
II entra de bonne heure à l'éeole militaire
d’Auxerre; une grande intelligence se développa en
lui dès le début de ses études, il en avait achevé
le cours il treize ans et il commença à se livrer
avec ardeur à l'étude des mathématiques: à dix-
lmil ans il avait fait plusieurs découvertes impor-
tantes. elles sont consignées dans un mémoire où
se retrouve le génie précoce de Pascal. On le
nomma professeur de mathématiques il l'école
militaire où il avait été élevé. Envoyé ù Paris par
son département à l’Ecole normale, il s'y montra
comme l'un dès professeurs les plus capables de
cultiver la partie philosophique des sciences et
fut choisi pour être l’un des directeurs des confé-
rences. Plus tnrd, au moment de l’organisation de
l’Ecole polytechnique, Lagrange et Monge, dési-
gnèrent Fourier pour être l’un des professeurs de
celte institution que l’Europe a tant et si juste-
ment enviée il la France.
L'expédition d'Égypte se préparait en silenee
et sous le voile du mystère. La guerre, sous l'in-
spiration du génie qui allait la diriger, donnait
un moyen de civilisation pour les pays conquis.
Fourier lit partie de la commission et en devint
le secrétaire perpétuel. Ses fonctions prirent bien-
tôt un caractère plus important. Fourier fut
choisi pour servir d'intermédiaire entre les con-
quérants et la population indigène dans leurs
rapports journaliers: ces nouvelles fonctions furent
un titre pour Fourier ù l'estime «les uns et des
autres. Une expédition projetée dans la haute
Égypte lit appeler Fourier ù la direction de cette
exploration; sous ses auspices, les ruines magni-
fiques «le Thèbcs apparurent aux regards éblouis
de nos guerriers. Il remonta le cours du Nil cl
visita l'ile d'Éléphanline.
Il fut bientôt chargé «le négocier le traité entre
Kléber et Mounul-Bey; une pacification désirée en
fut la conséquence. Mais bientôt il lui fallut élever
la voix pour célébrer dignement les vertus héroï-
ques du général qui venait de succomber sous le
fer d'un assassin. Du haut d'un bastion, en pré-
sence de toute l’armée, il en appela aux senti-
ments d'admiration qui faisaient battre tous les
cœurs pour le vainqueur de Maeslrich et d'Hélio-
polis. Quand il prononça ces paroles : « Je vous
prends à témoin, intrépide cavalerie, qui accou-
rûtes pour le sauver sur les hauteurs de Corafm ; »
un frémissement électrique courut dans tous les
rangs, les drapeaux s’agitèrent en s'inclinant ,
les rangs se pressèrent et l'orateur, partageant
la «louleur commune, s'arrêta, interrompu par le
bruit des armes et des sanglots de tant de braves
éplorés. L’accomplissement de ce triste dev oir fut
bientôt suivi de nouveaux regrets; Desaix, qui
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NOTICES HISTORIQUES.
venait do quitter l’Égypte, avait succombé
vainqueur à Marcngo dont il avait décidé le sort.
Fourier fut l’interprète des sentiments de l'armée
d'Égypte et il trouva des paroles éloquentes et
vraies pour célébrer le Sultan jusle que l’armée
venait de perdre.
Fourier ne quitta l'Égypte qu’avec les derniers
débris de l’année, à la suite de la capitulation si-
gnée par Menou. I>e retour en France, il s’occu|»û
à rassembler les matériaux pour la publication
du grand ouvrage d'Égypte dont la direction lui
fut confiée et dont il rédigea l'introduction géné-
rale. Fontancs y trouvait réunies les grâces
d’ Athènes cl la sagesse de l'Egypte.
A peine de retour en Europe, Fourier fut nom-
mé préfet de l’Isère !;î janvier 1802): il remplit ses
fonctions jusqu'en 1815, cl elles furent signalées
par deux bienfaits de la plus haute importance : le
dessèchement des marais de Bourgoinetla superbe
roule de Grenoble à Zurich par le mont Genèvre.
Dans un autre ordre d’idées, Fourier rendit dans
ce pays, agité par les événements politiques, les
services les plus signalés; ses formes aimables et
conciliantes amenèrent tous les fiartis sur un ter-
rain neutre où germèrent bientôt les fruits de la
concorde ; à force do ménngenients. de tact et de
patience, « en prenant V épi dans son sens et non
à rebours , » trente-sept conseils munici|>uux fu-
rent amenés ù souscrire une transaction commune
sans laquelle le dessèchement du marais de Bour-
goin était inexécutable.
Il eut l’insigne bonheur d’arracher Cham poil ion
à la loi de la conscription qui l’appelait sous les
drapeaux et de le conserver à la science dont il
devait agrandir les limites.
Au milieu de ces importantes occupations, il
trouva le temps de rédiger son immortel ouvrage,
la Théorie analytique de la chaleur.
La chaleur se présente dans les phénomènes
naturels et dans ceux qui sont le produit de l’art,
sous deux formes entièrement différentes, que
Fourier a envisagées séparément.
La première est la chaleur rayonnante. Per-
sonne ne peut douter qu’il n’y ait une différence
physique bien digne d’ètreéludiée entre la boule de
1er h la température ordinaire qu’on manie à son
gré, et la houle de fer, de même dimension, que
la flamme d’un fourneau a fortement échauffée,
et dont on ne saurait approcher sans se brûler.
Cette différence, suivant la plupart des physiciens,
provient d une certaine quantité de fluide électri-
que, impondérable, ou du moins impondéré, avec
lequel la seconde boule s’était combinée dans l’acte
de réchauffement. Le fluide qui, en s’ajoutant
aux corps froids, les rend chauds, est désigné
par le nom de Chaleur ou de Calorique.
Les corps inégalement écliauffés, placés en pré-
sence. agissent les uns sur le» autres, mémo à de
grandes distances, même à travers le vide, car le»
plus froids se réchauffent, et les plus chauds se
refroidissent; car, après un certain temps, ils sont
163
au même degré, quelle qu’ait été la différence de
leurs températures primitives.
Dans l’hypothèse admise, il n’est qu’une ma-
nière de concevoir cette action à distance, c’est
de siip|u>ser qu’elle s’o|>èrc à l’aide de certaines
effluves qui traversent l'espace, eu allant du corps
chaud au corps froid; c’est d’admettre qu’un corps
chaud lance autour de lui des rayons de chaleur,
comme les corps lumineux lancent des rayons de
lumière.
Les effluves et les émanations rayonnantes, à
l’aide desquelles deux corps éloignés l’un de l’autre
se mettent en communication calorifique, ont été
convenablement désigués sous le nom de Calori-
que rayonuant.
Il s’agissait de connaître la loi d émission du
calorique, et ce problème devant lequel tous les
procédés, tous les instruments de la physique
moderne étaient restés impuissants, Fourier l’a
complètement résolu; cette loi, il Ta trouvée, avec
une perspicacité que l’on ne saurait trop admirer,
dans les phénomènes qui, de prime abord, sem-
blent devoir en être tout à fait indépendants.
Personne ne doute, et d'ailleurs l’cx|>ériencc a
prononcé, que, dans tous les points d’un espace
terminé par une enveloppe quelconque entretenue
à une température constante, on ne doive
éprouver une température constante aussi, et pré-
cisément celle de l’enveloppe : or, Fourier a établi
que si les rayons calorifiques émis avaient une
égale intensité dans toutes les directions , que si
même celle intensité ne variait proportionnelle-
ment au sinus de l’angle d’émission, la tempéra-
ture d’un corps situé dans l’enceinte dépendrait
de la place qu’il y occuperait ; que la température
de l'eau bouillante ou celle du fer fondant , jrar
exemple. , existerait en certain point d'une enve-
loppe creuse de glace!!
Non content d’avoir démontré, avec tant de bon-
heur, la loi remarquable qui lie les intensités com-
paratives des rayons calorifiques émanés, sous tou-
tes sortes d ’angles, de la surface des corps échauf-
fés, il a cherché, de plus, la cause physique de cette
loi; il l’a trouvée dans une circonstance négligée
jusqu’alors par ses prédécesseurs. Supposons,
a-t-il dit que les corps émettent de la chaleur,
non-seulement par leurs molécules superficielles,
mais encore par des points intérieurs. Admettons
de plus que la chaleur de ces derniers points ne
puisse arriver à la surface, en traversant une cer-
taine épaisseur de matière, sans éprouver quel-
que absorption. Ces deux hypothèses, Fourier les
traduit en calcul et il en fait surgir mathématique-
ment la loi expérimentale du sinus, par laquelle
les intensités des rayons sortant sont proportion-
nelles aux sinus des angles que forment ces
rayons avec la surface échauffée.
Dans la seconde question traitée par Fourier,
la chaleur se présente sous une nouvelle forme.
La chaleur excitée, concentrée en un certain
point d'un corps solide, se communique, par voie
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164
PREMIÈRE PARTIE.
dp conductibilité, d'abord aux particules les plus
voisines du point échauffé, ensuite, de proche en
proche , à toutes les régions du corps. De là le
problème dont voici l'énoncé :
Par quelles routes et avec quelles vitesses s'ef-
fectue la propagation de la chaleur, dans des corps
de forme et de nature diverses, soumis à certaines
conditions initiales?
L’Académie des sciences lit de celle question
de la propagation de la chaleur, le sujet du grand
prix de mathématiques qu’elle devait décerner au
commencement de 1812. Fouricr concourut et sa
pièce fut couronnée.
Nous engageons ceux de nos lecteurs qui vou-
draient approfondir ces questions et les mérites de
Fouricr, à recourir à l'éloge historique prononcé
par M. Arago, secrétaire perpétuel de l'Académie,
dans la séance du 18 novembre 1833.
Les événements de 1815 arrachèrent Fouricr à
sa préfecture de l’Isère; il passa ensuite à celle du
Rhône, puis, destitué sous la restauration, il trouva
dans l'amitié de >1. de Chabrol, un asile contre la
pauvreté et une nouvelle occasion de rendre de
nouveaux services à son pays; il occupa la direc-
tion du bureau de statistique, ce qui lui donna le
moyen de publier les plus importants travaux sur
cette matière.
Une constitution robuste semblait promettre à
Fouricr de longs jours, mais l’abus de la chaleur,
comme préservatif de douletirs rhumatismales
dont il était affecté, détermina de fréquentes suf-
focations auxquelles il succomba le 16 mai 1830.
Il fut accompagné à sou dernier asile par l'In-
stitut. l’Ecole polytechnique en masse et tout ce
que Paris comptait de savants, jaloux de rendre
un dernier hommage au profond mathématicien,
à l'écrivain plein de goût, à l’administrateur intè-
gre, au bon citoyen, à l’ami dévoué.
M. II.
LATREILLE
Le 8 février 1833, les membres de la société
cntomologique de France portaient silencieuse-
ment au dernier asile les restes inanimés de leur
président d’honneur; ils avaient revendiqué ce
triste privilège pour donner une dernière marque
de vénération pieuse à celui dont l’esprit, vrai-
ment supérieur, avait éclairé pendant tant d’an-
nées de scs vives lumières l'enseignement des
sciences zoologiques; au naturaliste éminent , con-
sulté et vénéré par les zoologistes de tous les pays
comme le législateur suprême de l'entomologie,
à l’illustre Latreille.
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NOTICES HISTORKQt ES.
Le chevalier Geoffroy-Saint-Hilairc, président
de l'Académie des sciences, dans une allocution
touchante, résumait ainsi la vie et Ips travaux de
l'homme modeste et laborieux qui s'était élevé
par son seul mérite au rang de professeur d'ento-
mologie du Muséum d'histoire naturelle, et au-
quel toutes les académies de l’Europe avaient
ouvert leur porte, comme l’Académie des sciences
de Paris l'avait fait elle-même dés 1810.
La Providence sembla , dés les premières années
du jeune Latreille, le couvrir de sa protection
tutélaire, en lui ménageant des amis dévoués
et d'utiles protecteurs. Deux hommes vertueux ,
M. Laroche, habile médecin, et M. Malepeyre,
négociant à Brives. prirent un soin religieux de
Latreille, orphelin ; ils l'entourèrent du plus tendre
intérêt , et s'empressèrent d'encourager et de se-
conder lo goût naissant que leur jeune ami mon-
trait déjà pour la science qui devait l'illustrer un
jour.
Honneur à ces hommes de bien î Sans leur douce
et utile bienveillance, la France ifeûl point eu à
s'enorgueillir du premier de ses entomologistes.
Parvenu à la fin de ses études littéraires. La-
treille fut destiné à l’étal ecclésiastique; on espé-
rait lui procurer les avantages d’une profession
calme et paisible. On ne lit que lelivrcratix persé-
cutions de la Terreur. Arrêté à Brives, Latreille
fut dirigé sur les prisons de Bordeaux et con-
damné , avec soixante-treize ronqiagnons de son
infortune , à la déportation. Chacun sait la valeur
de ccs terribles mots. La Gironde engloutissait
les victimes. La science vint verser ses consola-
tions sur le prisonnier, et prépara ses voies d?
salut.
Un jour, le médecin des prisons de Bordeaux vi-
sitait les cellules où gémissaient les condamnés
auxquels on avait notifié leur destinée. Arrivé au
cachot où Latreille , oubliant sa captivité, le tri-
165
bunal révolutionnaire et son arrêt, demeurait
absorbé dans lu contemplation d’un très- petit
coléoptère, le Clairon à corselet roux, espèce rare
et nouvelle pour le prisonnier; il s'arrête, surpris
d'une telle préoccupation , qui , dans un moment
aussi solennel, sous le coup d'une condamnation
qui laissait un bien triste champ à l'espérance, lui
semblait dépasser les limites de la raison. 11 s'ap-
proche de l’observateur, le questionne et obtient
pour toute réponse : « Cent un insecte très-rare.
Je regrette de ne pouvoir le confier à des mains
dignes de l’apprécier. « Le médecin s'empressa de
faire part de cette singulière rencontre à un jeune
homme qui cultivait avec succès les sciences natu-
relles . et faisait entrevoir déjà la renommée qui
devait entourer son nom, Borv Saint- Vincent. A
cette nouvelle, ce dernier supplie le docteur d’ob-
tenir du prisonnier le don de l'inscctc, qui lui per-
mettait d’enrichir sa collection d’une rareté à
laquelle il attachait d'autant plus de prix, qu’il
connaissait les honorables travaux de Latreille.
L’insecte vint bientôt prendre son rang dans les car-
tons du jeune Bory Saint-Vincent . qui n’avait pas
perdu un instant pour arracher Latreille au danger
qui le menaçait; ses démarches et celle d’un ami
commun , d'Argélas , furent couronnées du plus
heureux succès. Latreille fut rendu à la liberté , à
ses travaux, à lu science. Un mois plus tard , ses
compagnons d’infortune périssaient dans les flots
de la Gironde.
L'insecte auquel Latreille a dû la vie est la iVé-
crobie à collier roux. Necrobia ruficollis. et, par
un singulier hasard , il appartient à ce genre
qui exprime par son nom que ces petits coléoptères
vivent de la mort ; on les trouve . en effet, d’or-
dinaire sur les cadavres. Ce petit privilégié avait
démenti sa nature: il avait rendu la vie à celui qui
devait devenir un jour le prince de l’entomologie
française.
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PREMIÈRE PARTIE.
166
La plupart des entomologistes de France con-
servent clans une place honorée de leurs collec-
tions , on souvenir de son bienfait, l’insecte de la
prison de Bordeaux . la nkc.ro bik Latreille, et
comme si cela était insuffisant |>our exprimer leur
reconnaissance les heureux qui ont obtenu des
mains de leur respectable maître l'indi\idu con-
sacré au souvenir d'un si miraculeux événement-,
ne manquent pas de signaler, par une inscription ,
combien ce don précieux leur est cher.
L’existence de Latreille , longtemps agitée ,
trouva une retraite paisible et heureuse dans s«*s
travaux littéraires. Eu 1822. leur nombre surpassait
déjà quatre-vingts, sans que depuis cette époque
Usaient jamais été interrompus. La mort le trouva,
au milieu de cruelles souffrances, cherchant à en
upaiser 1a rigueur jwir le charme de l'étude. Laï-
ques jours avant sa mort, il corrigeait encore les
épreuv es de sou dernier ouv rage : Description d un
nouveau genre de crustacés , qu’il a nommé /‘ro-
sopistôme. Le plus important de ses ouvrages est
son Généra crastaceorum et inscctonm
Ses manières simples et toujours bienvcdlantcs
lui gagnaient les nrurs de tous ceux qui l'appro-
chaient . et c'était sa plus douce jouissance que de
recevoir des témoignages vrais d'affection et de
|K)uvoir lui-même donner un libre cours aux émo-
lious vives et tendres de son ûmo.
Ces heureuses qualités du cœur lui concilièrent
de nombreuses et constantes amitiés . et lorsque
la mort vint frapper Latreille, tous les amis do
l'entomologie, qui étaient les siens, Tirent élever
à leurs frais , au cimetière de l'Est . un monument à
sa mémoire. Il est situé dans la pièce du Protes-
tant. 39» division, il® 90, au bord du chemin :
c’est un obélisque tronqué de neuf pieds de haut,
composé d'un monolithe en pierre de LhÀteau-
Landon, poli, reposant sur un dé |>arcil, et sur-
monté du buste en bronze de l’illustre entomolo-
giste. La figure de la A ecrobia rufh:ollis . gravée
sur le monument, rappelle l'heureux événement
que nous avons raconté plus haut.
C. G.
Frédéric CUVIER
S'il sc rencontre dans le monde savant cl dans
les arts des familles priv ilégiées pour lesquelles
un monopole de gloire semble acquis, il faut
néanmoins reconnaître que souvent des noms
illustrés par plusieurs générations semblent in-
justement se résumer dans un seul individu qui
éclipse tous les autres.
Il en est ainsi pour les Cuvier. La gloire de
Georges a trop effacé les incontestables mérites
de Frédéric. Observateur attentif, modeste et
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NOTICES HISTORIQUES.
persévérant, il n'a manqué à la célébrité de ce
dernier qu'une seule chose, c’est d'avoir été uni-
que de son nom.
Frédéric Cuvier, membre de 1 Académie des
sciences et de la société royale de Londres, pro-
fesseur au Muséum d’histoire naturelle et inspec-
teur des études, naquit à Montbéliard le 8 juin 1773.
Il lit ses premières éludes au collège de cette
ville, mais il y renonça bientôt pour entrer en
apprentissage chez, un horloger.
Les succès de son frère l’appelèrent à Paris et
il se livra alors complètement à l’étude des scien-
ces naturelles. Il s’aperçut sans se décourager de
tout le temps qu’il avait perdu; après quelques
travaux entrepris pour son frère, il fut chargé avec
M. Duvernoy de dresser le catalogue de la collec-
tion d'anatomie comparée, et spécialement de
faire la description des squelettes. Telle a été la
première origine de son grand ouvrage sur tes
dents des mammifères , ouvrage qui est devenu
fondamental en zoologie.
En 1804, il fut nommé garde à la ménagerie du
Muséum, il a passé trente quatre ans dans celle
retraite paisible où il trouvait les deux choses qui
engendrent seules les travaux profonds, le temps
et la méditation.
Il put continuer l’hisloire positive des espèces
à l'exemple de G. Cuvier, de Lacépède et de
Gcoffroy-Sainl-Hilairc, qui avaient publié, sous le
litre de Ménagerie du Muséum national, le premier
ouvrage où des naturalistes français se montrèrent
jaloux de maintenir dans l’histoire naturelle, cette
grande manière de BufTon qui jusque-là n’avait été
imitée que par un naturaliste étranger, par le seul
Pal las.
Pendant plus d'un siècle, depuis Descartes jus-
qu’à BufTon, la question de l'intelligence desaui-
ihaux n'avait été qu'une question de pure méta-
physique; c’cs! à BufTon, c'est à G. Leroy qu’elle
commence à devenir une question positive et
d'expérience, c’est ce quelle est surtout dans
F. Cuvier. Averti, par scs premiers travaux, do
son talent pour l’observation, F. Cuvier s’est dé-
voué à la recherche des faits, mais il a voulu des
faits nets, distincts, des faits séparés par des li-
mites précises.
Il a cherché les limites qui séparent l’intelli-
gence des différentes espèces, les limites qui
séparent l'instinct de l’intelligence, les limites qui
séparent l'intelligence de l'homme de celle des
animaux. El ces trois limites posées, tout dans la
question si longtemps débattue de l'intelligence des
animaux a pris un nouvel aspect.
Descartes et BufTon refusent aux animaux toute
intelligence. D’un autre côté, Condillac et G.
Leroy, accordent aux animaux jusqu'aux opéra-
tions intellectuelles les plus élevées.
Le premier résultat des observations de F. Cu-
vier, marque les limites de l'intelligence dans les
différentes espèces. Dans la classe des mammi-
fères, il voit rintclligeucc s’élever cl croître
107
d'un ordre à l’autre : des rongeurs aux ruminants ,
des ruminants aux pachydermes, des pachydermes
aux carnassiers et aux quadrumanes.
De tous les animaux celui qui montre le plus
d'intelligence est l'orang-outang. L'orang-outang,
étudié par F. Cuvier, se plaisait à grimper sur les
arbres. Faisait-on semblant de vouloir monter à
l'arbre sur lequel il était perché pour aller l’y
prendre, il secouait aussitôt cet arbre avec force
pour effrayer la personne qui s'approchait. L'en-
fcrmail-on dans un appartement, il en ouvrait la
porte; et s’il ne pouvait aller jusqu’à la serrure,
car il était fort jeune, il montait sur une chaise
pour y atteindre; enfin, lorsqu'on lui refusait ce
qu'il désirait vivement, il se frappait la tête sur la
terre, il se faisait du mal pour inspirer plus d'in-
térêt et de compassion; c’est ce que fait l'homme
lui-même, lorsqu’il est enfant, et ce qu’aucun
animal ne fait, si l'on excepte l’orang-outang , et
l'orang-outang seul entre tous les autres.
Mais voici quelque chose de plus remarquable
encore, c’est que 1 intelligence de l’orang-outang ,
cette intelligence si développée, et de si bonne
heure, décroît avec l’âge. L’orang-outang , lorsqu’il
est jeune, nous étonne par sa pénétration, par sa
ruse, par son adresse; l’orang-outang, devenu
adulte, n’est plus qu’un animal grossier, brutal,
inimitable, et il en est de même de tous les singes
comme de l'orang-outang. Dans tous, l'intelligence
décroît à mesure que les forces s’accroissent.
Ainsi l'animal qui a le plus d’intelligence n’a
toute cette intelligence que dans le jeune àgc.
Ces limites posées, F. Cuvier cherche la limite
qui sépare l’instinct de l'intelligence.
Le castor est un rongeur, il appartient à l’ordre
même qui a le moins d’intelligence, mais il a un
instinct merveilleux, celui de se construire une
cabane, de la bâtir dans l’eau, de faire des chaus-
sées, d’établir dis digues, et tout cela avec une
industrie qui supposerait, en effet, une intelli-
gence très-élevée dans cet animal, si cette indus-
trie dépendait de l’intelligence.
Le point essentiel était donc de prouver qu’elle
n’en dépend pas, et c’est ce qu' a fait F. Cuvier; il
a pris des castors très-jeunes, et ces castors élevés
loin île leurs parents et qui par conséquent n’en
ont rien appris, ces castors, isolés, solitaires; ces
castors qu’on avait placés dans une cage, tout
exprès pour qu’ils n’eussent pas besoin de bâtir,
ces castors ont bâti, poussés par une force machi-
nale et aveugle, en un mol, par un pur instinct.
L’opposition la plus complète sépare l’instinct
de l’intelligence .
Tout dans l’instinct est aveugle, nécessaire et
invariable; tout dans l’intelligence est électif,
conditionne] et modifiable: tout dans P instinct est
inné; tout dans C intelligence résulte de l’expé-
rience eide l'instruction: tout dans l'instinct est
particulier; tout dans f intelligence est général. Il y
a donc dans les animaux deux forces distinctes et
primitives, C instinct et V intelligence.
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PREMIÈRE PARTIE.
t(i8
Tout dans l'instinct est aveugle, invariable. Le
castor qui so bâtit une cabane, l’oiseau qui se con-
struit un nid, n’agissent que par instinct.
Le chien, le cheval, qui apprennent jusqu’à la
signification de plusieurs de nos mots, et qui nous
obéissent, font cela par intelligence.
Tout dans l’instinct est inné; le castor bâtit
sans l’avoir appris; tout y est fatal, le castor bâtit,
maîtrisé par une force constante et irrésistible.
Tout dans l’intelligence résulte de l'expérience
et «le l’instruction; le chien n’obéit que parce qu’il
a appris: tout y est libre: le chien n’obéit que
parce qu’il veut.
Enfin tout «lans l’instinct est particulier: cette
industrie si admirable que le castor met à bâtir
sa cabane, il ne peut l’employer qu’à bâtir sa
cabane : et tout «lans l'intelligence est général,
car cette même flexibilité d'attention et de concep-
tion que le chien met à obéir, il pourrait s’en
servir pour faire autre chose.
Il y a donc dans les animaux deux forces dis-
tinctes et primitives : l’instinct et l'intelligence:
tant que ces deux forces rcstai«*nt confondues,
tout dans les actions «les animaux était obscur et
contradictoire. Parmi ces actions, les unes mon-
traient l’homme partout supérieur à la brute, et
les autres semblaient faire passer la supériorité
«lu côté de la brute : contradiction aussi déplora-
ble qu'absurde. Par la distinction qui sépare les
actions aveugles et nécessaires des actions électi-
ves et comlitionnelles, ou. en un seul mot, l’instinct
de l'intelligence, toute contradiction cesse, la
clarté naît «le la confusion : tout ce qui, dans les
animaux, «*sl intelligence n’v approche sous aucun
rapport «le l'intelligence de l'homme, et tout ee
qui, passant pour «le I intelligence, y paraissait su-
périeur â l'intelligence de l’homme, n’v est que
l’effet d’une force machinale et aveugle.
Il ne reste plus à poser que la limite m«*me qui
sépare l’intelligence de l’homme de celle des
animaux.
Les animaux reçoivent par leurs sens «les im-
pressions semblables à celles que nous recevons
par les nôtres; ils conservent comme nous la
trace de ces impressions; ces impressions conser-
vées forment, dans leur intelligence comme dans
la nôtre, des associations nombreuses et variées;
en les combinant, ils en tirent des rapports, ils en
déduisent des jugements; ils ont donc de l’intel-
ligence.
Mais toute leur intelligence se réduit lâ; celte
intelligence qu’ils ont ne se considère pas elle-
mérne, ne se voit pas, ne se connaît pas. Ils n’ont
jvns la réflexion, cette faculté suprême «le l espril
de l'homme de sc replier sur lui-même et d’étu-
dier l’esprit.
La réflexion ainsi définie est donc la limite qui
sépare l'intclligcncc de l’homme de celle des
animaux.
Les animaux sentent, connaissent, pensent, mais
l'homme est le seul de tous les êtres cré«'s à
qui ce pouvoir ail été donné de sentir qu’il sent,
de connaître qu’il «'onnait, de penser qu’il pense.
On avait beaucoup exagéré I influence d<* sens
sur l'intelligence; Helvétius va jusqu'à dire que
l'homme ne doit qu’à s«?s mains sa supériorité sur
les bêtes. F. Cuvier montre, par l'exemple du
phoque, que «lans les animaux même ce n’«>st
pus des sens extérieurs, mais d'un organe beau-
coup plus profond, beaucoup plus interne, mais
du cerveau que dépend le développement de l’in-
telligence. Le phoque n’a que des sens très-im-
parfaits, ( la vue, le goût, l’odorat, l’ouïe ) , il n’a
que des nageoires au lieu de mains, et cependant
il a relalivcmcut aux autres mammifèrcs, une in-
telligence très-étendue.
On sait tout ce que Buiïon a dit de la magnani-
mité du lion et de la violence du tigre. F. Cuvier
a toujours vu «lans res deux animaux le mémo
caractère; tous deux également susceptibles d’af-
fection et de reconnaissance, et tous deux égale-
ment terribles dans leur fureur.
Jusqu’à lui, les naturalistes n'avaient vu dans
la domesticité des animaux qu’un résultat très-
général de la puissante «le l’homme sur les bêtes,
il a montré que la domesticité des animaux, ce
fait si important dans l'histoire même de l’homme,
tient â une circoustance très-spéciale, à leur so-
ciabilité.
Il n’est pas, en effet, une seule espèce devenue
domestique qui naturellement ne vive en société
et par troupes ; et de tant d'espèces solitaires que
l’homme n'aurait pas eu moins d’intérêt sans
«Ionie à s'associer, il n’en est pas une seule qui
soit devenue domestique.
L’homme, en forçant les animaux à lui obéir, ne
change donc point leur étal naturel , comme l’a dit
Buffon : il profite au contraire de cet état naturel.
Il avait trouvé les animaux sociables et les a
rendus domestiques.
II faut icmarqucr ici une différence profonde
entre l’animal domestique et l'animal que l’on
apprivoise.
L’homme peut apprivoiser jusqu'aux espèces
les plus solitaires et les plus farouches, il appri-
voise l’ours, le lion, le tigre, et cependant aucune
de ces espèces solitaires, quelque facile qu'elle
soit à apprivoiser, n’a jamais donné de race do-
mestique.
La domesticité de ranimai n est donc qu’une
conséquence «le sa nature même cl de ce qu'il y a
de plus intime dans sa nature, de son instinct.
On peut apprécier, par ces observations, avec
quelle profondeur de vues F. Cuvier étudiait les
phénomènes qui sc passaient sous ses yeux, au
sein de la ménagerie qui devenait pour lui un
champ fécond d investigations utiles.
F. Cuvier portait dans la société une humeur
facile, le tact le plus juste «le toutes les conve-
nances, une bonté rare, une bienveillance qui
semblait naître de la sympathie cl qui l'inspirait.
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f 60
NOTICES HISTORIQUES.
Sa modestie surtout avait un charnu* particulier,
il la conserva jusque dans les dernières paroles
qu'il prononça en mourant, à Strasbourg, le
juillet 1838 : « Qhc mon fils metl e sur ma tombe,
Frédéric Cuvier , frère de Georges Cuvier , » asso-
ciant. par une dernière expression, les deux sen-
timent! les plus forts de son âme, sa tendresse
pour son lîls et son admiration pour son frère.
M. Flourcns prononça son éloge le 13 juillet
1810, en séance publique de l'Académie des scien-
ces, et c’est à ce beau travail que nous avons
emprunté les traits principaux de celle notice.
L. DE FREYCINET
Louis^Claude Desaelses i>e Freycinet, navi-
gateur français, né ù Monlélimarl le 7 août 1779,
était le second fils de Louis Dcsaulscs de Frey-
cinet, négociant recommandable, qui fil élever
Son fils sous ses yeux par d'habiles professeurs,
ainsi que Henri, son fils aîné, plus Agé d'un au et
demi environ. A la fin de 1793. les événements
politiques déterminèrent M. de Freycinet â faire
entrer ses deux fils dans la marine militaire, car-
rière pour laquelle ils témoignèrent avoir tous
deux une égale et vraie sympathie. 11 les conduisit
lui-même à Toulon, et. le 27 janvier 1791, il les
vil embarquer ensemble, sur le vaisseau V Heureux,
en qualité d'aspirants de troisième classe.
Devenus, dans les premiers jours de l'année
suivante (31 janvier 1793) , aspirants de deuxième
classe, Louis et Henri de Freycinet {tassèrent
avec, ce grade sur le Formidable , le 18 no-
vembre 1796. Déjà ils naviguaient depuis plus de
quarante mois et avaient pris part à trois combats
généraux contre les escadres anglaises, lorsque le
contre-amiral Nelly, sous les ordres duquel ils sc
trouvaient, demanda pour eux au ministre de la
■narine le grade d'enseigne de vaisseau. C’était
par une exception honorable que cet officier gé-
néral sollicitait pour les deux frères celle distinc-
tion; leurs services ne comptaient pas encore
quarante-huit mois, temps fixé par les ordon-
nances pour l'avancement proposé Le ministre
approuva sa proposition néanmoins , mais la mo-
destie des deux frères les décida à refuser. Le mi-
nistre maintint sa décision, cl les deux frères
s'embarquèrent, en qualité d'enseigne d'abord,
sur le vaisseau l'Occun. et successivement sur
d’autres navires de la marine de l’Étal. Ils firent
l»artic plus tard de l’expédition du capitaine Baudin
aux terres australes. Ce fut une nouvelle occasion
pour les deux frères de déployer leur activité
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v
170
PREMIÈRE
leur zMe pour leurs fonctions et leur courage. |
Une nomination collective récompensa leurs
mérites, en les appelant au grade de lieutenant
de vaisseau, le 5 mars 1803.
Louis de Freycinet, nommé capitaine de fré-
gate. après avoir travaillé i\ la publication de l'ou-
vrage de Baudin et à la relation du voyage de
Péron aux terres australes, fut chargé d’une im-
portante mission, ayant pour but la déicnninaliou
de la forme du globe terrestre dans l’hémisphère
sud, l'observation des phénomènes magnétiques
et météorologiques, l’élude des trois règnes de
la nature, et des mœurs, des usages, des lan-
gues des peuples indigènes , enfin, la géographie
proprement dite. On lui donna le commandement
de V Uranie, frégate de vingt canons. 11 composa
son équipage avec le plus grand soin . lit les pré-
paratifs les plus scrupuleux; il partit le U sep-
tembre 18t7 du port de Toulon, et se dirigea sur
Ténériffe par (ribraltur, cl, le G décembre, jeta
l’ancre à Hio-Janeiro.
Par un touchant exemple de dévoùment con-
jugal. sa femme, malgré les sévères ordonnance^
de la marine, s'embarqua â bord de Y Uranie â la
faveur d'un déguisement, et elle partagea les fati-
gues et surtout les dangers de 1’expédiiion.
Le cap de Bonne-Espérance. Pile de France,
Bourbon furent explorés, et, le 12 septembre 1818.
on mouilla sur la côte de la Nouvelle-Hollande,
dans la baie des Chiens-Marins.
Le 8 octobre, la corvette avait atteint l'ilc
Timor, puis elle visita successivement les lies des
Papous, IcsMariannes, la Nouvelle-Galles du sud.
L'expédition s'apprêtait à revenir en France, lors-
PARTIK.
que le navire frappa tout à coup sur une roche
sous-marine' : de larges voies d’eau se déclarèrent,
j et Freycinet n’eut que le temps de sauver l’équi-
page, les journaux du voyage et les collections.
I Recueilli par le Pingouin , qui heureusement se
I trouvait dans ces parages, le capitaine rencontra
un bâtiment américain , le Mercury , qu’il put
fréter jusqu'à Rio-Janeiro et acquérir au nom de
son gouvernement. Ce navire, devenu la Physi-
cienne, arriva à Cherbourg, le 13 septembre 1820.
Traduit devant un conseil de guerre maritime,
Freycinet fut non-seulement acquitté . mais comblé
des plus grands éloges. Louis XVIII le reçut en
audience particulière et le congédia, en lui di-
sant : « Vous êtes entré ici capitaine de frégate,
vous en sortirez capitaine de vaisseau: mais ne me
remerciez point; dite s-moi ce que J eau- Bar t ré-
pondit à Louis XIV, qui venait de le nommer chef
d'escadre : Sire, vous avez bien fait. »
Freycinet consacra dès lors tous ses soins à la
rédaction des travaux de l’expédition , et il cessa
tout service actif dans la marine pour se livrer tout
entier aux travaux qu'exigeait cette importante
publication.
Il mourut le 18 août 1842, commandeur de la
j Légion d’honneur.
! Son frère . nommé baron . contre-amiral et gou-
verneur de nie Bourbon, préfet maritime à Ro-
cliefort, mourut le 21 mars 1840.
Le nom de Freycinet a été donné à une contrée
de la Nouvelle-Hollande et à une Ile de l’archipel
Dangereux, découverte en 1823 par M. le Vice-
Amiral Dupcrrev.
C. 1).
P.-J. REDOUTÉ
Cet heureux peintre des roses, qui a eu la fortune
de passer sa vie au milieu des merveilles florales
de la nature, de les étudier et de les reproduire
avec un rare talent , a compté parmi ses admira-
trices et ses élèves les augustes souveraines qui
ont successivement occupé le trône de France, et
l’élite des femmes de notre temps, souveraines
aussi par l’esprit, par la grâce et par la beauté.
Il était né à Saint-Hubert, près de Liège, en
1759. 11 appartenait â une famille d’artistes qui
depuis plusieurs générations, cultivait la peinture.
Van Huysum, Seghcrs, dont les tableaux excitaient
vivement son admiration, élevèrent son esprit et le
tirent vraiment peintre. Il parcourut successive-
ment la Flandre et la Hollande. Léger d’argent,
l'artiste voyageur travaillait pourvivre. Après avoir
passé plusieurs années à décorer les églises et les
châteaux des productions de son facile et gracieux
pinceau, il revint dans sa ville natale, précédé
d une réputation qui commençait à s’étendre.
Son talent s'était fortifié par l’étude des chefs-
d'œuvre de la peinture ; recherché par les per-
sonnages les plus marquants, il eut un grand
nombre de portraits à faire; mais cette réputation,
resserrée dans un cercle assez étroit, ne pouvait
suffire au jeune peintre, line princesse, amie des
arts, lui avait donné des lettres de recomman-
dation. L’artiste insouciant s’avançait gaiement
vers Paris, ne songeant qu’à la gloire et oublieux
des lettres qu’il portait; il les perdit en route,
et, en arrivant, il n’avait plus pour se recom-
mander que son propre talent ; il fallait trouver
l’occasion de le produire. Heureusement elle lui
fut offerte par son frère aîné, qui se distinguait
à Paris dans la peinture de décors. Les scènes de
la vie pastorale revenues à la mode se reprodui-
saient partout dans les ornements des apparte-
ments comme dans les décors de théâtre, on ne
voyait que guirlandes de fleurs et corbeilles de
roses. Le jeune Redouté travailla dans ce genre
avec son frère. Il abandonna bientôt la peinture
de décors qui lui gâtait la main . cl se livra en-
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NOTICES HISTORIQUES.
171
lièrement à son ('■Inde de prédilection, et bientôt
la richesse de sa louche, la vérité qui vivait dans
les fleurs qui sortaient de sa brosse éveillèrent l’at-
tention de Gérard Van Spaondouck, qui l’appela à
l’aider dans l’exécution des vélins du Muséum.
Un concours ouvert pour la coopération aux
travaux du Muséum le lit monter au rang qui lui
appartenait. Enfin, en 1822. il succéda A Gérard
Van Spaendonck comme professcurd’lconogrnphie
au Muséum, et fut nommé chevalier de la Légion
d’honneur.
Ses ouvrages sont connus de l’Europe entière:
il suffit de citer : La Flore atlantique. de
Iksfonlaines f la Flore de Navarre, de Rom-
plaud; les Plantes rares du jardin de Gels;
les Plantes du jardin de la Mai.si vison; la
Botanique de J. -J. Rousseau; la Famille des
liliackes, et, enfin, la Monügrai’HIE des roses.
Dans les premiers temps de son arrivée à Paris,
Redouté avait été admis par Marie-Antoinette au
Petit-Trianon. La jeune et infortunée princesse
avait encouragé Redouté , qui faisait revivre dans
ses dessins les belles fleurs que voyait éclore ce
séjour enchanté préparé par les soins de Bernard
de Jussieu. Il eut le privilège de faire sourire ces
lèvres royales, pour lesquelles se préj>araicnt déjà
de si cruelles destinées.
Le goût prononcé de l’impératrice Joséphine
pour les fleurs étrangères appela Redouté à la
Muhnaison. Une faveur constante accueillit scs
travaux , cl . la veille de sa mort , l’auguste prin-
i esse trouva encore , au milieu de ses chagrins . de
douces et bienveillantes paroles pour le peintre de
ses fleurs bien aimées.
La reine des Français honora Redouté d’une
protection toute spéciale; elle avait reçu de lui . en
compagnie de Mrae Adélaïde, sa belle-sœur, des
leçons d’aquarelle; elle lui confia l’enseignement,
qui, pour les princesses ses filles, était un délas-
sement cl un plaisir. La princesse Marie aimait à
se reposer des travaux de sa sculpture par la
peinture de gracieuses aquarelles , où elle excellait
à perpétuer ces belles fleurs, qui s’épanouissaient
dans les serres du château de Neuilly.
La reine des Belges appelait Redouté son bon
mnitre. Cette excellente princesse, qui brillait par
des qualités si éminentes, ne perdait aucune oc-
casion de laisser à son cœur un libre champ pour
la bienveillance. Au moment de quitter la France
pour monter sur un trône où clic a laissé de si
profonds et de si touchants regrets, clic consacra
ses meilleurs loisirs à peindre un bouquet de fleurs
choisies par elle et disposées de manière aï former
un ingénieux emblème, où le professeur trouvait
un reconnaissant souvenir de son auguste élève.
Redouté cherchait surtout dans ses peintures
la reproduction v raie do la nature . et il y réussis-
sait souvent : la finesse des tons, la transparence
des demi-teintes, la fermeté et la vigueur doses
ombres, jointes A une parfaite harmonie de colo-
ris, rappelaient si parfaitement la nature, qu’on
aurait pu être souvent agréablement trompé, si
l’élégance de la composition, qui ne lui faisait ja-
mais défaut . n’avait trahi l’imitateur.
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PREMIÈRE PARTIE.
172
Le spirituel auteur des Cutpes raconte en ces
termes la mort de l'illustre peintre des roses :
« Redouté, qui n’avait rien perdu de son ma-
gnifique talent . avait demandé qu’un dernier ta-
bleau lui fut commandé. M. de Rémusat le lui
avait promis; mais, en même temps, dans les
bureaux du ministère, on formulait un refus sec
et brutal, que M. de Rémusat signa sans s’en aper-
cevoir. A la lecture de cette réponse, Redouté fut si
frappé de surprise et d'indignation, qu'il se trouva
mal et mourut deux jours après, le 19 juin 1840. >
L. G.
DUMONT D’UK VILLE
I/affreuse catastrophe qui vint jeter un deuil
général sur la France et plonger dans la désola-
tion plus de deux cents familles, le 8 mai 1842,
enleva à la marine de l'Êlat l’un de ses meilleurs
officiers et son plus glorieux explorateur.
Celui qui .avait pendant trente ans bravé les
tempêtes des mers les plus dangereuses, conquis
les mers polaires et bien mérité de la patrie par
ses services, par son courage , fut rayé en un in-
stant du nombre des vivants, et la mort, qui l’a-
vait respecté tant de fois, laissa à peine à ses
fidèles compagnons cl à un immense cortège de
députations savantes, de ministres, d'amiraux,
d’officiers de tous grades, accourus à cette dou-
loureuse cérémonie , la consolation d’accompagner
scs restes nu dernier asile.
Julcs-Sébasticn-César Dumont d’Urvillr était
né à Condé-sur-Noiroau en 1790.
Nourri de la lecture des voyages d'Anson , de
Cook cl de Bougainville , sa vocation se révéla de
bonne heure. En 1810, il se rendit à Toulon avec
le grade d’aspirant de première classe, obtenu A
la suite d'un brillant concours. En 1812. il fui
nommé enseigne de vaisseau, et désigné pour ac-
compagner le capitaine Gautier dans sa quatrième
exploration de l’archipel du Levant. Durant cc
voyage, la gabarre la Chevrette , sur laquelle
avait lieu celle expédition , lit le tour entier îles
eûtes du Ponl-Euxin , promena le pavillon français
du Bosphore de Thrace au Bosphore cimtnérien,
et des bouches du Phase A celle de lister, tra-
versa plusieurs fois la Propontide , et termina son
exploration au fond du golfe d’Argos.
Pendant une relâche sur la rade de Mil©, un
heureux hasard le conduisit vers l'endroit où un
pauvre pâtre venait de découvrir la belle statue
antique qui décore une des salles du Louvre de-
puis une trentaine d’années. Il s'empressa de ré-
diger une notice qu’il adressa A M. le marquis
de Rivière, notre ambassadeur A Constantinople:
cc dernier donna l’ordre à M. De Marcellus, son
secrétaire d’ambassade, de se transporter sur les
lieux pour acquérir A tout prix la Vénus de .Milo,
cl cet incomparable chef-d'iruvre, racheté à un
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NOTICES HISTORIQUES. ' 173
marchand arminien «|ui s'cn était emparé , fut
cédé au représentant de la France.
Le lieutenant Dumont d’Urvillc prit une part
très-active à l'expédition de la Coquille, com-
mandée par le lieutenant Duperrcy , plus ancien
en grade.
Promu au grade de capitaine de frégate , il
reçut le commandement de V Astrolabe, qui avait
quitté son nom de la Coquille pour prendre celui
d’un des vaisseaux de l'infortuné La Peyrouse. La
mission de rechercher les traces de ce dernier
fut confiée à cette expédition.
L 'Astrolabe appareilla de Toulon le 25 avril 1826.
Le 14 juin, elle mouillait à Ténériffe. En quittant
les Canaries , la corvette se dirigea sur l’Australie,
et navigua pendant cinquante jours au milieu
d’une mer où la tempête ne cessait que pour se
reproduire avec plus de fureur. « Il faut s* être
trouvé dans de pareilles positions, disait le com-
mandant dans son rapport A l'Institut, pour en
sentir toute ramertume. Je ne crains pas d’em-
gérer en affirmant que. durant cette seule traver-
sée. nous avions déjà essuyé deux fois plus de
fatigues et de mauvais temps que la Coquille1 dans
fout le cours de sa navigation. »
L'Astrolabe | hissa entre les Iles d’Amsterdam et
Saint-Paul au milieu de la tourmente, et par-
courut plus de trois mille lieues marines sans
toucher nulle part. Le port «lu roi Georges, sur
le continent australien, fut sa première relâche.
Après en avoir levé leplan, ainsi que celui de deux
havres voisins, d’Urville remet sous voile, traverse
le détroit de Bass, fixe la position des écueils re-
doutés du Crocodile, double le cap Horn, et pro-
longe la côte de l'Australie jusqu’au port Jackson,
d’où il se dirige vers la Nouvelle-Zélande.
Deux mois sont employés au relèvement de celle
grande terre ; un tracé de quatre cents lieues de
côtes, la position rigoureuse de baies , d’iles, de
canaux , qu'aucun navigateur n’avait encore visités
en détail, furent les résultats de stations géogra-
phiques répétées jusqu’à trois cl quatre fois |>ar
jour.
En quittant la Nouvelle-Zélande, l'expédition
fit voile pour Tonga-Tabou, et faillit périr sur
les récifs qni bordent le canal oriental de celte
lie. Puis, traversant les Iles Viti , le groupe des
Loyally, il se dirigea sur la Nouvelle-Bretagne,
et parcourut ensuite la côte de la Nouvelle-Guinée
sur une étendue de trois cent cinquante lieues.
Après une relâche à Amboine, il remet sous
voile pour recommencer une autre série d'obser-
vations sur la côte de la Tasmanie. Mais les ren-
seignements qu'il acquit à Hobarl-Town sur le
lieu du naufrage de La Peyrouse le déterminèrent
à reprendre la mer, et une navigation de quaranlc-
cinq jours à travers des archipels qu’il avait déjà
parcourus, le conduisit à Vani-Koro. C’était sur
des rochers de coraux , à trois ou quatre brasses
de profondeur, que gisaient depuis quarante ans
les restes du grand naufrage : des ancres, des
canons, des boulets et quelques ustensiles en
cuivre cl en fer, corrodés par la rouille et ««ou-
verts du ciment calcaire qui les pétrifie. Ces tristes
débris. d’Urvillc les recueillit religieusement pour
les rapporter en France; il éleva un modeste mo-
nument sur les récifs de Mangadéc, et, après l'i-
nauguration du pieux cénotaphe , Y Astrolabe de
d’Urville, plus heureuse que sa devancière, fran-
chit les dangereux écueils où elle s’était engagée,
et gagna la haute mer.
Traversant l’archipel des lies Corolines, il ar-
rive à Guani , puis sur la côte de la Nouvelle-
Guinée, et, reprenant sa roule par la mer des
Indes, pour se rapprocher du cap de Bonne-
Espérance, il opéra son retour en France le
25 mars 1828 , après un voyage de vingt-trois
mois.
M. Hydc de Neuville, ministre de la marine,
ordonna la publication de l’ouvrage destiné à faire
connaître les détails de ce beau voyage; et ce
travail inqtorlant fut accompli en moins de quatre
mois.
D’Urville fut nommé capitaine de vaisseau.
Par une singulière coïncidence, ce fut lui, qui.
en 1811, avait été cherchera Païenne les membres
de la branche cadette des Bourbons, qui fut
chargé, en 1830. de conduire en Angleterre
Cliarles X et sa famille. Il sut. dans cette circon-
stance délicate, remplir sa mission de la manière
la plus digne , en conciliant ses devoirs avec les
égards dus à une grande infortune.
Un nouveau voyage vint fournir à d'Urville l'oc-
casion de* rendre des services éminents à la science.
Une expédition fut préjwiréo pour explorer les
mors antarctiques et se rapprocher du pôle.
Le 12 décembre 1837, Y Astrolabe et la Zélée ,
trois mois après avoir quitté la France . abordaient
les terres magcllaniquos, puis s'avançaient vers la
froide région du pôle. Des parties solides, vague-
ment indiquées dans ces latitudes australes, furent
reconnues et déterminées, la carte en fixa la posi-
tion, et le pavillon national salua. & plus de trois
mille lieues de la France, les terres de Louis-
Philippe et de Joinville.
Le 7 avril 1838, les deux bâtiments relâchent au
Chili , cl reparteut bientôt de Valparaiso pour vi-
siter l’Océanie, après avoir parcouru les divers
archipels. Ils arrivent à Ilobart-Town. D’Urville
sait qu’entre le 120* et le 160* méridien aucun
navigateur n’a encore pénétré au delà du 59* pa-
rallèle. et que deux expéditions étrangères sillon-
nent les mers australes. Déjà il a poupé la route?
que suivit Cook en 1773, et il s'est élancé dans
des |>arag<*s où son pavillon brille le premier.
Bientôt il touche au cercle antarctique, et navigue
en vue des banquises. D'étranges perturbations
dans la boussole signalent les approches du pôle
magnétique : l'observation solaire marque tifi" 30'
de latitude sud; tout à coup des indices de terre
frappent tous les regards , des rochers solides se
décèlent soqs l’cnvcloppc déglacé qui les couvre;
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174
PREMIÈRE PARTIE.
quelques Ilots bordent res promontoires avancés .
<*l les embarcations qu'on y envoie en rapportent
des échantillons qui constatent la nature de celle
terre granitique. Cette terre est nommée AdSlif .
pour perpétuer le souvenir de la compagne dé-
vouée qui avait su par trois fois consentir à une
longue et pénible séparation pour laisser accom-
complir par son mari ces glorieuses entreprises.
Le 6 novembre txW), les deux corvettes ren-
trent h Toulon . après une absence de trente-huit
mois.
Le brevet «le contre-amiral fut expédié à Du-
mont dTrville; le ministre ordonna la publication
du voyage au pôle sud, et les Chambres, en votant
sans discussion les annuités demandées, donnèrent
à cet acte tin caractère national. Les savants se por-
tèrent eu foule à l’orangerie du Muséum «lïiisloiri*
naturelle, envahie par deux chargements de col-
lections; ils y admiraient surtout la belle série des
types moulés sur le vivant, et destinés pour le
cabinet anthropologique.
Le dépôt de la marine reçut presque le com-
plément de l'hydrographie du globe : soixante-
treize cartes et quarante-deux plans levés pen-
dant la campagne, <*1. parmi ces précieux matériaux
figurait l'intéressante cartographie de l'Océanie,
«le cette région polynésienne, où flotte aujour-
d'hui le drapeau fmin/ais. L. C.
RIBRON
Gabriel Birron . dont la science erpélologiquc
déplore encore lu perle, était fils d'un d«*s plus
anciens employés du Muséum d'histoire naturelle.
Sa famille, à défaut de fortune, lui donna une
éducation libérale , dont il profita dans les voyages
successifs qu'il fit eu Italie, en Angleterre et en
Hollande. Il s’exprimait avec facilité cil plusieurs
langues, et puisait dans les ouvrages «ju’il pou-
vait traduire une solide instruction.
Di's l’Age «le dix-lmit ans, étant attaché déjà
comme élève aux laboratoires «le la zoologie, les
professeurs «lu Muséum . témoins de son ardeur
cl de sa capacité l'autorisèrent à faire un voyage
en Italie. Il y resta près de quinze «mis . pendant
lesquels il se livra avec tant de zèle à la recherche
et ù l’observation . qu'il y recueillit un très-grand
nombre d'oiseaux , de poissons et d'autres ani-
maux . qui ont pris pince dans les galeries du
Muséum, dont ils font l’ornement par leur belle
conservation, et surtout par des notes intéres-
santes sur les mirurs cl les habitudes d«*s espèces
qu'il a pu observer. Le résultat de celle précieuse
excursion fut si utile à rétablissement, qu’il dé-
termina les professeurs ù solliciter, quelques an-
né«»s après . une autorisation du gouvernement
pour faire retourner Bihrnn . comme voyageur
naturaliste, dans les mêmes contrées, au lieu de
le faire ndjoimlrc, comme on le demandait, à
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175
NOTICES HISTORIQUES.
l'expédition de Moréc, qui se projetait alors, et
ce second voyage ne fut pas moins utile aux pro-
grès de la zoologie. En 1832. Bibron fut adjoint
à M. le professeur Duméril comme aide natura-
liste pour la chaire de l’histoire naturelle des
reptiles et des poissons. Dès l'année suivante,
l'illustre et vénérable professeur se plaisait à dé-
clarer, dans la préface de son grand ouvrage sur
l'histoire naturelle «les reptiles, qu’avant besoin
d’être aidé dans les recherches immenses et con-
sciencieuses que ce travail exigeait pour la déter-
mination et le classement de toutes les espèces , il
avait choisi Bibron pour son collaborateur.
Le talent de Bibron pour l'observation , son
zèle, sa patience et son érudition étaient telle-
ment appréciés des naturalistes ses contempo-
rains, que les membres de la section d'anatomie
de zoologie de l'Institut de France placèrent son
nom sur la liste des savants qu’ils proposaient à
l’Académie des sciences pour remplir une place
vacante dans son sein peu de temps avant sa
mort. Les mêmes sentiments avaient appelé Bi-
bron au sein de la société philomatique, et l’a-
vaient afiilié à plusieurs Académies nationales et
étrangères.
Le gouvernement, s'associant à ces témoignages
de confiance, l’avait nommé chevalier de la Lé-
gion d'honneur, et l’avait appelé A une chaire
d'histoire naturelle, dans laquelle il professait,
avec un grand succès, au collège municipal
Turgot.
Indépendamment de sa collaboration A l'erpé-
tologie générale, Bibron aida de ses savantes ob-
servations plusieurs recueils scientifiques ; et
parmi les différentes relations de voyage aux-
quelles il a prêté son habile concours, nulle n’est
plus digne d éloges que l'histoire de Cuba, où il
a si dignement achevé l'œuvre de son ami Coc-
teau, frappé par une mort prématurée.
Bibron est mort à l’Age de quarante-deux ans
le 27 mars 18 18, aux eaux de Saint-Alban (Loire),
loin des amis nombreux que sa loyauté et son
excellent caractère lui avaient acquis et conservés.
Ses dépouilles mortelles furent rapportées à
Paris, et M. le professeur Duméril , dans une al-
locution simple et touchante, rappela tous les
litres de Bibron A l’estime des savants, et tous les
regrets qu'avait excités la mort si malheureuse de
celui qu'il s'honorait d'appeler son collaborateur
et son ami P. D.
Aunraox est le héros de l’ornithologie; Au-
dit bon est le peintre et l'historien des Oiseaux ;
jamais vocation de naturaliste ne fut plus mani-
feste et mieux remplie que la sienne : pas même
celle de François Le vaillant. Parmi tous les sa-
vants, dont nous vous avons parlé avec adoration,
en traitant de la botanique, Sébastien Vaillant seul
pourrait, comme homme d'action , être comparé
A Audubon : il était amoureux des plantes, ex-
plorateur infatigable cl professeur éloquent; mai^
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170
PREMIÈRE PARTIE.
il ignorait l'art du dessin, et cette lacune dans scs
moyens d'expression, qui le rendit tributaire d'un
crayon étranger, empoisonna les derniers instants
de sa vie, en l'inquiétant sur l’avenir de son o»u-
vrc. Audubon, naturaliste complet, se suffit à
lui-mème: observateur, iconographe, écrivain, il
étudia toute sa vie les formes et les munir* des
oiseaux. Son pinceau fidèle nous a transmis les
unes, et sa plume a su décrire admirablement les
autres. Ce n'est plus M. le comte de BufTon , rasé,
coiffé, poudré, lejabol étalé sur la poitrine et l’épée
au côté. s'asseyant À son bureau, s’indignant de
sang-froid contre le tigre, et, de sa main couronnée
d’une manchette de dentelle, adressant à la postérité
les lignes harmonieuses que voici : «r Le tigre n’a
o pour instinct qu’une rage constante , une fureur
« aveugle qui ne connaît, qui ne distingue rien ,
« et qui lui fait souvent dévorer ses propres en-
« fants. et déchirer leur mère lorsqu’elle veut
* le» défendre. Que ne l’eût-il à l’excès cette
« soif de son sang, et ne pùt-il l’éteindre qu’en
« détruisant , dès leur naissance , la race entière
« des monstres qu’il produit!!! » — Tel n’est
pas le sauvage Audubon. C’est l’homme des l»ois
à la chevelure longue et flottante, aux traits for-
tement exprimés, à l’œil ardent et mobile, por-
tant en sautoir un fusil et une gibecière, et des-
sinant debout, en plein vent, ses oiseaux chéris,
dont il saisit au vol les évolutions rapides et les
altitudes capricieuses. Commensal lidèlc de ceux
dont il s’est fait l’historien; il les étudie le soir,
et passe la nuit au pied de l’arbre qui les abrite,
pour les étudier le malin , en attendant qu'il
puisse , sous quelque vaste butte hospitalière ,
tracer leur biographie dans un style qui causerait
à BufTon des déplaisirs mortels. En voulez-vous
un échantillon? Écoutez-le raconter les premières
impressions de son enfance, qui décidèrent sa
vocation d’ornithologiste.
« J’ai reçu , dit-il , la vie et la lumière dans le
nouveau monde , en 1780 ; mes aïeux étaient
Français et protestants. Avant que j'eusse dos
amis, les objets de la nature matérielle frappèrent
mon attention et émurent mon cœur. Avant de
connaître et de sentir les rapports de l'homme
avec ses semblables, je connus et je sentis les
rapports de l'homme avec les êtres inanimés. On
me montrait la fleur, l’arbre, le gazon, et non-
seulement je m’en amusais , comme font les au-
tres enfants, mais je m’attachais à eux. Ce
n'étaient pas mes jouets; c’étaient mes camarades.
Dans mon ignorance, je leur prêtais une vie su-
périeure à la mienne, et mon respect, mon amour
pour ces objets insensibles datent d’une époque
si éloignée , que je ne puis me la rappeler. C’est
une singularité trop curieuse pour être passée
sous silence; elle a influé sur toutes mes idées ,
sur tous mes sentiments. Je répétais à peine les
premiers mots qu’un enfant bégaye , et qui font
tressaillir le cœur de sa mère; je pouvais à peine
me soutenir sur mes pieds, et déjà, les teintes
variées du feuillage, la nuance profonde du ciel
azuré, me pénétraient d'une joie enfantine; mon in-
timité commençait à se former avec celte nature,
que j'ai tant aimée, et qui in’a payé mon culte
par de si vives jouissances : intimité qui ne s'est
jamais interrompue ni affaiblie, cl qui ne cessera
que devant mon tombeau. *
En passant de la première à la seconde enfance.
Audubon sentit se développer dans son âme le
besoin de converser avec la nature physique, qu’il
avait éprouvé dès le berceau. Quand il ne pouvait
s’enfoncer dans les forêts , ou grimj>er sur les
rochers, ou parcourir le» rivages de la mer, il
lui semblait qu'il n'était pas chez lui; et, pour
transporter la campagne dans sa maison , il peu-
plait sa chambre d'oiseaux. Son père, homme à
l'Ame poétique et religieuse , se prêtait complai-
samment aux goûts de son unique enfant, four-
nissait à toutes les dépenses qu’ils entraînaient,
cl dirigeait lui-même son fils dans l’élude des oi-
seaux. de leurs migrations , de leurs amours, de
leurs gestes et de leur langage. A dix ans, Audu-
bon , qui aurait voulu s'approprier la nature en-
tière , et qui voyait avec désespoir que les oiseaux
empaillés ne pouvaient conserver l’éclat de leurs
couleurs et la beauté de leurs formes, entreprit
de les dessiner; mais ses premiers essais furent
malheureux : son crayon donna naissance à des
myriade» de monstres . qui ressemblaient à des
quadrupèdes et des poissons, tout aussi bien qu'à
des oiseaux ; ce premier revers ne le découragea
pas : plus les oiseaux étaient mal dessinés, plus
les originaux lui semblaient admirables. Cepen-
dant . tout en traçant ces informes ébauches , il
étudiait l'ornithologie comparée dans ses plus
minutieux détails. Son père, loin de contrarier
son penchant pour la peinture, l'envoya à Paris;
il y étudia les principes du dessin, sous la direc-
tion du célèbre David. Bientôt il se lassa des nez,
des bouches et des têtes de chevaux , et retourna
dans ses forêts , où il reprit ses études favorites
avec plus d’ardeur qu'auparavant.
Peu après son arrivée en Amérique, il devint
époux et père, mais il fut avant tout naturaliste ,
malgré les représentations de scs amis. Sa fortune
subit de notables diminutions : son enthousiasme
ornithologique s’accrut d'autant : il rêvait depuis
longtemps la conquête des vieilles forêts du con-
tinent américain ; il entreprit seul de longs et
périlleux voyages, visita, dans leurs plus secrets
asiles , les plages de l’Atlantique , les rives des
lacs et des fleuves, et , après plusieurs années, il
vit peu à peu se compléter la collection de ses
dessins : alors, pour la première fois, des idées
de gloire et d'immortalité vinrent se glisser dans
son Ame , et il tressaillit de bonheur et de cou-
rage en pensant que le burin d'un graveur euro-
péen pouvait rendre impérissable le fruit île tant
de fatigues et de labeurs. Mais une épreuve terrible
l’attendait.
« Après avoir, dit-il, habité pendant plusieurs
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177
NOTICES HISTORIQUES.
années les rives tic l'Ohio, dans le Kcnluky, je
partis pour Philadelphie. Mes dessins, mon tré-
sor, mon espoir, étaient soigneusement emballés
dans une malle, que je fermai et que je confiai à
un de mes parents, non sans le prier de veiller
avec le plus grand soin sur ce dépôt si précieux
pour moi : mon absence dura six semaines. Aus-
sitôt après mon retour, je demandai ce qu'était
devenu ma malle, on me l’apporta, je l’ouvris :
jugez de mon désespoir, il n’y avait plus dans la
malle que des lambeaux de papiers, déchirés,
morcelés, presque en poussière; lit commode et
doux sur lequel reposait toute une couvée de rats
du nôrd. Un couple de ces animaux avait rongé
le bois, s’était introduit dans la boite, et y avait
installé sa famille; voilà tout ce qui me restait de
mes travaux ; près de deux mille habitants de l'air
dessinés et coloriés de ma main, étaient anéantis.
Une ardeur bridante travers;! mon cerveau comme
une flèche de feu, tous mes nerfs ébranlés fré-
mirent, j’eus la fièvre pendant plusieurs semaines.
Enfin la force physique et la force morale sc ré-
veillèrent en moi, je repris mon fusil, mon album,
ma gibecière, mes crayons, et je me replongeai
dans mes forêts, comme si rien ne fût arrivé. Mc
voilà recommençant tous mes dessins, et charmé
de voir qu’ils réussissaient mieux qu’axparavant.
Il me fallut trois années pour réparer le dom-
mage causé par les rats : ce furent trois années de
bonheur. »
Mais à mesure que la collection d’Audubon
grossissait, les lacunes qui s’y trouvaient encore
étaient d’autant plus apparentes et plus pénibles
pour lui, qu’elles devenaient plus rares : supplice
inévitable d’une ambition qui a déjà tait beaucoup
de chemin, et qui, près d'atteindre son but. ne
peut plus marcher que lentement. Enfin, par un
suprême et généreux effort, il réunit les restes de
sa fortune; passa dix-huit mois dans les solitudes
les plus reculées des forêts américaines, et son
œuvre fût achevée. « Alors, dit-il, j’allai visiter
ma famille qui habitait la Louisiane, et, empor-
tant avec moi les oiseaux du nouveau continent,
je fis voile pour le vieux monde. »
Il lui fallait un graveur et des souscripteurs
pour exécuter et défrayer la publication la plus
téméraire qu'ait jamais inspirée l’histoire natu-
relle. Il s’agissait de graver quatre cents plan-
ches gigantesques et deux mille figures d’oiseaux
coloriées, tous représentés dans leurs dimensions
naturelles, depuis l’Aigle jusqu'au plus menu
Passereau, et dont chacun est placé sur l’arbre
qu’il affectionne, avec sa femelle et ses petits,
poursuivant sa proie favorite ou becquetant un
fruit de prédilection, enfin, combattant ses enne-
mis ou ses rivaux. En approchant de l’Europe,
Audubon ne pouvait sc défendre d’une terreur
profonde ; s’il ne trouvait pas à son arrivée de
hauts et puissants patrons pour le soutenir et le
protéger, l’indigence et l’oubli allaient être la
récompense de ses héroïques travaux. Ce ne fut
pas en France qu’il vint les chercher : il savait
bien qu’une entreprise purement scientifique,
dont le succès avait pour première condition
la persévérance, offrait peu de chances de réussite
dans un pays tel que le nôtre, où l’on commence
tant de choses, et où si peu sont achevées. Ce
fut dans lu Grande-Bretagne que se rendit notre
naturaliste ; là, Audubon, Français d origine cl
Américain par adoption (double titre à la ré-
serve britannique}, se vit accueilli avec cor-
dialité Pt magnificence par les notabilités scienti-
fiques. commerciales et politiques de l’Écosse et
de l'Angleterre. Les encouragements moraux et
matériels ne lui firent pas défaut, et il put com-
mencer et finir cet immortel ouvrage, qui nous
donne l'aspect du nouveau monde avec sa végé-
tation, son atmosphère, et jusqu’aux teintes du
ciel et des eaux. Le texte est digne des figures, et
vous pourrez admirer l'un cl l’autre, en visitant la
bibliothèque du muséum, où est placé ce magni-
fique ouvrage sous le titre : ■ Ornithological bio~
graphy or an acconut of the habits of the birds
of the United-Slales of America accompagnated by
description of the abjects rcpresenled in the wurk
inlitled The birds ofA mcrica. Edinburg 1831 , fi vol.
La physionomie de John James Audubon, dit le
Blackivood’s magazine , était franche et calme, la
coupe de son visage hardie, son œil vif. pénétrant
et fixe, son langage remarquable par cet accent
étranger et par des expressions neuves, pittores-
ques, colorées et spirituelles; le costume euro-
péen ne pouvait déguiser cette dignité simple et
presque sauvage dont le génie prend le caractère
au sein de la solitude ; le front haut, l’œil libre et
fier, silencieux, modeste, il écoulait d’un air
quelquefois dédaigneux mais jamais caustique et
prenait rarement la parole, si ce n'est pour rele-
ver une erreur ou ramener la discussion à son
but ; un bon sens naïf animait son discours plein
de justesse, de modération et quelquefois de feu ;
de longs cheveux noirs et ondulés se partageaient
naturellement sur ses tempes lisses et blanches,
sur un front large et développé; sa toilette était
d'une propreté exquise mais singulière ; à son col
découvert, à l'indépendance de scs manières, à
sa longue chevelure, on reconnaissait l’homme de
la solitude. Notre civilisation ne l'avait point
marqué de sop empreinte vulgaire, l'alliage delà
société ne s’y était point noté.
Audubon, mort le 27 janvier 1851, a poussé
jusqu'à un assez grand âge sa digne et savante
carrière.
X
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178
PREMIÈRE PARTIE
DUPERREY
La corveltc la Coquille, désignée pour accom-
plir un voyage de circumnavigation sous le com-
mandement du lieutenant de vaisseau Di'pkrrky,
partit de Toulon le il août 1822, et, le 24 mars
1825, elle effectua son retour après avoir traversé
sept lois l’équateur et parcouru plus de deux
mille quatre cents lieues dans ses différentes
circonvolutions, sans avoir fait d’avaries majeures,
sans avoir perdu un seul homme. Les Iles Ma-
louincs, les côtes du Chili et du Pérou, l’archipel
Dangereux et plusieurs autres groupes disséminés
sur la vaste étendue de l’océan Paciliquc, la nou-
velle Irlande, la nouvelle Guiuéc, les Moluqucs
et les terres de P Australie avaient été tour à tour
ses points de relâche ou le but de scs reconnais-
sances.
Les Iles Clermoul -Tonnerre, Lostangc et
Duperrey, ses découvertes géographiques, les
grandes collections qu’elle rapportait pour le
Muséum d’histoire naturelle, furent l’objet d’un
rapport particulier des membres compétents de
l’académie des sciences, et ces collections, pour
tout ce qui concernait l’entomologie et la botani-
que excitèrent au plus haut point l'attention des
professeurs du Muséum d'histoire naturelle. Les
plages désertes de la baie de la Salcdad et la pit-
toresque vallée d’Olaïti avaient été explorées par
de laborieuses herborisations, l’archipel des Ca-
rolines avait aussi livré ses richesses, et dans celle
nouvelle Hollande où la végétation se montre
sous des formes si étranges, les excursions
britanniques s’étaient étendues jusqu’au delà des
montagnes bleues, dans les immenses plaines de
Balhurst. Au milieu de ces savantes recherches,
l'histoire de l'homme eut une large part, et les
tribus sauvages de l’Océanie, l'étude de leurs
mœurs et de leur langage, vinrent fournir un
nouvel aliment aux hardis explorateurs qui fai-
saient partie de cette importante expédition.
Un certain nombre d’îles nouvelles furent si-
gnalées dans la mer du Sud et surtout dans les
Carolines, cl quelques reconnaissances partielles
firent mieux connaître les Iles Mulgravc, le groupe
d’Hogoleu, et les lies Schoulcn sur la côte de la
nouvelle Guinée.
M. le vice amiral Duperrey est membre de
de l’Institut, où l’ont appelé scs beaux travaux
sur le magnétisme terrestre.
E. L.
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Adanson..,. 37-136
Aldrovand 148
Allon 48
André. .... 48
Andromaque. . . 21
Angitilliers (D'). 43*
89-96
Anne d’Autriche. 8
Aublet 33
Aubriet.. 9-12 33-61
Audouin 137
Andubon 175
Banks.. 50 à 53-142
Barélier 13
Baron 17
Barra! (De). 102 103
Barthez 78
Bassep>rte 61
Baudin. . 48 99-131
Bauhin 54
Beautemps -Beau-
pré 50
Beecher 26
Belou 2
Bentinck 136
Berger 19-20
Bcrgraann. . . . . 64
Bernardin de St-
Pierre. 88- 90-91-107
Bernis 30
Bertamboise. . . 35
Berlhollet.65-7 1-109
126-138
Bmelius. . 127-139
Beudant 127
Bexon 85
Bibron 174
Bignon 12
Biol 138
Black 64-65
Blainville.S4- 144-1 37
Bonaparte 37
Bœrhave. 13-19-27-
54-63
Bonnet 50
Bonnet (Ch.)... 151
Uonptand 103
Bordeu 30-78
Bosc 141
Bossuet 18
Bola) 3
Bougainville. 39 A 42-
44-33
Boulduc. 10-21-25-28
Bourdelin.... 23-26
Bourdelot 3
Bourdon (Itid.). 117
Bouvard .. 4-G-7-44
Bouvard de Four
queux 8
Orienne 44
Brisson 107
Broc Le ton 99
Brongniarl. 25-62-73-
94-123 à 127
Broussonncl. 46-52-
125-141
Brueys 109
Brugraann 134
Bremser 134
Brunswick 84
Bucquet G5
BufTon. 22 23-25- 30 à
32-35-36-42 à 45-
51-33-54-61-68-77-
81-84 A 87-89-96-
113
Bnllion 6
Cadet 26
Calonne 46
Camper 37
Carnot 93
Cassini 32
('.avcndisli.... 63-64
Césalpin. . . . . . . 11
Chabannet 81
Chapelier 3
Char».... 21-26-28
Charles Ie» 8
Charles 11 21
Châleaubriand. . 88
Châtelain 3
Chéradatne. ... 133
Chevalier 130
Chevreul 133
Chicoisneau. . 21-32
Chirac. 15-21-22-32
Choiseul 31
Choiseul-Stain-
ville 41
ClifTorl 34
Colbert. . . 8 à 10-25
Commerson.. 39-44-
50 53
Condorcet. 21-44-88
Constant Prévost. 127
Cook 51 4 53
Cordier ... 109 128
Courtois 139
Cousinot 7
Couturier 91
Cuvier. 37-53*61-81-
87-102-108-110-
114 à 120-122-123
A 125-127-137-178
Cuvier (Fréd.).. 166
thmty-d’lsnard.. 13
Daquin. ... 9-10-17
Darcet 66-130
Daubenton. 17*24-25-
32-35 36-41-53 69-
70-72 A 75-84-89-
90-94-96-97-105 A
107.
Daodin 142
D’Ayen 32
De Caisnc 146
De Candolle 154
Declieux 13-14
De Freycinet (L.).
169
Delalande 139
Deleuze 95
De Saussure — 153
Descemet 96
Desfontaines. 44-49-
55-58-59 70-74-07-
99.
Desmoulins. . . . 95
D’Héricy 108
Diard 134
Diest 65
Dionis 17
Dolomieu. 48-49-72-
84-109
Dombey. 44-5360-70
Don Pèdre d’Aragon.
21
DOgny 142
Drée 49
Dru 99-109
l>uc d'Orléans. . 21
Duchesne 3
Dufay 22-23
Dufresne 95
Duhamel 30
Duméril.. ... 84 119
Dumont-d'Urville
135472
Dumoulin 26
Duperrey 178
Dussutmer-Fon-
brune 133
Duvaucel... 125-134
Duverney 10-13-17 à
20-22-45-75
Duvernoy 119
Entre-Casteanx. 50
Fabricius. . . 52-141
Fagon.9 A 12-13-19-21
Faujas de Saint-
Fond... 68-94-128
Fernel 3
Ferrein 33-75
Feuillée 10
Flahautde la Bil-
larderie 89
Flourens. 21-51-86*
113-124
i Fontana 65
Fontcnelle. . r 10-12
Fors ter. ... 40
Fourcroy. 25-62-64-
66 67-71 94-129
Fourier 82-162
Frédéric Cuvier. 104
Caimard 135
Gaston d'Orléans. 8
Gaudicbaud... . 135
Gav Lussac. C8 137
138-139-140
Gazola 102
Geoffroy. 3-10-19-4V
27-28
Geoffroy -Saint-Hi-
laire 71-94 104 à
107-110 à 113-137
Gessner Il
Glaser 21
Gluck SI
Godefroy 133
Gœrtner 52
Gœihe 113-114
Goborry 3
Goiffon 13
Gouan 44-50
Gueneau de Mont-
béliard 85
Gui-Patin 4-7-8
Guise (Mlle de). 12
Gundelsheimer . 12
Guylon de Morveau.
36-71
Guy de la Brosse. 4-
5-6-10
Haller.. 33-37 39-54
Halles 23
Hamelin 102
Harvey 10
Hatty .. 53-69 71-72
91 96-105 A 107-115
Havet 135
Henry 133
Henriette d'Angle-
terre ®
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180
INDEX,
Henri IV 2-4 Lapérouse 30 Martin 103 Poivre. 33-38-39-44- Serres 113
llcrmann Il Laplace. 66-71-82-138 Maugé 99 102 47 Sérullas. 133-140 141
Héroard 46 La Reveillère - Maxarin 8 Poil 30 Simon 44
Hisinger 139 Lepeaux. 142 Mayerne 3 Pontcharlrain. . 12 Siinoneau 13
llomberg. ... 19-22 LaRochefoucault. 48- Méchain 109 Portai... 78 4 81-94 Sloane 20
Houél 2 49 ! Mersenne 19 Praslin 39 Smith 51
Humboldt.. 53-103 Larrey 109 Maurcpas 23 Priestley 64 Solander... 51 à 53
134-139 Lassone 34-77 i Maury 79 Quoy 135 Sonnerat 47
Humphry-Davy. 139 Latreille.. 127 137 | Menou 110 Hamond 59 Stahl. 26-27 62-63-
Hunauld. 18-19 22 143 164 Mcrlrud.. 35-75-94 Ramposse 103 66
25-32-34-78 Laubert 140 i 104 124 Ray 11-12-57 Sténon 34
Hutciiinson . . 110 Laugier. 68 128 131- Michaux.. 44 47 48 Réuumur 149 Stévrn 135
Isidore ('«eoffroy- 132 133-141 103 Redouté. . 46-95-170 Sydenham...... 20
Saint-Hilaire'. 92 Lavoisier. 26 63-65 i Milbert 134 Rendjet Sin^b. 136 Sylvius 4
Jscquemont. .. 1.35 66 71 129 I Milius 135 137-163 Tallard 20
136- 137 LaVrillière 43 Milne Edwards. 127 Rev-on 13 Tessier 70
Jansen 103 l^hnin 89 Mirbel 146 Kihil de la Ri Thénard. 68-135-139
Jomard Ht9 Lefevre 26 Molinos 98-104 vière 3 Thirion 48
Joncquet 8 10 Lehmann 30 Monge 109 130 Richard. 32 33-34-37- Thouin. 3544-47-55
Joubert 9 Lémery. 10 13 19^0 I Montagne 34 44 59-604» 1-94-97
Juuol 111 25 i» 28 Monlazet 81 Richelieu 7-18 Toscan 97
Jussieu (De). 13-24 Lemonnier. 17 32 33- Montcalm 41 Riedlev 99-100 Toumefort. 10 4 13-
25-27 32 40-4461- 3-I- -37-49- 50 58-90 Montespan (M™* Riolan’. 4 15 35-43-54
94-97-141 Lemonlev 8 ; De) 9 Rivarol 87 Treilhard 79
Jussieu (Ant. De). 10 Lescheoaull 134 . Montmort 3-19 Rivinus 11-57 Turgot .‘44-77
13-14-33 Lesoeur 102 1 Mordant de Lau- Robert 8-52 Vabl 52
Jussieu (A. -L. Del. . Levaillanl. ... 99 I nay 97 Robert Brown.. 103 Vaillant. 10-13-14-20-
16-3741-55458 LeviKain.. .. 99-102 ! Morin 10-12 Robin (Jean)... 34 24-35
Jussieu (Bern, De).. L'Héritier. 45-51-59! Morison 11-57 Robin Vespasien. 3- Vaillant (Séb.) . 12
14-22-33-35-54 Lhomond. 69-105-106 ' Napoléon... 111-139 6-8 Valenciennes... 95
Jussieu (Ad De). 137- Lieutaud 79 Necker (M®*). 88 Robinet 130 Vallet.... 3
145-146-147 Linné. 11-12 15-33- Newton 23 Robiquct 33 Vallot. ....... 8-10
Jostcl 3 37 4347-50-51-54- i Nicandre 21 Rohan 48 Yandermonde. . 84
Kérauran 106 55 [ Nicol 137 Roland.... 141-142 Van Hclmont. . 4-21
Kunih 103 Lippi 10 Noguet 25 Roiné de Lisle. 85 Van Horn 13
l.a Itillarderie.. 90 Lobel 11 1 Olivier de Serres Rossel (De). . .. 50 Van Royen 54
Labillardière. 31-44- Longuet 10 142 Roucber 115 Van Spaendonk. 61-
50-53-60-103 Louis XIII 1-6 | Ortéga 45 Rouelle. 17-25-26-27- 62-94
1. ahonc 65 Louis XIV. 8 à 1 1-13 Pâli sot de Beau- 29 4 32 62 Vauquelin. 68 128 à
La Bourdonnais. 3H Louis XV. 16 22-31- I vais 70 Rousseau (Einm.). 130
La Brosse 3 32-33-51-88 Palissy (Bem.). 1 19 124 Vautier 7-8
Lacaille 32 Louis XVI. 52-66-80 ; Pal las M-121 Rousseau 47 Verniquet 98
Lacépéde. 44-53-81- 92 Panckoucke. . . . 36 Rousseau (J. -J.). 17- Vestris 79
84 91 97-104-107 Louis XVII! .. 78-80 Paré 3 31-33 54-81 88 Vicq d Axyr. 28 49
110 Loureiro 44» 1 Pari sel 79 Huix 45 63-76 4 78 81
l.afonUine 31 Louvois 9-20 Parmentier. ... 140 St-Hilaire (A,e). 134 Villacert 9
Lagrange 71 Lucas 94 Pavon 45 Saint Yon 19 Villard 50
Lnnire 17 Marquer.. 26-30-62 Pelletier 27 Salisbury 8 Yolnev 161
LaklMl. . 91 92-93- 636 1 66 Péron 134-158 Salvador 13 Voltaire. 31-54-87-89
94-107 Magnol.... 11-13-57 Petit. ... 75-7081-90 Sandwich 51 Wailly 82
Lalande 39-134 Malouin 26-30 Petun 39 Sauvage 78 Weiss 102
Laraarck.. 47 94-95 Malus 109 Philibert 135 Savigny 109 Wilke 65
104 107-110 Marcel de Serres. 103 Plée ..135 Schah : Mahara- Winslow . 10-17 4 20
LarnéUirie 116 Maréchal ..... . 95 Plisson 133 ined 136 22-25-32-34-35-75
I .amure 78 Marie deMédicis. 7 Plumier 10-12 Sénac 79 | Wurtemberg. .. 116
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ADMINISTRATION — ENSEIGNEMENT
BUDGET
Avant de parcourir avec vous le Muséum d’hlstoiro naturelle dans toutes ses parties et
dans tous ses détails, avant de vous décrire toutes les merveilles qu’il contient, il nous semble
indispensable de vous instruire du mode d’administration qui pourvoit à son entretien, à sa
conservation et à son développement et de vous indiquer l'enseignement que l'on jr profosse
sous lo patronage de l'État.
Nous compléterons ces préliminaires par le budget des dépensos allouées par le Gouverne-
ment et la répartition qui en est (aile.
L'administration est confiée & quinze professeurs.
Ils tiennent leurs séances au moins une fois par semaine et sont présidés par celui d'entre
eux qu'ils ont élu pour directeur. Ges fonctions, ainsi que celles d'un secrétaire et d'un tréso-
rier, sont exercées pendant deux ans.
Les professeurs administrateurs actuellement en exercice sont, par ordre d'ancienneté :
MM. CORDIEII, C. »,
1)1 MK 11 IL, O. *,
CIIEVRKIL, C. * ,
FLOURENS, C. »,
VALENCIENNES, *,
Professeur de Géologie.
Directeur en exercice du Muséum, Professeur
de Zoologie ( Ucptilcs et Poissons).
Professeur de Chimie appliquée aux corps or-
ganiques.
— de Physiologie comparée.
— de Zoologie ( Mollusques et Zoo-
phytes ).
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1
DEUXIÈME PARTIE.
M M.
D R 0 N G N I A R T , 0. * , Proféra
BECQUEREL. 0. *,
SERRES, C. *,
I. CiE0FFR0Y-8T-HII. AIRE, 0. #, —
M 1 LIA F.-F.DVV A RDS. O. *,
IM F R É N O Y , O. #,
DEC AISNE, » .
I) E Y E R N 0 Y , * ,
F R E M Y , * , —
D’ORDIGN Y (Alcide) , # , —
de Botanique el de Physique végé-
tait.
de Physique appliquée,
d' Anatomie el d’ Histoire naturelle
de l'homme.
de Zoologie (Mammifères el Oi-
seaux) .
de Zoologie ( Insectes et Crusta-
cés).
de Minéralogie,
de Culture.
d' Anatomie comparée,
de Chimie appliquée aux corps in-
organiques,
de Palœontologie.
L’enseignement est réglé chaque année et les cours sont indiqués officiellement au public.
Ceux de Pennée 1853 sont ainsi répartis :
Cours de rhuique appliquée.
M. BECQUEREL, Professeur.
Le professeur traite, relie année, «le la Physique |
terrestre, de la Météorologie cl de ses rapports avec
1rs Phénomène* de la Vie organique et l'Agriculture j
Ce cours commence à la fin d'ortobre. Il a lieu les '
lundis et veudredis, il onze heures et dem e-
Cours de Chimie appliquée aux Corps inorganiques.
M. FREMY, Professeur.
Ce cours commence en nrrs. Il a lieu les mardis,
jeudis et samed s, à deux heurt*.
Coud, i' Chimie a piqûre au Corj-4 organiques.
M CHEVREVL, Professeur.
Le professeur, ayant traité dans le cours de 18.12,
des Principes immédiats qui constituent les Corps t -
vanls, traitera, celte. année, des Liquides et des Sol des
de l'économie organique; il envisagera donc les or-
gane» au point de vue de eur composition chimique.
Ce cours commence au mois de mai. Il a lieu les
mardis, jeudis et samedis, à (lu heures un quart.
Cocu i!e llinéralagie.
M. Dl'FRIÎNOY, Professeur.
I.e professeur, après avoir exposé le* propriétés gé-
nérales des Minéraux el les Princij^es qui servent de
base à leur classficat on , traitera plus spécialement,
cette année, des espèces nommées Métaux et Coui bus-
libles.
Ce cours commerce le I” avril. Il a I eu les lundis,
mercredis et vendredi, à d x heures du mal.n-
Cours de Géologie.
M. CORDIER, Professeur.
Cette année, le professeur traitera priuc paiement
do la classification el de la description des Hoches,
c'est-à-dire des matériaux divers (y compris les débris
organiques fossiles) qui composent les parties solides
du globe terrestre.
Ce cours commence en octobre. Il a lieu les mardis,
jeudis cl samedi», a du heure* et demie du malin.
Cours tic Pafawnlolngic.
M. Alcide D’ORBIGNY, Professeur
M. Aie de d’Orb-gny ayant été nommé an mois de
juillet de Cette année, son fours oc figure pas dans
létal officiel. C’était le cours de M. Adrien de Jussieu
qui complétait le nombre de quinze, égal à celui de*
professeur* en Rétivité.
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ADMINISTRATION. - ENSEIGNEMENT. — BUDGET.
ô
Cours de Bolaniqiic el de Plnsiqtie végétale.
M. Ad- BRONGN1ART, Professeur.
Le processeur traitera, cette année. 1° des ramilles
de Gymnospermes et de Cryptogames; U" de la distri-
bution géographique des Végétaux; 3° des Plantes fos-
siles.
Ce rours rommenre en avril. Il a lieu les lund s,
mercred i et vendred i, è bu t heures et dem e du
matin.
Cours de l'Histoire tulurrllc des VamniCres cl de* Oiseaux .
M. IsiD- GEOFFROY-SAINT - Il 1LÀI HE,
Professeur.
Le professeur traitera, celte année, des Mammi-
fère*.
Ce cour* commence en octobre. Il a lieu les mardis
Ct samedis, à une heure -
C nu de Cullurc.
M. DECAISSE, Professeur
Ce cours comprend la reproducton el la multiplica-
tion des Végétaux dan* leur rapport à la culture, ainsi
que l'histoire des Arbre* qui constituent nos essences
forestières, la taille des Arbre* fruitiers, etc.
Il commence en avril, et a lieu les mardis et same-
dis, à huit heures ct demie du matin.
C'irs li'Aoalomic el dflisliirc nanrcllc de l'Homme,
ou d'Anlliropologic.
M. SERRES, Professeur.
Le professeur exposera la théorie de la Génération
et les règles de l’Organogénie cl de l’Embryogénie.
Les digressions sur l’Anatomie comparée auront pour
objet d'éclairer la structure de l'homme par celle des
animaux, alln d'arriver à la détermination méthodique
des diverses races humaines.
Ce cours commence dans le courant d'octobre. Il a
lieu les mardis, jeudis ct saroed s. à quatre heures et
demie
Ctwrs d'inaloaie comparée.
M. DUVERNOY. Professeur.
Le professeur traitera des Organes de la Nutrition-
Il décrira en détail, dans la première partie de ce cours,
les dents des espèces de vertébrés vivantes el fossiles,
et les caractères que l’on peut en tirer pour la déter-
mination de ces dernières espèces.
Ce cours commence en mai. Il a l eu les rnard s,
jeudis et samedis, à trois h.urcs ct demie.
Coati di* Phyual'*iG comparée.
M FLOUHENS, Professeur
Ce fours commence dans le mo.s de mars II a I eu
les mardi*, jeudis ct samedis, à onze heures.
Coors de Histoire tialartlk des Reptiles cl des Poissons.
M C- DUMÉRIL, Professeur.
L'his oire générale de ces deux classes fera le sujet
du rours de cette année-
Le professeur fera connaître l’organisation des Ani-
maux qui les composent, en la comparant à celle de*
autres êtres an rocs- Il aura ainsi orras on d’exposer
les modifications les plus remarquables de leur struc-
ture, de leurs fonci ons ct de leurs habitude*.
La seconde part e du cours sera consacrée à l'étude
de la dnssifteaton des Reptiles ct des Poissons vivants
ct fossiles et à leur distribution en familles natu-
relle*.
Ce cours commence en avril. Il a lieu les lundis,
mercredis et vendredis, à onze heure* el demie du
matin, dans la galerie de zoologie-
Cour de l'Histoire nalur Ile des Crustacé*, des Arachnides et
des inscflrs.
X. M l LN E-E D \V A R DS , Professeur.
Le professeur traitera, cette année, de l'histoire des
Insectes.
Ce cours commence en avril. Il a lieu Ica lundis,
mercredis ct vendredis, à une heure.
Cours de l'Histoire nalnn-llc des An&clidcs, des Mollusques
el des ZuopbviCî.
M. VALENCIENNES, Professeur
Le professeur traitera de l'Anatomie générale, de
la Physiologie et de la Cia s firation de* Annéltdes,
des Mollusques et des Zoophytcs, ct il exposera le*
caractères généraux des pr-ncipnles famille* de ces
t.ois embranchements, en comparant les espèce* fos-
sile* aux espèces vivantes.
Ce cours commence en octobre 11 a lieu le* lundis,
mercredi* et vendredis, à une heure.
Pour compléter ce qui touche à renseignement, nous devons dire que deux cours de dessin,
l’un pour les animaux, l’outre pour les plantes, sont professés vers le mois do moi, le pre-
mier par M. C11ÀZAL, le second par M. LE SOURD DE BEAU REGARD.
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C DEUXIÈME PARTIE.
MM. les professeurs sont secondés dans leurs fonctions par des aides-naturalistes et des
préparateurs dont voici les noms.
AIDES-NATURALISTES ET AIDES-PRÉPARATEURS.
MM. ROUSSEAU (Emmanuel),
Aide-Naturaliste W Anatomie comparée.
PRÉVOST (Florent),
—
de Zoologie.
SPACH,
—
de Culture.
DUMÉRIL (Auguste) ,
—
de Zoologie.
ROUSSEAU (Louis),
—
ld.
D’ORBIGNY,
—
de Géologie.
BLANCHARD,
—
de Zoologie.
RIVIÈRE,
—
de Minéralogie.
II U GARD,
—
supplémentaire de Minéralogie.
TULASNK,
—
de Botanique.
WEDDELL,
—
ld.
RECQUEREL (Edmond),
Aide-Préparateur de Physique.
JACQUART,
—
d' Anatomie.
PI1I U PEAUX,
—
de Physiologie.
CLOES,
—
de Chimie.
TERREIL,
—
ld.
Le service des Jardins et des Serres est composé do la manière suivante.
JARDINIERS.
Pépin,
Jardinier en chef de V École.
Neumann,
— des Serres.
Cappe,
Jardinier des Arbres fruitiers.
Houllet,
— aux Serres.
Champy,
— du Fleuriste.
Rihoelle,
— de la Serre tempérée.
Kouque,
— de la Ménagerie.
Helye,
~ des Labyrinthes.
Rergé,
Gouault,
Carrière,
| Jardiniers.
Hezard,
Chauffeur aux Serres.
PRÉPARATEURS.
Sous le litre modeste do Préparateurs, vingt-trois jeunes savants, qui consultent plus
souvent leur dévouement à la science que le médiocre profit qu'ils en retirent, rendent au
Muséum d'éminents services, sans avoir à espérer que de plus importantes fonctions viennent
couronner leur ado. Ce sont :
MM. Pocheras, MM. Hupé, MM. Desmarest,
Gratiolet, Eocoliit, Sénéchal,
Lucas, (îoichesot, IIéhincq,
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ADMINISTRATION. — ENSEIGNEMENT. — BUDGET.
7
PoxnTMAK,
MM. Stahl,
Salomon,
Robzet
Vblpiar,
Perrot
Deramond,
Hüet,
Merliebx,
Lantz,
MM. Braconnier,
ItOUI. AUD,
Yobnc,
POTTEAC.
Lu sarde des Galeries psi confiée aux soins intelligents de:
MM. k I f: s k R (Louis) , pour In Minéralogie et la Zoologie.
Gaudichaud, pour la Botanique.
l'ne troisième place est vacante par la mort de M. Laurillard : c'est celle de garde des
Galeries d'anatomie.
On aurait tort de juger du mérite des titulaires par l'humilité de 1a dénomination do leurs
fonctions. La science, nu Muséum, a, dans tous les rangs, des célébrités légitimement
acquises , et souvent un titre , si modeste qu’il soit , est avidement recherché h cause du droit
qu'il confèro de consulter de plus près et plus assidûment les objets qui facilitent les études
ardues et ingrates auxquelles se livrent les Préparateurs.
Il en est parmi eux dont le nom est célèbre dans la science ; et il n'est pas sans exemple
que l’Académie ait ouvert ses portes è plusieurs d’entre eux.
La bibliothèque est confiée aux soins éclairés de :
MM. Desnoïers, Bibliothécaire.
L E M E R c i F. R , Sons-Bibliothécaire.
La science bibliographique de ces Messieurs, leurs soins prévenants, rendent faciles les
études que l'on demande aux trésors bibliographiques du Muséum.
Pour entrer enfin dans les détails de cette vaste Administration, il est nécessaire d’ajouter
qu'elle compte cent trente-six personnes attachées aux services de tous genres qu’exigent la
Conservation, la Garde, l’Entretien des Jardins, des Serres, des Galeries et de la Ménagerie.
Le Muséum est compris nu budget de l’État pour une somme de 469,780 francs, dont
voici la répartition pour l’année 1 853.
§ l«. — PERSONNEL.
Traitement de 15 Professeurs à 5,000f
— 2 Maîtres de dessin à 2,000f
— 1 Bibliothécaire à 3, 000r j
— I Sous-Bibliothécaire à 2,406' 1
— 15 Aides-Naturalistes et Aides-Préparateurs, de
1 ,500 à 3,000'
— 20 Préparateurs, de 800 i\ 1 ,800r
— 33 Employés, de 750 è 3,500f
Gages des gens de service
Indemnité aux voyageurs naturalistes
§ 2. — M VTÉRIEL.
Galeries, laboratoires et cours
Jardins et serres
Ménagerie.
Ateliers et entretien
Chauffage, éclairage et frais divers.
75,000 ;
4.000 .
.5,400 1
229,780
31,6001
20,050 \
49,200
38,530
25,000
79.700
48,100 I
42.700 215,000
23,500 \
21,000
469,780
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H
DEUXIÈME PARTIR.
Nous no voulons vous attrister par aucune critique d’un établissement dont la France a
droit d’être flèrc et qui rend à la science les plus signalés services. Nous appellerons seule-
ment votre attention sur l’extrême modicité de la somme attribuée au Muséum par l’État.
L’administrutiou, restreinte dans les étroites limites qui lui sont assignées, est trop souvent
forcée de renoncer à rémunérer des travaux qui seraient pavés au quintuple par l’industrie et
auxquels le Muséum n’offre aucun avenir. De pareilles entraves se font sentir à chaque instant
et pour chaque partie des différents services.
Los voyages de recherches seraient impossibles, si d’autres administrations ne venaient en
aide aux courageux explorateurs que l'amour de la science entraîne vers des climats lointains
et trop souvent meurtriers.
Les Galeries, devenues insuffisantes pour l'innombrable quantité d'échantillons précieux qui
abondent sans cesse, n’attendent qu’une allocation indispensable pour étaler dignement leurs
richesses aux yeux du public.
Les Ménageries exigent aussi «les constructions plus vastes, des hôtes nombreux et plus
variés , pour que le Muséum puisse conserver son incontestable supériorité.
Le désintéressement «les personnes attachées au Muséum est l’une do ses gloires; mois en
France, où les sentiments généreux font battre tant de nobles cœurs et où l’on sait supporter
avec orgueil et en silenco les positions les plus difficiles, l'État doit veiller à ce que ceux qui
lui consacrent leurs travaux et leur avenir soient rémunérés honorablement et n’aient pas à
redouter pour leurs vieux jours un abandon qui s’explique, mais qui ne se justifie pas par cet
axiome barbare : Ingratitude pour les vivants, oxtb'i pour les morts.
Il n’est pas douteux que lu haute pensée <|ui s’étend avec tant de sollicitude sur tout ce qui
louche aux établissements importants de la capitale , ne vienne un jour accroître la splendeur
du Muséum, encourager les services présents et récompenser les services acquis.
L. C.
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PLAN TOPOGRAPHIQUE DU .1
Drpendamc du Masè
Entrepôt
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fh/urrr tir la, Am 1/ s
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èfi Brltrr.r il llyrs/rnt
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1* Orfr tf Jttr/ùr
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*9 Éjptmmrur pAustr/rftfttar
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il -Ifrttft t/ fianur
Si Bat rur t/r firsrr
Si Battus ss Aistfurrr
St AtsArr a’ /lyrrtr .
J Irrû st BtsAat tf h-trtsfr
LEGENDE
/ forts yntinpm/r su /arr Uu /ht/
a tu.i/rrlif»
2 for/s rur frtrf/ray .ff Hiisurs
J Ihte placr air lu Btfis
t fort» rur (uns*-
S Br ru futu .T' /frruurt/
S forts r ts* flu/fr’t canJaUtntit J
? forts rttf Btt/fsn su fttsr ,ùt t*m/s tir
K Burra/t st Ja/lr .1 at//utntjrtrm//ait
* Br, tnd atHjtlufhssisrr
/#» tralsrir, rS ilripAi/A/a/rs t/s ,/ts/sys
tf t/r rurs/ aJoutr
U ttm/sns t/r fisfurtyttr
12 Btblirtkrtfttéi
/J B a/t rt, * ,/ kutrrr, uaf/tsW/r
It bti/sstr» S/ antyAt/Astt/rs / amn/rmtr
H Xrrtr rsur/ttu st a t/su. r mstu.t tf /wrt/Uuj
16 Strr*r /tu//irn BsttU/,, st BhUÀtrt .
17 •timor tttyitrt**
Cn 'Ailler iih
!» 't/ryj tint rnU/t/ssu
19 nrrtmotr\r
20 /tfhsr.r rf re/rujuc
il Isytutsmr t/r f l Ira
:: /
ii lirUnt/r t/tu
• * f'tt/jranr/rrtr
iS Fmitau/irrir
3( fort aut tartuar
ST St/uttrts
Si . Inirmi/ t trrrrr.r
39 Bçpftfor
J0/tU:rra ttu.r t/urr
J ! t'i/i/tyif Bufiu/r
JS .Ht'u/fira a m.iruAf/frj stt.
.farts
Si Cerf sosAttn
it intt/rrr fiuFtû
Si Bà/trrr ony/utr
Si Am tuf lurs
37 /frsôi.c any/tturs .
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RDIN DES PLANTES EN 1853
Ceeuirr
fhrfr d.f/jerte
in/e/ape Bu A a/e
Bueueured
*fr de fuyant
trmea~ae tè Coma ff*r
Leur et AtrAe.r
*ff* rt BtfAae du Beetya/r
l-n,t
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't’toyro
"•/‘eue de CAtue
•tAr du tûuadu .
'««* rt Am/mai-
•¥* f*uUt Put fa de./
morde Crv.rüee
‘Uécrj de U uaur*' HrUaad/
Atrtrurkes
‘VU ’l/.r UCUS .
VÙSttMM O/ft/elfe/fUetr V Bu «* n.r
CAfO/-eu du . fret n tien
Lama
Aud/apr rt Caxe//e
C6saraue/.e
BemurAe arme*
Lama*
! À erre., de /a Am* Lyv/dr
••airt/u tarai /te
ht eu fur du yrmud LaJynuMe
S7 tertre du / d'an
U f>tu I.uAyruitAs
19 teueù/.r rt Jtmùt
90 Ktm/ee de Artouufue
9/ Au /.art fia
91 Carrer CA/tySa/
9S tarses rjeurt.au .
9* Carre
9C lierres de* p/aufu ms. //renie Are
97 .'suies de Ai pspin/srr
96 ferre dm art/ es aesys U, mue su*
99 flesfurt d aufaotne
191 Basfuee d rte
101 .fusera Atvyurt du rraueaytj
Ht ietrru du plante./ afua/ifuu
tôt Car ru d drAru frue/iers
m td/è
Hi Itaeu douants
I9P Pept/uier.i
’mp Leo*rr:*r
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Le Jardin des Plantes, c'est le résumé de la création : animaux vivants cl morts, minéraux,
plantes do toute nature et de tout pays, tout est là. La capitale du monde civilisé lit pas do
spectacle plus merveilleux que cet admirable abrégé du monde matériel ; en vain chercheriez-
vous à Paris rien de plus intéressant, rien île plus éternellement beau. Chose rare, et cent
fois heureuse, le local qui renferme tant de trésors est, rie tous points, digne de sa destination :
ce serait encore la plus charmante promenade, si ce n’était le plus magnifique Musée. Venez-y
avec confiance, et soyez assuré que vous y trouverez toujours, sans avoir jamais à craindre
la saliélé, do quoi fournir aux jouissances des yeux et satisfaire les curiosités de l’esprit. Ne
redoutez point la confusion qui trouble et qui fatigue; l’ordre régno ici dans la richesse; tout
est à sa place, et l’arrangement double le prix do l'abondance.
Avant d’examiner ce que contiennent ces Galeries, ces Serres, ces Jardins, cos Carrés, ces
Cages, ces Parcs, ces Collines, jetons un coup d’œil rapide sur l’ensemble de ce vaste établis-
sement; faisons-en la reconnaissance : avant de prendre possession, dressons sommairement
l’état des lieux.
Le Jardin des Plantes, successivement agrandi , débarrassé des entraves qui te gênaient,
couvre aujourd’hui une étendue de quatre-vingt-dix arpents environ. Dégagé' de tous les côtés,
il a pour limites, à l’Est, le quai Saint-Bernard; au Sud, la rue de Buffon; à l’Ouest, la ruo
Geoffroy-Saint Hilaire, qui le sépare du l’hôpital de la Pillé; nu Nord, la rue Cuvier.
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10 DKlXlfcMK PARTIR.
Bien îles portes donnent accès dans le Jardin; entrez de préférence par la porto d’Austerlitz :
c'est la porte principale, l’entrée d’honneur; son nom est moderne, sa date ancienne. De la
grille qui la ferme, vous jouissez d'un coup d’œil imposant; votre regard embrasse toute la
profondeur du Jardin; les bâtiments du Cabinet d’Ilisloire naturelle apparaissent nu loin,
précédés d'une forêt d’arbustes et de plantes , que bordent et dominent , de chaque enté , de
superbes allées de tilleuls; vers le milieu de leur développement, ces belles allées présentent
plus de hauteur; c’est qu’à partir de là, elles sont l’œuvre de liuffon, et remontent à 1740;
le reste a été planté plus lard.
Voyez, devant vous, l'immense espace compris entre les allées : il est occupé par une suite
de Carrés de plantes («" 96 du plan), tous limités par des treillages en bois ou des grilles en
fer, entourés d'arbres ou d’arbustes, consacrés chacun à une destination spéciale, cl ouverts
généreusement à l’étude. Dés votre entrée dans le Jardin, vous trouvez la bienfaisance unie à
la science ; le premier Carré qui s'offre à vous est celui des plantes médicinales : c’est l’oflicine
du pauvre, tout s’y délivre gratuitement.
Au delà, toujours en face, sont les Carrés du Potager et des Plaides usuelles (n° 95 du plan) ;
puis les Carrés Creux fa” 94 du plan), qui présentent un bassin de verdure : autrefois, ils
étaient remplis d’eau et servaient aux plantes aquatiques , que nous retrouverons ailleurs.
Viennent ensuite le Carré du Fleuriste («” 93 du plan), et les Carrés Chaptul (m° 92 du plan),
séparés par un bassin circulaire ; on y cultive les piaules étrangères herbacées vivaces.
En suivant, de la porte d’Austerlitz, où nous nous sommes tenus en entrant, celle longue
série d’enceintes verdoyantes, votre œil atteint la grille qui sépare le jardin de lu cour du
Cabinet d’IIisloiro naturelle. .Meltons-nous en marche maintenant; commentons un voyage
qui sera triqi varié pour devenir ennuyeux, et où l’intérêt nous soutiendra contre la fatigue,
si elle se faisait sentir.
Dirigez-vous à gauche, et entrez sous l’une des deux allées de tilleuls : en la parcourant
ans toute sa longueur, vous aurez, à droite, les Carrés du milieu, dont je vous parlais tout à
l’heure; à gauche, et dans des enceintes semblables, le long de la grille de la rue de liuffon,
les Carrés du Printemps (n° 101 du plan) , d’Été (n* tOO du plan ) , et ceux de l'Automne
(»• 99 du plan), les Carrés des Arbres verts (Outquilu d'Itiuer, n° 98 du plan) , puis le Carré
des Semis de la pépinière («° 97 du plan) : je vous les montre seulement et vous les nomme;
eu ce moment, nous nous promenons partout sans nous arrêter nulle part. Nous ne profile-
rons pas encore do ces sièges et de ces tables rangés au-devant de ce Chalet («“ 101 du plan)
élevé au bout du Carré des Semis de la pépinière , quelque engageant qu’en soit l’aspect ; c’est
un Café où l’on relève ses forces éprouvées par une longue excursion ; on y jouit d’une vue
charmante , du calme et do la fraîcheur; on s’y abrite sous le premier Sophora du Japon qui ait
fleuri en Europe, et sous le premier Acacia venu de l’Amérique septentrionale; planté par Ves-
pasien Robin en 1 635, cet arbre vénérable est le père de l’innombrable postérité qui fait l’orne-
ment de nos parcs et de nos jardins.
Passons. Le long bâtiment à deux frontons (n"1 10, 11, 12 du plan), qui s’étend parallèle-
ment aux Carrés Chaptul , précédé d’une grille cl de quatre petits carrés de fleurs , de gazon et
d’arbustes, contient, sur un développement de cent quatre-vingts mètres, les galeries de Bota-
nique, puis celles de Minéralogie, eufiu la Bibliothèque et les Salles pour les leçons de 'dessin
et de peinture des plantes.
Traversons la grille qui nous sépare de la cour. A gauche, cette maison à deux étages
(«" 21 du plan), d'élégante et modeste apparence, c'est celle qu’habitait liuffon; c’est là qu'il
recevait les hommages de l'Europe savante, qu’il accomplissait ses immenses travaux, cl
traçait ses immortels écrits. Les appartements du grand naturaliste sont dignement occupés
par l'un des professeurs-administrateurs , homme de science et de talent, M. Flourens.
Dans toute la longueur des galeries de la cour s'étend le bâtiment des Galeries d’ilislnire
naturelle (n° 13 du plan) J vous visiterez à loisir ces trois étages de salles où s'étalent, dans
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TOPOGRAPHIE. 11
un ordre1 parfait et une admirable conservation, toutes les richesses do ce qui a vécu jadis
sous le nom de régne animal.
Montez les quelques marches d’un escalier facile cl orné de fleurs , et , sur votre gauche ,
vous suivrez une terrasse qui horde la rue, autrefois du Jardin du lloi, aujourd'hui rue
Gcoffroy-Sainl-Hilairc : c'est mieux, car tout ici doit rappeler les gloires de la science.
A travers des massifs de verdure, vous descendez à un joli bassin couvert do lierre, qui
reçoit les eaux d'un réservoir (n° 19 du plan). En face, à l'angle de deux rues, est une |H>rle,
et au delà vous voyez une fontaine monumentale, chargée des attributs de l'histoire naturelle ;
elle porte le nom de Cuvier, légitime hommage rendu à l'honnne qui, à quelques [ms de là ,
s'est immortalisé par ses découvertes. Mais, ne sortons pas du Jardin, nous avons encore
tant à y voir!
Pénétrez par le premier chemin que vous verrez s'ouvrir entre les massifs; il vous introduit
dans la partie haute du Jardin ; des allées sinueuses , pratiquées avec art , peuplées do toutes
les variétés d’arbres verts , forment le grand Labyrinthe , délicieuse promenade oh votre ail
est charmé , votre intelligence instruite , votre coeur ému. Ici vous rencontrez les sveltes pins
d'Italie, le majestueux Cèdre du Liban (n° 87 du plan) , ce témoin séculaire du passé, qui a
couvert de son ombre des générations de visiteurs. Tout près de cet arbre orgueilleux se cacho
le modeste monument élevé à llauhenton (n° 8t> du plan ) ; une simple colonne, des plantes,
du soleil , de l’air et de l'ombre , le voisinage des collections , voilà bien la tombe de l’homme
qui a voué une longue et paisible vie à l’étude de la nature.
Engagez-vous dans les spirales du Labyrinthe, elles vous mèneront au sommet de la colline :
vous y jouirez du panorama de Paris (n“ 85 du plan); vous le contemplerez à votre aise,
assis sur les lianes du kiosque do bronze, belvédère admirablement placé, dont l’entrée porte,
on ne sait trop pourquoi , cette inscription aussi ambitieuse qu’obscure ; Haras non numéro ,
nisi scrcnas. u Je ne compte pas los heures , si ce n’est les sereines. » Blâmons en passant ce
prétentieux abus do sentences vides de sens, qui nous en rappelle une autre, gravée par une
inspiration contraire, autour d'un cadran dans une ville d'Espagne : Vulncrant omnes, ullima
necal. « Toutes blessent, la dernière tue. » Ce qui prouve qu’en fuit d’inscriptions sententieuses,
tous les goûts peuvent être satisfaits.
En descendant , repassez sous le Cèdre , et un chemin qui vous donnera l’illusion d’un
paysage des Alpes vous conduira entre deux superbes pavillons vitrés (n" 15 du plan). Ces
palais transparents sont les serres chaudes,. suivies, d’un côté, d’une longue ligne do serres
courbes, au devant desquelles s’élève la nouvelle serre à deux pans, qui va contenir, à droite,
les Orchidées; à gauche, les Fougères ; au centre, un Aquarium, ou Serre aquatique; enfin, au
bas de ces trois serres, la serre à multiplication; là vivent, réchauffées par une hospitalité
ingénieuse et savante, des milliers de plantes auxquelles notre soleil serait glacial et mortel.
Elles sont immenses ces serres nouvelles, elles écrasent de leurs larges proportions leurs
devancières et leurs voisines, les serres Buffon, Baudin et Philibert; et, pourtant, elles sont
déjà insuffisantes , comme les carrés qu’elles protègent et qu’elles desservent; les bras do
l’homme sont si petits quand ils veulent tenir toute la nature !
Revenez un peu sur vos pas : derrière les serres, à droite, vous parcourrez, sur une collino
pou élevée, les allées pittoresques du petit Labyrinthe (»“ 88 du plan). A son extrémité septen-
trionale se dessine, comme une vaste corbeille, rafraîchie par un jet d’eau, un gazon circu-
laire oh se déposent les caisses des orangers et d’autres arbustes délicats. D’élégants Palmiers
s’élancent à la porte du granil Amphithéâtre (n« 9 du plan) , dont cette pelouse semble être la
gracieuse salle d'attente. L'Amphithéâtre a quelquiTchose d'imposant dans scs formes compli-
quées et un peu lourdes; il inspire lo respect pour le souvenir des grands hommes qui y ont
professé, et pour la présence des hommes éminents qui y perpétuent les traditions de la «cienco
et du dévouement.
A côté, une cour s'ouvre sur la rue Cuvier; elle renferme le bâtiment de l'administration et
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DEUXIÈME PARTIE.
des laboratoires (n« 8 du plan). Un établissement qui possède un matériel inappréciable, et qui
correspond avec les savants , avec les voyageurs du monde entier, a de grandes nécessités
administratives, et les préparations de toute espèce qui s’y font sans cesse ont besoin de tous
les secours rie la chimie et de la physique , avec leurs instruments les plus précis et les plus
ingénieux. Dans cette cour, et de distance en distance, tout le long rie la rue Cuvier, se déro-
bent, à travers les fleurs et les arbres, comme dans des oasis, de modestes habitations (?<°* 21
du plan); c'est l'asile de l’observation solitaire, de l'étude silencieuse, du travail retiré, la
demeure des professeurs et des employés.’ Vous pouvez avec confiance saluer de vos respects
chacune de ces fenêtres : l'une éclaire l'appartement des Jussieu , ces souverains créateurs de
la science botanique , et ou vient de s’éteindre Adrien rie Jussieu , qui portait avec gloire
le poids «le ce nom illustre, qu'il avait su honorer encore par les plus nobles travaux;
l’autre est celle de M. Chevrcu), dont notre industrie bénit les précieuses découvertes, et qui a
si dignement succédé à l'illustre Yauquclin. Plus loin, c’est à Geoffroy -Saint -Hilaire «pie
vos hommages s'adresseront , et vous honorerez en même; temps les deux générations où les
vertus du cœur, le culte de la science, l’élévation des idées brillent «l'un si pur éclat. Loin des
bruits du inonde, au centre «les produits oii ils cherchent sans cesse de nouvelles découvertes,
ces hommes laborieux jouissent du bonheur que leur donnent la j>enséc satisfaite, les services
rendus , l’estime acquise. Je ne suis si c’est la meilleure des républiques , mais , à coup sûr,
c’est la plus heureuse des colonies.
Derrière le grand Amphithéâtre, vous apercevez une de ces maisons, célèbre entre toutes,
celle oii a vécu Georges Cuvier; puis, tout près, à la portée et comme sous la main de ce
grand naturaliste , les instruments ou plutôt le témoignage et les preuves de la science créée ✓
par son génie, les innombrables pièces d’anatomie comparée qui remplissent tout un musée
renfermé dans un vaste bâtiment («° 14 du plan) ; plus tard, vous admirerez cette immense
collection sans pr«'*eédent et sans égale. Quant à présent , jetez seulement un coup d’œil sur la
cour, ornée d’ossements trop grands pour trouver place dans les galeries, et du squelette
monstrueux d’un Cachalot; saluez en passant le petit amphithéâtre annexé au Musée, et d’où
se sont répandues les lumières de la science inaugurée par Cuvier.
Après <|uclques jolies habitations d’employés, se présente un petit édifice (n° 20 du plan),
que l’on prendrait pour une serre; approchez de son vitrage : vous reconnaîtrez, non peut-être
sans quelque frémissement, le Musée erpétologique, séjour des Hoplites vivants, où les soins
les plus intelligents et les plus courageux entretiennent la vie et permettent d’observer les
mœurs «lu terrible Crotale, du Trygonocéphalc, du Kaïuian, «le la Vipère et d'une foule d’au-
tres animaux , «pii excitent tout l’intérêt de l'élude , tandis qu’ils n’inspirent au vulgaire «pie la
frayeur ou le dégoût.
Passez devant les grands ateliers, les magasins et remises [u° 20 du plan), que nécessitent
les besoins si variés de l’établissement; vous trouverez encore, à gauche, quelques habitations
de modeste apparence noyées dans «les massifs de luxuriante verdure : l’une d'elle abrite le
respectable régénérateur de la science erpétologique , le créateur de la Ménagerie des Repti-
les, dont nous parlerons plus tard, avec* tout le soin qu’elle mérite, un nom «wnnu par toute
la terre, M. Duméril, Directeur en exercice «lu Muséum. I n beau carré d’arbres fruitiers (n° 103
du plan), aboutit a la porte du quai Saint- Remard ; la grille qui longe le quai vous mènerait
jusqu’à la grande porte «l’Austerlitz; n’allez pas si loin : suivez seulement le Carié d’arbres
fruitiers qui borde le «piai et qui est séparé de l’autre par un beau parc («”* 51, 52, 53 du plan),
où vous verrez courir à la fois nos Daims de France, le Daim de Grèce, le Kangurno de la
Nouvelle-Hollande et l’Agouti aux formes élégantes et au joli pelage. Maintenant, arrêtez-vous,
et, tournant le dos a la rivière, regarder, dans la profondeur du Jardin, ces enceintes gazon-
nées, ces touffes d’arbres, ces treillages élevés, ces huttes, ces chalets, ces constructions
de toutes grandeurs «*t «le tous caractères, ces chemins sablés qui s’enfoncent dans toutes les
directions; cet ensemble si pittoresque, si attrayant, s’appelle, sans doute à cause de sa fral-
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TOPOGRAPHIE. U
chcur ot de sa variété, la Vallée Suisse; il est bien entendu que vous n'y verrez ni vallons, ni
montagnes , ni lacs , ni cascades , m glaciers.
Voici d'abord la Ménagerie dos animaux féroces («" 28 du plan ) ; l'odorat , avant la vue ,
vous avertit de la présence de ces redoutables hôtes. Leurs loges, fortement grillées du
côté du public, s’ouvrent par derrière : toutes les précautions de sûreté sont prises. La Ména-
gerie n'est pas un objet de vaine curiosité ; un vaste terrain , qui eu dépend , est consacré aux
expériences physiologiques.
A gauche , et comme pour faire contraste aux farouches habitants des loges , do gracieux
parcs, limités par des claire-voies, renferment des Moutons d'Astracan, «les Cerfs de diverses
espèces, des Zèbres, le Dauw et le Cerf cochon. Prenez ensuite à droite, uprès avoir tra-
versé des parcs de Moutons d’Abyssinie, vous êtes devant l’immense Rotonde oti les Singes
(n° 27 du plan) gambadent , jouent, grimacent et mangent; on a apjtelé cela un palais : vous
verrez si ce n’est pas à la fois un gymnase, un réfectoire, un dortoir, un théâtre; après tout,
qu’importe le nom? A côté de ces remuants quadrupèdes, un terrain et un bâtiment ont été
réservés pour los expériences physiologiques. Plus à droite encore, vous avez devant vous
la Fauconnerie (11" 25 du plan), oit, derrière des grillages , à l’air et au soleil, perchent les
Oiseaux de proie de nos climats et des pays étrangers, A droite de ce parc, se trouve («” 2ü
du plan) le faire aux Tortues.
Retournez-vous quelque fieu, un plus aimable spectacle vous attire : lu Faisanderie («" 24
du plan), cet hémicycle de III do fer, cette réunion de cages spacieuses, retient prisonniers de
beaux et pacifiques Oiseaux : le Faisan , la Perdrix , la C.oloinhe, le Rossignol , et cent autres ;
un bassin, qui su trouve placé derrière ce bâtiment et que vous pouvez apercevoir de l'extré-
mité septentrionale de la volière, donne l’hospitalité aux Oiseaux aquatiques précieux, tels que
le Pélican, l’Ihis sacré. Le Phoque profite aussi de ce bassin pour y donner le spectacle do ses
jeux , de son agilité et de son attachement â son gardien.
Los captifs emplumés ne sont séparés que par le parc aux llémioncs («° 62 du plan), do la
massive Rotonde (n° 23 du plan), flanquée de pavillons, qui reçoit les plus grands, ou les
plus vigoureux, nu les plus délicats des Ruminants. De ce square à hôtes, où une bonne
police, avec de larges poutres et de forts barreaux de fer, maintient l’ordre et la tranquillité,
sortent , dans les parcs affectés A leur promenade , la Girafu élancée , le pesant Éléphant , le
Rhinocéros farouche, le Chimpanzé aux mœurs si douces et d’une agilité si charmante, l’utile
et olmissant Chameau; d’autres y figurent encore quand l’âge ou le climat leur permet do vivre
pour notre plaisir et notre instruction.
Tout autour de In Rotonde s’étendent de grands parcs ombragés, divisés en nombreux com-
partiments, disposés selon les mœurs de leurs habitants; ici les Rennes, un peu plus loin les
Cerfs de Virginie cl le Bubale, les Couaggas; là les Aulruchos et lus Casoars, et leurs voisins
los Axis, et l'armée de nos oiseaux aquatiques, partageant leur mare et vivant en bonne intel-
ligence avec de gros Buffles pacifiques; au delà les Mouillons et les Chamois, puis les Alpacns
et les Cerfs du Malabar. Tous cos hôtes du Jardin , et d’autres que je ne puis seulement pas
vous nommer, tant d’ailleurs cette population est mobile : les Lamas, les Gazelles, etc., ont de
charmants logis, commodes pour eux, pittoresques pour nous : devant les cabanes, les murs,
les ruines, les huttes, ils peuvent se croire dans leur pays, et nous pouvons nous figurer que
nous y sommes avec eux; au Jardin îles plantes, on devient cosmopolite.
Vous devez, c'est une tradition constante des promeneurs, une station aux trois fosses à
compartiments où l’on retient les Ours («” 30 du plan). Leur posante démarche amuse, on
aime leur maladresse; on excite leurs lourdes gentillesses par la gourmandise, mais on redoute
la férocité de leur gloutonnerie; ils mangeraient votre tôle tout aussi bien que le morceau de
pain qu'on leur jette. Regardons avec précaution, et poursuivons notre chemin.
Nous voici à l’Orangerio ( n" 17 du plan). Elle est spacieuse , simple, bien disposée; au
devant, tournées vers le Midi, sont les serres tempérées et les serres des Orchidées; deux
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H DEUXIÈME P A H T I E .
enclos bien abrités renferment des couches et semis (n° 80 du plan). Une avenue, parallèle à
l’allée des Tilleuls du cèlé droit , longe dans toute leur étendue les écoles de botanique. Deux
immenses rectangles, formés par des grilles do fer, ouverts h deux extrémités, entourés d’ar-
bres rafraîchis par des bassins circulaires, contiennent de nombreux carrés où sont cultivées
les innombrables plantes nécessaires à la belle science des Linné, des Jussieu.
L’enseignement y puise comme dans un réservoir intarissable, et l’étude y trouve toujours un
libre accès (nM 00 du plan). Dans une de ces enceintes s’élève h* pin Laririo («° 01 du plan).
A l’extrémité des écoles do botanique, on a logé des plantes aquatiques (n° 102 du plan ),
complément des richesses végétales du Jardin.
Nous voici revenus près de la porte d'Austerlitz. Avant de sortir, permettoz-moi de vous
demander si vos yeux ne se sont portés que sur les objets que je vous ni signalés? S’il en est
ainsi, tant pis : vous avez beaucoup perdu. Partout où la huile a quelque chose à regarder, le
spectateur lui-même n’est-il pas un curieux spectacle? Les galeries, les parcs, les serres du
Jardin des Plantes renferment toutes les variétés des végétaux , des minéraux et des animaux ;
ses allées sont peuplées par toutes les variétés de la physionomie humaine. Habitués indi-
gènes , touristes du dehors, Parisiens de tous les quartiers, voyageurs de tous les pays, c’est
une population moitié permanente, moitié renouvelée, tableau toujours semblable et tou-
jours changé, amusement toujours nouveau pour l’observateur. Jo vous ai dit que le Jardin
des Plantes est le résumé de la création; je puis vous dire aussi qu’il est l’abrégé* de la société.
Choisissez un jour de beau soleil, un jour de fête surtout, une heure oii tout est rangé dans
le ménage, où tout est ouvert au Muséum d'histoire naturelle : vous verrez passer par toutes
les portes la belle dame descendant de son carrosse , le bourgeois amené de loin par une voi-
ture de place, l’artisan qui sort de l’omnibus, l’ouvrier en blouse, le soldat en grande tenue,
la cuisinière en bonnet à rubans roses , le paysan dans ses habits du dimanche , des jeunes ,
des vieux , des tournures parisiennes , des démarches exotiques.
Dans celte invasion , tout le monde ne va pas partout : les nouveaux venus seuls explorent
tout ce qui attire leur curiosité; les habitués suivent leur chemin et vont à leur place de tous
les jours, les visiteurs d’occasion cou mil aux objets de leur préférence. Vous reconnaîtrez
sans peine les individus de ces différentes espèces.
Pour un certain nombre de Parisiens, et pour beaucoup do campagnards , le Jardin des
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ASPECT GÉ.NÉll AL I)L JARDIN
Plantes, c'est la Ménagerie. Aussi, quelle nombreuse société s'assemble toujours devant le
Lion et lu Panthère, l’Hyèno, lu Tigre et lu Chacal! Là, surtout au moment où les gardiens
distribuent la nourriture, vous rencontrerez une complète collection de casquettes et de shakos,
de vestes et de bourgerons , de tartans et de cornettes. La même affluence des mêmes specta-
teurs se presse autour du pnltiis des Singes, et les cris do joie, les compliments, les applau-
dissements ne manquent jamais aux tours d'adresse , aux espiègleries, aux gambades bizarres
et au bon Appétit de ces messieurs. Les liabitaus de lu Itotondo n'ont pas moins de succès ,
succès plus calme et plus
sérieux : la (iirafe , l’Élé-
le besoin de causer avec
.Martin : il l'appelle, il le flatte, lui commande ses exercices, lui promet sa récompense,
le fait grimper sur son arbre , lui montrant un pain ou un- gâteau , qu’il lui jette souvent ,
qu'il emporte quelquefois en se moquant. Avec quelle attention le vétéran, la grisette, la bour"
geoise et ses enfants, la jeune tille et son père, contemplent, par dessus les grilles de fer,
l’intéressant spectacle des évolutions de Martin et de ses compagnons!
Si vous voulez entendre îles observations naïves, des paroles niaises, des réflexions amu-
santes, suivez les contours de la Vallée Suisse. Lu enfant se récriera, en tondant ses petites mains
vers le treillage, sur la gentillesse des Gazelles ou îles Moulons, sur le plumage des Oiseaux.
Un ouvrier, bon père et bon époux, bissant son fils sur son épaule, lui expliquera de son
mieux les animaux qu'il
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|>Kl MÊME PARTIE.
Si la solitude h deux est le bonheur,
comme on l’a dit , l’autre , la vraie soli-
tude , peut rendre indépendant , mais je
L’enfant ne manquera pas de profiler d’une*
science si bien acquise et si bien J démon-
trée.
Cherchez-vous les poursuivants de la
vraie science? Entrez dans les galeries,
dans la bibliothèque, dans les laboratoires
ou l'on scrute les secrets de la nnture , où
le microscope découvre des mondes incon-
nus , dans les carrés oii travaillent avec
amour des jardiniers, qui sont à la fois des
savants et des artistes, où stationnent, dans
un costume qui annonce tantôt le laisser
aller des mœurs de l’école, tantôt une cer-
taine élégance étrange et sans façon, quel-
ques étudiants enlevés à l’estaminet par la
botanique. Ce n’est pas toujours l’étude qui
amène l’étudiant au Jardin des Plantes; je
vous laisse à penser quelles leçons donne
«ni reçoit celui qui gravit , en compagnie
d’une femme élégante et fraîche, les sentiers
«lu Labyrinthe; ils paraissent tous deux très-
affairés do ce qui les occupe. Ne troublons
pas leur promonade.
doute quelle rende longtemps heureux. Il n'est pas bon que l’homme soit seul : cette parole
date du commencement du momie; elle n'a pas cessé- d’ftrc vraie : aussi quels stigmates de
tristesse ou d'ennui sur la figure de la plupart de ces isolés, volontaires ou forcés! que d’ef-
forts pour trouver un compagnon! quel besoin d'un secours, d'une affection, d’un b. as
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ASPECT OÉNÛIUL 1)1 JARDIN.
17
étranger, du cœur d'autrui! N'est-ce pas le souvenir d'une société perdue , nu l'espérance
d’uno nouvelle association, qui occupe mélancoliquement, sous les ombrages des Tilleuls,
celte femme entre deux Ages, couverte d'un reste
d'élégance, la tête cnveloppéo d'un voile qui
cache son visage en le laissant voir, la taille en-
veloppée d'un cliAlo ou d'un mautelet qui la
couvre en la faisant deviner !
\ quoi rêve ce vieux
promeneur, qui ne regarde
rien, parce qu’il sait tout
par coeur, et qui ne semble
avoir d’autre ami que sa
canne? Cet homme n’aime
que lui, ne pense qu'A lui ;
cela ne le rend ni beau,
ni aimable.
Et cet autre, pesam-
ment appuyé sur son pa-
rapluie, l’oeil fixé sur le
sable, comme si les feuilles
des allées et les fleurs des
carrés n’existaient pas pour
lui; sa mise accuse une
- certaine aisance, mais sa
figure est tout calcul; s'il
vient ici, c'est parce que cela ne lui coAte rien, et qu'il peut repassa gratis le compte do
ses rentes et le chiffre de ses économies. Celte petite l onue , A la mise coquette, A l’œil
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,8 DKIMKMK PARTIR
vif et quêteur, croyez-vous qu'elle soit satisfaite de la
compagnie du mioche que ses maîtres lui ont donne à
garder et à promener? Puisse son mauvais destin ne lui
faire pas rencontrer le galant troupier , ou l'etudiant
roué, qui charmerait trop bien son isolement, et I en-
traînerait peut-être loin île l’innocent Jardin des Plantes !
Souhailez-lui de se métier des hommes , dont elle aime
tant à fixer les regards; espérons même qu'elle ne s'ar-
rêtera pas devant ce provincial, qui braque sur elle sou
binocle; un Invelaco de chef-lieu d’arrondissement, en
congé à Paris , est un être souvent ridicule , mais dan-
gereux pour la cuisine et pour l'antichambre.
Voyez passer celte marchande de gàli aux ,
portant son magasin sous son liras ; elle va
là oit l’appelle l'enfance généreuse , d’humeur
donnante, et de grand appétit. Il faut des gâ-
teaux à ees petits gardons qui veulent voir manger l'Éléphant, à ces petites filles qui partagent
leurs friandises avec les Biches et les Chevreaux, et qui viennemt ensuite danser en rond, à
l'ombre des vieux arbres, sous la surveillance maternelle.
Il faut une nourriture plus forte à ces familles anglaises , que vous rencontrez au Muséum
d’histoire naturelle, comme vous les trouvez dans tous les monuments de Paris, sur toutes les
lignes de chemins de fer, sur tous les bateaux à vapeur; ils sont reconnaissables à la propreté
et à l'originalité de leur mise, à la cadence de leur marche, et à la voracité de leur faim :
leurs enfants mangent toujours, et ils fout toujours comme leurs enfants.
Ce qu’ils consomment en un jour suffirait pour nourrir, pendant un an, le caniche de la
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aspect général di jardin. io
boune vieille portière retirée , qui ne manque pas Jo conduire chaque après-midi son uzor nu
kiosque du Labyrinthe, ou près des animaux apprivoisés.
In Jardin si grand, où tant do monde marche, serait incomplet, presque inhumain, s'il
n’offrait pas au public des
moyens do repos. Les vieil-
lards, et il y en a beaucoup
parmi scs habitués , comp-
tent sur ses boucs; ils s'y
traînent quelquefois péni-
blement , appuyés sur un
bras do noveu , de frère ou
de domestique.
I n banc , sous un bel ar-
bre, devient pour eux un
excellent cabinet de lecture ;
colui qui a les meilleurs
yeux , ou les meilleures lu-
nettes , lit à haute voix ,
consciencieusement, et sans
se permettre ni admettre au-
cune interruption, le journal
de la veille; ou fait ccrclo autour do lui, et il y a tant d'espaeo pour les promeneurs , que ces
paisibles salons sont respectés , comme le sont aussi les conversations qui s'établissent partout
où il y a deux chaises : si vous pouviez entendre ce qui s’y dit , cela vous amuserait ; mais il
faudrait écouter, et ce serait indiscret.
Vous avez aussi , et en bon nombre, les lecteurs solitaires; ce ne sont pas, soyez-en cer-
tains, des gens cuiieux d'histoire naturelle : ceux-là, si vous voulez les voir lire, allez à la
bibliothèque , fréquentée comme le jardin et les galeries , ouverte avec générosité , servie avec
une intelligente obligeance. Ces liseurs , assis ou on marche, ce sont les lectuiiers qui ne sau-
raient faire un pas sans un livre; les petits bourgeois, qui cherchent sous les Tilleuls l'air
absent do leurs chambres; les bas bleus descendus de leur mansarde; les rentiers, qui finissent
en paix la lecture de leur journal, commencée dans le tracas du nettoyage matinal, ou au bruit
des aigres paroles de la méuagère.
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29 DEUXIÈME PARTIE.
No vous mêlez pas sut entretiens do cet
homme à figure ignoble et sinistre avec ce
jeune ouvrier; n’approchez pas des groupes
qui causent dans les coins obscurs et retirés ;
ceci regarde les agents de police : soyez sûr
qu'ils no sont pas loin.
Chaque jour la voix et les pas des visiteurs
se mêlent aux cris des animaux , et l'empres-
sement de la curiosité rivalise avec les travaux
do la science. Chaque jour, les grilles du Jardin
se ferment sur une foule composée dos mêmes
éléments, foule qui jous montre, ainsi que
dans tous les lieux où se déroulu le drame de la
vio sociale, l’enfance naivo ou déjà prétentieuse,
la jeunesse sérieuse ou folle, la fortune blasée,
la médiocrité mécontenta ou niaise, l'intrigue
sous toutes les toilettes, le vice sous tous les
habits, sans exclure les représentants des qua-
lités sérieuses, les adeptes de la science, les
amoureux du bien-être réfléchi. Darnain sera comme aujourd’hui : on peut même le prédire,
le pèlerinage du Jardin des Plantes sera de plus en plus fréquenté , car les années ajoutent à
son étendue , à la variété de ses aspects , à la richesse de ses collections ; il est , et sera plus
que jamais l’histoire et le tableau du monde où uous vivons : c'est sa gloire, ut le gage du sa
prospérité.
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Il s'agit maintenant d'observer le Jardin dus Plantes sous le point do vue botanique; nous
allons visiter les Carrés, les Serres, les Galeries, et vous connaîtrez les glorieux travaux de
Taurncfurl, de Linné, des Jussieu, travaux impérissables commit le Règne végétal qu'ils ont
illustré.
En m’acceptant pour votre guide, vous m’avez formellement déclaré que vous êtes exempt
do toule ambition scientifique, qu’un fauteuil à l’Institut ne vous lente pas; quo le bonnet do
docteur en médecine n’a rien qui vous plaise; que vous n’aspirez même pas au diplôme
d’berboriste : vous consentez à vivre obscur dans cetto foulo immense, que les savants
appellent modestement le vulgaire; vous voulez posséder quelipies notions simples et précises
sur la vie des plantes, sur les harmonies nombreuses et providentielles qui les unissent aux
animaux, sur les mœurs dos plus curieuses d’entre elles; vous voulez enfin savoir quels
moyens la pationlo sagacité des législateurs du Régne végétal a employés pour los classer en
tribus, en légions, on cohortes, moyens si ingénieusement combinés, qu’un observateur peut,
on quelques minutes, trouver, au milieu do cent mille espèces do plantes, le nom de famille,
le nom de baptême et le signalement détaillé de la Fleur qu’il vient de cueillir.
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DEUXIÈME PARTIE.
D'un autre côté, vous vous effrayez à juste titre de celte énorme quantité de termes tech-
niques, grecs et latins, dont s’est hérissée une science qui pouvait rester française; enlin,
pour vous mettre à l'abri du soupçon do frivolité, vous m’avez exprimé tout le mépris que
vous inspire la botanique galante de certains écrivains, qui n'ont vu dans l'histoire des Fleurs
qu'un sujet de bouquets à Clitoris.
Bassurez-vous sur ce dernier point : vous n'aurez pas h craindro ces allusions fades et celte
poésie musquée, dont l'arome factice masque le parfum naturel de la Fleur dits champs; nous
écarterons de la Botanique les futiles atours dont l'avaient ornée, croyant l'embellir, quel-
ques faiseurs de madrigaux ; nous la dépouillerons, en outre, autant qu'il nous sera possible,
de sa relie scolastique et de son odeur de drogue. Quant à la nomenclature, je conviens que
les auteurs ont étrangement abusé du privilège de créer des mots nouveaux (qui n'oxprt-
ment pas toujours des idées nouvelles) ; mais l'abus ne doit point nuire à l'usage : toute
science a le droit d’avoir sa langue spéciale; l'essentiel est de ne pas appauvrir celte langue
par des synonymes : or, notre dictionnaire, à nous gens du monde, pouvant se borner à une
vingtaine de termes techniques, je vous promets de ne pas dépasser ce nombre, et de faire on
sorte qu'il vous suffise pour étudier l'organisation des végétaux.
S h'-
L'ÉCOLE PE DOTAMQl E.
Entrons donc dans l'un de ces deux carrés, que l'on nomme l 'École («" 90 du plan) , oh les
Plantes sont rangées par familles, et dont je vous ferai bientôt l’histoire; cueillez une Rose à
demi épanouie , et observez successivement les parties
qui la constituent.
L’enveloppe la plus extérieure se compose de cinq
feuilles vertes , disposées en cercle , et se réunissant
inférieurement pour former un corps ovule ou sphé-
rique; cette première cnvclopiie de la
Fleur est le calice. A l'endroit oh les
feuilles du calice , nommées folioles ,
commencent à so réunir, naissent cinq
outres feuilles colorées et odorantes :
ce sont les pétales ; leur ensemble se
nomme la corolle; en dedans de ces
pétales et sur le calice, sont implantés de nombreux
filaments gracieusement recourbés , et portant chacun
nue petite tète jaune ; ces baguettes sont appelées éta-
tnines.
’ f't I
Maintenant , ouvrez dans le sens
de sa longueur cette espèce do
boule formée par la soudure des
cinq folioles du calice; cela fait,
vous voyez une cavité assez consi-
dérable , s'ouvrant en haut par un goulot étroit , et contenant des corps qui s’attachent à ses
parois ; ces corps s'allongent vers le haut en autant de cols qui se dirigent vers l'embouchure
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L’ÉCOLE DE BOTANIQUE.
de la cavité , et là se réunissent en un
faisceau qui occupe le centre do la Fleur ;
chacun de ces corps renferme une graine;
leur ensemble constitue le pistil; vous
voyez que la retraite où ils sont nichés
est remplie d'une bourre soyeuse et
courte , qui tapisse la cavité , et couvre
mémo en partie les corps composant le
pistil.
Calice, corolle, étamines, pistil, voilà
Corr> m i. ini les quatre parties dont se composo une
Fleur complète; mais, pour bien com-
prendre la physiologie de ces divers organes, il faut choisir une Plante où
ils offrent des proportions plus considérables.
Prenez un Lis blanc ( Ulium candidum) ; au premier aspect, vous le croiriez dépourvu de
calice, et n’ayant qu’une corolle de six pétales; mais observez la Fleur quand elle est peu
ouverte ; vous voyez un premier groupe de trois feuilles blanches , évidem-
ment situées en dehors des trois autres feuilles : les premières sont étroites ,
un peu vertes à leur sommet, et représentent le calice; les intérieures sont
plus larges; leur surface diffère de celle des folioles du calice en co qu'elle
est creusée d’un sillon longitudinal bien marqué : ces trois feuilles inté-
rieures forment la corolle. Quant aux étamines, il y en a moins que dans
la Rose, mais elles sont plus grandes et plus faciles à observer : leur filet
ost blanc, un peu élargi à sa base, et porte un long bissac jaune; passez la
pointe d'une épingle dans chacune des deux coutures qui bordent les côtés
de ce long bissac , vous les ouvrirez , et vous en ferez sortir une poussière
jaune très-abondante. Quand la Fleur est épanouie , ces bissacs font la cul-
bute, et vous voyez qu’ils ne tiennent au sommet pointu du filament que
par un point situé vers leur milieu : les deux feuillets dont ils so composent
se décollent d’eux-mémes , et la poussière jaune en sort : cette poussière a
reçu le nom de pollen; le bissac qui la renferme se nomme anthère, et le
pied qui porte le bissac est appelé filet. Ainsi, l’étamine est composée du filet, de Y anthère
et du pollen.
Enlevez maintenant les six étamines du Lis; vous voyez qu'elles naissent, non pas sur le
calice, comme dans lu Rose, mais sur le pied même de la Fleur. Il vous reste, sur ce pied, lo
pislil, qui diffère beaucoup do colui de la Rose : dans celto dernière, il so composait d'une
douzaine do corps, attachés sur les parois do la boule creuse formée par lo calice et séparés
les uns des autres; le pistil du Lis, au contraire, est d’une seule pièce; il offre à son sommet
trois crêtes molles, grenues, disposées en triangle; chaque crête ost double, et peut facile-
ment se décoller en deux lames; au-dessous est un long col, lequel pose sur un corps plus
gros, deux fois plus court que le col, et qui présente six côtes arrondies, séparées par des
sillons. Coupez ce corps en travers, taillez une petite tranche mince, et placez-la entre votre
mil et la lumière ; vous reconnaîtrez sans peine une cavité divisée en trois loges par trois
petites cloisonsg au point oli les cloisons viennent se réunir, il y a des graines attachées.
Remarquez la position des crêtes, vous verrez que chacune répond à l’une des trois loges.
La partie du pistil qui renferme des graines a reçu le nom d 'ovaire; le long col posé sur
lui s'appelle style, et les crêtes humides qui le terminent se nomment le stigmate.
Quant nu pied de la Fleur, on le nomme le pédoncule ; et son extrémité, toujours plus ou
moins élargie pour servir de support au calice, à la corolle, aux étamines et eu pistil, porto
le nom do réceptacle.
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DBlXlfcME PARTIE.
Maintenant que la structure dos parties do la Fleur vous est connue, ipte vous avez accepté
patiemment les quatorze termes scientifiques servant à les désigner, vous méritez de connaître
les merveilleuses [onctions qu’exécutent ces divers organes.
I,e calice est évidemment un organe protoeteur : voyez un bouton île Rose ou de Lis ; le
calico sert d’enveloppe à la corolle, aux étamines cl au pistil. Quant à ce dernier, il n’est pas
nécessaire de vous apprendre que les petits œufs contenus dans l’ovaire sont des graines, qui
doivent reproduire des plantes semblables À celle qui leur a donné naissance. Quelle est
maintenant la destination des baguettes nommées étamines, qui sont si lielles dans le Lis, et
portent une anthère si longue et si riche en pollen f
Pour résoudre cette question, examinez d'abord le stigmate qui couronne le pistil; si la
Fleur est bien épanouie, vous devez voir quelques grains de pollen retenus sur les crêtes
spongieuses dont il se compose; ces crêtes sont devenues humides et gluantes à l'époque
même où le pollen pouvait sortir de son anthère; celte coïncidence vous (icrmol déjà de sup-
poser quelque relation d’utilité entre le pollen et lo stigmate.
Si, comme le (U Linné, vous coupez sur un Lis à peine éclos toutes les anthères, la Fleur
s’épanouit; mais bientôt l'ovaire, au lieu de grossir, se flétrit et tombe : les anthères étaient
donc indispensables au pistil, puisque leur soustraction a empêché celui-ci de mûrir.
Si, après avoir privé votre Lis de scs anthères, vous allez enlever sur un second Lis des
anthères bien ouvertes, si vous les secouez sur une feuille de papier pour eu recueillir lo
pollen, si ensuite vous déposez, avec un petit pinceau, un peu de ce pollen sur le stigmate du
premier, l’ovaire grossira, restera sur son pédoncule, et les graines se développeront. Que
devez-vous en conclure? Que les graines contenues dans l’ovaire no peuvent prospérer sans
l'intervention des étamines, et que, dans les étamines, c’est le pollen qui oxerce sur le pistil
celte précieuse influence.
En voulez-vous une dernière prouve? Avec une dissolution de gomme, vernissez adroite-
ment deux des crêtes du stigmate, puis saupoudrez la troisième de pollen; qu’arrivera-t-il?
lu loge de l'ovaire à laquelle répond celte crête so développera, et les graines grossiront; les
deux autres loges resteront stationnaires.
Ces expériences, et beaucoup d’autres, non moins ingénieuses, ont révélé aux naturalistes
la nature physiologique de l'étamine.
Il vous reste maintenant à savoir quelle est la destination de la corolle. Est-ce pour
l’homme que Dieu a créé cette partie de la plante? Est-ce pour flatter vos yeux, votre odorat,
votre toucher, que la nature a prodigué à ces pétales les couleurs brillantes, les formes va-
riées, le parfum pénétrant et le tissu velouté que vous admirez dans les Fleurs? Tout en
admettant cette croyance, fondée sur la vanité autant que sur un sentiment religieux, no
pourriez-vous pas soupçonner que ccllo parure du Lis et de lo Rose leur a été donnée pour
leur utilité individuelle? C’est une question dont l'examen n’est pas sans intérêt.
Vous savez que le pollen est l'agent nécessaire de la fécondation des
graines; mais comment le pollen est-il transporté dans le stigmate? Venez
voir celte touffe de Hue ( lluta graeeolens). Vous voyez uuo corolle de quatre
a cinq pétales jaunes, creusés en cuiller, et huit à dix étamines : remarquez-
vous l'une îles étamines , qui , nu lieu d'être étenduo horizontalement dans
Un pétale ou entre deux pétales, comme ses sauirs, est debout inclinée
sur le pistil contre lequel son filet est appliqué? Si vous avez la patience
d’observer cette étamine pondant une heure, vous verrez l’anthère s’ouvrir,
vous en verrez tomber le pollen, et vous comprendrez sans peino que lo
pistil en recevra quelques granules ; bientôt celle étamine , dont la mission
est remplie, se couchera dans son pétale, une autre so redressera à son
tour pour venir la remplacer, et ces évolutions se succéderont jusqu’à ce
que toutes les anthères aient payé leur tribut au pistil. Ici vous prenez la
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K C, 01, fi l)K IIOTAMQI fi.
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Nature sur le fait, sas intentions sont évidentes , vous avez observé l'organe dans l'exercice
de ses fonctions; mais cette manoeuvre est rare dans le llégne végétal.
Dans beaucoup de plantes, les étamines sont aussi hautes que le pistil ; elles l’entourent de
près, et le pollen, en sortant de l'anthère, est facilement mis en contact avec le stigmate;
dans beaucoup d'autres, les étamines sont plus courtes que 1e pistil, ce qui ne nuit pas à la
fécondation, parce qu'alors la Fleur est inclinée, de sorte que le stigmate se trouve au-
dessous des anthères qu'il dépasse, et reçoit aisément leur pollen; mais il arrive souvent que
la Fleur reste dressée, et alors le pollen ne peut guère atteindre de lui-mèmo le stigmate.
Quelquefois les étamines et le pislil n'habitent pas la même Fleur; c'est ce que vous pouvez
voir dans le Melon, dans le Sapin ; les étamines sont dans une Fleur, et les pistils dans une
autre, sur le même pied, il est vrai, mais sur des rameaux différents; quelquefois enfin,
comme dans le Palmier, le Dattier, le Pistachier, les Fleurs à étamines sont sur un arbre, les
Fleurs h pistil sur un autre, et ces deux arbres sont souvent éloignés de plusieurs lieues.
Comment, dans ces diverses circonstances, se fera le transport du pollen t Sera-ce le vent
qui s'en chargera? et la poussière fécondante, dispersée par lui, ira-t-cllo à travers l’espace,
comme par une sorte d'attraction, trouver le stigmate qui a besoin d'elle?
tn jour (c'était en 1758) , Bernard de Jussieu, passant en revue les arbres du Jardin des
Plantes, s’aperçut que le Pistachier à pistil, qui jusqu'alors avait fleuri tous les ans sans
produire de fruit, se disposait à donner des Pistaches; le fruit s'était noué; le stigmate avait
reçu du pollen, mais d'où venait ce pollen? il n'y avait pas dans tout le
Jardin des Plantes un seul Pistachier à étamines; on fit une battue dans
les jardins environnants; on ne trouva rien. In fruit formé dos graines
développées sans pollen , c’était un rude échec pour la théorie do la fécon-
dation des Fleurs, qui alors n'était pas solidement établie comme aujour-
d'hui : le grand botaniste, tout en s’affligeant de l’inutilité des recherches,
affirmait avec persévérance qu’il existait quelque part aux environs un
Pistachier à étamines, et que c’était lui qui avait fait nouer relui du Jardin
des Plantes; mais encore fallait-il le découvrir. Bernard de Jussieu prit
alors le parti de s'adresser à l'autorité; la police aussitôt mit ses agents en
campagne, avec le nignalemcnt exact de l'individu qui se cachait si bien: p,.
les agents tournèrent autour du Jardin des Plantes, en élargissant peu à peu
la spirale do leurs perquisitions; enfin, ils découvrirent dans un coin de la Pépinière de»
Chartreux (aujourd'hui le Jardin botanique de l'École do Médecine) qui longe l'allée de l'Ob-
servatoire , ils découvriront , dis-je , un petit Pistachier à étamines , qui avait , cette année ,
fléchi eoen la pRF.Mit:RF. fois : le pollen avait donc dû franchir, à travers les airs, la
lisière du faubourg Saint-Germain, le faubourg Saint-Jacques et le faubourg Saint-Marceau,
pour arriver sur le stigmate du Pistachier à pistil , placé au milieu du Jardin des Plantes. Or,
il est bien difficile d'admettre que le vent ait pu transporter si loin une petite quantité de
poussière fécondante, sans la disperser partout ailleurs que sur l'étroite surface du pistil qui
en avait besoin. Il faut donc chercher un autre auxiliaire à lu fécondation.
Vous vous êtes sans doute bien souvent amusé à sucer le fond de la corolle du Chèvre-
feuille, du Jasmin, du Lilas, de la Primevère, pour en extraire la liqueur sucrée qui s’y
trouve en abondance; cette friandise de votre part est un larcin que vous avez fait à des ani-
maux qui n'ont pas d’autre nourriture : ces animaux sont les Papillons, les Mouches, les
Bourdons, et autres Insectes que vous pouvez voir blottis au fond des Fleurs : c’est précisé-
ment à ce neclar que nous devons le miel des Abeilles. Ce nectar est fourni, tantôt par lo
calice, tantôt par les pétales, tantôt par la hase des étamines, tantôt par l’ovaire; quelquefois
c’est une petite écaille spongieuse, quelquefois une petite fossette, ou un sac, ou une simple
surface fisse, qui distille cette liqueur que viennent avidement pomper les insectes.
Voyez dans cette Rose ce Scarabée doré, que l’on nomme la Cétoine, et dont lo dos, do
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20 DElXlfîMF, PARTIR.
couleur émeraude, so détache si bien «le l'incarnat des pétales; il semble dormir en paix dans
l'asile délicieux qu'il a choisi : croyez-vous que la Fleur lui fournisse gratis le vivre et le cou-
vert? Touclicz-le légèrement, il va so réveiller, ouvrir scs ailes, et s'envoler en froissant les
nombreuses étamines au milieu desquelles il était couché; ce mouvement seul a secoué les
anthères, et le pollen a pu se disperser sur le stigmate placé au centre do la Uose. — Voyez
l'Abeille quand elle fait sa récolte : elle suce le nectar des Fleurs, mais son corps, hérissé de
poils, se charge de pollen; elle va picorer sur d'autres Plantes; et, tout en pénétrant au fond
des corolles, elle so frotte contre los pistils : or, c’est & l'époque oîi les étamines ouvrent leurs
anthères, que le stigmate so charge d’uno liqueur gluante ; c’est aussi à cette époque que les
glandes de la Fleur distillent du nectar, et qu'il se trouve des insectes pour s'en repaître.
Cetto coïncidence ne vous dit-elle rien? N'ètes-vous pas tenté de croire que les Insectes, con-
temporains des Fleurs, sont pour elles des messagers reconnaissants qui, pour payer l'hospi-
talité qu’ils ont reçue, distribuent, dans l'hôtellerie oh ils arrivent, le pollen recueilli dans
l’Iiétellerie qu'ils viennent de quitter?
Approchons-nous de cet arbrisseau, au port élégant, dont les feuilles, d'un vert gai, réunies
en touffes , sont protégées par des aiguillons. I.es fleurs sont jaunes et dis-
posées en grappes : c'est le Berbéris , nommé vulgairement Épine- Vinelle.
Choisissez une Fleur bien ouverte, et, sans la détacher do sa tige, cha-
touillez légèrement avec la pointe d’uno longue épingle l'un des Blets des
étamines; vous voyez celle-ci se contracter avec vélocité, et frapper de son
anthère lo stigmato, qu'elle couvre de pollen. Eh bien! cette sensibilité des
étamines , il n’est pas besoin d’uno épingle pour l’exciter ; qu’un Insecte ,
cherchant lo nectar que fournissent deux petites écailles d’un jaune orangé,
situées au bas do chaque pétale; qu'un Insecte, dis-je, effleure de ses ailes,
comme vous l’avez fait avec votre épingle, les fiiets des étamines, & l'instant
les étamines se redressent et viennent se heurter contre le pistil.
A quoi donc sert la corolle? C’est maintenant que cette question est oppor-
tune. I.a corolle s’épanouit quand les anthères donnent leur pollen , quand
le stigmate devient humide , quand le nectar est distillé, quand les Insectes viennent lo boire:
il 11e faut pas une grande sagacité pour conclure , de cetto réunion di' circonstances , que la
corolle , par ses formes , ses nuances , son odeur , est destinée & indiquer aux Insectes le
réservoir oh ils pourront puiser du sirop : c’est l'étiquette du vase contenant le précieux
nectar; c'est l’uniforme invariable de toutes les Fleurs d'une même espèce, et les Insectes
voyageurs savent bien reconnaître , i sou enseigne éclatante , le caravansérail oh ils trouve-
ront leur pèture.
Les Insectes sont donc de précieux auxiliaires pour la fécondation des Fleurs, soit en col-
portant le pollen d'une plante sur une autre, soit en favorisant la dispersion du pollen parmi
les étamines d'une même Fleur; et c’est pour cela que, dans les expériences dont nous par-
lions tout & l’heure, il faut entourer la plante d'une gaze line qui ferme lo passage aux
Insectes : sans cette précaution, un de ces animaux pourrait, à l'insu de l’observateur, porter
du pollen sur un stigmate qu'on voulait en priver, et rendrait par là l’expérience douteuse.
(l'est un Allemand, Conrad Sprengcl, qui a fait connaître, parun grand nombre d’obser-
vations, le rôle physiologique de la corolle et des glandes à nectar; c’ost lui qui a découvert
cet anneau de plus dans la grande chaîne qui lie le Règne végétal au Règne animal. Il allait,
avec une patience toute germanique, passer des jours entiers dans la campagne, couché au
pied d'une plante; il attendait, l'œil constamment fixé sur la Fleur dont les anthères n’étaient
pas encore ouvertes; enfin, après une surveillance immobile et silencieuse, qui se prolon-
geait souvent jusqu’au soir, il voyait arriver le messager aérien dont il avait entrepris
d’explorer la manœuvre; l'Insecte, après quelques évolutions préliminaires, pénétrait dans la
corolle, et y faisait son repas; puis, quand il en était sorti, Sprengel voyait des grains do
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PI. 8.
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i n
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ÉCOLE DE BOTANIQUE.
pollen attachés au stigmate, et il rentrait chez lui, content <io sa journée. C’est surtout depuis
la venue du grand Linné, que l’on rencontre de ces âmes divines, pour qui seize heures sous
le soleil ne soûl qu’une minute, quand il s'agit d’observer les merveilles de la création.
Il ne serait pas exact de dire que la corolle est uniquement destinée h signaler la plaide aux
Insectes; la nature sait trop bien allier l'économie des moyens avec la magnificence des
résultats, pour que fou ne doive pas présumer qu'un mémo organe sert à plusieurs lins; il
est évident, par exemple, que la corolle est, comme le calice, une enveloppe de protection,
qui abrite les parties centrales de la Fleur; mais si nous ue connaissons pas toutes les fonc-
tions de la corolle, il nous est permis du moins d'en constater la plus importante et la plus
digne do vos méditations.
La corolle, dont vous venez d'apprécier futilité, devient pour la Fleur une parure |«*rni-
cieuse, lorsque, par la culture, les pétales se multiplient aux dépens des étamines. Celte
métamorphose s’opère facilement clans les Fleurs dont les étamines sont nombreuses, telles
que les Anémones, les Renoncules, les Pivoines, les Pavots, les Roses, etc. ; rien de plus fré-
quent dans nos jardins que ce luxe ruiueux de pétales, qui frappe de stérilité le pistil de la
Fleur : voyez cette Rose double ; les étamines se sont nourries outre mesure, leur anthère
s'est élargie, ainsi que leur filet, et le pollen a disparu : si toutes les étamines ont subi c ette
transformation, la Fleur alors est pleine, les ovaires ne se développeront pas, et cet embon-
point monstrueux, qui rend la Rose si belle aux yeux du fleuriste, est une calamité pour la
plante, destinée par la nature à se perpétuer par des graines.
Vous connaissez la structure et les fonctions du calice, de la corolle, des étamines et du
pistil : nous pouvons maintenant voyager avec fruit dans les Carrés, dans les Serres et dans
la Galerie de botanique : vous entendez la langue du pays.
Revenons à la Iiose , qui a été notre point de départ; vous avez sous
les yeux le Rosier églantier, dont les pétales sont tautôt d'un jaune vif,
tantôt d'un rouge orangé à leur face supérieure; le Rosier jaune , dont les
pétales ont la couleur du soufre; le Rosier de Provins, dont la fleur est d’un
rouge pourpre Irès-foucé; le Rosier rouillé, dont la fleur est rouge, petite,
et dont les feuilles , froissées entre les doigts , exhalent une odeur suave qui
rappelle la pomme de reinette. Tous ces arbrisseaux , qui ne diffèrent entre
eux que par la consistance et la courbure des aiguillons dont leur tige est
armée, par la forme ovale ou sphérique du calice, par la couleur ou l’odeur
des pétales, sont autant éC espèces appartenant au genre Rosier: leur port
élégant, leurs feuilles composées chacune de trois ou cinq folioles, leur
calice resserré en godet pour loger les ovaires, toutes ces ressemblances
* Komis iciintub.
établissent entre les Rosiers une parente manifeste.
Nous allons voir dans leur voisinage d'autres plantes dont le port, la lige, les feuilles, ne
rappellent pas toujours les Rosiers, mais qui, par la structure de leur fleur, ont avec vos
derniers un rapport facile à saisir. Jetez un coup d'iril sur ce Framboisier, qui est Une espèce
de /fonce ; la tige est aiguillonnée, les feuilles sont aussi divisées en trois ou cinq folioles, et
munies, à la base de leur pied (qu'on nomme pétiole), de deux petites feuilles (nommées
stipules), beaucoup moins larges et plus caduques que dans les Rosiers, où elles forment
deux ailes au-dessous de la vraie feuille; comme dans les Rosiers, les feuilles sont éparses
sur la tige, et non placées vis-à-vis l'une de l'autre; conrmo dans les Rosiers, le calice est
divisé en cinq petites folioles; seulement ces folioles ne se soutient pas inférieurement pour
former un godet creux; comme dans les Rosiers, le calice porte un grand nombre d'étamines;
ou milieu se trouve lo pistil, composé aussi tic plusieurs ovaires; mais cos ovaires, au lieu
d’être renfermés dans un godet croux formé par le calice, sont à découvert, et prennent à In
maturité une consistance succulente. Celle dernière différence sépare Je Framboisier îles Ro-
siers, et forme lo caractère du genre Fonce, dont tieux espèces vous sont bien connues : là
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DEUXIÈME PARTIE.
première est la Ronce des buissous, nommée en botanique Douce arbrisseau; la seconde est
le Framboisier, nommé Douce du mont Ida.
Comparez maintenant, avec les plantes que vous venez d 'étudier, le Fraisier, qui étend a
vos pieds ses tiges rampantes : de même que dans les Rosiers et les Ronces, ses feuilles (com-
posées de trois folioles) sont garnies, à la base «lu pétiole, do deux stipules bien visibles ; la
corolle est de cinq pétales disposés régulièrement, les étamines sont nombreuses et naissent
sur le calice ; le pistil offre seul une différence notable : observez une fleur jeune, vous voyez
un grand nombre de petits ovaires réunis en boule, mais distincts les uns des autres; ils sont
secs, au lieu d'être pulpeux comme ceux du Framboisier; mais bientôt le réceptacle qui les
supporte se gorge de sucs, grossit, déborde les petits ovaires, et les enchâsse de sa chair,
qui prend peu à peu une couleur pourprée ; c'est ce que vous pouvez voir dans la Fraise,
quand elle est mûre. Ce que vous mangez dans la Fraise est donc le réceptacle, tandis que,
dans la Framboise, ce sont les ovaires. Les ovaires de la Fraise sont insipides et craquent
sous la dent; et ces petits fils noirâtres, qui se déposent au fond du vin ou de l'eau dans
laquelle vous avez plongé les Fraises, ces fils sont les styles desséchés, qui se sont détachés
de chaque ovaire.
l.o genre Fraisier se distingue du genre Douce par son réceptacle, qui devient pulpeux ; il
en différa aussi par le calice, qui, au lieu d'être à cinq découpures, en présente dix, dont cinq
plus petites cl extérieures; le genre Potentille, riche en espèces élégantes, ne s'éloigne du
Fraisier que par son réceptacle qui reste toujours sec.
Passons rapidement en revue les plates-bandes voisines de celles que nous venons de
visiter. Vous voyez les Cerisiers, les Pruniers, les Abricotiers, les Pêchers, les Amandiers;
ces arbres ne diffèrent îles plantes précédentes que par leur taille plus élevée, leurs feuilles
simples, c'est-à-dire non divisées en folioles, et surtout par le pistil de leur Fleur; ce pistil
ne se compose que d'un seul ovaire, dont la paroi interne s’épaissit, se durcit, et forme un
noyau qui protège la graine, tandis que le tissu qui recouvre ce noyau se gonfle de sucs, et
forme une pulpe savoureuse. Les arbres qui viennent ensuite sont les Poiriers, les Pommiers,
les Cognassiers, les Selliers, les Sorbiers, qui diffèrent des précédents en ce que les ovaires,
au lieu d'être libres comme dans lu Framboise, au lieu d'êtro renfermés dans la cavité du
calice, mais sans se confondre avec elle comme dans la Rose, forment dans la Pomme, dans
la Poire, etc., un seul et même corps, composé : 1° au centre, de cinq ovaires renfermant
chacun ordinairement une ou deux graines, nommées pépins; 2" à la circonférence, d'un
calice qui a pris un développement énorme et a comprimé les ovaires, au point de se souder
et de se confondre avec eux. Ce que vous mangez dans la Pomme est donc principalement le
calice : quant à ce débris noirâtre qui couronne lu Pomme, et qu'on appelle communément la
mouche, c'était autrefois la moitié supérieure du calice, qui portait les étamines, dont vous
pourrez encore reconnaître les vestiges; celte moitié supérieure est resté» stationnaire ot
a fini par se flétrir, tandis que la moitié inférieure prenait un accroissement considérable.
Dans l'examen comparatif que vous venez de faire, vous avez pu reniarqueF que les Do-
siers, Dances, Fraisiers, Potentilles, Cerisiers, Pêchers, Pommiers, Poiriers, etc., lie différent
essentiellement que par leurs fruits, bien que d’ailleurs la graine ait dans tous uno structure
semblable, comme vous le verrez biculût. Le calice est à cinq découpures qui se soudent plus
ou moins par leur base ; la corolle se compose de cinq pétales symétriques, et posés sur le
calice; les étamines sont nombreuses, et naissent comme les pétales sur le calice; en outre,
les feuilles sont toujours munies de deux stipules (qui tombent de bonne heure dans les Ceri-
siers et les Poiriers), et au lieu d’être opposées l'uuo à l'autre, elles sont alternes sur la tige.
Eh bien ! tous ces caractères, joints à une certaine physionomie qu’il est plus facile de com-
prendre que d'exprimer, ont servi à former un groupe naturel que l’on a appelé famille. Ainsi
le groupe que vous venez d’observer constitue la famille des Dosacées, l'une des plus élégantes
du Régné végétal, famille qui se divise en groupes secondaires, nommés genres, et fondés sur
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ÉCOLE DE BOTANIQUE.
dos différences dans la forme, la proportion, la consistance des diverses parties de la Fleur.
Chaque genre, à son tour, comme vous l'avez vu pour les Rosiers, se divise en espèces, dont
les caractères distinctifs sont tirés des feuilles, de la tige, de la couleur et de l'odeur des
Fleurs, etc.... Je n'ai pas Besoin de vous dire qu’il faut entendre par espèce la réunion d’indi-
vidus assez semblables entre eux pour être supposés issus d’une mémo graine. Plus tard , je
vous parlerai des races et des variétés.
Cette analyse générale des Rosacées vous a paru peut-être un |ieu austère, mais je no
voulais pas vous épargner un travail d'esprit, que je regarde comme indispensable, et qui,
une fois fait, va vous rendre facile l'élude comparative des diverses familles du Régne vé-
gétal.
Auprès des Rosacées se range la famille des Myrtes, qui s'en distingue par scs feuilles
toujours opposées, et jamais pourvues de stipules; vous voyez d'abord le Myrte commun,
dont les feuilles exhalent un parfum délicieux; puis le Seringat, dont les fleurs en grappe
possèdent aussi une odeur très-pénétrante; enfin le Grenadier, arbrisseau originaire d’Afri-
que, dont la fleur est d'un rougo vif; le calice, qui est épais, imite assez bien une grenade
faisant explosion, et les pétales chiffonnés qui en sortent achèvent la comparaison ; les graines
sont nombreuses cl entourées d'une pulpe acidulé très-agréable. C’est aussi à la famille des
Myrtes qu'appartient le Giroflier; ce qu’on nomme Ctou de Girofle est la fleur non déve-
loppée de cet élégant arbuste.
De l’autre côté des Rosacées , nous allons voir se développer une famille nombreuse , dont
le port et les caractères sont faciles à saisir : c’est la famille des Légumi-
neuses. — Voici la Gesse odorante, nommée vulgairement l'ois de senteur.
C’est une herbe grimpante, & tige anguleuse; les feuilles sont alternes;
chaque feuille se compose de deux folioles ovales; au bas du pétiole sont
deux stipules qui ressemblent chacune à un demi-fer de flèche ; à l'extré-
mité do ce même pétiole sont des filaments disposés deux par deux , et
terminés par un filament impair; ces filaments s'entortillent autour des
corps voisins , et soutiennent la plante. Si vous réfléchissez un instant sur
la nature de ces filaments , vous reconnaîtrez , par leur position , que ce
sont des folioles réduites à leur côte moyenne; la Nature les a empêchées
de s’élargir, et leur a confié des fonctions autres que les fonctions ordi- \
naircs des feuilles, dont jo vais bientôt vous entretenir, et qui no sont pas ,
moins merveilleuses que celles de la corolle et des étamines.
tenons à la fleur do la Cesse odorante. Vous trouvez d’abord un calice de cinq folioles
inégales, soudées par le bas; déchirez doucement ces folioles dans leur partie libre, vous
verrez que c’est sur la partie soudée que naît la corolle : celte corolle est irrégulière, et formée
do plusieurs pétales ; le pétale que vous enlevez le premier, et qui recouvre tous les autres ,
se nomme étendard; au-dessous de lui sont deux pétales parallèles, et nommés les ailes ; eu
dedans, et au-dessous de celles-ci, sont les deux derniers pétales, légèrement soudés par le
bas, et imitant une nacelle. Cette espèce de corolle est appelée papilionaccc. Remarquez que
toutes les pièces qui la composent sont solidement cmmnrtaisécs les unes dans les autres. Si
vous abaissez enfin la nacelle, vous voyez qu’elle logeait dans sou sein les étamines et le pistil ;
ces étamines forment elles-mêmes un fourreau qui protège le pistil ; leurs filets sont soudés
dans la moitié; de leur longueur : il y en a neuf ainsi réunies, une dixième est libre, et c’est
précisément celle qui répond à la série des graines, do sorte que, quand elles tendent à so
développer, l'étamine isolée so soulève , et le fourreau s’ouvre sans résistauce. Le pistil sc
compose d’un seul ovaire, surmonté d’un style recourbé, le long duquel vous voyez quelques
poils mous, destinés à happer le pollen. Ouvrez délicatement cet ovaire, vous y venez des
graines attachées lo long du bord qui regarde l'étendard. Ce fruit s’appelle Gvusse ou h'gurnc ;
de là le nom do Légumineuses qu’a reçu cette famille.
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DEUXIÈME PARTIE.
Les Légumineuses méritent, sous plusieurs rapports, de fixer votre attention : elles sont
employées comme fourrages ou comme plantes potagères; tels sont les Pois , les Fèves, les
Haricots, les Lentilles, les Trèfles, les Luzernes, etc.; elles fournissent à la médecine un
grand nombre de médicaments, tels que la Gomme arabique, la Gomme adraganlc , la Casse,
le Séné, le Tamarin , le Cachou , la Béglisse , le Baume de Tolu, etc. ; c’est de cette famille
que les teinturiers tirent le bois de Campéchc et le buis de Brésil, si usités pour teindre eu
noir et on rouge; c’est à elle qu’appurticul V Indigotier , dont on «virait cette belle matière
colorante bleue, nommée indigo; nous lui devons, en outre, beaucoup de plantes d’orne-
ment, telles que les Genêts, les Cytises, les Acacias, le Baguenaudier, etc.; enfin, c’est sur-
tout dans les Légumineuses que l’on observe des mouvements périodiques , exécutés par les
feuilles , phénomène quo Linné , dans son langage poétique , a nommé veille et sommeil des
Plantes. Ainsi le Bobitiier faux Acacia, nommé vulgairement Acacia, a ses folioles étendues
presque horizontalement au lever du soleil ; les folioles se redressent à mesure que cet aslro
s’élève; elles baissent on mémo temps que lui, et tant qu’il est au-dessous de l’horizon, elles
sont presque pendantes , elles dorment.
La lumière artificielle peut quelquefois produire celte veille et ce sommeil ; cl dos observa-
teurs ont , pendant la nuit , éveillé des Piaules eu dirigeant sur elles une grande quantité do
rayons lumineux.
La Mimeuse pudique, que tout le monde connaît sous le nom de Sensitive, et qui est une
Légumineuso , dort la nuit et veille le jour comme l’Acacia.
Nous verrons dans les Serres une autre Légumineuso, bien plus remarquable
encore : c’est un Sainfoin, originaire du Bongaio, que l’on nomme Hedysarum
Enfin , il y a une Plante, nommée Attrape-Mouche , qui uous
est venue de l’Amérique septentrionale, et dont la sensibilité |
est funeste pour les Insectes qui s’en approchent : c’est le Dio- S
ncea musciputa , de la famille des Droseracoes. Jr
Ces divers mouvements opérés par les feuilles, sont des phé- v v •
nomènes exceptionnels qui ne s’observent que dans un petit
nombre de familles; il s’agit maintenant de vous expliquer les tvnm
fonctions ordinaires de la feuille dans tous les végétaux.
Les feuillos servent principalement à absorber dans l’at-
mosphère , et surtout dans l’atmosphère humide , les élé-
ments nécessaires à la nutrition de la Plante qui les porte.
I)e mémo que les racines, elles pompent l’eau, par leur
face inférieure surtout. Abus savoz combien l’eau est utile aux Plantes, et
combien il est facile de leur rendre leur fraîcheur en les arrosant : or, il
y a, dans l’Ile de Madagascar, un végétal, le Hepenthes dislillatoria .
que la nature a singulièrement favorisé à cet égard. Outre la faculté d’ab-
sorber do l’eau par les feuilles et par les racines, elle lui a fourni les
moyens d’on amasser des provisions considérables; c’est dans des réser-
voirs placés à l’extrémité des feuillos que vient s’accumuler, par infiltra-
tion, l’eau que la Plante a pompée dans le sol et dans l'atmosphère.
Chaque feuille porte & son sommet un long filament quo termine une espèce d’urne; celte
urne est close à son orifice par un couvercle mobile. Pendant la nuit, le couvercle est baissé,
et l'urne se remplit d’une eau limpide, très-bonne à boire. Pendant le jour, le couvercle se
soulève un peu , et l'eau diminue de moitié, tant par l’évaporation que par l'absorption.
Les feuilles ne se bornent pas à absorber de l’eau; elles hument l’air, en un mot, elles
respirent. Or, pour que vous compreniez bien la respiration des Plantes, il faut que vous ayez
une idée exacte de la respiration des animaux. Je serai court et je tâcherai d'étre clair.
ggrans.
ftiosii
Annm-MuicHi.
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ÉCOLE DE BOTANIQUE.
Le sang, que renouvellent sans cesse les aliments que nous prenons, va déposer dans tous
nos organes les matériaux propres à les consolider, et, à son retour, il emporte avec lui les
matériaux qui ont déjà vécu, et que le temps a détériorés; ces molécules vieillies sont com-
posées essentiellement de carbone (charbon) ; elles rendent noir et boueux le sang qui les
cbarie , et il faut à tout prix qu'il s’en déharrnsso : pour y parvenir, le sang se rend dans deux
sacs celluleux comme une éponge, qui remplissent notre poitrine, et communiquent avec
l'extérieur par le nez et la bouche. Ces deux sacs, nommés poumons, reçoivent à chaque res-
piration l'air atmosphérique qui s’y engouffre, et en remplit toutes les cavités. Or, l’air
atmosphérique se compose en partie d’un gaz nommé oxygène, qui a une grande affinité pour
le carbone : au moment oü nous respirons , l’oxygène entre dans notre poitrine , attire , à tra-
vers les pellicules du poumon, le carbone qui altérait la pureté du sang; la combinaison
s'opère à l’instant , et de cette combinaison résulte un gaz nouveau , composé d'oxygène et de
carbone , et nommé gai acide carbonique. Ce gaz , une fois formé , est chassé de la poitrine,
et se mêle à l’air extérieur; le sang, débarrassé de ses matières charbonneuses, redevient
rouge et propre à nourrir les organes.
Do ce que je viens de vous dire , vous devez conclure que l'air sorti de notre poitrine diffère
de celui qui y est entré; en d'autres termes, que l’air expiré diffère de l’air inspiré. L’air
inspiré contenait beaucoup d’oxvgène , l’air expiré en possède Iieaucoup moins , et la quantité
perdue est remplacée par du gaz acide carbonique. Ce gaz est impropre à la respiration ; et ce
qui le prouve, c'est que si vous restez longtemps renfermé dans un lieu bien clos, tout l'oxy-
gène de l’air que contient ce lieu devenant acide carbonique au moyen du carbone de votre
sang, cet air n’est plus respirable, et vous mourrez asphyxié, comme si vous aviez allumé du
charbon dans votre chambre (seulement l’asphyxie est moins rapide qu'avec un réchaud).
De là découle une règle d'hygiène bien importante : c’est qu’il faut aller souvent à la pro-
menade, hahiter des appartements bien aérés, et surtout no pas s’emprisonner, pendant le
sommeil , dans des rideaux oh l’on respire plusieurs fois le même air.
o Mais, dites-vous, si l'oxygène est constamment changé en gaz acide carbonique par la
« respiration des animaux , ce n’est pas seulement l’air des maisons qui est dénaturé ; l'air
« extérieur doit aussi peu à peu s'altérer, et il viendra un moment, éloigné, mais inévitable,
« oh l'atmosphèro tout entière sera viciée ; dès lors l'air n’étant plus respirable, tous les ani-
« maux périront par asphyxie. »
Cette conclusion est logique ; mais rassurez-vous : la Providence a rendu cette catastrophe
impossible; elle a placé dans le voisinage des animaux d'autres êtres, qui se font un aliment
do ce qui est un poison pour nous : ces êtres sont les Végétaux. L’air chargé d’acide carbo-
nique n’est plus propre à notre respiration; il va l’être pour celle des Plantes : leurs feuilles
absorbent le gaz acide carbonique par une infinité de petites bouches dont leur épiderme est
criblé et qu’on peut voir avec une loupe. Elles décomposent rapidement ce gaz, gardent pour
elles le carbone , qui se iiquétie , se solidifie et s'ajoute à leur substance , puis elles rejettent
dans l’air l’oxvgène , et rétablissent les proportions que les animaux avaient détruites en res-
pirant. L'air se trouve de la sorte purifié par les Végétaux , à mesure qu'il est vicié par les
animaux. Cette respiration des feuilles s’effectue à la lumière. De là le plaisir indéfinissable
que nous fait éprouvor une promenade matinale dans les bois et dans les prairies , oh nous
respirons un air riche en oxygène.
Ainsi les Plantes nourrissent les Animaux ; mais ceux-ci à leur tour alimentent les Végétaux,
et il ne serait pas absurde de -dire à un Pommier, dont vous avez autrefois mangé le fruit :
En respirant sous ton feuillage , je te rends l'aliment que tu m'as donné.
Je viens de vous exposer rapidement la respiration diurne des feuilles; elles en ont une
autre qui s’opère pendant la nuit : cette respiration nocturne n’est pas utile aux animaux,
comme la précédente. On s’est assuré, par des expériences multipliées, que, dans l’obscurité,
les feuilles absorbent l'oxygène de l’air, et le changent en acide carbonique au moyen du cnr-
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DEUXIÈME PARTIE.
bone contenu dans la sève qu’elles ont reçue de la racine et de la tige; mais ce larcin que
nous font les feuilles, en appauvrissant notre atmosphère, n’est qu’un emprunt qui a pour
but de rendre le carbone de la sève 'plus apte à la nutrition de la plante, en d'autres termes,
plus facile à digérer. Au retour do la lumière, le gaz acide carbonique formé pendant la nuit
ost rapidement décomposé; l’oxygène est restitué à l’atmosphère, et le carbone, que sa com-
binaison avait purifié, s’assimile et s'incorpore à la substance du végétal.
Les Fleurs ont aussi une respiration ; mais celle-là ne peut être que nuisible aux animaux ,
car elles absorbent l’oxygène de l’air, le changent en gaz acide carbonique aux dépens de leur
propre carbone, et, au lieu de rendre l’oxvgéne à l’air, en conservant leur carbone, elles
rejettent dans l’atmosphère le gaz acide carbonique qu’elles ont formé : c’est exactement ce
que font les animaux. De là vous conclurez sans peine que la respiration des Fleurs , contri-
buant à vicier l’air, est dangereuse pour nous, et qu’il y a de l’imprudence à entasser des
Fleurs dans son appartement, lors mêmes qu’elles sont inodores.
Les feuilles absorbent donc les liquides , et respirent les gaz ; mais elles possèdent une
faculté qui n’est pas moins importante que les deux premières : c’est d’exhaler le superflu do
l’eau qu’elles ont puisée dans l’air, ou que la sève leur a transmise. Cette fonction se nomme
transpiration. C’est en général sous forme de vapeur que l’eau est rejetée par les feuilles;
mais lorsque la température est froide, comme à la fin de la nuit, cette eau se condense, et
apparaît sous forme de gouttelettes, à la surface et sur les bords des feuilles; et ce qui prouve
que cette eau ne vient pas de la rosée atmosphérique, c’est que les feuilles s’en couvrent éga-
lement lorsque la plante est couverte d’une cloche de verre, et séparée du contact de la terre
humide par une plaque de plomb.
Si les feuilles absorbent , respirent , transpirent , ce n’est pas seulement pour elles et pour
la tige; c’est surtout au bénéfice des bourgeons que s’exécute celte triple fonction. Ces bour-
geons, qui sont autant de rameaux futurs , naissent à Vaisselle des feuilles , c’est-à-dire entre
leur pétiole et la tige. Si cette tige est herbacée, chaque bourgeon se hâte de former un
rameau ; sur ce rameau naissent des feuilles , protégeant d’autres bourgeons qui ne tardent
pas eux-mêmes à s’allonger, et cette végétation continue jusqu’à l’automne. Dans les végétaux
ligneux , c’est-à-dire dans les arbres, les bourgeons ne se développent que lentement : ils
commencent à poindre au milieu de l’été, et on les nomme alors yeux ou œilletons; ils gros- «
sissent un peu, jusqu’à la fin do la belle saison, et reçoivent alors le nom de boutons. Pendant
l’hiver, la végétation reste stationnaire, et ils ne prennent aucun accroissement; au retour de
la belle saison, dés que la végétation recommence, ils grossissent rapidement, et deviennent
des bourgeons. Mais quelque faible que soit le développement du bouton pendant l’été , son
volume acquis suffit pour comprimer le pétiole de la feuille ; cette compression continue finit
par resserrer les fibres du pétiole, et s’oppose au passage de la sève, qui d’ailleurs, à cette
époque, ne possède plus qu’une force d'ascension peu considérable. Ainsi, la nourriture de la
feuille est interceptée par le bourgeon, que cette même feuille avait protégé et nourri; bientôt
sa couleur verte s’altère , elle prend des nuances variées , et ne tarde pas à se détacher de sa
branche : alors a lieu la chute des feuilles. Ce phénomène inspire de la tristesse à beaucoup
do personnes, et les poètes l’ont appelé le deuil de la nature; mais, en réalité, il doit être
considéré par tout esprit observateur comme un événement heureux , puisqu'il est l’annonce
certaine d'une végétation prospère pour l’année suivante.
Revenons à nos familles : vous avez vu que les Légumineuses ont, comme les Rosacées, les
feuilles alternes et munies de stipules. Il est vrai que la fleur diffère dans les deux familles,
si vous l’observez comparativement dans la liose et dans le Pois de senteur; ce dernier a,
comme toutes les Légumineuses d’Europe , une corolle papilionacéc et dix étamines , dont
neuf sont soudées en tube par leurs filets, tandis que la Rose offre une corolle symétrique et
des étamines indéfinies. Mais, dans les Légumineuses exotiques, telles que les Casses et les
Mimcuscs, la corolle devient presque régulière, et les étamines sont libres et nombreuses, de
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ÉCOLE DE BOTAMQl E. 3.1
sorte que la limite entre ces deux familles serait difficile à déterminer, si l'on ne rétablissait
sur l'organe principal de la fleur, qui est le fruit ; or, te fruit des Légumineuses est constam-
ment une gousse.
Remontons quelques plates-bandes ; nous allons visiter une famille nombreuse , et dont la
physionomie est très-facile à saisir ; c’est la famille des Crucifères (ce mot signifie Porte-Croix) ,
Cueillez une fleur de cette Giroflée , que l'on cultive dans tous les jardins :
vous voyez d’abord un calice formé de quatro folioles bien distinctes les
unes des autres, et non soudées par la bas , comme dans les Ilosacées et les
Légumineuses. Détachez-lcs du réceptacle, en les abaissant avec une épingle,
vous avez sous les yeux la corolle tout entière : elle sa compose de quatre
pétales , dont la moitié inférieure est posée verticalement sur le réceptable ,
mais dont la moitié supérieure se déjette horizontalement en dehors , do
manière à former avec les autres pétales une croix â quatre branches arron-
dies. Enlevez ces pétales , et observez les étamines : il y en a six , qui nais-
sent, comme les pétales, sur le réceptacle (et non sur le calice, comme
dons les Rosacées et les Légumineuses, remarquez bien celte différence);
de ces six étamines qui entourent le pistil deux sont plus courtes, placées
vis-à-vis l’une de l'autre, et répondent chacune à l’une des deux faces de l’ovaire, qui est
légèrement aplati; les quatre autres, plus grandes, sont rapprochées deux à deux, et chaque
paire embrasse l'un des tranchants ou bords saillants do l'ovaire. Cet ovaire est terminé à son
sommet par une petite fourche humide et spongieuse : c'est lo stigmate; et le petit col d'un
vert foncé qui sépare l'ovaire du stigmate, est le style.
Avant d’aller plus loin, je veux vous proposer un petit problème, dont l'examen n'est pas
sans intérêt. Vous avez remarqué que les follioles du calice ne sont pas égales entre elles ; il
y en a deux qui sont larges, creusées en dedans et renflées en dehors, comme si chacune
d’elles était chargée intérieurement d’un corps dont la pression permanente tendit à dilater
son fond et à faire descendre son point d’attache. Or, c’est précisément ce qui arrive ici : ces
deux folioles concaves, qui ne sont réellement pas situées sur le même plan que les deux
autres, mit leur fond rempli par le filet d’une étamine; si vous examinez cette étamine , ainsi
que celle du côté opposé, vous observerez qu’elles u'arrivent pas à la même hauteur que les
quatre autres. Ce n'est pas qu’elles soient plus courtes, mais c’est que, le filet se courbant
inférieurement pour se loger dans la cavité do la foliole, la hauteur de l'étamine, sinon sa
langueur réelle, en est diminuée d’autant. Quelle est maintenant la cause de cette courbure?
Voilà la question à résoudre.
Abaissez un peu les deux étamines courtes, et vous découvrirez à la base interne de chacune
d’elles uue petite protubérance arrondie , d’un vert foncé et luisant : c'est cette protubérance
qui pèse constamment sur la partie inférieure du filet , le force à prendre un détour, et le rac-
courcit en apparence. Or, la courbure imprimée au filet se communique à la pièce correspon-
dante dtl calice : d’oil il résulte que les deux folioles qui reçoivent ces deux étamines
contournées descendent plus bas. et arrivent aussi moins haut que les deux autres.
Arrachez délicatement l'une des étamines en question , vous verrez que le petit corps vert
occupe, non-seulement la base interne du filet, mais l’embrasse complètement, et forme
autour d’elle une sorte do piédestal, dans lequel ce filet était comme enchâssé.
Vous pourrez eu même temps remarquer, au bas de deux étamines raccourcies, une ou
plusieurs gouttelettes de liqueur limpide, d'une saveur sacrée. Celle liqueur a suinté des petits
corps verts : c’est elle qui attire, dans l’intérieur des corolles, les Insectes que vous voyez s'y
plonger avidement. Jo vous ai fait connaître le but que la nature s’est proposé en plaçant
ainsi des magasins do sucre au fond des Fleurs; ce n'est pas, vous lo savez, an bénéfice
exclusif des Insectes, mais bien dans l'intérêt réciproque rie la plante et de l'animal que ce
nectar est élaboré.
Cfiontt.
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DEUXIÈME PARTIE.
Le problème que vous venez d'examiner fut proposé, il y a bien des années, par Jean-
Jacques Rousseau à M“* Delessert, qui voulait donner à sa RI le quelques notions do botanique.
Jean-Jacques, vieux et infirme, en proie à des chagrins de toute espèce, avait trouvé dans
l'étude de l'histoire naturelle une puissante consolation. Il écrivit alors à MBe Delessert, qu’il
appelait sa bonne cousine , quelques lettres sur la botanique, et, dans l'une de ces lettres, il
lui soumit la question relative à l'inégalité des deux folioles renflées et des deux étamines
raccourcies. Mmw Delessert résolut la moitié du problème : elle comprit bien que les folioles
du calice sont renflées parce que les étamines se logent dans leur cavité; elle comprit que les
étamines paraissent plus courtes parce qu'elles sont recourbées , mais elle ne put découvrir la
cause première do leur courbure, car elle ne remarqua pas les deux grosses glandes qui pèsent
sur elles. Si vous avez pu les observer dans la Giroflée, vous les verrez encore mieux dans la
fleur du Chou que voici, et, en outre, vous allez en trouver deux autres, moins volumineuses,
situées au pied des deux paires d’étamines longues; mais comme elles sont plantées en dehors
des filets, ceux-ci ne subissent aucune déviation, et, montant verticalement en droite ligne,
s’élèvent plus haut que les deux autres.
Les huit lettres de Jean- Jacques Rousseau h Mmc Delessert contribuèrent singulièrement à
répandre en France le goût de l’histoire naturelle. Les gens du monde , qui n’avaient vu
jusque-là dans la botanique qu’une nomenclature de drogues purgatives, diaphoniques ou
alexipharmaques , accueillirent avec empressement l’opuscule de Jean-Jacques , chef-d'œuvre
d’élégance et de simplicité. Ces lettres ont donc, par le service qu’elles ont rendu, une valeur
scientifique autant que littéraire; mais ce qui achève de les rendre précieuses, c’est que
M. Benjamin Delessert, fils de la bonne comine, qui est resté possesseur de l’original des
lettres , a groupé autour de ce manuscrit tous les ouvrages de botanique publiés chez les
anciens elles modernes jusqu’à nos jours. Il s’est formé de la sorte la plus riche bibliothèque
botanique qui soit au monde. Cette bibliothèque est libéralement ouverte {sans vacances ! ) à
tous les amis de la science des Fleurs , qui peuvent y puiser aux meilleures sources les docu-
ments dont ils ont besoin, et y trouvent en outre, comme pièces justificatives, un immense
herbier où les Plantes de toutes les régions du globe sont classés avec soin et nettement
déterminées.
Il vous reste maintenant à étudier le pistil de votre Giroflée. Vous avez déjà observé la
forme allongée, un peu aplatie, de l’ovaire, son stigmate fourchu et le style très-court qui
sépare l’un de l’autre; remarquez le tissu mou, spongieux, légèrement gluant de ce stigmate :
c’est sur ce tissu que va se déposer le pollen ou poussière fécondante, c’est entre ses mailles
peu serrées que le pollen se fraye un passage pour descendre jusqu’aux graines. Prenez
maintenant un pistil bien développé , coupez-le en travers , et par le milieu , vous verrez
qu’il forme deux cavités entre lesquelles est posée une cloison. Maintenant cherchez à ouvrir
une de ces cavités on soulevant, de bas en haut, un des côtés plats du pistil. Il y a, sur ce
côté plat, une couture qui vous indiquera la place où vous devez appliquer la lame de votre
canif : cette couture cédera sans résistance à l’instrument, cl vous trouverez, dans l’intérieur,
des graines aplaties, suspendues à de petits cordons. L’écartement que vous avez opéré par
un mécanisme artificiel s’exécute naturellement, quand le pistil est parvenu à sa maturité. Les
lames se voient alors décollées et suspendues par leur extrémité supérieure; puis, avec l’Age,
elles se détachent tout à fait, et tombent, de manière qu’il ne reste debout que la cloison,
couronnée par le stigmate que vous connaissez, et bordée le long de ses côtés par deux ourlets
d’où partent des cordons tortueux , auxquels sont suspendues les graines.
Comparez avec la Giroflée les diverses espèces d7 lesperis, nommées vulgairement Julien-
nes, les Choux , les ft'avets, les Radis, le Cresson de fontaine , le Cresson alénois, le Thlaspi
des jardiniers (Ibcris) , dont les corolles ont leurs deux pétales extérieurs plus développés
que les deux intérieurs; enfin la Bourse à pasteur {Thlaspi bu rsa postons) , petite plante qui
abonde partout et fleurit toute l’année. Vous jugerez saus peine que tous ces Végétaux, mal-
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ÉCOLE DE BOTANIQUE. 35
gré la diversité qui les distingue entre eux, appartiennent, comme la Giroflée, à la famille des
Crucifères.
Vous voulez cueillir uno petite brancho de cette plante dont les feuilles , d'un vert glauque ,
sont divisées eu découpures arrondies ; prenez garde au suc jaune qui suinte de l’extrémité
de la tige que vous venez de briser : ce suc est très-àere et tache fortement la peau. — La
plante que vous avez sous les yeux est la Chélidoine ( Chelidoniwn mojus) , vulgairement
nommée grande Éclaire. — Vous croyez reconnaître dans ce végétal un membre do la grande
famille des Crucifères : vous voyez en effet une corolle de quatre pétales disposés en croix , et
le pistil se sépare en deux pièces qui tombent et laissent eu place un ourlet chargé de graines.
Mois regardez le calice : il est de deux folioles très-caduques ; comptez les étamines : il y en a
une trentaine; malgré ces différences, la Chélidoiue est, non pas une Crucifère, mais du
moins une alliée de la famille.
C'est à la famille des Parois ou Papavéraeées qu'appartient la Chélidoine.
— Voici le Paroi Somnifère, que vous pouvez comparer avec elle : calice
de deux folioles , corolle de quatre pétales , chiffonnés dans la tleur non
épanouie; étamines nombreuses naissant sur le réceptacle. Jusqu'ici, l'ana-
logie ost évidente ; mais le pistil offre une différence notable : c'est une
capsule, couronnés; par des styles en forme de plaques rayonnantes, qui
portent, sur leur milieu, des stigmates allongés en lignes brunes; cette
capsule est ovale , et renferme un nombre infini de graines blanches qui
tapissent dos lames saillantes, attachées à ses parois. — Vous voyez un suc
laiteux blanc suinter de la tige et de lu capsule déchirées; ce suc laiteux est
V opium . qui, pris en petite quantité, est le plus précieux des calmants , et
devient un poison lorsqu'on l'administre à haute dose. Cependant les Orien-
taux on font un usage immodéré ; ils le boivent , le michent ou le fument;
mais l'habitude émousse son action narcotique, et un Turc en avale impunément des doses,
dont la deux centième partie suffirait pour endormir à jamais un Européen. Toutefois, l'abus
de l'opium a cela de grave pour les Orientaux, qu’ils sont obligés d’user do doses successive-
ment croissantes pour obtenir cette ivresse délicieuse qu'ils regardent comme la félicité
suprême ; aussi tombent-ils bientôt dans un état d'abrutissement physique cl moral dont rien
ne peut les tirer.
Ce Pavot, que vous voyez auprès du Somnifère, et qui ne s'en distingue que par sa cap-
sulo tout à fait sphérique et ses graines noires, est cultivé en grand dans le nord de la France,
où l'on retire de ses graines une huile nommée huile d'œillette, que l'on vend communément
à Paris pour de l’huile d'olive.
Ces diverses espèces de Coquelicots que vous voyez ici appartiennent au genre Pavot,
comme vous pouvez vous en assurer en examinant leur fleur.
Parmi les Végétaux à semences nombreuses, le Pavot Somnifère est cité comme l’un des
plus féconds: un seul pied produit assez de capsules pour fournir en un an 32,000 graines;
notez que chaque graine contient dans son sein le germe d'une nouvelle plante; supposez que
ces 32,000 graines soient toutes semées convenablement, et réussissent, vous en aurez, lu
seconde année, 1,024,000,000; en supposant toujours que ces graines soient toutes semées,
et produisent chacune 32,000 autres graines, vous aurez nu bout de quatre ans le chiffre
1,048,576,000,000,000,000; d'où vous pourrez conclure que, si aucune graine ne périssait,
la postérité d'une seule graine de Pavot couvrirait, dès la quatrième année, plus que la sur-
face entière du globe terrestre.
Non loin des Pavots, vous voyez la famille dos llenonculacées. Cueillez cette Fleur (V Au-
rait? ; son nom latin Aquilegia, signifie réservoir d'eau : ce nom n'est-il pas justifié par la
forme des cinq pétales creux, et figurant assez bien une urne ou une corne d’abondance? Eu
dehors sont les cinq folioles du calice, dont la couleur est bleue comme celle de la corolle, cl
Pavot Sovsirtu.
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DEUXIÈME PARTIE.
qui so détachent nettement les unes des autres; en dedans sont les étamines, qui sont nom-
breuses, et naissent sur le réceptacle. Le pistil se compose de cinq ovaires bien distincts, qui
s'ouvrent à peu prés eommo de petites gousses, et portent une série de graines le long do
leur bord intérieur. Voilà l'Ane O lie, telle que la nature Ta faite. Mais dans les jardins où ou
la cultive, la nourriture trop succulente qu’elle reçoit de la main de l'homme altère sa sim-
plicité primitive, et lui fait subir des métamorphoses dont la plus fréquente est eello quo vous
vovoz ici : les cinq pétales creux en renferment de semblables, emboîtés par séries les uns
dans les autres comme des cornets, et diminuant de grandeur à mesure qu’ils s'éloignent du
plus extérieur. Il vous est facile de voir que cette multiplication de iiétales s’est faite aux dé-
pens des étamines, puisque celles-ci deviennent d'autant plus rares que les cornets sont plus
nombreux.
Cotte tendance à la métamorphose, qui se fait remarquer surtout dans les Fleurs dont les
étamines sont nombreuses, peut s'observer surtout dans les Renoncule» modifiées par la cul-
ture, et quo les fleuristes nomment Boulon» d’or; c'ost ce que vous voyez également dans la
Renoncule asiatique, dont les ovaires eux-mêmes se sont changés en pétales. Quant aux
Renoncule» simples, leur structure est facile à étudier : cinq folioles distinctes formout le
calice; la corolle se compose de cinq pétales d'un jaune vernissé; remarquez au bas de cha-
que pétale une petite écaille qui s'applique contre la base interne do celui-ci : elle forme un
petit sac, au fond duquel est une glande à nectar. Eu dedans de ces pétales s'élève la pha-
lange des étamines : elles sont nombreuses et posées sur le réceptacle; le pistil est formé de
petits ovaires nombreux, qui, au lieu d'être groupés sur un plan horizontal, comme dans
l'Ancolie, s'échelonnent en spirale autour du réceptacle, et peuvent facilement se détacher
les uns des autres.
Dans les Anémone», vous ne trouverez pas de corolle, mais seulement un calice de cinq à
quinze grandes folioles colorées comme des pétales; les ovaires offrent la même disposition
spirale, et ne contiennent qu’une seule graine, comme dans les Renoncules ; chez quelques
espèces, et notamment chez l’Anémone de» prés, nommée vulgairement la l’ulsatille, les
styles s'allongent à la maturité; ils forment une espèce de queue plumeuse qui donne prise
au vent, et favorise la dispersion des ovaires. — Les Clématite» offrent aussi
cet accroissement singulier des styles, mais elles diffèrent de toutes les
autres Rcnonculacées, en ce que leur tigo est grimpante, et leurs feuilles
opposées. Cello-ci ( Clemalis Vitalba ) porte un surnom populaire fort peu
élégant. Les mendiants s’en servent pour exciter la pitié publique : la veillo
des fêtes patronales , ils s’appliquent sur les bras, sur les jambes ou sur
le dos, les feuilles pilées de cette plante; le suc caustiquo qu'elles contien-
nent enflamme la peau comme un vésicatoire, et soulève des ampoules
énormes; les mendiants enlèvent alors l'épiderme et mettent ainsi à nu une
plaio très-rouge et d'un aspect effrayant. Les passants s'empressent do faire
l’aumône aux porteurs de ces ulcères hideux , et le lendemain , un peu de
beurre frais suffit pour les guérir. Voilà pourquoi la Clématite est sumom-
inéu l’Herbe aux gueux.
Toutes los Rcnonculacées sont des plantes âcres, sans oxceptor les espèces du genre
Ranunculu», dont los tiges fluettes dominent le gazon des prairies, et sont terminées par des
Fleurs qui ressemblent à de petits bassins d'or. Ce sont surtout celles ipii croissent dans les
lieux humides que les animaux herbivores refusent de paître : telles sont la Renoncule ram-
pante et la Renoncule scélérate. Mais ces plantes perdent leur âcreté par la dossiccation, et
donnent do bon foin, que les bestiaux mangent volontiers.
Do toutes les Rcnonculacées, la plus vénéneuse est le A ’apel, qui appartient au genre
Acom'f, et qu’on rencontre dans tous les jardins : le calico est très-irrégulier, et ressemble à
une corolle; la foliole supérieure forme un casque; sous ce casque sont logés deux pétales,
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ÉCOLE DE BOTANIQUE.
ayant la forme de capuchons et portés sur un long pied. — Le genre Dauphinelte [Delphi-
nium) offre aussi un calice irrégulier, coloré comme une corolle; la foliole supérieure so
relève en bonnet pointu, et renferme dans sa cavité deux pétales soudés, et se relevant en
queue. Voici l’espèce la plus commune, nommée vulgairement Pied d' Alouette; c'est le Del-
phinium Ajacis.
Vous voyez que dans la famille des Itenonculacécs, les genres diffèrent beaucoup entre eux
par leur calice et par leur corolle, laquelle manque même dans quelques-uns ; mais dans tous,
les folioles du calice et les pétales sont distincts les uns des autres; les étamines sout nom»
breuses, et posées sur lo réceptacle; les graines ont la même structure; dans presque tous,
enfin, les feuilles sont découpées en lanières profondes. C'est donc une famille très-naturelle,
malgré la diversité que présentent les organes secondaires de la Fleur.
Descendons quelques plates-bandes; nous rencontrons sur notre chemin la Vigne, qui
forme & elle seule une famille. Son origine se perd dans la nuit des temps. Lo roi Céryon lu
recueillit dans l’Arabie Heureuse, et la transporta en Espagne; les Phéniciens, qui exploitaient
tout lo littoral de la Méditerranée, en dotèrent successivement la Sicile, la Grèce, l'Italie et
Marseille. La Vigne s’étendit peu à |ieu dans la Gaule méridionale, et elle était déjà parvenue
dans les provinces du centre, lorsque le farouche Domitien, en l’an de Jésus-Christ i)2, la lit
extirper complètement dans les Gaules, sous prétexte que sa culture nuisait à celle du blé.
La Vigno fut exilée pendant deux cents ans, et ce fut l’empereur Probus qui la rendit aux
Gaulois. Vous savez ie parti qu’ils en ont tire. Ils en ont fait non-seulement du vin, mais iis
ont su séparer de ce vin l’élément spiritueux que la fermentation y avait développé : c’est
Arnaud de Villeneuve, professeur de médecine en la Faculté de Montpellier, qui a le premier
distillé Veau-de-vie, que les chimistes nomment alcool.
Voici la famille des Malvacées, qui mérite à plus d’un titre de fixer notre attention. Prenez
uno de ces fleurs do Mauve, vous verrez un calice à folioles soudées, pourvu extérieurement
d'un autre calice semblable & lui; la corolle est de cinq pétales; les étamines sout nom-
breuses, leurs filets sont soudés en tube dans leur moitié inférieure, et leurs sommets chargés
d'anthères forment une gerbe élégante; les étamines sont posées, ainsi que les pétales, sur le
réceptacle du la Fleur; le pistil se compose d’un grand nombre de petits ovaires qui forment,
par leur ensemble, un petit tourteau et portent chacun un style; tous ces styles réunis mon-
tent dans lo tube formé par les étamines. Vous trouverez ces caractères avec des différences
de nombre, do grandour et de forme, dans tous les genres de la famille des Malvacées, tels
que les Mauves, les Guimauves, les Sida, les Abulilon, les Alcées ou Doses Trémières, etc,
Lo Cacaoyer, petit arbre do l’Amérique méridionale, dont les graines, légè-
rement torréfiées et broyées ensuite, fournissent à l’homme l’aliment nommé
chocolat, appartient aux Malvacées. C'est à la même famille quo nous devons
ce duvet précieux qui est l’objet d'un commerce si considérable entre l’ancien
et le nouveau monde. Lo Coton est une sorte de chevelure entourant les se-
mences du Cotonnier herbacé et du Cotonnier arborescent ; les filaments soyeux
qui lo constituent sont garnis , sur toute leur longueur , de petites dentelures
visibles à la loupe : c’est ce qui explique comment ces filaments , quoique très-
courts, peuvent s'ajuster bout à bout les uns aux autres, et former ainsi un
fil d'une longueur indéfinie. Enfin, c’est dans la famille des Malvacées que
vient se ranger cet immense Baobab , dont nous verrons dans les serres un jeuno
individu : le tronc de ce géant du Règne végétal peut acquérir quatre-vingt-dix
pieds de circonférence.
Auprès des Malvacées, nous trouvons les Géraniécs, dont les genres, quoique d'aspect
bien différent , se rapprochent par des caractères communs. Voici d'abord les espèces du
genre Géranium, ainsi nommé parce que le fruit a la forme d'un liée de grue. Il y en a
plusieurs dont les fleuristes font grand cas. Voici la Capucine , originaire du Pérou , et
COTOKïU».
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DEL MÊME P ARTIE.
cultivée aujourd'hui dans touto l'Europe , comme plante potagère et
comme plante d'ornement. Toutes ses parties ont une saveur Acre et
piquante, assez agréable. La tille de Linné a observé la première, sur la
Capucine, un phénomène très-curieux : dans les beaux jours d'été, vers
le crépuscule du soir, il sort de la Heur une lumière vive comme l'éclair,
qui ressemble à une étincelle électrique ; quelques chimistes attribuent ces
petits éclairs à une production de phosphore exhalé par la fleur et s'en-
flammant à l’air. Voici la Baltaminc, originaire du l'Inde , qui est cultivée
dans tous les jardins, oit elle double facilement; près d'elle est la Balsa-
mine jaune , nommée aussi Mali Tanyere (No mo louchez pas). Ces deux
espèces forment le genre Impatiente; vous comprendrez la signification do
ce nom , si vous touel.cz le pistil mûr de l'une rte ces Plantes ; les ovaires
s<> roulent eu dodaus avec élasticité , et lancent au loin les graines qui y
sont renfermées. Le genre le plus intéressant ( pour l’homme) de la famille
des (îéraniées, est le Lin, dont une espèce, originaire du plateau do la haute Asie, est devenue
indigène en Europe; les fibres de son écorce, préparées par le rouissage,
se séparent facilement, et servent à faire les tissus de 01 les plus fins, et
même les dentelles. Les graines sont employées en médecine , et on en
extrait une huile grasse, très-employée pour la peinture.
Nous passons devant la Une , sur laquelle nous avons observé les ma-
nœuvres îles étamines; prés d'elle est le Dictante Fraxinelte , qui est de la
même famille que sa voisine. Sentez- vous l'odeur pénétrante que répand
cette plante? Elle est loin d'ètro aussi désagréable que celle de la Hue, La
vapeur qu'elle exhale est une huile volatile, réduite en gaz; si, à la tin
d'une chaude journée d’été, vous vous approchez d’elle avec une bougie
allumée, l'atmosphère qui l’enveloppe s’enflamme sans endommager la
plante. Vous pourrez aussi observer sur la Fraxinelte le mouvement
des étamines que vous a présenté la Hue.
Nous voici devant la famille des Cariophyllées, l’une des plus naturelles du Règne végétal ;
une lige herbacée, noueuse, avec des feuilles opposées, naissant par paire de chaque nœud,
un calice à cinq folioles ordinairement soudées en tube; une corolle de cinq pétales libres,
dix étamines posées sur le réceptacle, un pistil formé d’un ovaire A graines nombreuses, et
couronné par deux, trois ou cinq styles: voilà les caractères de cette famille. Ses goures
principaux sont les Ot'illets, les Saponairet, les Lychnis, les Cérastes, les Stellaire3, dont une
espèce fournit lu Morgeline ou Mouron des petits oiseaux. — Parmi les Lychnis, il y a une
espèce très-commune dans les campagnes ; c’est le Lyclmis btanc (Lychnis divica), dont les
Fleurs, iuodores pendant lo jour, répandent uu parfum suave à rentrée de la nuit, (les Fleurs
présentent une particularité dont je vous ai déjà parlé : les unes sont pourvues d’étamines
seulement; les autres n’ont qu’un pistil; les Fleurs à pistil et les Fleurs à étamines se trou-
vent sur dos pieds séparés.
La famille des Crnssulées va vous offrir do nouveau les étamines posées sur le calice,
comme vous l'avez vu déjà chez les Légumineuses, et surtout chez les Rosacées; ce carac-
tère est très-important, «t vous saurez hientét pourquoi j’appelle sur lui votre attention. —
La tige est ordinairement herbacée; les feuilles sont épaisses, charnues. Le calice est pro-
fondément divisé, c'est-à-dire que ses folioles ne sont soudées ensemble que par leur base; la
corolle n ses pédales en nombre égal à celui des folioles du calice ; ces pétales sont tantôt
libres, tantôt légèrement soudés; les étamines sont tantôt en nombre égal à celui des pétales,
tantôt en nombre double; et, dans ce dernier cas, elles sont alternativement attachées à la
base du pétale et à la base du calice. C’est ce que vous voyez très-bien dans lo Scdum
brûlant ( Scdum acre) ; les ovaires sont en nombre égal à celui des pétales, disposés en
r*ixinttc.
Giaxsim
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ÉCOLE DE BOTANIQUE.
cercle , distincts les uns des autres, terminés par un style court et pointu;
à la hase externe de chaque ovaire est une écaille ou glande nectarée ; à
la maturité, les ovaires s’ouvrent par une fente longitudinale placée à l’angle
intérieur, les graines sont nombreuses et attachées au bord interne des
ovaires. Les Sedum , les Crassules , les Joubarbes sont les principaux
genres de cette fumille , qui fournit à nos parterres quelques jolies plantes
d’ornement.
Les Aopalées , qui sont des Plantes grasses , comme les Crassuldes, ont
des tiges charnues , épineuses , des feuilles petites, caduques, peu appa-
rentes, dont les fonctions sont évidemment remplies par la tige. Les Fleurs
sont ordinairement solitaires et sessiles sur la tige. Le calice est adhérent à
l’ovaire; les pétales sont en nombre indéfini, insérés vers le haut du calice,
soudés par la base, et disposés sur plusieurs rangs; les étamines sont nom-
breuses, et naissent sur le haut du calice comme les pétales; le pistil se compose d’un ovaire
surmonté d’un seul style.
Le Cierge raquette (Cactus opuntia) a sa tige composée d’articles aplatis, ovales; ces arti-
cles sont traversés par un axe ligneux, et leur apparence foliacée provient du grand dévelop-
pement qu’a pris le parenchyme; en vieillissant, ils deviennent ligneux et cylindriques. Cet
arbrisseau, originaire de l’Amérique, est maintenant naturalisé dans le midi de la France.
C’est sur lui et sur le Nopal (Cactus coccinili fer) que vit la Cochenille, petit insecte très-
employé dans la teinture pour la fabrication du carmin et de la laque carminée. La femelle se
fixe sur la tige du Nopal, fait sa ponte et meurt; mais, utile encore à sa famille, son corps
desséché et changé en coque lui sert de rempart contre toute cause extérieure de destruction.
Bientôt, les oeufs étant éclos, les petits se répandent par milliers sur la plant»*, s’y attachent,
et y subissent toutes leurs métamorphoses. A la dernière, les femelles prennent
l’état d'immobilité de leur mère; c’est alors qu’on les recueille; on les dessèche
au soleil, et on les envoie en Europe.
Le Cierge du Pérou (Cactus Peruviamts) est une des plus helles espèces de
la famille. On en apporta, en 1700, un individu au Jardin; il y fut planté,
n’ayant que quatre pouces de hauteur et deux pouces de diamètre; il devint
bientôt si grand, qu’en 1713, sa tige s’élevant au-dessus de la serre dans
laquelle il était placé , on fut obligé d’en brûler le sommet avec un fer rouge ,
pour arrêter son accroissement. Cela ne l'empêcha pas de pouss»*r dns jets laté-
raux; en 1717, il avait vingt-trois pieds de hauteur et sept pouces de diamètre.
On prit ensuite le parti de construire autour de lui une cage vitrée qu’on ex-
haussa à mesure qu’il grandissait, et qui bientôt s’éleva à quarante pieds do Cjcüi »c p«or.
hauteur. Enfin, on fut forcé de le détruire, parce que les serres ne pouvaient
le suivre dans son ascension, et vous verrez l’un de ses rejetons, qui occupe un coin de la
serre carrée de l’Ouest. Ce Cierge , dont l'histoire fera époque dans les annales du Jardin ,
avait des racines peu étendues; on n’arrosait jamais la terre qui le soutenait, il pompait sa
nourriture dans l’air atmosphérique, par la seule succion de son écorce. II se couvrait toutes
les années de fleurs qui sc fanaient en vingt-quatre heures , mais qui se succédaient pendant
un mois.
Je ne veux pas repasser devant le Pistachier, dont nous ovops déjà parlé, sans vous dire
un mot de la famille à laquelle il appartient : la famille des Térébinthes est très-nombreuse en
arbres et en arbustes; nous y trouvons d’abord le Pistachier commun (Pista ci a vera ); puis
le Pistachier à mastic ( Pistacia lent icus) ; de son écorce exsude une résine balsamique que
les Orientaux mâchent pour sc parfumer l’haleine et fortifier les gencives. Le mastic fourni
par les Térébinthes de l’tle de Scio est exclusivement réservé pour les odalisques du Grand
Seigneur. N’approchez pas de cet arbrisseau grimpant : c’est le Sumac vénéneux (fihus toxi-
Süfn Wf-nT.
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lo
DEL MÊME P V B T I K .
codendmm) , dont la lige produit des racines aériennes, et dont le suc est si caustique, qu'une
seule goutte, tombée sur la peau, suffit pour causer une inflammation qui s’étend bientôt à
toute la surface du corps. L'attouchement des feuilles produit des démangeaisons cuisantes
et des ampoules; la vapeur même qui s’exhale de toute la plante peut occasionner, la nuit
surtout, de graves accidents. C’est aussi à la famille des TérébinUies qu’appartient ce bel
arbre de la Chine, VAilanlus, qui s'est naturalisé en France. Enfin l 'Encens et la Myrrhe,
dont l'origine est encore peu connue, sont probablement fournis par des arbres de la même
famille.
Nous voici près de la cabane du jardinier, derrière laquelle s'étond la famille des Ombelli-
fires; c'est un des groupes les plus naturels du Régne végétal. Les feuilles sont ordinaire-
ment très-découpées; leur pétiole est creux à sa base, et enveloppe la tige, qui est presque
toujours herbacée. Los pédoncules des fleurs divergent comme les branches d’un parasol;
chaque pédoncule se subdivise en pédoncules secondaires, qui divergent à leur tour, et dont
chacun porte une fleur. Examiner, lu fleur do cet Heracieum : vous verrez cinq pétales blancs
posés sur le haut du calice, qui est tout à fait soudé avec le pistil; entre ces cinq pétales vous
compter, cinq étamines posées, comme les pétales, sur une espèce de petit disque qui cou-
ronne le pistil, et que traversent deux styles; quand le fruit est mûr, il se divisp en deux
ovaires qui ne contiennent chacun qu’une seule graine.
L’espèce la plus historique de l'.eitc famille est la Grande Ciguë ( Cunium mmulatum) , dont
vous voyez la lige inarquée de taches vineuses, et qui exhale une odeur de
souris très-prononcée ; ce fut le poison de Socrate et de Phocion , les deux
plus vertueux citoyens d’Athènes. La Ciguë de nos pays n’est pas aussi
vénéneuse que celle de la Grèce, c’est néanmoins une piaule narcotique que
l’on emploie en médecine avec beaucoup de prudenre. L'Axis , le Fenouil,
V Angélique , la Coriandre, la Carotte, le Cerfeuil, \e fanais, le Persil ,
V OEnanthe , le Phellandrium , la Ciculaire, I ’Elliuse, appartiennent à cette
famille : les premiers sont aromatiques , les autres ont une odeur suspecte
el sont très- vénéneux. Il est surtout une espèce, nommée vulgairement Petite
Ciguë [Ælliusa Cynapium) , qui est facile à confondre avec le Persil ; ce
qui la rend encore plus dangereuse , c’est qu’elle croit dans tous les lieux
cultivés, mêlée avec le Persil , et donne lieu fréquemment à des méprises
funestes. Comment distinguerez -vous le poison de la plante utile? Nous
avons sous les yeux le Persil et la Petite Ciguë : comparez d’abord leur fleur : le Persil a des
fleurs jaunes; la Petite Ciguë a des fleurs blanches. — Le Persil porte à la base de son pa-
rasol général une collerette formée de quelques petites folioles; la Petite Ciguë n’en a pas du
tout. — Le Persil porte à la base de chacun de ses petits parasols secondaires Une collerette
de plusieurs folioles arrondies et rangées circulairement ; la Petite Ciguë porte aussi une
collerette à la hase do ses petits parasols, mais celte collerette, au lieu d’être circulaire, se
compose de trois folioles longues et effilées , qui sont situées à l’extérieur du petit parasol , et
dirigent leur pointe en lias. Ces caractères distinctifs sont très-faciles à saisir et à comparer,
quand la plante est en fleur; mais ce n’est pas le Persil monté que l’on va cueillir pour la
cuisine; c’est l'herbe encore jeune, et n’ayant que sa tige et ses feuilles : comment donc la
distinguerons-nous de la Petite Ciguë , quand toutes les deux sont peu développées? Remar-
quez que dans le Persil, les feuilles sont d’un vert clair et gai; dans la Petite Ciguë, d'un vert
sombre et triste. — Dans le Persil, les découpures de la feuille sont assez larges; dans la
Petite Ciguë, la feuille est très-finement découpée. — Dans le Persil, les feuilles, froissées
entre les doigts, ont une odeur franchement aromatique; dans la Petite Ciguë, cette odeur est
désagréable et suspecte. — Enfin, si vous examinez ie bas de la tige dans la Petite Ciguë,
vous le verrez marqué en long de lignes rougeâtres, qui n’existent jamais dans le Persil.
Ceci n’est pas une leçon de médecine , c'est au contraire un document qui vous dispensera
Giun&ï Cio ci.
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ÉCOLE RK BOTANIQUE.
d’v avoir recours; et si je suis entré dans quelques détails sur le signalement du Persil et de
la Petite Ciguë, c'est qu'il ne faut pas, pour l'honneur do la botanique, que votre cuisinière en
sache là-dessus plus que vous.
Ne confondez pas avec les Ombelliféres ce l iorne et ce Sureau qui les avoisinent. La dis-
position des Fleurs est la même en apparence; mais le plus léger examen vous fera voir que
les pédoncules, quoique partaid d’un même point, et divergeant d'abord régulièrement comme
les brandies d’un parasol , se subdivisent ensuite plusieurs fois avec une grande irrégularité,
— D’ailleurs, la corolle a ses pétales soudés en une seule pièce; le fruit est une baie succu-
lente, el les feuilles sont opposées; malgré ces différences, la famille des Chèvrefeuilles n'est
pas éloignée de celle des Ombelliféres.
Voici la famille des Rubiacces , famille à laquelle nous devons quelques espèces exotiques
bien précieuses dont je vais vous entretenir. Cueillez une branche de Caille-Lait (Gallium),
observez d’abord la disposition des feuilles qui forment autour de la tige des groupes circu-
laires; la corolle est petite, do quatre pétales soudés en un seul, et formant une petite croix
étalée. — Entre chaque division de la croix est une étamine; les quatre étamines sont, ainsi
que la corolle, posées sur le haut du calice, qui est ici complètement soudé avec lu pistil,
comme dans les Ombelliféres ; le fruit est aussi composé do deux ovaires soudés.
Vous observerez cette structure de la Heur dans la plupart des /tubiarées européennes, telles
que les Caille-Laits , les Aspérulet et les Garances ; c'est une espèce do ce dernier genre, le
Itubia Tinctoria, dont la racine fournit un principe colorant rouge, que l'on emploie pour la
teinture des laines, — Parlons maintenant des Ruhiacées étrangères.
Le Quinquina, que les médecins regardent comme le plus héroïque des Fébri-
fuges fournis par le Règne végétal , est l’écorce d’une Rubiacée américaine. —
Les espèces de Quinquina sont nombreuses, ce sont de grands arbres dont les
fleurs sont disposées en grappes comme celles du Lilas. Leur port est très- -' \ , ;c
élégant; les feuilles sont opposées par paires, et la base de leur pétiole est ^ 'h
garnie de deux stipules caduques. Le Quinquina vient du Pérou , et la décou- "V», '
verte de ses propriétés médicales est enveloppée d une obscurité qui a donné t I*
lieu aux versions les plus contradictoires. On raconte qu’un naturel du pays ,
s’étant désaltéré, pendant un accès do fièvre, à une fontaine dans laquelle pion- {„,m,
geaient des brandies d’arbre à quinquina , fut guéri île sa fièvre, et découvrit
ainsi la vertu de ce végétal. Mais comment cette découverte fut-elle communiquée aux Euro-
péens? Quelques-uns disent qu’un indigène guérit, avec la poudre de l’écorce du Quinquina,
un Espagnol logé Chez lui , et que l’homme rendu à la santé publia 1'hisloire rie sa guérison.
Si l'on on croit quelques autres , les sanguinaires dominateurs du Pérou , étant moissonnés
par une fièvre intermittente d’un caractère pernicieux , les naturels , qui connaissaient les
propriétés du Quinquina , voyaient mourir les Espagnols’, sans leur indiquer le remède spé-
cifique , et laissaient à la fièvre le soin de les délivrer de leurs oppresseurs ; mais un jeune
Péruvien , qui aimait la fille du gouverneur, et qui la voyait dépérir, sacrifia son patriotisme
à son amour, et fit preudre secrètement plusieurs doses do Quinquina à sa maîtresse; on
épia ses démarches , et son secret fut découvert. Ceci est plus poétique encore que l’hospi-
talité généreuse dont je vous parlais tout à l’heure : mais ce qui décolore un peu toutes ces
traditions, c’est le témoignage positif de l'illustre voyageur, M. de Humboldt, qui a long-
temps résidé dans la patrie des Quinquinas , et qui assure que les naturels du pays en
ignorent complètement les propriétés. Au reste, il est certain qu’en 1638, la femme du eomlo
de l Cinchon, vice-roi du Pérou, que tourmentait depuis longtemps une fièvre intermittent!)
rebelle , fut guérie par un corrégidor de Loxa , qui lui fit prendre du Quinquina. A son retour
en Espagne, en 1640, la comtesse y rapporta une provision de l'écorco salutaire, el en distribua
de la poudre à plusieurs personnes ; de là la nom de Poudre de la Comtesse, qui lui fut d'abord
donné. Vers t619, les jésuites de Rome, en ayant reçu d'Amérique une grande quantité, le
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DEUXIÈME PAIITIK.
mirent ca vogue , Pt il fut nommé Poudre des Jésuites , car ils la distribuaient toujours en
poudre, afin d'en tenir l'origine cachée. Enfin, dans l’année 1770, Louis XIV en acheta le
secret d'un Anglais, nommé Talbot, <|ui avilit guéri avec cette poudre le Dauphin, fils du roi;
c'est depuis cette époque seulement qu'on a reçu en France du Quinquina en écorces. Vous
avez souvent entendu parler de la Quinine : c’est le principe fébrifuge du Quinquina. La pré-
paration de cette substance est une des plus belles découvertes de la chimie moderne, et le
service lo plus important qu'elle ait rendu à la médecine depuis le commencement du dix-
neuvième siècle, puisque sons un petit volume, et sans fatiguer le malade, on peut administrer
des doses énormes do Quinquina , et opérer les guérisons les plus difficiles.
Si je no craignais d’arrêter trop longtemps vos idées sur la médecine, je vous parlerais de
l' Ipécacuanha , racine précieuse que nous donne la famille des Rubiaeées. J'aime mieux vous
conduire devant cet arbrisseau , à la taille svelte, aux rameaux élégants, urués d'un feuillage
lisse et toujours vert; ses fleurs sont blanches, groupées à l'aisselle des feuilles supérieures,
el elles exhalent une odeur suave. Le fruit est une baie rouge , grosso comme une cerise , et
contenant, au centre d'une pulpe douceitlro peu abondante, deux semences cartilagineuses;
ces semences no sont autre chose que le Cnfé.
L’histoire de la découverte des vertus du Café n'est pas moins obscure que celle du Quin-
quina; selon les uns, des chèvres ayant brouté de jeunes pousses de Caféier, passèrent la nuit
à cabrioler, et révélèrent ainsi le Café au berger qui les gardait. Selon quelques autres , la
prieur d'un couvent do Maronites, ayant par hasard mangé un grain de Café, et n'ayant pu
dormir la nuit suivante, eut l'idée d'en faire prendre à ses religieux, pour leur faciliter les
moyens do lutter contre le sommeil pendant les matines. — Les sectateurs do .Mahomet reven-
diquent , pour les i rais croyants , l'honneur de la priorité : ce fut , disent-ils , le mollah
Chadelly qui usa le premier de cette boisson afin de prolonger scs prières nocturnes; les der-
viches arabes l’imitèrent; leur exemple entraîna les gens de la loi; bientôt ceux même qui
n’avaient pas besoin de se tenir éveillés adoptèrent le nouveau breuvage. Il était déjà en crédit
à Constantinople en 1550, et Prosper Albin, célèbre botaniste du seizième siècle, rapporte que
les Arabes en vendaient au Caire sous le nom île Caorit.
Raynal, dans son Histoire philosophique , nous apprend que le Caféier est originaire de la
haute Éthiopie, d'où il a été transporté dans l’Arabie heureuse, vers la fin du quinzième siècle.
Si l’Arabie n'est point la première patrie du Caféier, elle est du moins sa patrie adoptive, son
séjour do prédilection; nulle part il ne prospère mieux, nulle part sa graino no possède do
qualités plus généreuses que dans la province d'ïemen, aux environs de Moka. C’est delàquo
le Hollandais Van llorn fit transporter, en ICitlO, à Batavia, des plants, qui réussirent à mer-
veille ; un de ces plants fut adressé , en 1710, à Witsen , consul d’Amsterdam , et déposé par
ce magistrat dans le Jardin botanique de celte capitale. Lejeune arbrisseau fleurit, et donna
des fruits féconds; un des individus qui en provinrent, fut offert à Louis XIV; ce prince le fit
placer dans les serres du Jardin des Plantes. On en forma des boutures qui réussirent parfai-
tement , et ce fut alors que le Gouvernement français entreprit d'acclimater le Café dans nos
possessions des Antilles.
Lo torréfaction développe , dans la graine de Caféier, un principe aromatique , qui excite les
fonctions des organes digestifs , et surtout celles du cerveau ; cette influence spéciale du Café
sur les facultés intellectuelles est connue de tout le monde, mais on l’a beaucoup exagérée :
le bon versificateur Jacques Delille, qui n'était pas un grand poêle, a prodigué au Café des
éloges emphatiques , dont il s’applique une bonno part avec un enthousiasme fort peu
modeste :
A peine j'ai senti ta vapeur odorante.
Soudain de ton climat la chaleur pénétrante
Réveille tou* mes sens; sans trouble, sans chaos,
Mes penser» plus nombreux arrivent à grands nuis-
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ÉCOLE DE BOTANIQUE.
Mon idée était triste, aride dépouillée :
Elle rit, elle sort richement habillée.
Et je crois, du génie éprouvant le réveil.
Boire dans chaque goutte un rayon du sole;l-
Au-dessus des Rubiacécs s'étend l'immense famille des Composées, dont on connaît neuf
mille espèces, et qui forme la dixième partie du Règne végétal. Cueillez cette fleur de Chicorée :
au premier aspect, vous croyez voir une fleur à [létales nombreux, entourée d'un calice à plu-
sieurs folioles disposées sur deux rangs; observez avec plus d’attention, cherchez au centre
les étamines et le pistil , vous ne trouverez que des lames bleues , semblables à celles do la
•circonférence, mais moins épanouies que ces dernières. Si enfin vous enlevez une de ces lames
bleues, en avant soin de la détacher, par sa base, du réceptacle qui la supporte , vous vous
convaincrez que c’est une fleur complète, qui a sou calice, sa corolle, scs étamines et son
pistil, et que ce qui vous avait semblé tout à l'heure une fleur unique, est réellement 1 assem-
blage d’une centaine de fleurs distinctes.
Vous voyez en effet une corolle irrégulière, d’une seule pièce, ayant la forme d’une languette
roulée à sa buse en petit cornet ; ce cornet est posé sur le haut du calice , qui est
soudé avec l’ovaire , et n’a de libre qu’un petit rebord frangé ; sur la corolle sont
attachés les cinq filets des étamines; leurs anthères, qui sont longues et effilées,
se soudent ensemble et forment un tube ; ce tube est traversé par le style , qui so
sépare en deux stigmates. Sur les fleurs les plus extérieures, vous pouvez voir
très-bien les deux stigmates qui dominent le tube formé par les anthères ; dans
les fleurs voisines du centre, lo style est encore trop court, et ne dépasse pas les
étamines ; mais quand son tour sera venu , il s’allongera rapidement , montera lo
long du tube formé par les anthères , et , chemin faisant , il se chargera de leur
pollen ; enfin il se dégagera du fourreau qu’il vient de traverser, et paraîtra à la
lumière avec lo pollen qu'il a enlevé dans son passage ; bientôt les doux branches
qu'il forme à son sommet s'écarteront pour recevoir sur leur surface intérieure
le pollen qui doit féconder l'ovaire, tous pouvez facilement distinguer, môme à
l’œil nu , et encore mieux avec une loupe , de petits poils qui hérissent le dehors
des branches du style; ce sont ces poils qui ont brossé, en passant, lo fourreau
formé par les anthères; ce sont eux qui ont enlevé le pollen, cl c’est pour cela
que les botanistes leur ont donné le nom de poils balayeurs. Remarquez main-
tenant la surface intérieure des branches , vous y verrez do petites saillies
humides ; ce sont les papilles du stigmate , chargées de happer le pollen. Mais lo
pollen enlevé par les poils balayeurs du stylo, est-co aux stigmates do ce mémo
stylo qu'il est destiné! Il suffit, pour résoudre cotte question, de jeter un coup cmcout
d’oeil sur les fleurs voisines : évidemment le pollen de l’une servira au pistil do
l’autre, et il leur sera bien plus facile de se féconder mutuellement, qu'il no le sera au
pollen de so transporter des poils balayeurs aux papilles stigmaliques d'un mémo style.
Cetto disposition merveilleuse explique l'intention qu'avait la Nature en groupant ensemble
un nombre aussi considérable de fleurs.
Toutes les graines de ces fleurs, une fois fécondées et mûries, que vont-elles devenir! Les
unes tomberont à terre et germeront ; les autres seront la pâture des Insectes et des Oiseaux,
Les Oiseaux surtout en avaleront une grande quantité .dont une partie sera digérée par eux ,
et le reste rejeté avec leur fiente , qui deviendra pour les graines un fumier précieux : c’est ce
qui arrive à beaucoup d’espèces de la famille des Composées. Mais si par leur petitesse, par
leur nombre, par leur consistance, par leur saveur ou par toute autre cause, ces graines
échappent aux animaux , tomberont-elles toutes sur le sol , où l'entassement et le manque
d'espaco les feraient bientôt périr! Voici une. Fleur do Pissenlit, qui va répondre A celle ques-
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DEUXIÈME PARTIE,
tion : voyez-vous, sur le sommet du pédoncule, cette sphère transparente , dont la surface est
formée par des (Ils de soie disposés en soleils avec une admirable symétrie! Chacun de cos
petits soleils est soutenu par un long col, et ce col repose à son tour sur un ovaire renfermant
une graine : le réceptacle qui porte tous ces ovaires, dans les petites fossettes dont il est
crousé , ost bombé pour leur permettre de s’espacer et de mûrir. Il faut maintenant qu'ils
abandonnent la plante-mère , et qu'ils se dispersent pour aller au loin chercher une nouvelle
patrie. Les voiles sont tendues, ils sont prêts à partir, et c'est l'atmosphère qui sera leur
océan : le moindre vent va les lancer ; Y aigrette rayonnante qui leur sert de parachute les
soustraira presque complètement aux lois de la (icsanleur, et ils ne toucheront terre qu’après
avoir vogué longtemps , et franchi des distances considérables. Il vous est arrivé bien des fois
à vous-même d'être, à votre insu, l’instrument do la Providence, lorsque ,
cueillant par badinage une tige de Pissenlit , vous vous êtes évertuée à chasser
d’un seul souffle tous les ovaires dont son réceptacle était chargé.
Cueillez maintenant ce Bluet : ce que vous aviez pris tout à l’heure pour un
calice dans la Chicorée n'en est pas un non plus daus le Blucl. Qu'est-ce donc
que ces petites feuilles qui sont imbriquées les unes sur les autres comme les
tuiles d’un toit, et qui accompagnent les fleurs! On adonné à ces feuilles le
nom de bractées , quels quo soient d’ailleurs leur forme , leur nombre et leur
couleur; rappelez-vous les collerettes qui entourent la base des parasols dans
les OmbeUifires ; ce sont aussi des bractées; vous en verrez encore dans nos
autres familles , et vous les reconnaîtrez sans peine , malgré leur diversité , en
ce qu'elles accompagnent les fleurs sans en-faire partie, et sont différentes des
euilles ordinaires.
Écartez les bractées coriaces qui protègent les fleurs du Bluet; vous verrez, comme dans la
Chicorée, un grand nombre de fleurs posées sur le réceptacle, et séparées, les unes des autres,
par des soies courtes qui tiennent solidement à ce réceptacle. Celui du Pissenlit ne portait pas
cotte bourro soyeuse , mais ce n’est là qu’une différence pou importante ; observez la forme
régulière des fleurs , et rappelez-vous celle de la Chicorée. Dans cette dernière, la corolle, loin
d’être symétrique , était déjetée en languette et ne formait qu’à sa base un cornet très-court ;
dans le Bluet, la corolle est régulière , et se compose de cinq pétales soudés daus leurs deux
tiers inférieurs. Sur cette corolle sont attachés les cinq filets dos étamines , qui portent leurs
anthères soudées en tube. Ici, vous pouvez voir le style qui vient de traverser ce tube, et dont
les deux branches sont à peine écartées l’une de l'autre; les poils balayeurs, au lieu d’élro
dispersés sur la face externe de ces branches , sont ramassés en petit bouquet , et forment un
petit anneau au-dessous d’elles. Vous pouvez voir quo chaque fleur est pourvue d'un ovaire ,
et que cet ovaire porte à son sommet une couronno de poils; ici Yaigrctte est beaucoup plus
courte que dans le Pissenlit , mais dans tous les deux , ce n'est autre chose que la partie libre
du calice, laquelle forme , dans la Chicorée , une espèce de rebord frangé.
Quant aux fleurs les plus extérieures du Bluet , dont la couleur azurée et la forme élégante
charmonl vos yeux, ces fleurs sont stériles; regardez à leur base, vous n’y verrez pas d'ovaire;
examinez leur comot, vous y chercherez en vain des étamines et un style; c’est le luxe qui
las ruino : tout le suc qu'elles ont reçu de la tige a été dépensé pour leur parure ; elles sont
brillantes au dehors , mais dans leur intérieur on ne trouve que misère et stérilité.
Si vous coupez verticalement le réceptacle du Bluet, vous verrez qu’il est épais et charnu,
et quo les bractées qui s'y attachent y sout fixées par une base également charnue ; rappelez-
vous maintenant Y Artichaut : qu'est-co quo le légume qui porto ce nom! C’est tout simple-
ment le bouton d'un énorme Bluet. Que mangez-vous dans l’Artichaut! D’abord les bractées,
quo vous détachez pièce à pièce du récoplablo, et ensuite ce réceptacle lui-même, sur
lequel vous pouvez voir les fleurs à peine formées, et le foin qui les sépare.
Voici une troisième Composée, qui va nous offrir la combinaison des formes que nous
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lir.»
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ÉCOLE DE BOTAMQl'E.
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f
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ÉCOLE DE BOTANIQUE. «
avons vues séparées dans le Bluct el dans la Chicorée : c'est une Camo-
mille ( Anthémis ); à la circonférence rayonnent les Heurs analogues à
celles de la Chicorée; au cenlro, sont les fleurs qui vous rappellent en
petit celles du Bluet. Les fleurs de la circonférence diffèrent un peu cepen-
dant de celles de la Chicorée : examinez le petit cornet que forment les
languettes à leur hase : il n’y a là qu’un système court , qui est posé sur
un ovaire ; les étamines manquent , et ces fleurs en languette auront
besoin , pour porter graine , de recevoir le pollen des fleurs régulières du
centre. Ces dernières sont posées sur un ovaire sans aigrette.
La famille des Composées est divisée en trois tribus , d'après la forme
des fleurs : la première renferme les Plantes dont toutes les fleurs sont
irrégulières et en languette ; on la nomme la tribu des demi- Fleuron -
nées, la Chicorée en est le type; la seconde renferme les Plantes dont
les fleurs sont régulières, et en tube à cinq divisions; le Bluet appartient à cette tribu, que
l’on nomme la tribu des Fleuronnécs ; enfin la troisième tribu comprend les Plantes, qui,
dans une même tète de fleurs , présentent des fleurons au centre et des demi-fleurons à la
circonférence : c’est la tribu des Radiées. La plupart des demi-Flosculeuses ont des fleurs
jaunes , vous en voyez peu qui portent des fleurs bleues ; beaucoup d’entre elles ont un suc
laiteux amer : voici les Laitues, dont une espèce est narcotique (Laceulla virosa) , les Scorso-
nères, les Salsifis, les Crépides, les Laitrons, les Êpervières, etc. Parmi les Flosculeuses ,
remarquez les Chardons, les Carlines , les Bardanes, les Centaurées (le Bluet est une espèce
de Centaurée). Les Badiées so distinguent des deux autres tribus, non-seulement par leurs
caractères botaniques , mais encore par leurs propriété-s physiques , telles que la saveur, el
surtout l’arome pénétrant que possèdent la plupart de leurs espèces : c’est ce que vous pouvez
vérifier sur les Absinthes ou Armoises, les Camomilles , les Matricaires , les Chrysanthèmes ,
les Tanaisies, les Soucis, les Aunées , les Hélianthes ou Soleils, les Asters, etc.
Les fleurs d’un grand nombre d'espèces de cette famille (et surtout les demi-Flosculousos)
offrent les phénomènes de veille et sommeil que je vous ai signalés dans les feuilles de quelques
Légumineuses : ainsi le Pissenlit s'éveille, c'est-à-dire ouvre ses fleurs à six heures du matin,
et s’endort, c’est-à-dire ferme ses fleurs, à neuf heures du matin; la Crépide des toits s’éveille
à cinq heures du matin, et s'endort à midi; la Laitue cultivée s'éveille à sept heures du matin,
et s’endort à dix heures; VÉpcrvière piloselle s’éveille à huit heures du matin, et s'endort à
deux heures de l'après-midi; le Souci des champs s’éveillo à neuf heures du matin, et s’endort
à trois heures de l’après-midi. C’est sur cette régularité des fleurs à s’épanouir el à sc fermer
que Linné a fondé son horloge de Flore.
Chez quelques autres Plantes de la famille des Composées , la veille et le sommeil , au lieu
de sc régler sur le soleil, dépondent des vicissitudes atmosphériques, et les annoncent même
plusieurs heures d’avance , de sorte qu'on pourrait établir sur les habitudes de ces végétaux
un baromètre de Flore. Ainsi le Souci pluvial , fermé le matin , annonce un jour pluvieux ; le
Lailrou de Sibérie, fermé la nuit, présage une journée sereine; et si scs fleurs sont ouvertes,
il pleuvra le lendemain.
Ne confondez pas avoc la famille des Composées ce groupe peu nombreux qui l’avoisine,
et qui so compose des Scabicuses et des Cardères, c’est la famille des Dipsacées; les fleurs
sont réunies en têto , et entourées par des bractées ; mais les étamines ont leurs anthères
libres. Voici le Chardon à foulon (Dipsacus fullonum), qui n’est pas un vrai Chardon; les
bractées qui séparent ses fleurs sont longues et recourbées en crochet ; les bonnetiers et les
fabricants d'étoffes de laine ont tiré parti do cette structure des têtes de fleurs pour peigner
leurs tissus et en tirer las poils.
Les dernières familles que vous venez do passer en revue vous ont offert une corolle dont
los pétales sont soudés ensemble; quand la corolle semble ainsi formée d’un pétale unique,
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DEIXIÉME PARTIE.
on la dit monopétale. Vous avez ru que, dans toutes les Plantes à corolle monopétale, les
étamines étaient insérées sur la corolle mémo, de sorte qu'en enlevant la corolle, on enlève
aussi les étamines. Cette union des étamines et de la corolle monopétale est
une règle générale presque sans exception en botanique. Voici pourtant une
petite famille où nous verrons la corolle être d’uno seule pièce , sans que les
étamines soient soudées avec elle; ce sont les Campanule » : la corolle est en
forme de cloche plus ou moins évasée, de là le nom de Campanule, qui en latin
vent dire Clochette. I.es étamines sont au nombre de cinq ; leurs filets sont
élargis à la base, et naissent sur le calice qui est soudé , par sa moitié infé-
rieure, avec l’ovaire; si vous coiqiez celui-ci en travers, il vous présentera
trois ou cinq loges qui renferment des graines nombreuses. Il y a autant do
stigmates que de loges. Les Campanules sont, pour la plupart, des Plantes
d'ornement ; leurs corolles bleues , disposées ordinairement en longs épis à
l'extrémité îles tiges, sont d'un très-bel effet dans les jardins.
Il ne faut pas quitter ces plates-bandes sans jeter un coup d'oeil sur celles où
sont rangées les Êricinées, famille élégante, dont beaucoup d'espèces seraiunl avidement
recherchées par les amateurs, si elles n'ubondaienl dans nos bois. La corolle est monopétale,
insérée sur le fond du calice, et persiste ordinairement après la fleurnison ; les anthères sont
fourchues à leur base; l'ovaire présente plusieurs loges remplies de graines très-menues.
Voici VArbmuier ou Bi isserole, les A Z aléas , le Bhododendrum qui croît sur le sommet des
Alpes , à la limite des neiges éternelles ; voici la série des espèces du genre Bruyère ( F.riea ),
qui a donné son nom à la famille.
Vous allez maint liant connaître un groupe de familles qui ont entre elles des liens do
parenté, et se reconnaissent cependant à des caractères faciles à distinguer. On a donné à ces
familles le nom de Corollifiores : leur corolle est toujours monopétale, et s'insère, non pas
sur le calice, comme dans les fumilles que vous venez de quitter, mais bien sur le réceptable.
Quant aux étamines, comme elles sont soudées avec la corolle, leur intention est nécessaire-
ment lu même, c’est-à-dire que, comme la corolle, elles naissent sur le réceptacle.
La première famille que nous rencontrons est celle des Jasminées , qui se compose d'arbres
ou d'arbrisseaux à feuilles opposées. La corolle est régulière , et ne renferme que deux étami-
nes; le pistil se compose d’un style, de deux stigmates et d'un ovaire à deux loges. Voici lo
Jasmin commun (Jatminum officinale), qui nous est venu do Ta Wlte de Malabar , et qui s'est
facilement naturalisé en Franco; le Jasmin cytise [Jatminum fruticans) ; le Jasmin modeste
( Jatminum humile) , etc. Voici le Troène ( Ligustrum vulgare), dont on fait des palissades;
le Lilas ( Syringa vulgaris), originaire d'Orient, ainsi que son frère lo Lilas de Perse, qui no
s’élève guère au delà d'un mètre de hauteur. Cet arbre , au feuillage blanchâtre et monotone ,
est l'Olivier ( Olea europœa), l'un des végétaux les plus précieux que nous ait donnés l'Asie,
et qui fut apporté en Franco par les Phocéens, fondateurs de Marseille. L'huile que fournit
son fruit vous est connue; ce n'est pas de la graine que provient cette huile , comme cela a lieu
pour toutes les autres plantes : elle est exprimée du tissu même de l’ovaire; exception unique
dans tout le Règne végétal. Le Frêne appartient aussi aux Jasminées; vous en avez devant
vous deux espèces : l'une est le Frêne élevé ( Frarinus excelsior ) , qui se trouve abondamment
répandu dans nos forêts, et sert pour les constructions; l'autre est le Frêne à /leurs ( Frajcinut
ornus) , de l'écorce duquel exsude une matière sucrée solide, connue en médecine sous le nom
de Manne.
La famille des Apocynées aies feuilles opposées, comme la précédente; la corolle est divisée
en cinq lobes ; les étamines sont au nombre de cinq , et le pistil se compose de deux ovaires ,
ordinairement libres, et s’ouvrant par leur bord intérieur, comme ceux que vous avez observés
daus l 'Ancolie; les graines sont ordinairement chargées d'un duvet cotonneux. Les Pervenches
font seules exception à ce dernier caractère. Voici la petite Pervenche ( Vinca minor), dont on
Ctmmr.
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PL. 1
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PL. 1
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ÉCOLE UE BOTANIQUE.
couronnait judis la tète des jeunes tilles mortes avant l’hyménéo; la grande Perrenche [Y inc a
major) n’a pas une tige rampante comme sa sœur , elle n’en diffère du reste que par ses
proportions; la Pervenche roue ( Vinca rosca), originaire de Madagascar, dont la corolle est
quelquefois blanclio, est une plante d'ornement , très-commune chez les fleuristes, \oici les
Asclepias, dont In fleur présente une structure qui sera toute nouvelle pour vous : les divisions
de la corolle sont repliées et légèrement obliques, les cinq étamines sont réunies par leur fdet
en un tube anguleux, qui se pose sur la base de la corolle; ce tube porte à son sommet une
couronne de cinq écailles, au milieu desquelles sont les cinq anthères, qui sont elles-mêmes
terminées par une membrane; les loges de ces anthères contiennent un pollen qui, au lieu
d’être poudreux, comme vous l’avez vu dans toutes les autres familles, est aggloméré en
masses compactes; ces masses pendent, par leur sommet aminci, aux loges de leur anthère;
le stigmate forme un petit bouclier à cinq lobes arrondis. L’espèce la plus commune de co
genre si curieux est le Dompte-venin {Asclépios vincetoxicum) , dont les tiges sont grêles et
très-flexibles; son titre pompeux de I)oinple-venin u’a pas été confirmé par l'expérience.
VÀ8clépiade de Syrie {Asclepias syriaca) , qui vous montre ses fleurs penchées, a reçu le nom
d ’Apocyn à la ouate , à cause de la finesse, du moelleux et de l’éclat de ce coton qui recouvre
ses graines. C’est aussi aux Apocynécs qu’appartient lo Laurier rose {Nerium oleander) ,
arbrisseau toujours vert, dont les feuilles sont opposées trois par trois, et qui fait le plus bel
ornement de nos jardins pendant l'automne. Enfin les Apocynées exotiques renferment lo
genre Strychnos, dont deux espèces fournissent les graines connues sous le nom do Fève
Saint-Ignace et de Noix vomique. La chimie a extrait de ces graines la Strychnine, l'un des
plus redoutables poisons du Règne végétal.
La famille des Genlianées, qui se compose presque exclusivement du
genre qui lui a donné son nom, présente toujours une tige herbacée et lisse;
les feuilles sont ordinairement opposées. La corolle est à cinq divisions,
quelquefois è quatre, quelquefois à huit; mais, dans tous les cas, il y a
autant d’étamines que de divisions à la corolle; l’ovaire offre une ou deux
loges qui renferment des graines nombreuses. Los principales (ientianées
sont d’abord la Gentiane jaune ( Gentiana lutea), qui croît dans les Alpes,
et dont un roi d'Illyrie, nommé (îentius, découvrit jadis les propriétés; la
Gentiane fleur-des-vents {Gentiana pneumonanthe) , dont les corolles res-
semblent à de grandes cloches d’un beau bleu; la petite Centaurée { Gentiana
Centaurium) , dont le centaure Chirou, précepteur d’Esculapc, se servait
pour guérir les fièvres intermittentes (notez que ceci u’esl pas do la méde-
cine, c’est tout simplement une tradition mythologique) ; enfin le Ményanthe
ou Trèfle d’eau (Mcnyanthes tri foliota) , plante de marécage, dont les fleurs forment un épi
court au sommet de leur pédoncule, et dont les corolles blanches, un peu rosées, sont cou-
vertes , à leur face externe , de longs poils glanduleux.
L»uo«.
Dans la famille des Conwlvuhis , vous trouvez une lige qui , lo plus fré-
quemment, est grimpante et s’enroule autour des corps voisins. Les feuilles
sont alternes, la corolle est en cloche; il y a cinq étamines, et le fruit est un
ovaire à deux loges. Voici le Liseron des haies ( Convolvulus sepium) , dont
la corolle grande et blanche se détache du vert gai des feuilles. Lo Liseron
des champs est plus faible et plus petit; ses corolles, d’un blanc rosé,
exhalent une odeur délicieuse d’amande amère. Lo Liseron tricolore (Con-
volvulus tricolor ), originaire de Barbarie, n’est pas grimpant; ses corolles
sont bleues dans leur milieu, blanches sur le bord, et jaunes dans le fond.
Vous pouvez ranger dans cette famillo la Polémoine ou Valériane grecque
( Polemonium cœruleum et le Cobœa scandens , arbrisseau du Mexique , qui
grimpe avec une si prodigiouso rapidité, et forme, dans beaucoup de
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DF.l XlfeME PARTIE.
quartiers de Paris , des guirlandes , des arcades , des ponts suspendus
d’une admirable élégance.
Voici la famille des Buraginées , qui nous présente une tige herbacée,
des feuilles alternes, hérissées de poils rudes au loucher, et des (leurs dis-
posées en épis ou en grappes, qui, avant l’épanouissement, sont roulées
en queue de scorpion ; la corolle, ainsi que le calice, est à cinq divisions ,
et porte souvent des écailles variées; il y a cinq étamines, et le pistil se
compose de quatre ovaires à une graine, du milieu desquels s’élève un
style. Voici d’abord le genre Héliotrope , dont une espèce, X Héliotrope
du Pérou (Heliutrupium peruvianum) y est cultivée partout comme plante
d'ornement. Les Vipérines , les Grémils, les Pulmonaires, les Or canettes ,
les Ly copsi s , les Bug fusses , les Bourraches , les Cynoglosses , sont les
principaux genres de cette famille; ne passez pas outre, sans donner un
regard au Myosotis , dont la plus jolie espèce vous est connue sous ce nom populaire : Se
m’oubliez pas.
La nombreuse famille des Labiées fait suite à la précédente ; le pistil offre la mémo struc-
ture dans les deux familles , et ce rapport établit entre elles une affinité qu’aug-
mente encore la forme irrégulière de la corolle chez les Lycopsis et les Vipé-
rines. Les Labiées ont en effet une corolle irrégulière, figurant deux lèvres :
la lèvre supérieure porte le nom de casque , et présente ordinairement deux
divisions; la lèvre inférieure en présente trois. 11 y a quatre étamines, dont
deux plus courtes quo les autres; en outre, la tige est carrée, les feuilles
sont opposées, et presque toutes les plantes de cette famille ont une odour
pénétrante. Celle réunion de caractères constitue l’un des groupes les mieux
circonscrits que la Nature nous présente dans les végétaux. Les Labiées se
ressemblent tellement que leurs genres sont peu tranchés, et, par conséquent,
difficiles à distinguer tes uns des autres : ce sont les Romarins, les Sauges, les
Bugles , les Germandrées , les Hyssopes , les Marrubes , les Lavandes , les
Thyms, les Sarriettes, les Menthes , les Mélisses, les Origans, les Basilics, les
Brunei le s, etc.
Il y a deux genres qui, par exception à la règle générale, n’ont que deux
étamines, au lieu d’on avoir quatre; ce sont les goures Romarin et Sauge.
Ouvrez la corolle de cetto Sauge, vous verrez distinctement, à côté des grandes
étamines, deux petits filets renflés à leur extrémité : ce sont les deux autres
étamines qui ne se sont pas développées. Remarquez en même temps, sur la
fleur comme sur les feuilles , ces petits globules d’un jaune doré transparent :
ce sont de petites outres , pleines «l’une huile volatile odorante, que vous brisez
par la moindre pression , et qui imprègnent vos doigts du liquide qu’elles con-
tenaient.
Vous connaissez le Basilic ( Ocgmum Basilicum) : c’est une petite plante annuelle, native
des Indes orientales de la Chine, qui réussit parfaitement dans nos jardins , et à laquelle les
médecins d’autrefois attribuaient de merveilleuses propriétés : de là son nom de Basilic , qui
signifie royal.
Voici une Brwwlle ( Brunella vulgari$)\ tâchez de découvrir dans sa (leur une espèce
d 'anomalie, dont l’observation causa jadis à Jean-Jacques Rousseau les émotions flatteuses
d'une véritable découverte : chaque filet d’étamine est fourchu ; l’une des dents de la petite
fourche est uue, l’autre porte une anthère. Jean-Jacques était si conteut d’avoir bien vu ce
petit détail de structure, qu’il s'en allait, demandant à tous ses amis : « Avez-vous vu les
cornes de la Brunelle? » Ce fut par cette question bizarre qu’il aborda, pendant plusieurs
jours, toutes les personnes de sa connaissance; « à peu près, raconlc-t-il lui-même dans ses
S*C6E.
BonuutHi.
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pi r.
cà*j. oïitva«s TÀ’iVJXies.
W»T«*-ê *!..»«
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ÉCOLE DE BOTANIQI K. 49
Lettres, comme La Fontaine, qui disait à tout venant : « Avez-vous lu Baruch? c’était un beau
génie que Baruch ! »
Vous avez vu que la nombreuse famille des Labiées tient à celle des Borragiuées par la
structure de son pistil ; vous allez voir maintenant sa parenté avec une autre famille , fondée
sur une ressemblance frappante dans la corolle, et surtout dans les étamines : cette famille
est celle des Personécs. Vous pouvez prendre pour type le Muflier ( Anthirrhinum ma jus) ,
que l’on appelle vulgairement Gueule de lion ; la corolle est très-irrégulière et partagée en
deux lèvres bien distinctes , qui figurent une gueule béante quand on presse ses côtés entre
deux doigts; cette gueule est même pourvue d’une langue hérissée de poils et un peu four-
chue à son sommet. La forme de la corolle imite assez bien celle des masques de théâtre dont
se servaient les anciens; de là le nom de Personêes, car le mot latin persona signifie masque,
« nom très-convenable assurément à la plupart des gens qui portent parmi nous le nom «le
personnes, » disait avec amertume le pauvre Rousseau, dans ses Lettres sur ta Botanique.
Ouvrez maintenant la corolle ; elle renferme quatre belles étamines , dont deux plus courtes
que les autres ; les anthères forment un bissac volumineux , rempli de
pollen; le pistil se compose d’un long stylo, terminé par un stigmate, et
posé sur un ovaire simple ; ouvrez-le transversalement , vous y verrez deux
loges, séparées l’une de l’autre par une cloison, et, sur chaque côté de celte
cloison , une espèce de bouclier ou d’écusson arrondi , qui porte des graines
nombreuses. Cette différence notable dans le pistil est le caractère qui sépare
les Personécs des Labiées; en outre, les Labiées ont toujours les feuilles
opposées, tandis que les feuilles des Personécs sont ordinairement alternes.
Auprès des Mufliers, vous voyez les Linaircs , qui no diffèrent de leurs
voisins que parla baso de leur corolle; celle-ci, au lieu de s’arrondir en
sac, comme dans les Mufliers, se prolonge en un long cornet, creux et
pointu. Voici les Digitales, dont l'espèce la plus commune est la Digitale
pourprée [Digilalis purpurea) ; la corolle ne figure pas mal un dé à coudre ,
de là son nom de Digitalis. Vous pouvez vérifier la justesse de cette compa-
raison; toutefois, avant de loger votre doigt dans la corolle, faites-en sortir
ce gros Bourdon qui y fait son repas, et punirait votre imprudence par une
cruelle piqûre. La Digitale est une plante vénéneuse ; mais la poudre de ses
feuilles, administrée à petites doses, est un précieux médicament, et, dussiez-
vous me reprocher de manquer à ma parole eu vous parlant «le médecine,
je ne puis me dispenser de vous apprendre que la Digitale est efficace pour
calmer les palpitations de cœur.
Je n’ai rien à vous dire des Bhinanlhes, des Pédiculaires, des Scrofulaires, des Mélampijres,
des Kuphraises, des Grassettes, des Utriculaires, qui constituent les principaux genres «le cette
famille. Voici une espèce intéressante, la Graliole ( Gratiola offkinalis) , qui, comme la Sauge
dans les Labiées, se distingue du reste de la famille par le nombre de scs étamines; il y en a
deux qui sont r«;duites à l’état de filets stériles. La Véronique , dont les espèces sont nom-
breuses, offre la même exception, elle n’a jamais que deux étamines, et sa corolle est pou
irrégulière; mais ces variations de nombre et de forme sont compensées par la structure du
pistil et de la graine , qui légitime pour les Véroniques lo titre de Personêes.
Les Orobanches pourraient aussi réclamer contre l’exclusion qui les a repoussas de cette
famille. Ce sont des plantes d’un aspect triste, dont la tige semble flétrie et desséchée; elles
ont, au liou de feuilles, des écailles jaunâtres ou violettes, et leurs fleurs sont de la même
couleur. Les Orobanches croissent sur des végétaux vivants , et se nourrissent de leurs sucs.
Le fruit, il est vrai, est à une seule loge, et la position de sa graine, ainsi que sa structure,
diffère un peu de ce qu’on trouve dans les Personêes; mais il y a beaucoup de plantes, les
Gentianées, par exemple, dont le fruit est tantôt à une, tantôt à «leux log«>s, sans que l’unité
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DEUXIEME PARTIE.
de la famille en soit détruite. Quant à l’absence des feuilles , vous concevrez sans peine que
les Orobanches n’avaient pas besoin de ces organes. Quelles sont , en effet , les fonctions des
feuilles ? Elles absorbent , respirent , transpirent , pour modifier la sève qui a monté dans leur
tissu, et celte sève devient propro à nourrir la planto. Or, la parasite Orobanche a enfoncé ses
racines dans celles d’un autre végétal : elle pompe , par ses suçoirs , la sève tout élaborée de
ce même végétal; dès lors les feuilles vertes lui deviennent inutiles, et voilà pourquoi la
Nature, qui ne fait rien en vain , ne lui en a pas donné.
Si les Personées tiennent aux Labiées par leur corolle et leurs étamines , la structure de
leur fruit les rapproche de la famille des Salariées, dont l'histoire n’est pas sans intérêt. Dans
les Solanées, en effet, l'ovaire est à deux loges , séparées par une cloison portant sur chacun
de ses côtés un écusson arrondi chargé de graines; mais la corolle est régulière dans la plu-
part des genres , et il y a cinq étamines qui alternent avec los cinq divisions de la corolle.
La plupart des Solanées ont un aspect sombre et une odeur désagréable; leur fruit est
presque toujours vénéneux et narcotique : ce fruit est tantôt succulent , et il forme alors une
haie ; tantôt sec , et il porte alors le nom de capsule .
La Belladone ( Atropa Belladona ), dont la physionomie est suspecte, malgré l’élégance de
son port, produit des fruits nombreux qui, à leur maturité, ressemblent à des cerises uoires;
les enfants s’y trompent quelquefois; et les vieux employés du Jardin des Plantes vous racon-
teront que, pendant la révolution, de petits orphelins, qu’on élevait à l’hospice de la Pitié, et
que l’administration employait à sarcler les mauvaises herbes, remarquèrent dans le carré
des Plantes médicinales les fruits de la Belladone, leur trouvèrent une saveur douceâtre, et
en mangèrent une assez grande quantité; quatorze de ces petits malheureux moururent quel-
ques heures après. Le nom générique de la plante (Atropa) est donc justifié par cette lamen-
table catastrophe, car Atropa vient d ’Atropos, la Parque au fatal ciseau. Le nom spécifique
offre des images plus riantes : il signifie belle dame, et fait allusion à la grande renommée
dont jouit cette plante en Italie, où l’on emploie Tenu distillée do Belladone comme un cosmé-
tique p*récieux pour entretenir la fraîcheur de la peau.
lia Mandragore , qui est une espèce du mémo genre , croît dans les lieux sombres , comme
l'indique l’étymologie de son nom ( ornement des cavernes). Cette plante, connue et célébrée
depuis un temps immémorial , était employée par les magiciens et les sorciers pour donner
des hallucinations bizarres et troubler la raison. Les fouilles sortent du collet de la racine, et
forment un large faisceau; entre ces feuilles naissent plusieurs pédoncules, portant chacun
une fieur, dont la corolle est velue en dehors, et d’une couleur blanchâtre teintée de violet.
Voici les nombreuses espèces du genre Morelle (Solanum) : il y en a quelques-unes qui
n’ont pas l'extérieur repoussant des autres membres de leur famille; leurs feuilles sont d’un
vert gai, Pt leurs fleurs exhalent un parfum très-agréable. Cet arbrisseau sarmeuteux, dont la
tige est grêle, ligneuse à sa base et herbacée dans le reste de son étendue, est la Douce-
Amère ( Solanum dulcamarn) ; ses fleurs 9ont violettes et disposées en grappes pendantes; le
Trait est une baie rouge. Cette Morelle, dont l'ovaire prend un développement énorme, est la
Mélongène ; son nom vulgaire d' Aubergine lui a été donné à cause de la ressemblance de son
fruit avec un œuf; ce fruit est tantôt d’un blanc de lait, et alors on le prendrait pour un oeuf
cuit, dépouillé de sa coque; tantôt il est do couleur violette; lorsqu’il est parvenu â sa matu-
rité, il sert do nourriture à l’homme dans les provinces méridionales de la France. La Tomate
ou Pomme d'amour ( Solanum tgcopcrsicon) est originaire du Brésil; on la cultive partout à
cause de ses baies rouges , aplaties , partagées en côtes arrondies et irrégulières , que l’on
emploie dans les sauces et les ragoûts. La Morelle noire (Solanum nigrum) est une petite
planto qui croît abondamment le long des murs des villages et dan9 les lieux cultivés; elle
vaut mieux que sa réputation, car on l’emploie impunément, a la manière dos épinards, dans
les Antilles, aux îles de France ot de Bourbon, el tous les consommateurs lui trouvent un
goût délicieux,
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ÉCOLE DE BOTANIQIE.
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Mais do toutes les espèces du genre Solamun, la plus utile, sans
comparaison, c'est la Morelle tubéreuse ( Solanum tuberosum), connue
du monde entier sous le nom de Pomme de terre.
Parmi les Solanées qui ont pour fruit une bain , nous ne devons pas
oublier celte herbe annuelle, originaire de l’Amérique méridionale, dont
l’ovaire, oblong et d’un rouge vif, possède une saveur poivrée, qui le
fait rechercher comme assaisonnement : c'est le Piment ( Capsicum
annuum).
Passons maintenant en revue les Solauécs dont l’ovaire est une cap-
sule : voici la Jusquiamc ( Hyoscyamus niger) , dont la tige est recou-
verte d'un coton visqueux , et exhale une odeur riqioussantc ; ses
corolles sont d'un jauue pâle, veiné de pourpre;
sa capsule s'ouvre par le soulèvement d'uue
petite calotte qui forme son tiers supérieur :
c'osl ce que vous pouvez vérifier vous-mémo eu
enlevant ce couvercle , dont le bord est saillant.
Voici la Pomme épineuse (Datura Stramonium) ,
dont la capsule, hérissée de piquants, offre quatre
loges au lieu de deux. Ses semences sont trés-
narcoliques; et vous pourrez lire à ce sujet, dans
les Causes Célèbres , le procès d’une compagnie
de voleurs, connus sous le uom à'endormeurs ;
Pci, ils mêlaient du latmc à de la poudre de Datura-, puis, dans les lieux
publics , dans les diligences , ils se plaçaient à côté de gens auxquels
ils offraient fréquemment du tabac, cl, dès qu’ils les voyaient endormis
ou délirants , ils les dépouillaient sans obstacle.
Au genre Datura appartiennent le Oatura ferox . ainsi nommé, à causo
des épines qui arment sou fruit, et le Datura fastuosa, dont la corolle
double et triple quelquefois ; la forme et la magniticoncc de cette corolle
lui ont fait donner le surnom de Trompette du jugement dernier.
Celte plante , dont vous admirez les larges feuilles et les fleurs roses ,
disposées eu épi rairësùx au sommet des branches, est le Tabac [Sicotiana
Tabacum).
Nous ne quitterons pas la section des Corolliflores , sans jeter un coup
d'œil sur une famille très-voisine des Persouées ; c'est celle qui a pour
type le genre Dignonia, dédié à l'ahbé Biguon, protecteur des savants
dans le dix-septieme siècle.
Voici d'abord le Bignonia catalpa, cultivé dans quelques jardins comme
plaide d’ornement; et le Bignonia radicans, arbrisseau grimpant, aux
fleurs graudes et éelulantes; sa tige offre, d'espace en espace, des nœuds 1,1 >*•
d’où partent des racines aériennes.
Dans les familles Corolliflores que vous venez do passer en revue, vous avez pu remarquer
que toujours les étamines sont alternes avec les divisions de la corolle , e’est-à-dire placées
entre ces divisions. La famille des Primulacées présente une exception à celle règlo générale :
examinez un instant dette fleur de Lysimaquie, vous verrez sans peine que les cinq étamines
qu'elle porte sont exactement vis-à-vis des pétales soudés de la corolle. Il suffit, pour s'eu
assurer, d'enlever un de ces pétales , vous enlevez eu même temps une étamine qui se pose
précisément sur sa base, et lui est par conséquent opposée. C’est à la famille des Primulacées
qu'appartient le joli genre Anagallis, dont une espèce à fleur tantôt bleue, tantôt d’un rouge
vif (Anagallis errensis), abonde dans les lieux cultivés, et présente un ovaire qui s’ouyrc en
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52 DEUXIÈME PARTIE.
doux moitiés hémisphériques , comme une boite à savonnette ; c'est ce que vous avez vu tout
à l'heure dans la Jusquiame. Le Cyclamen, dont les corolles ont leurs divisions longues, tor-
dues et déjetées en arrière, comme une chevelure qui flotte au vent, est aussi une Priinulacée;
enfin le type de la famille est le genre Primevère ( Primula ), dont toutes les espèces fleuris-
sent au commencement du printemps , et dont vous ne voyez ici que les calices et les ovaires
desséchés.
La série des familles que nous allons visiter maintenant ne nous offrira pas l'éclat que vous
avez admiré dans les Corolliflores. Ce sont des plantes dans lesquelles il n’y a qu'une enve-
loppe florale, c’est-à-dire un calice; quelquefois, il est vrai, les folioles de ce calice sont
disposées sur deux rangs; mais leur couleur est presque toujours verte, si ce n’est dans deux
ou trois familles. Voici, par exemple, les Syctages, qui doivent leur nom à leur vie nocturne;
c’est*, en effet, vers le crépuscule du soir que s’éveille leur fleur, qui reste épanouie jusqu'au
jour, et se ferme alors pour ne plus se rouvrir. L'espèce la plus répandue dans les jardins est
le Syclage faux Jalap (.Mirabilis Jalapa ), connu sous le nom de Belle-de-Suil , et dont le
calice, ordinairement rouge, est quelquefois jauue, blanc ou panaché. Cette plante est annuelle
dans nos climats froids; mais elle est vivace dans le Pérou, sa patrie primitive. Le Syctagc A
longue fleur ( Mirabilis longiflora ) est originaire des hautes montagnes du Mexique; ses calices
sont remarquables par la longueur de leur tul>e, et lorsqu’ils s'ouvrent, vers la nuit, ils
répandent une odeur suave. Remarquez bien que le calice des Nyctages forme à sa partie
inférieure un petit étranglement au-dessus de l’ovaire, et l'enveloppe sans y adhérer; si vous
ouvrez adroitement cotte partie du calice qui entoure l’ovaire, vous verrez qu’elle n’v est
qu’appliquée et non pas soudée; vous verrez en même temps le point où naissent les étamines,
c’est un disque écailleux posé sur le réceptacle.
Les Amaranthes ont aussi, pour la plupart, leur calice coloré; les Plantains ont deux
enveloppes florales, dont la plus intérieure peut être considérée comme une véritablo corolle.
Il en est de même des Dentelaires ou Plombaginées , dont une espèce, le Gazon d' Olympe
( Siatice armeria ), est cultivée pour bordure dans les jardins.
Les Arroches formeraient peut-être la moins brillante des familles du règne végétal, si elles
n'avaient à leur tête lu Phytolacca , herbe de trois à quatre mètres de hauteur, dont la tige
rougeâtre et rameuse porte de belles feuilles et d’élégantes grappes de fleurs. Les autres
membres de la famille compensent leur peu d’éclat par des qualités utiles : ce sont Y Épinard
commun ( Spinacia o/eracea ), dont vous connaissez l’usage; les diverses espèces du genre
Salsola , plantes qui croissent sur les bords de la mer, et dont la cendre fournit lu Soude , qui
sert de base aux savons et aux lessives; enfin la Bette ( Deta vulgaris), cultivée dans tous les
jardins. Cette espèce présente deux variétés principales : l’une , nommée Poirée , a sa racine
dure et cylindrique; ses feuilles sont larges, et leur céto longitudinale est employée comme
aliment sous le nom de carde; l’autre a sa racine grosse, charnue et pleine de suc : c’est la
Betterave ou Racine de disette , dont la culture rivalise maintenant avec celle de la Canne d
sucre.
La famille des Polygonées ou Remuées renferme, coimno vous le voyez, des Plantes herba-
cées, dont l'ovaire, dans quelques espèces, contient une fécule uutritive très-abondante : voici
le Sarrasin (Polygonum fagopyrum) , végétal précieux, originaire d’Asie, qui prospère dans
les terres les plus maigres, et alimente les habitants de la Bretagne et de la ISormaudie; voici
les Humox, dont deux surtout contiennent un sel acido qui les fait employer comme plante
potagère : ce sont la grande et la petite Oseille ; voici enfin les Bhevm , dont la racine est
connuo sous le nom de Rhubarbe . La Rhubarlve par excellence nous vient de la Chine, mais
nous ne savons pas encore quelle espèce de Bheum la produit; on en a cultivé eu France plu-
sieurs espèces, et aucune n’a donné uue racine semblable à celle dont les Chinois nous cachent
soigneusement l’origine.
Les Lauriers sont des arbres élégants, ornés en tout temps de feuilles lisses et luisautos;
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ÉCOLE DE BOTANIQUE.
de même que les Polygouées et les Arroches, ils n’ont qu’un calice sur lequel sont posées les
étamines. Le Laurier franc ( Laurus nobilis) est originaire des contrées méridionales de l’Eu-
rope et de l’Asie Mineure. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que cet arbre fut jadis la bellu
Daphné : depuis le jour où, poursuivie par Apollon, elle fut changée en Laurier, le Laurier
est consacré au dieu du génie, et son feuillage, orné de ses fruits, sert à couronner les héros,
les poètes et les bacheliers {baccalaureali) . Toutes ces fictions avaient leur mérite au temps
où les guerriers ne cherchaient que la gloire, où les poètes faisaient difficilement des vers
faciles, où les bacheliers savaient le latin ; mais, hélas ( de nos jours, il y a des esprits positifs
Qni ne trouvent le laurier bon
Que i»our la sauce et le jambon.
A quoi les apothicaires ajoutent que l 'onguent de Laurier est souverain pour les douleurs
rhumatismales.
Au resto , l’origine mythologique du Laurier lui faisait attribuer, cher les anciens , des pro-
priétés merveilleuses : Pline rapporte que lo Laurier avait le privilège d’écarter la foudre, et
de servir d’ornement et de sentinelle au palais des Césars. L'empereur Tibère, dans les temps
d’orage, y cherchait un abri. Celte superstition des Romains devient sublimo dans la bouche
du vieil Horace, défendant son fils vainqueur :
Laurier* *aeré*, rameaux qu'on veut réduire en poudre,
Voua qui mettez sa téle à couvert de la foudre ...
Les autres espèces de la famille que vous avez à connaître nous rejettent dans l'épicerie et
dans la droguerie : c’est un Laurier ( Laurus cinnamomum ), qui nous donne la Cannelle ;
c'est un Laurier ( Laurut camphora ), qui fournit le Camphre ; c'est un Laurier ( H y ri s tic a
motchata ), qui produit la Muscade et le Macis ; jo vous fais grâce «lu Malabathrum, du Cassia
lignea , du Sassafras , du Pichurim et du Culilawan.
Descendons maintenant vers l’autre extrémité du carré que nous venons de parcourir; nous
allons y trouver des familles dans lesquelles les fleurs sont diclines , c’est-à-dire que les éta-
mines et les pistils occupent des fleurs différentes.
La première famille qui s’offre à nos regards est celle des Euphorlnacées , qui varient beau-
coup par leur port. Voici les espèces du genre Euphorbia , type de la famille : à leur této est
V Euphorbe officinale, qui ressemble singulièrement, pour le port, à un cierge; les Euphorbes ou
Tilhyrnales , renferment un suc laiteux très-àcre. Les Buis et les Mercuriales appartiennent
aussi à cette famille. Voici les Ricins, dont l’espèce la plus commune est le Palma-Christi ,
plante horbacée dans nos climats rigoureux , mais formant un arbre «Je quarante pieds dans
l'Afrique, sa patrie. Son nom de Palma-Christi ( Main du Christ) lui vient de la forme de ses
feuillos. Nous verrons dans les Serres quelques Euphorbiacées exotiques , «jui pourront vous
• intéresser.
Les Lrticées, voisine des Euphorbes, sont plus utiles à l’homme que cos dernières; ce n’est
pas aux espèces du genre Ortie ( Urtica ) que s’applique cette observation. Leurs feuilles et
leur tige sont hérissées de poils, dont la piqûre est suivie d’une cuisson douloureuse; cette
douleur n’ost pas causée par le poil lui-même; elle provient d’une liqueur irritante qui est
entrée en même temps que lui dans la plaie. Pour bien comprendre la piqûre «le l’ortie, il
faut, non pas se faire piquer par elle, mais observer avec une loupe les poils qui couvrent sa
tige : vous verrez que ces poils sont creusés en gouttière sur toute leur longueur, et se posent,
par leur base, sur uno glande en forme de sac, pleine d’un suc caustique; quand on touche la
plante, les poils, <]ui sont roides et acérés, se glissent sous la peau, mais en même temps, la
glande qui est au bas du poil est pressée, et laisse suinter sa litpicur âcre; cette liqueur coule
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DEUXIÈME PARTIE.
le long do la rainure du poil, pénétre avec lui dans la peau, et, par son coulact, détermine la
douleur que vous connaissez. Ce mécanisme est tout à fait analogue à celui de la morsure des
Serpents venimeux. La dent du Serpent est creusée d'un canal ; à ce canal aboutit le conduit
oxcrétour do la glande qui fournit le poison ; figurez-vous une bouteille de gomme élastique A
long goulot, et pleine de liquide, vous aurez l'idée du réservoir à venin. Au moment où
l’animal mord, les muscles de ses mâchoires, en se contractant, compriment la glande, et le
venin qui coule le long du canal de la dent entre avec elle dans la plaie de la victime.
Quand les Orties sont sèches, elles no produisent aucune douleur : c'est qu’alors les glandes
du suc âcro soûl desséchées; les poils existent toujours, ils peuvent même pénétrer sous la
peau , mais cette blessure est sans cuisson.
Laissons là ces vipères végétales, qu’il est dangereux d’aborder : le jeu de leurs étamines
vous aurait intéressé, si vous aviez pu l’étudier sans accident, mais vous pourrez observer un
phénomène semblable sur la Pariétaire, petite plaute inoffensive, que l'on rencontre dans lus
fentes dus vieux murs et quelquefois le long des haies. Les fieurs sont ramassées par petits
pelotons; vous en trouverez qui renferment un pistil seulement au milieu d’un calice à quatre
folioles; d'autres n'ont que des étamines, qui sont au nombre do quatre, et opposées aux
foliolos du calice; d’autres enfin sont complètes et possèdent étamines et pistil dans le même
calice. Prenez une fleur à étamines, qui ne soit pas encore épanouie, ouvrez-la doucement
avec uno épingle, vous verrez tout à coup uno ou deux des étamines, dont les filets étaient
enroulés comme dos ressorts de montre, vous les verrez, dis-je, se dérouler avec une élasti-
cité singulière, et rester ensuite dressées ; vous vemiz en même temps s'élever un petit nuage
do poussière ; c'est lu pollen, que cette secousse a chassé de l'anthère, et qui se disperse sur
les fleurs à pistil environnantes. Vous pourrez provoquer successivement cette explosion sur
chacune des quatre étamines, en avant soin de ne les visiter que l'une après l'autre, avec la
pointe de votre épingle.
Lo Chanvre ( Cannabis saliva) est originaire de la Perse, mais il s'est parfaitement natu-
ralisé dans toutes lus contrées de l'Europe. Les fibres de cette plante ont beaucoup de ténacité :
c'est avec elles que l'on prépare cette filasse si précieuse pour la fabrication des toiles et des
cordages. Lu Houblon ( Humulits lupulus) ressemble au Chanvre, mais sa tige est grimpante;
ce sont ses fleurs à pistil, réunies eu petites tètes, que les brasseurs emploient dans la prépa-
ration de la bière, pour lui donner de l’amertume.
Ne vous récriez pas un voyant le Mûrier et le Figuier dans la famille des Orties. La consis-
tance ligneuse et la hauteur des tiges distinguent, il est vrai, ces arbres de l’humble Parié-
taire; mais la structure de la fleur et de la graine est identique daus toutes ces plantes;
d'ailleurs, les feuillus du Figuier et du Mûrier ne sont pas sans analogie avec celles du Hou-
blon. Et si vous aviez sous les yeux tous les membres de la famille répandus sur la surface
du globe, vous vorriez qu’entre la Pariétaire et le Mûrier, il y a dos espèces intermédiaires
qui établissent le passage de l’une à l'autre par des nuances presque insensibles.
Le Mûrier a ses fleurs à pistil réuuics eu têtes orales comme le Houblon ; chaque fleur a
un calice de quatre folioles qui entourent un petit ovaire renfermant uno seule graine : ces
folioles, en mûrissant, se gonflent de sucs, et leur ensemble forme le fruit qu’on nomme la
Mûre. Ainsi, dans la Mûre, ce sont les calices de plusieurs fleurs réunies que vous mangez.
— Le Mûrier noir ( Morus nigra), qui s’est naturalisé eu Europe, est originaire de la Perse;
le Mûrier blanc (Morue alba) est plus petit que le précédent; il est originaire de la Chine, où
on le cultive pour l'éducation des Vers à soie ; le Mûrier blanc est en effet le seul arbre dont
les feuilles puissent nourrir la Cheuillc de ce précieux llombix. Deux missionnaires grecs l'in-
troduisirent en Europe dans le sixième siècle ; ils apportèrent à Constantinople des graines de
Mûrier et des œufs do Vers à soie : la culture du Mûrier se répandit bientét dans le Pélopo-
nèso, et fit donner à cette partiu de la Grèce son nom moderne de Morée (Morus). De là, les
Mûriers et les Vers à soio passèrent en Sicile et en Italie, et prirent daus la Calabre une
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ÉCOLE DR BOTANIQUE. 55
extension rapide. Quelques gentilshommes français, qui avaient fait la guerre en 1494, sous
Charles Vlil, ayant compris tous les avantages que l'Italie retirait de cette branche d'agricul-
ture, voulurent en doter leur patrie, et firent apporter de Naples des Mûriers qu'on planta
dans la Provence et dans le Dauphiné. Charles VIH encouragea les soieries qui s'étaient éta-
blies à Lyon et à Tours; Henri IV, malgré la résistance de Sully, établit de nombreuses
plantations de Mûriers, et convertit en pépinière son jardip des Tuileries; le graud ministre
Colbert alla plus loin : il fit planter des Mûriers, aux frais de l'Etat, dans des propriétés par-
ticulières, mais les particuliers acceptèrent avec répugnance une richesse que leur imposait
l'arbitraire; les plantations furent négligées; alors Colbert fit annoncer qu'il paierait une
prime de vingt-quatre sols pour tout arbre qui aurait atteint l’âge de trois ans; la prime fut
exactement payée, et dès lors la culture du Mûrier se répandit rapidement dans les provinces
du midi et du centre de la France.
Le Mûrier A papier ( Broustonetia papyrifera) croit en Chine et dans les îles de la mer du
Sud ; son écorce sert à fabriquer du papier de Chine , qui est très-recherché pour l'impression
en taille-douce; c’est aussi avec cette écorce que les insulaires préparent une toile non lissue,
dont ils se font des vêtements. Le Mûrier à papier me rappelle l'histoire de Potaveri, ce jeune
Otahitien que Bougainville avait amené en France. Le pauvre insulaire, étranger à nos
mœurs, à notre langage, à nos plaisirs, languissait loin de sa chère Otahiti : toutes les ca-
resses qu'on lui prodiguait glissaient sur son âme, et il restait silencieux et solitaire au milieu
des fêtes brillantes dont il était l'objet. Un jour, on l’avait conduit dans les jardins de Ver-
sailles, dont on lui montrait avec empressement les richesses et les beautés : tandis qu'il
promène ses regards distraits sur cette foule de Végétaux rassemblés à grands frais de toutes
les parties du monde, il aperçoit tout à coup un Mûrier à papier. A cette vue, son œil éteint
se ranime; il s’élance d’un bond vers l’arbre do son pays, il l’entoure de ses étreintes convul-
sives, et s’écrie en sanglottant : Otahiti I Otahiti! Ce mot fut le seul qu’il fit entendre ; il le
répéta bien des fois, et chaque fois ce mot prenait dans sa bouche un accent nouveau, qui
révélait aux spectateurs les émotions variées et rapides dont son cœur était agité. Connaissez-
vous un discours sur l'amour de la patrie, plus éloquent, plus complet, plus sublime que
celui-là? Tous les assistants fondaient en larmes : il fallut l’arracher de ce lieu qu’il ne vou-
lait pas quitter, et quand l’infortuné se vit entraîner loin de l’arbre d’Otahili, on eût dit, à son
désespoir, qu’il venait de quitter sa patrie une seconde fois.
Le Figuier est originaire do l'Orient; il fut apporté à Marseille par les Phéniciens, six cents -
ans avant l’ère chrétienne. Los fleurs sont renfermées dans un réceptacle creux, dont la forme
est celle d’une poire; son extrémité élargie est percée d’un trou bouché par des écailles; les
fleurs à étamines occupent la partie supérieure, les fleurs à pistil, plus nombreuses, sont pla-
cées au-dessous d’elles cl tapissent la paroi du réceptacle, à laquelle elles tiennent par un
petit pied. — Quo mangez-vous donc dans le fruit du Figuier? en un mot, qu’est-cc que la
Figue? C’ost un réceptacle charnu, dans l’intérieur duquel sont logés les ovaires, qui vous
craquent sous la dent. Il y a dans les serres une Vrticée voisine du Figuier, chez laquelle ce
réceptacle, au lieu de se redresser et de former un corps creux, reste étalé presque horizon-
talement et porte à sa surface les fleurs à étamines et à pistil, mélangées : c’est le Dorslenia
contrayerva, dont la racine est employée au Brésil contre la morsure des serpents venimeux.
( Contrayerva signiflo contre-poison.)
Dans nos Figuiers cultivés , le parenchyme du réceptacle se développe outre mesure, et les
étamines avortent, mais dans le Figuier sauvage, ou Caprifiguier de la Grèce et de l’Asie
Mineure, l’organisation ries fleurs est complète : or, il y a un insecte, appartenant au genre
Cynipt, qui dépose ses œufs dans le réceptacle des Caprifiguiers les plus précoces; les Orien-
taux, qui connaissent cette manœuvre, enfilent ces jeunes Figues en chapelets, qu’ils sus-
pendent aux branches des Figuiers cultivés. Bientôt les jeunes Cynips, que la Figue sauvage
rerélait, sortent de leur prison, chargés de poussière fécondante ; ils s’introduisent par l'œil
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àC DEUXIÈME PARTIE.
de la Figue cultivée dans le réceptacle où sont nichés les pistils, portent ce pollen sur les
stigmates, et provoquent ainsi la maturité du fruit. Cette fécondation artificielle so nomme
caprification.
A la famille des L'rticées appartient encore le Jaquier, que l’on cultive dans les régions
tropicales, et dont le fruit, du volume de la tête d’un homme, renferme une pulpe blanche
et farineuse, qui a la saveur de la mie de pain frais, et fournit à l’homme un aliment sain
et agréable : c’est ce qui a valu au Jaquier ( Artocarpus) son nom populaire à' Arbre A
Pain.
Les Cucurbitacées sont des herbes dont la tige flexueuse est souvent grimpante , soit par sa
propre torsion, soit par le moyen des vrilles que vous pouvez observer à l'aisselle des feuilles
de beaucoup d’entre elles. — La corolle est posée sur un calice à cinq divisions, qui se soude
par touto sa partie inférieure avec le pistil. Dans les fleurs à étamines,
les anthères sont flexueuses et soudées ensemble, de manière à former trois
groupes. Le fruit, qui se compose du calice soudé avec l'ovaire, devient
très-gros et contient des graines nombreuses : voici la plus commune des
Cucurbitacées , la Bryone (Bryonia diofea), dont la tige grimpante et les
feuilles découpées cnmmo celles do la Vigne, lui ont valu les noms popu-
laires de Coulettvréc et de Vigne blanche ; la racine de cette faible plante est
d’un volume énorme. — Voici la Coloquinte , les Melons , avec toutes leurs
variétés, le Concombre, dont les fruits jeunes, confits au vinaigre, portent le
nom de Cornichons ; la Calebasse , le Pastèque ou Melon d'eau , le Potiron
ou Citrouille; tous ces Végétaux sont originaires d’Asie, et se sont faci-
lement naturalisés dans nos climats. Le Melon a passé d’Afrique en Espagne,
puis en Italie, d'où le Roi Charles VIII l’a transporté en France.
Les deux familles qu’il vous reste à connaître, avant do quitter ce Carré,
se composent d’arbres dont les espèces constituent presque à elles seules nos forêts d’Eu-
rope : ce sont les Amentacées et les Conifères.
Les Amentacées , que l’on nomme aussi Ar-
bres d chatons , ont des feuilles qui tombent
tous les ans et sont garnies à leur naissance de
deux stipules : les fleurs à étamines sont dis-
posées en épis, où le calice manque ordinaire-
ment et est remplacé par des bractées ; les
fleurs à nislil varient beaucoup : tantôt elles
forment Mes épis nommés Chatons , tantôt elles
sont solitaires et entourées de bractées dont la
forme est diverse. — A la tête de la famille est
le Chêne , dont le fruit est un Gland, c’est-à-
dire un ovaire entouré de bractées serrées qui
forment à sa base un godet. Le Chêne rouvre,
ou Chêne commun, fournit son bois pour les
constructions qui demandent surtout do 1a so-
lidité; son écorce, nommée tan , sert aux'/nn-
ncurs pour durcir le cuir. Le Chêne liège croît
dans les provinces méridionales de la France;
c’est la partie extérieure de son écorce qui
fournit cette substance spongieuse et élastique
que l’on nomme le liège. Le Chêne A galles est
un arbrisseau qui croit dans l'Asie Mineuro ;
un Cynips, peu différont de celui du Figuier,
Baiou
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ÉCOLE DE BOTANIQUE. 57
piquo le pétiole de sa feuille pour y déposer ses œufs; les sues végétaux s’épanchent à l’en-
droit qui a été piqué, et y forment une excroissance ou tumeur qu’on nomme Noix de galle.
Les œufs renfermés dans ces excroissances acquièrent du volume et de la consistance; il
eu nuit de petits vers sans pattes, qui rongent l'intérieur de la tumeur sans nuire à son déve-
loppement , et y restent cinq ou six mois dans cet état. Quand l’époque de leur métamor-
phose est arrivée, ils percent la coque qui leur a fourni à la fois le vivre et le couvert, et l’on
peut voir à la surface des galles des trous ronds qui annoncent que l’animal en est sorti. —
Les Noix de galle, infusées dans de l’eau qui tient du fer en dissolution, forment la liqueur
nommée encre. Vous pouvez remarquer des excroissances semblables sur les feuilles du
Chêne commun ; elles sont molles et de couleur rose; il s’en forme aussi sur le Rosier églan-
tier, que l'on nomme Mousse chevelue. Coupez ces productions en deux moitiés, vous verrez
les petites cellules où sont logés les vers.
Le Noisetier ou Coudrier ( Corylus avellana) a un fruit que vous connaissez et qui diffère
du gland de Chêne, en ce que les bractées qui environnent l’ovaire sont grandes et foliacées.
Dans le Châtaignier (Ca&tanea) , le fruit est aussi protégé par des bractées, mais celles-ci
sont épineuses, et enveloppent en entier les ovaires, qui sont ordinairement au nombre de
trois à quatre; chaque ovaire, dans sa jeunesse, est à six loges et porte six styles; chacune
des loges renferme deux graines; mais bientôt ces loges avortent, et se réduisent à une seule,
qui renferme trois graines; quand la nourriture destinée h ces trois graines se jette sur l’une
d’elles, celle-là prospère aux dépens des autres et forme le Marron. Ainsi, sur douze graines
que contenait le jeune ovaire, il arrive souvent qu’une seule réussisse. — Cette enveloppe
épineuse, qui protège les ovaires, est le seul point de ressemblance du Châtaignier avec le
Marronnier d'Inde, bel arbre, qui fait l’ornement de nos jardins publics : encore cette res-
semblance n’est-elle qu’apparente, car, dans le Châtaignier, l’enveloppe épineuse est formée
par des bractées, et ne tient en rien aux ovaires, tandis que dans le Marronnier d’Inde, au
contraire, c’est l’ovaire lui-même qui la constitue.
Le Hêtre ( Fagus ) se rapproche beaucoup du Châtaignier pour la structure des fleurs; son
fruit est aussi enveloppé par une coque, mais les bractées qui la forment sont des épines
moins dures et moins piquantes que celles du Châtaignier; il y a deux fleurs dans chaque
enveloppe; chaque ovaire est triangulaire, et présente trois loges renfermant deux graines;
bientôt deux de ces loges avortent, et le fruit ne contient plus qu’une ou deux graines angu-
leuses qui portent le nom de Faines, et qui donnent, par expression, une huile douce propre à
entrer dans nos aliments. Quand vous cueillez de ces faines, en vous promenaut dans les
bois, vous pouvez vous assurer qu’elles ont un goût très-agréable, mais n’en mangez pas
une grande quantité, car elles produisent l’ivresse et tous les phénomènes qui l’accompa-
gnent.
Les Saules sont nombreux en espèces, qui toutes se plaisent dans les lieux humides, sur le
bord des ruisseaux et des rivières; la plus belle espèce est le Saule pleureur, originaire du
Levant, que Linné a nommé Saule babylonien ( Salix babylonien) , parce qu’il a supposé quo
c’était l’arbre aux branches duquel les Israélites, dispersés et captifs, avaient suspendu leurs
harpes. Vous rappelez vous les strophes touchantes de l’Écriture?
A ii bord du fleure de Rabylone,
Nous nous assîmes et nous pleurâmes,
Car nous nous soutenions de Jérusalem, etc.
L’espèce la plus élégante du genre Peuplier est sans contredit le Peuplier d'Italie ( Populus
fastigiata ), dont les rameaux effilés, droits et serrés contre la tige, donnent à l’arbre l’aspect
d’une longue pyramide. Il est originaire de l’Asie Mineure, d’oii il passa en Italie; il n’est
cultivé en France que depuis quatre-vingts ans, et déjà il forme des rideaux autour de la
plupart de nos prairies.
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Los autres Amenlaoéos sont les llouleaux, les Aime», le Charme, dont nn fait des haies
nommées charmilles ; les Platanes , grands et
beaux arbres , remarquables par leur écorce
qui tombe chaque année en lambeaux ligneux .
et par leurs feuilles grandes, coriaces et décou-
pées : le Platane d'Orienl . originaire de l’ar-
chipel grec, orne nos jardins et nos bosquets;
le Platane d’Occident nous vient de l'Amérique
septentrionale , et ne diffère de son frère que
par les découpures moins nombreuses de ses
feuilles. Les Ormes, qui se rapprochent des
L rticdrs, et le Micocoulier (Celtis) , arbre du
midi de la France, dont le bois, presque incor-
ruptible, est très-recherché par les ébénistes,
appartiennent également à la famille des Amen-
tacées.
Les Conifères sont des arbres ou des arbris-
seaux , dont la plupart conservent leurs feuilles
pendant l'hiver; de IA le nom A' Arbres verts
qu'ils ont reçu. Leur tige renferme souvent une
résine liquide qui suinte naturellement de l'é-
corce, et porte le nom de térébenthine.
Le premier genre de la famille est celui des
Pins. Daus toutes les espèces, les feuilles sont
longues et acérées, et naissent deux ou plusieurs ensemble, d'un petit fourreau arrondi et
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ÉCOLE UE BOTAMQIE.
membraneux; les fleurs à étamines sont disposées en grappes; chaque fleur est une bractée
qui porte à sa base deux anthères à une loge. Les fleurs femelles sont réunies en chaton. Co
chaton se compose de bractées coriaces : chaque bractée ou écaille porte à sa base deux
fruits, recouverts chacun d'une membrane qui se prolonge en lame sur la bractée. Le fruit,
dans les Pins, est réduit à la structure la plus simple : non-seulement le calice
et la corolle lui manquent, mais il n’a mémo pas d'ovaire; une bractée seule
lui tient lieu de ces trois enveloppes; la graine est nue, et la peau membraneuse
dont je vous parluis tout à l'heure lui appartient en propre. De ce qu’il n'a pas
d’ovaire, vous devez conclure qu’il n’y a pas non plus de stylo ni de stigmate,
puisque ces deux organes sont une continuation de l’ovaire. Comment donc,
allez-vous dire, s’opère la fécondation de lu graine? Par un orifice existant sur
la graine mémo; et cela est d'autant plus facile, que, dans la jeunesse des
fleurs , les bractées qui les protègent sout écartées les unes des autres , et que ,
d’une autre part, il pleut des branches supérieures, où sont les fleurs à éta-
mines, une énorme quantité de polleu; quand la fécondation est assurée, les
bractées s’épaississent et s’allongent de manière à former une massue anguleuse à sou extré-
mité; elles se refoulent ainsi les unes les autres, et ferment exactement les intervalles qui les
séparaient dans leur jeunesse ; c'est alors que leur ensemble forme une espèce de cône; de là
le nom de Conifères, donné à la famille qui a pour type le Pin.
Les Sapins présentent la mémo organisation dans leur fleur, mais les écailles de leur côue
sont minces, arrondies au sommet, nullement épaissies ni anguleuses. En outre, leurs feuilles
sont solitaires et ne sortent pas d’une gaine commune.
Les Mélèzes diffèrent des deux genres précédents, en ce que leurs feuilles sont réunies en
touffe à leur naissance, puis solitaires après l’allongement des jeunes pousses ; c’est à ce
genre qu’appartient le Cèdre, originaire du mont Liban, dont le bois, célébré dans les livres
saints, est supérieur aux autres par sa légèreté et son incorruptibilité.
Les Cyprès ont leurs fleurs à étamines disposées sur quatre rangs; chaque rang se com-
pose de quatro à cinq écailles; chaque écuiilo ou bractée porte quatre anthères. Les fleurs à
pistil sont de petits chatons arrondis, composés de bractées peu nombreuses qui sout portées
sur un pied et ont la forme d’un bouclier; à leur base est posée la graine, qui, au lieu d’étre
suspendue comme dans les genres précédents, est dressée, c'est-à-dire que son extrémité libre
est dirigée -en haut. Ces écailles, après la floraison, se soudent et forment par leur réunion un
cône presque sphérique, qu’on nomme improprement Noix de cyprès : à la maturité, les
écailles se dessèchent, se séparent par des fentes d’une élégante symétrie, et laissent sortir
les graines. Les deux espèces de ce genre, le Cyprès pyramidal et le Cyprès horizontal, ne
différent l’une de l’autre que par la direction do leurs rameaux; ces rameaux sont carrés,
entièrement couverts de petites feuilles imbriquées, disposées sur quatre rangs. — Les Cyprès
sont originaires d’Orient; les ancieus les avaient consacrés aux dieux infernaux, et en ornaient
le champ des morts.
Dans les Genévriers, le cône no so compose que de trois bractées concaves et rapprochées
les unes des autres : à la base de chacune d’elles est une graine dressée ; ces bractées devien-
nent succulentes à leur maturité, et se soudent ensemble, «le manière à imiter une baie. Les
espèces de ce genre sont dos arbrisseaux; tel est le Genévrier commun ( Juniperus communia) ,
dont les feuilles sont opposées trois par trois, aiguës et piquantes; ses fruits, improprement
nommés Paies de Genièvre, donnent, par la fermentation, une espèce d’oau-de-vie que recher-
chent les habitants du Nord.
Enfin, lo genre* // vous présente un finit encore plus simple que dans toutes les autres
Conifères, puisqu’il se compose «l’une graine unique, dont l’orifice est béant pour recevoir le
pdllon des fleurs à étamines, et qui n'est protégée (pic par les écailles mémos du bourgeon
dont elle est sortie; bientôt, entre elle et ces écailles, se développe un petit godet, qui croit
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CO
DEUXIÈME PARTIE.
peu à peu, devient rouge et succulent, et finit pnr enchâsser la graine presque on entier. Ci)
godet n’est autre chose que le pied même par lequel la graine tenait à la lige, et qui s’est
énormément dilaté pour fournir au fruit une espèce de manteau protecteur; c'est ce que les
botanistes nomment une arille. I ,'lf commun (Tajrus baccata) croit dans les pays montueux ;
son feuillage est d’un vert presque noir, excepté à l'extrémité des jeunes pousses ; les feuilles
sont rangées comme les dents d’un peigne sur les deux côtés opposés de la tige. Cet arbre a
toujours été regardé comme très-vénéneux : les Grecs prétendaient qu’il donnait 1a mort à
ceux qui s'endormaient sous ses rameaux. Quelle que soit l’exagération de cette croyance, il
est certain que l'ombre de l'If est funeste aux Plantes, et que son voisinage peut causer de
violents maux de tète, soit à ceux qui se reposent sous son ombrage, soit aux jardiniers qui
taillent ses branches.
Remontons maintenant le Carré pour en sortir, et donnez, en passant près des bassins, un
coup d’œil aux plantes aquatiquos qui les décorent : les plus éclatantes de toutes sont les
Ninufars, plantes voisines des Pavots et des Renoncules. Le Nénufar blanc (Nymphwa alba)
et lo Nénufar jaune ( Nymphtra lulea) , sont les deux espèces qui croissent en France. Nulle
Plante ne montre aussi clairement que les IVéuufors l’analogie qui existe entre les étamines et
les pièces de la corolle : vous voyez en dedans du calice du Nénufar blanc les premiers pétales
largos et uniformes dans leur couleur ; ceux qui les avoisinent sont un peu plus allongés ;
puis, à mesure qu'ils se rapprochent dos étamines, ils se rétrécissent, et prennent une couleur
jaune vers leur extrémité; bientôt les loges de l’anthère se dessinent au sommet du pétale
aminci, et, par des transitions insensibles, vous arrivez à des étamines parfaitement con-
formées.
Le Carré que nous allons visiter fait partie do l 'École de Botanique, comme celui que nous
venons de quitter; mais il renferme beaucoup moins du familles, et ne nous arrêtera pas
longtemps. Toutefois, avant de commencer la revue de ces familles, je dois vous dire quel-
ques mots sur l'organisation des Graines : ceci complétera les notions dont vous avez besoin
sur la structure îles diverses parties de la (leur, et vous facilitera l'intelligence des principes
qui ont guidé dans la classification du Règne végétal les botanistes philosophes dont je vous
parlerai bientôt.
Si vous enlevez la pellicule qui recouvre une graine, lorsque cette graine est fraîche ou lors-
qu’elle va germer, il vous sera facile de vous convaincre que cette pellicule cache une vérita-
ble plante en miniature. Prenez un Haricot ; si vous n’en trouvez pas de frais, faites tremper
un Haricot sec dans de l'eau tiède pendant quelques heurus. Cela fait, enlevez la peau ramollio
qui recouvre la graine, vous avez sous les yeux deux plaques ovales, échancrées sur un bord,
convexes sur l’autre, et juxtaposées par leur surface plane. Avant de les séparer, remarquez
que du milieu de leur échancrure il part un («dit corps ayant à peu près 1a formo d’un fuseau,
c'est-à-dire renflé à son milieu cl aminci à son extrémité libre. Ouvrez maintenant la graine,
cil passant une épingle dans la fente que forment les deux plaques le long de leur bord con-
vexe; elles vont s'écarter sans résistance, et vous laisser voir les organes délicats qu’elles
protégeaient. Ce sont d’abord deux petites lames blanches, presque transparentes, ayant la
forme d’un demi-a* dépiqué, et s'emboîtant l'uno dans l'autre; elles tiennent, par leur base,
à ce petit corps arrondi en fuseau, que vous avez vu tout à l’heure en dehors des plaques; il
est facile de voir que chacune de ces petites lames est pliée en deux, de sorte que si vous les
déployez doucement avec votre épingle, au lieu d'une moitié d'as de pique, vous aurez un as
entier; vous pouvez distinguer, même sans loupe, dans l’épaisseur de cette lame, de grosses
fibres, presque transparentes comme elle; vous pouvez voir aussi, dans chacune ries plaques,
un petit enfoncement qui formait une niche pour les lames en forme d'as de pique. Si votls
poussez votre examen plus loin, vous apercevrez entre ces deux lames, et à leur base, deux
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ÉCOLE DE BOTANIQUE,
petites saillies qui, feuillettes par votre épingle, vous montreront plusieurs autres petites
lames emboîtées les unes dans les autres. Arrêtez-vous là : vous connaissez maintenant la
structure des graines de toutes les familles que vous avez vues dans le premier Carré de
l 'École. Vous dirai-je les noms qu’on a donnés à l’enveloppe de lu graine et au* divers
organes ipio vous venez de voir! Je m’en garderai bien : il suffit que vous sachiez ce que
deviendront ces organes, quand la graine germera pour devenir semblable à la plante-mère.
D’abord , l'extrémité amincie du («dit fuseau poussera des fibres qui s’enfonceront dans le
sol : celte extrémité est donc la racine ; ensuite, l’extrémité opposée, qui s’attache aux deux
plaqua ovales, s’allongera en montant vers la surface du sol, soulèvera les plaques, et sor-
tira rte terre avec elles ; bientôt les petites lames en as de pique s'écarte-
ront l'une de l’autre, étaleront leurs moitiés pliés», prendront une couleur
verte , et grandiront rapidement ; les petites lames étroites qui étaient
placées à leur base s’allongeront à leur tour, Verdiront, et formeront du
véritables rameaux; ce sout donc des bourgeon s; les lames à l’aisselle
desquelles sont nés ces bourgeons sont donc des feuilles ; et l'extrémité du
petit fil seau qui porte ces feuilles et l'attache aux deux plaques ovales est
donc une fige. Racine, lige, feuilles, bourgeons, n'est-ce pas un Végétal
complet? Allez voir maintenant, dans le premier Carré potager, des Hari-
cots en germination , et il vous sera facile de vérifier en grand l’analvso que vous venez do
faire en petit.
Vous pouvez aussi donner le titre de feuilles à ces deux plaques ovales qui constituent
presque le volume total de la graine : en effet, elles sortiront de terre, avec la jeune tige, s’é-
carteront et verdiront comme les feuilles ordinaires; mais, leurs fonctions étant accomplies,
elles ne tanieront pas à so flétrir et à tomber. Quelles étaient ces fonctions? Les mêmes que
celles des feuilles à l'égurd du bourgeon. Ces plaques ont protégé la jeune plante, laul que
celte jeune plante est restée sans germer; quand les circonstances favorables A la germination
ont été réunies, le suc, qui formait la substance des deux plaques, s'est modifié dans ses élé-
ments; l'humidité du sol l’a délayé, il est devenu liquide et facile à absorber; il a passé dans
lu jeune tige, il l'a nourrie, fortifiée, augmentée, ainsi que la jeune racine; toutes deux alors,
pouvant se suffire à elles-mêmes, et puiser dans le sol cl dans l'air les matériaux nécessaires
A leur développement , s’allongent en sens inverse l’une de l'autre, la tige vers le ciel, la ra-
cine vers le centre de la terre, et la germination est achevée.
Malgré ma répugnance A charger votre mémoire de termes techniques, il faut absolument
que je vous fasse connaître le nom que la science a donné à ces plaques, protectrices et nour-
rices de la jeune Plante. On les appelle cotylédons ; voilà encore un mot grec que vous êtes
condamné A retenir; mais. Dieu merci, ce sera le dernier.
Dans toutes les familles que renferme le Carré dont vous venez de sortir, la graine est
conformée comme dans le Haricot, c'est-à-dire que 1a jeune tige, la jeune racine, le jeune
bourgeon (eu un mot la jeune Plante) , sont pourvus do deux cotylédons. Quand
A ces cotylédons sont peu volumineux , la Nature place auprès d’eux une matière
u ordinairement farineuse; c’est un dépôt de nourriture qui suppléera à leur insuf-
1 fisanee et sera absorbé par la jeune plante à l’époque de la germination.
Les familles que nous allons voir dans le second Carré de l'École ont toutes
A des graines oh la jeune plante, au lieu d'être pourvue de deux cotylédons, n'est
V, protégée que par un seul; mais, comme compensation, dans lu plu|iart de ces
ji familles, la graine renferme, A côté du cotylédon unique, un dépôt considérable de
r j cet aliment supplémentaire que je signalais tout A l'heure A votre attention.
\*v La première famille que Vous avez à observer dans lo Carré oü nous entrons ,
/ \ est celle des Liliacées , à laquelle nous comparerons ensuite toutes les autres.
Vous connaissez déjà la fleur du Lis: un culico de trois folioles, une corolle do
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(J2
DEUXIÈME PUITIE.
trois («Halos, six étamines, un style, uu ovaire à trois lopes et à graiues nombreuses, voilà
le caractère que nous trouverons dans toute la famille. Dans la plupart des genres, le bas de
la tige forme un oignon , c’est-à-dire uu pluteau entouré de feuilles nombreuses dont la base,
plongée dans le sol humide et à l'abri de la lumière, reste décolorée, et se gorge de sucs;
c’est la réunion de ces bases de feuilles qui forme les tuniques de l’oignon; au-dessous du
plateau, naissent des fibres blanches, qui sont les racines.
Linné qui, dans sou imagination poétique, considérait les Végétaux comme une grande
nation répandue sur la surface de la terre, les avait classés en plusieurs ordres, à l’instar du
peuple romain. Les Liliacées occupaient uii rang élevé dans l 'État. « Les Lis, disait-il, sont
les patriciens de l’empire ; ils portent les étendards, et sont tiers de leur toge éclatante ; ils
éblouissent les yeux, et décorent le royaume par la splendeur de leurs draperies. » Le Us
{ Li/ium candidum) , dont la robe est d’un blanc si pur, mérite d’être placé a la tète de cette
aristocratie. Le Martagon, dont les fieurs peudautes sont parsemées de tacbes purpurines,
vieut après lui.
Le genre Tulipe préseute quelques espèces qui ne sont pas moins élégantes : d’abord la
Tulipe des jardins ( Tulipa Gessneriana) , dont la culture a ruiné des millionnaires en Hol-
laude; elle est originaire d’Orieut, et nous est venue de Constantinople en 1557; les Orientaux
en fout l’emblème des parfaits amants ; u J’offris en tremblant, dit le Paria de la Chaumière
indienne, une Tulipe dont les feuilles rouges et le cœur noir exprimaient les feux dont j’étais
brûlé. » La Tulipe œil de soleil ( Tulipa oculus solia ), qui croit dans les champs de la Pro-
vence, est plus belle encore que celle des jardins : sa fleur est rouge, et à la base des pétales
est une longue tache d’un bleu noir, bordé do jaune. La Frilillaire impériale est originaire
d’Orieul; sa tige, nue dans le milieu, porte à son sommet une houppe de feuilles, au-dessous
de laquelle naît une rangée de grandes fieurs orangées pendantes. Au fond de ces fleurs sout
six gouttelettes d’une liqueur limpide, produite par les glandes à nectar. La Frilillaire pin-
tade ( Fritillaria meleagris) a sa Heur marquetée comme un damier; vieuueut ensuite les
Jacinthes (liyacinthus) , dont la principale espèce, cultivée dans nos jardins {//yacinlhus
orientalis) , a été apportée d’Asie pur les Croisés; les l/émérocalles , dont le nom signifie
beauté d'un jour ; les Scilles , dont l'espèce la plus commune ( Scilla nuta ns) orne les bois de
ses fleurs bleues au commencement du printemps. Les Aloès, que nous verrons dans les
serres, et YOrnithogale en ombelle , vulgairement nommée Dame d'onze heures , parce qu’elle
ne s'épanouit qu’une heure avant midi.
Les autres Liliacées ont l’ovaire adhérent au calice, c’est-à-dire que la base du calice so
soude et se confond avec l’ovaire, de sorte que l’ovaire parait situé au-dessous du calice,
bien qu’en réalité il ne soit inférieur qu’à la partie libre et colorée de celui-ci. Ce sont les
Amaryllis, dont une espèce, le Lis Saint-Jacques {Amaryllis funnosissima }, nous a été en-
voyée du Mexique en 1593. Sa fleur est grande, d’un rouge velouté et sablé d’or au soleil;
les Narcisses , qui ont leur corolle couronnée par un godet accessoire, dont la couleur tranche
souvent sur celle de la fleur; les Perce-neige (Leucoium et GaJanthus), qui fleurissent en
février; la Tubéreuse (Polyanthes Tuberosa) , originaire de Plie de Ceylan, et dont les fleurs
exhalent une odeur suave, surtout à l’entrée de la nuit; enfin VA gavé, originaire de l’Amé-
rique méridionale, naturalisée maintenant dans le midi de la France; scs feuilles longues,
épaisses et pointues, forment des haies impénétrables, et son pédoncule floral croît d’un pied
en uu jour.
Le Muguet, le Sceau de Salomon, V Asperge aux fleurs petites et peu brillantes, font aussi
partie de cette famille, et leur ovaire est libre, il eu est de même des nombreuses espèces du
genre Ail, telles que V Oignon de cuisine, le Poireau, VAU, VÉchalotle, la Civette, la llocam-
bole, etc. Toutes ces Plantes exhalent, lorsqu’on les froisse, une odeur désagréable; mais de
tous les Aulx, le plus fétide est sans contredit VAU cultivé.
Alphonse, roi de Castille, fonda dans le quatorzième sièelo un ordre de chevalerie, dont les
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genre Ail, telles que Tül^pwn rtc
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tous les Aulx, le plus fétide est sans contredit VAU cultivé.
Alphonse, roi de Castille, fonda dans le quatorzième siècle un ordre do chevalerie, dont les
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lie ni. K n F. rotvnmii R.
statuts interdisaient l’Ail à mil qui en faisaient partie; les délinquants étaient exiles de la
cour pour un mois. Notez que ceci se passait en Espagne, sur In terre classique de l’Ail. Il
fallait que l'abus en fût devenu intolérable parmi les seigneurs castillans, pour que la pauvre
Uliacéo se vit ainsi frappée d’anatlièine ; et je ne suis pas éloigné de croire que ce fut l’in-
fante île Castille qui fit insérer cet article dans les règlements de l'ordre institué par son
père.
Je ne dois pas quitter les Liliacées sans vous faire connaître le Un de la Nouvelle-Zélande
(Phormium tenus), dont les fibres constituent
un fil , le plus tenace de tous , après In soie.
Ainsi, on s’est assuré, par l'expérience, que si
un fil de I.in supporte un poids comme onze,
un fil de Chanvre soutiendra un poids comme
seize, le Phormium Unis comme vingt -trois,
et la .Voie comme tronle-six.
La section des Liliacées ri ovaire soude1 avec
le calice nous conduit à la famille des Iridées :
ici vous trouverez aussi un ovaire qui paraît
inférieur h la partie colorée de la fleur; le ca-
lice et la corolle forment ensemble six pièces ,
comme dans les Liliacées; mais il n'y a que
trois étamines; l’ovaire est également à trois
loges, mais il y a trois styles distincts.
Prenez cette fleur d'iris ; enlevez suc-
cessivement les deux enveloppes et
les trois étamines, dont les anthères
magnifiques s'ouvrent du cûlé exté-
rieur de la fleur; il vous reste au
centre un assemblage de trois lames ,
non moins brillantes que colles que tI , , VorfIl,f.2<l,,„
vous venez d’enlever : ces lames se
recourbaient sur les famines et les cachaient sous leur face extérieure; elles sont légère-
ment échancrées à leur sbrif’met. Remarquez au-dessous de celte échancrure, du cûté exté-
rieur. une petite ouverture pratiquée, comme une incision en travers , dans le tissu de chaque
lame ; c'est par celte bouche béante que s’opère la fécondation ; elle est l’orifice d’un petit
tuyau qui passe dans le centre de la lame, et conduit jusqu’à l’ovaire oh sont renfermées les
graines : c’est ce que vous pourrez vérifier en y introduisant avec précaution une soie de san-
glier. Le genre Iris est peut-être le plus naturel, c'est-à-dire le mieux caractérisé du Régne
végétal, et ses nombreuses espèces, quelle que soit leur diversité de grandeur et de couleur,
peuvent être toutes ramenées à un même type, dont le trait principal est la structure singu-
lière des styles et des stigmates.
Le genre Safran , qui avoisine celui des Iris, présente aussi trois styles larges et colorés ;
mais leur stigmate , au lieu d'être une petite fente , figure une crête oblique et dentelés'. (In
sont ces stigmates que l’on recueille pour le commerce, et qu’emploient les confiseurs et les
teinturiers. C.ommc la corolle ne dure qu’un jour ou deux après son épanouissement , il faut
que dans co court intervalle le Safran soit cueilli et épluché; aussi voit-on, en septembre,
dans les campagnes du (iàlinais, un grand nombre de femmes et d’enfants occupés sans re-
lâche à celte récolte de trente-six heures. Les pharmaciens ont aussi du Safran dans leurs of-
ficines, et je crois que ce produit végétal, riche en couleur, en odeur, en saveur, est trop
souvent négligé par les médecins modernes. Les médecins d’autrefois vénéraient le Safran, et
je me souviens d’avoir entendu un vieux docteur me dire gravement que le Safran avait pour
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OA DRI XlfcMF. PARTIE.
vertu spéciale relie d’exciter à la gaieté, en tonnes techniques, d'être un ea ‘hilarant (ceci ne
vous apprend rien en médecine, je ne manque donc pas à mes engagements). C’est aussi aux
1 ridées qu'appartiennent le Glaïeul des jardins {Gladiolus commuais) et cette superbe Tigridie,
dont l’épanouissement ne dure que quelques heures.
Les plantes de la famille des Orchidéès constituent , par les formes bizarres de leur fleur ,
un des groupes les plus tranchés du Règne végétal ; leur tige est herbacée et peu élevée dans
nos climats ; mais elle grimpe souvent à des hauteurs considérables dans les régions tropi-
cales. Vous verrez dans les serres plusieurs Orchidées grimpantes , dont la plus connue est
celle qui nous donne la Vanille. Les fleurs sont disposées en épis ou en grappes ; le calice a
trois folioles colorées , soudées inférieurement avec l’ovaire ; la corolle est aussi composée de
trois pétales ; l’un d’eux, qui a reçu le nom de tablier , est plus grand que les autres, et il
offre quelquefois les ressemblances les plus singulières. Il y a dos Orchidées dont la fleur imite
un sahot, une mouche, une araignée, un bourdon, un singe à longue queue, un homme
pendu par la tète. I*es étamines sont le plus souvent réduites à une seule, par l’avortement
des deux autres; leur pollen est solide, comme dans les Asclépiades, et non pulvérulent
comme dans tous les autres végétaux. Prenez cet Orchis, passez une épingle dans les deux
petites fenh»s de son anthère qui est adossée au style, vous en ferez sortir un petit corps vert,
en forme de massue, tenant, par son extrémité amincie, à un petit écusson : c’est le pollen ;
quand les loges de l’anthère s’ouvrent , cette petite massue de pollen tombe d’elle-même sur
une cavité luisante et visqueuse que vous voyez au-dessous de Panthère ; cette cavité est le
stigmate : dès lors, la fécondation est assurée. Ouvrez maintenant l’ovaire, il est à une seule
loge, et renferme des graines menues comme de la sciure de bois.
En continuant notre revue, nous allons voir dans les familles la structure de la fleur se
simplifier de plus en plus, et en quelque sorte s’appauvrir. Ainsi les Joncs nous offrent encore
deux enveloppes de trois pièces, qui protègent la fleur; mais ces enveloppes sont sèches et
écailleuses ; et vous les prendriez pour des bractées si elles n’étaient pas groupées circulaire-
ment comme un calice double.
Les Joncs nous conduisent h la nombreuse famille des Graminées , où l’on ne trouve ni
corolle ni calice ; les fleurs sont disposées en épis, serrés comme dans le froment, ou lâches
comme dans l’avoine. Chaque fleur se compose d’un ovaire à une graine , surmonté de deux
stigmates plumeux ; sur le réceptacle qui porte cet ovaire sont trois étamines, à filets déliés
et à longues anthères qui ont la forme d’un fer de flèche. Rien de plus élégant que ces fleurs
sveltes de nos prairies , d’où pendent ces étamines et ces stigmates que le moindre contact
peut briser. Chaque fleur , ainsi conformée , est protégée à sa base par deux bractées , situées
un peu au-dessous l'une de l’autre , et dont la plus grande emboîte la plus petite ; en dehors
de ces bractées , il y en a deux autres qui forment une seconde enveloppe , soit pour une fleur
unique , soit pour plusieurs fleurs groupées en épillet : ce sont ces bractées qu’on nomme la
bâte, et c’est la bùle fournie par V Avoine que les gens de la campagne emploient pour la gar-
niture de leur lit.
La tige qui porte le nom de chaume, est fortifiée d’espace en espace par des nœuds d’où
parlent des feuilles qui s’enroulent d’abord autour de la tige, de manière à former un fourreau
fendu dans sa longueur , puis se déroulent en lame allongée et pointue. Il y a souvent , à la
limile du fourreau et de la feuille proprement dite, de petites écailles, ou des poils, ou des
tachos, qui forment de bons caractères distinctifs pour la description des espèces.
Je ne vous décrirai pas les genres nombreux qui composent cette famille, et dont vous avez
sous les yeux les principales espèces : je me contenterai de vous citer celles qui sont le plus
utiles à l’homme : à leur tête, il faut placer, sur une meme ligne, le Froment et le Biz ; la
patrie du premier est inconnue, l’autre est originaire de l’Inde. Le Mais, le Seigle, l 'Orge et
la Canne A sucre viennent ensuite; le Maïs nous est venu de l’Amérique méridionale, l’Orge
de la Sicile, In Canne à sucre a pour berceau les Indes orientales; les anciens n’en em-
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6.‘i
ÉCOLE DE BOTANIQUE.
ployaient que le sue qu'ils appelaient Miel de
rotenu. Les Chinois connaissaient cependant
depuis deux raille ans l’art do le faire cristalli-
ser, lorsqu'à la fin du treizième siècle, la Canne
à sucre fut portée, par des marchands, de l'Inde
en Arabie; puis en Égypte, où elle réussit;
puis dans l’Asie Mineure et les Étals Barba-
resques; ce fut en 1506 qu elle fut inlroduile
à Saint-Domingue, d'où elle s’est répandue
dans l'Amérique. C'est la tige qui fournit le
Sucre : la sève abondante qu'elle renferme est
exprimée au moyen de presses, épaissie ensuite
sur le feu jusqu’à consistance de sirop épais ;
ce sirop, abandonné à lui-même, cristallise
confusément cl forme ce qu’on nomme la Cas-
sonade. C'est dans cet état qu’on le transporte
en Kurope. Là, on redissout celle Cassonade
dans de l'eau , on y mêle du sang de bœuf et
des ns de cheval réduits en charbon; on fait
bouillir cet horrible mélange, cl voici ce qui
arrive ; le sang se coagule par la chaleur, et
enveloppe, dans l'écume insoluble qu'il forme,
toutes les matières terreuses do la Cassonade ;
Su . i .«». r v . 1 1 . • . le charbon d’os, qui possède la faculté inex-
plicable de détruire la couleur des liquides sans
altérer leur goût, décolore le sirop en même temps que le sang de bœuf le purifie; on sépare
enfin le liquide, purifié et incolore, de toutes ses écumes; on le fait évaporer, on lo verse
dans des vases coniques , où il se refroidit , puis se cristallise , et l’on a le Sucre en pain.
Je ne dois pas quitter la famille des Graminées sans vous faire comprendre comment les
Céréales sont utiles à l'homme : si vous pressez entre les doigts une graine do Froment
presque tnûre, ou si vous l'ouvrez en long, par le petit sillon qu'elle présente, vous en ferez
sortir un très-petit corps vert qui en occupe la base ; ce petit corps est la jeune plante : coty-
lédon , jeune racine , jeune tige , jeune bourgeon , tout est là. Quelle est donc cette matière
blanche qui constitue la presque totalité de la graine? C’est ce dépôt de nourriture, cet ali-
ment supplémentaire , dont je vous ai déjà parlé. Or, cette matière blanche, qui abonde dans
les Graminées, est de nature farineuse; c’est elle qui doit suppléer à l’insuffisance du coty-
lédon pour alimenter la jeune plante, quand il faudra qu’elle germe ; et c'est elle précisément
que l'homme confisque à son profit pour en faire sa nourriture.
Il y a , près des Graminées, une famille qui leur ressemble beaucoup par son port et par sa
fleur : c’est la famille des Souchets ou Cypéracées ; mais celte ressemblance n’est pas com-
plète : passez la main sur ce Carcx, ne sentez-vous pas sa tige triangulaire? trouvez-vous les
nœuds quo vous avez vus dans le chaume des Graminées? Tâchez d'ouvrir la gaine que forme
la feuille autour de la tige : vous ne le pourrez sans la déchirer, car elle n'est pas fendue sur
toute sa longueur. En outre, les fleurs, au lieu d’étro pourvues chacune de dcui bractées,
n'en ont qu’une , et la bàle extérieure manque toujours. Quant à la séparation des fleurs en
fleurs à étamines et fleurs à pistil sur des épis différents , ce caractère oxiste dans quelques
Graminées , telles que le Mais. La famille des Souchets présente peu d'intérêt sous le rapport
des services qu’elle rend à l'homme, mais nous lui devons le Papyrus, que nous verrons dans
les Serres.
Enfin nous arrivons à des plantes dont les fleurs non-seulement sont dépourvues de corolle
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DEUXIÈME PARTIE,
et do calice, mais encore manquent de bradées. Ce sont les Arums. Descendons au bas du
Carré où nous en trouverons plusieurs espèces : remarquez d’abord ces feuilles larges, taillées
en flèche, vertes, luisantes en dessus, et dont plusieurs sont tachetées de noir : observez
maintenant cette autre feuille, d’un vert jaunâtre roulée en cornet. A l’orifice de ce cornet,
vous apercevrez une espèce de pompon d’un rouge vineux ; si maintenant vous ouvrez ce
cornet, vers sa base, il va laisser à découvert un appareil très-compliqué. Tout à fait en bas
sont les pistils , formant plusieurs rangées autour de la tige ; au-dessus d’eux sont les éta-
mines, dont les anthères manquent de filets et sont posées immédiatement sur la tige, comme
les pistils, mais offrent des séries beaucoup plus nombreuses. Au-dessus d’elles, vous voyez
deux ou trois rangées do corps pointus dont les pointes so roulent sur elles-ruèmes : ce sont
des étamines non développées; enfin, tout à fait en haut, le pompon que vous avez remarqué
d’abord. En résumé, dans les Arums, le calice et la corolle manquent, les bractées particu-
lières à choque fleur manquent aussi, et les fleurs seraient complètement nues, si elles
n’étaient protégées par une grande bractée, qui forme autour d’elles une enveloppe commune.
Los Arums offrent une particularité bien curieuse, que vous allez peut-être vérifier : à une
certaine époque de la floraison, le pompon acquiert une chaleur considérable, sensible à la
main ; cette chaleur commence d'ordinaire entre trois et quatre heures de l’après-midi ; son
plus haut degré se fait sentir entre six et huit heures du soir, et elle cesse vers dix heures. Le
pompon noircit pendant ce phénomène qui ne dure que quelques jours.
Outre les familles que nous venons de passer en revue dans ce Carré, et dont la graine est à
un seul cotylédon , vous avez encore à connaître les Palmiers et les Bananiers. Nous en par-
lerons bientôt quand nous visiterons les serres.
Passons maintenant à une classe de plantes d’une organisation inférieure : ce sont les Fou-
gères , les Mousses, les Lichens , les Champignons et les Algues. Ici ce ne sont plus seulement
le calice , la corolle et les bractées protectrices qui manquent : on ne trouve plus d’étanùnes
(si ce n’est peut-être dans les Fougères et dans les Mousses) ; on ne trouve plus ni stigmates
ni ovaire ; les graines mêmes sont dépourvues de cotylédons et de tuniques propres , et vous
ne pourrez y distinguer ni une jeune racine, ni une jeune tige , ni un jeune bourgeon, comme
dans les familles précédentes. Les corps reprotluc leurs (car ou no peut leur donner le nom do
graines) sont des espèces de sacs qui se gonflent par l’humidité; ce sac, qui ne formait
d’abord qu’une seule cavité ou cellule , s’allonge et se cloisonne , c’est-à-dire que, dans la
cellule allongée, il s’établit des cloisons qui la subdivisent en plusieurs cellules, dont le
nombre augmente à mesure que la plante se développe et sc ramifie.
Vous concevrez sans peine que ces plantes, vu la petitesse ou l’invisibilité de leurs organes
reproducteurs, doivent échapper à la culture : aussi ne trouverons-nous dans ce Carré que les
Fougères. Les autres familles no se laissent pas expatrier par l’homme, et nous no pouvons
les étudier que dans la localité qui leur a été assignée par la Nature.
Un mot seulement sur les Fougères : ces plantes, que vous voyez ici herbacées, deviennent
arborescentes sous les tropiques ; leur souche est ordinairement souterraine ; elle produit des
feuilles roulées en crosse dans leur jeunesse ; les organes de la fructification occupent la face
inférieure de ces feuilles (que l’on peut considérer comme des rameaux foliacés) ; et ils y for-
ment de petits groupes circulaires ou allongés. Ces groupes sont ordinairement recouverts
d'une pellicule provenant do l’épiderme soulevé par eux , et se déchirant après leur dévelop-
pement. Chaque groupe est composé d’une multitude de petites copies ; chacune de ces co-
ques s’ouvre à la maturité, par le déroulenifnt élastique d’un anneau qui l’entoure comme
un bourrelet, et il on sort de petits corps reproducteurs. Un botaniste de Prague vient tout
récemment de découvrir dans les groupes, de petits filaments surmontés d’un globule : sont-ce
des étamines ? on ne peut l’affirmer, car on n’a rien vu sortir du globule.
A l’extrémité du Carré, vous voyez des plantes que l’on regardait autrefois comme des Fou-
gères, et qui forment aujourd’hui la famille des Prèles. Leur tige est dépourvue de feuilles, et
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ÉCOLE DE BOTAMQl E. 67
porte des rameaux groupés circulairement , sillonnés et composés , ainsi que la tige , d'article*
s’emboîtant l’un dans l'autre ; ces articles sont munis , à leur point de jonction , d’une gaine
dentée : ces dentelures représentent peut-être des feuilles ; la fructification est un épi conique
terminant la plante ; cet épi se compose d'écailles en forme de têtes de clous , qui protègent
les organes reproducteurs. Cette famille, dont le rang est si modeste aujourd'hui dans le
Règne végétal , y a rempli jadis un rôle important , comme vous le saurez quand nous visite-
rons les Galerie* de Botanique.
La famille des Mousses, quoique moins favorisée quo les Fougères, sous le rapport de la
végétation , semble l’être davantage eu ce qui eoncemo les organes de la fructification. Vous
trouverez au pied de tous les grands arbres une belle espèce qu’on nomme le Pohjlric ou
Mousse dorée [Polgtrichum commune) ; elle peut servir de type pour toute la famille ; elle
présente de petites tiges herbacées, vertes, chargées de feuilles nombreuses et menues ; parmi
ces tiges, il y en a qui sont terminées par des rosettes composées do bractées, entre lesquelles
sont de petits sacs d’oü sortent des cellules hexaédriques , quo l’on regarde comme des grains
do pollen. Les autres tiges sont terminées par un pédoncule long et mince, au sommet duquel
est une capsule nommée urne, dans laquelle sont contenus les organos reproducteurs; cette
urne était d’abord au niveau des rosettes contenant les anthères , mais , avec l’Âge , elle a été
soulevée par l’allongement du pédoncule ; elle a emporté avec elle une enveloppe nommée
coiffe , qui tenait à une pellicule entourant l’urne , et qui a été déchirée par le soulèvement de
celle-ci ; celte coifTe recouvre un couvercle conique, qui est posé immédiatement sur l’urne;
si , après avoir enlevé la coiffe , vous détachez aussi co couvercle , vous voyez la cavité de
l’urne, au centre de laquelle est un axe, qui sert do support aux semences remplissant l’unie.
Ces caractères s’appliquent à toutes les Mousses , et ne sont pas difficiles à vérifier.
Dans les Lichens, l'organisation se simplifie encore davantage. Ces végétaux vivent sur la
terre , sur les rochers , sur l’écorce des arbres , dont ils absorbout l’humidité superficielle sans
èÿe véritablement parasites. Leur consistance est coriace ; ils se présentent sous l’apparence
de feuilles, ou de tiges, ou d'écailles, ou d'une simple croûte pulvérulente. Les organes de la
reproduction sont des réceptacles ayant la forme de petites soucoupes plus ou moins concaves
qui portent les organes reproducteurs ; ces organes sont des sacs posés debout les uns contre
les autres, à peu prés comme du velours; ils contiennent ordinairement quatre petites cellules
cloisunnées , qui sont considérées par les uns comme des graines , par les autres comme des
ovaires.
Cette famillo fournit le Lichen d'Islande, qui sert de nourriture aux habitants des régions
polaires ; ils le dépouillont de son amertume en le faisant macérer dans l’eau , puis ils le ré-
duisent en farine. Un autre Lichen , nommé Orscille ( Boccella tincloria) , donne une couleur
violotle ou purpurine, employée par les teinturiers.
La famille des Chainpiguons va nous conduire prés de la limite du Régne végétal. Ces vé-
gétaux vivent sur le bois pourri, les feuilles mortes, le fumier ; leur tige est souterraine, et se
compose de filaments entre-croisés , quo l’on nomme vulgairement blanc de Champignon :
sur divers points do ces filaments naissent de petits tubercules qui, en se développant, sortent
de terre et forment des réceptacles figurant, soit une boule, soit un godet , soit uno massue ,
soit un chapeau : prenez pour type de la famille le Champignon de couche ( Agaricus campes-
tris) . Le réceptacle est ordinairement porté sur une espèce do pédoncule , qu’on nomme le
pied du Champignon ; souvent le pédoncule et le chapeau sont enveloppés dans leur jeunesso
d'un voile complet ; souvent aussi , du pourtour du chapeau au milieu du pédoncule, il y a un
voile partiel qui sert i protéger les organes de la fructification ; cos organes sont ordinaire-
ment situés sous le chapeau. — Ce dernier présente en dessous des lames attachées à la voûte
qu’il forme ; ces lames ne sont que des cloisons qui appartiennent au chapeau. Elles sont ta-
pissées par une pellicule qui porte los organes de la reproduction ; ces organes sont des sacs
chargés chacun do quatre cellules, qu’on regarde comme les corps reproducteurs. Ces cellules
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08 DElXlfcME PARTIE.
sont si serrées sur les laines du chapeau qu’elles constituent la couleur des lames. C’est ce
qu’on voit en laissant pendant quelques heures des Champignons sur du papier blanc : bientôt
les cellules se détachent de leur support, et leur couleur les rend très-visibles.
Du genre Agaric, qui renferme plus de mille espèces, il y a encore loin au genre moisis-
sire. Quand une substance végétale ou animale s’altère, elle devient propre à recevoir les
germes des moisissures qui flottent imperceptibles dans l’atmosphère. Le germe , déposé sur
le terrain qui lui convient, forme bientôt un filament qui ne tarde pas à se ramifier ; ces ra-
mifications s’entre-croisent et forment une espèce de réseau, ordinairement blanc ; sur ce ré-
seau naissent les filaments reproducteurs, cloisonnés, terminés par une petite boule pleine
d'un liquide où nagent des granules qui , plus tard , rompent leur prison et se répandent au
dehors pour reproduire la plante. Tous ces détails ne peuvent s’observer qu’au microscope ;
on croyait autrefois que les Moisissures se formaient spontanément ; mais depuis que les
moyens d’observation se sont perfectionnés, l’origine de ces végétaux n’est plus douteuse.
Il y a des Moisissures qui végètent dans des corps vivants qu’elles finissent par faire périr.
Les Vers à soie, par exemple, sont souvent victimes d’une espèce particulière, qui pénètre par
les stigmates respiratoires do l’animal ; se développe dans ses trachées , et refoule ses vis-
cères ; puis , quand le moment de la reproduction est arrivé , les filets reproducteurs percent
la peau de la chenille, et présentent bientôt la petite boule qui renferme les granules. Cette
maladie, nommée muscardine , est redoutée des fabricants de soie, parce qu’elle est éminem-
ment contagieuse.
C’est à la famille des Champignons que nous devons plusieurs substances alimentaires très-
recherchées, telles que les Truffes, les Morilles, certains Bolets, certains Agarics ; mais,
dans les Agarics, on rencontre des espèces vénéneuses qui ressemblent beaucoup aux espèces
comestibles. Il y a peu de moyens de les distinguer au premier coup d'œil ; il faut avoir re-
cours à des caractères botaniques, souveut fort difficiles à observer. Cej>cndant on a remarqué
en général qu’il faut rejeter les Champignons dont l'odeur et le goût sont désagréables, ceux
dont la chair est mollasse et aqueuse, ceux qui croissent dans les lieux ombragés et humides,
ceux qui se gâtent avec facilité , ceux qui changent subitement do couleur quand on déchire
leur tissu. Autre précaution importante à prendre quand il y a incertitude : le vinaigre ayant
la propriété de s’emparer du principe vénéneux des Champignons, il faut les faire macérer dans
do l’eau vinaigrée, après los avoir coupés par tranches minces , et rejeter ensuite cette eau.
Vous avez souvent remarqué après la pluie, sur la torro ou sur les pierres humides, au
pied des murailles, de petites croûtes de couleur verte ou rougeâtre : ces croûtes sont les plus
simples do toutes les organisations végétales : les unes consistent on une masse irrégulière et
gélatineuse , recouverte d’une pellicule ; on y distingue des cellules qui s’arrangent en chape-
let ; bientôt ces cellules s’ouvrent et donnent issue à des cellules nouvelles, engendrées dans
leur cavité , qui so disséminent et reproduisent la plante : ces végétaux portent le nom de Nos-
lochs . Les autres sont des filaments enveloppés d’une sorte de mucosité, et feutrés ensemble
par leurs bases ; ces filaments, qui se composent de deux tubes emboîtés l’un dans l’autre, et
dont l’intérieur renferme des corpuscules colorés, jouissent d’une propriété bien remarquable :
ils sc meuvent circulairement , ou so balancent d’avant en arrière , ou décrivent des ondula-
tions variées ; leur mouvement est tantôt lent , tantôt brusque , mais chaque espèce en a un
qui lui est propre. Ces êtres singuliers sont nommés Oscillaires. — .Nous voilà sur la frontière
du royaume : les Oscillaires sont-elles des plantes ou des animaux? l‘n pas de plus, nous
tombons dans le Règne animal, et nous rencontrons le Polype et V Eponge, qui appartiennent
aux Zoophytes ou Animaux-Plantes.
Les Nostochs et les Oscillaires, qu’on rencontre partout, mais qu’on ne peut étudier qu’avec
le microscope, n’occupent pas cependant le plus bas degré de l’échelle végétale. Il est une
plante dont l’organisation est encore inférieure à celle que je viens de vous décrire : allez au
pôle , et vous y verrez do la neige ronge ; celte coloration est due à de petits corps qui ne sont
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ÉCOLE DE BOTAMQLE. fi»
autre chose que des cellules isolées , pleines de suc. Ici , Pôtre végéta! est réduit à l’état de
simplicité absolue ; cette singulière* production est nommée Protococcus nivalis.
Les Nostochs, les Oscillaires et le Protococcus appartiennent à l'immense famille des Ai-
gues , la plus ancienne du Règne végétal, comme vous le saurez bientôt. — Les Algues sont
des plantes aquatiques , et habitent surtout la mer ; elles ont la forme tantôt d’un fil , tantôt
d’une lame, tantôt d'une membrane, et quelquefois elles présentent ces trois états réunis;
leur consistance est gélatineuse , ou membraneuse , ou coriace ; leur tissu est cloisonné ou
continu. Quelquefois elles so ramifient indéfiniment, et atteignent des proportions gigantes-
ques. Tel est, par exemple, le Varech que l'amiral d’Urville a rencontré dans les mers du
Sud , et qui entravait la marche de ses navires ; celte Algue est comestible, de là son nom de
Durvillea ut i iis. — La fructification des Algues marines n’a été jusqu’ici que très-imparfaite-
ment connue: mais les beaux travaux de Al. Deeaisne, l’un des naturalistes de ce Jardin,
vont jeter une vivo lumière sur la structure intime de leurs organes reproducteurs.
Si le Jardin des Plantes ne nous offre pas, rangés on ordre et à leur place convenable, les
Mousses , les Lichens et les Champignons , ces plantes se trouvent dans tous les bois , et vous
pouvez facilement les observer ; mais il n’en est pas de même des Algues marines ; c’est dans
leur patrie qu’il faut les étudier. N’allez pas sur le quai d’un port de mer, voir quelques Va-
rechs fangeux et mutilés , que le reflux a laissés sur la vase ; poussez hardiment votre excur-
sion jusqu’aux récifs les plus avancés de la côte, que la mer ne quitte jamais : c'est là que
sont fixés les crampons vigoureux des Algues ; c’est au pied de ces granits primitifs, battus
d’un flot éternel , que se sont succédé leurs générations depuis les premiers âges du Globe.
Allez donc eu Bretagne, allez visiter cette terre, si longtemps ignorée des artistes , et qu’ils
ont aimée dés qu’ils l’ont connue. Si votre âme s’élève à la vue des grandes scènes de la Na-
ture, préférez pour quelques instants à votre rivière toujours tranquille, à vos plaines sans
accident, à vos monotones rideaux de peupliers, préférez la tempête sonore, les âpres rochers
et les aspects sauvages de l’Océan breton. Du haut des promontoires escarpés de nos Côtes-
du-Nord , vous pourrez contempler au-dessous de vous le précipice effrayant, dont le fond est
un lit de galets, que la mer vient battre deux fois par jour. Si vous y arrivez à l’heure du
/lux, vous verrez au loin s’avancer vers vous d’immenses nappes d'eau, qui se développeront
paisiblement sur la plage déserte , comme l’avant-garde d’une année envahit sans résistance
un pays abandonné pur ses habitants ; mais bientôt la mer, rencontrant la pointe roide de la
falaise, s’irritera contre l’obstacle qui l’arrête ; le bruit de sa colère mugissante remplira votre
cœur de trouble et de plaisir ; vous la verrez, à chaque flot, gagner du terrain, puis reculer
en ramenant avec elle des milliers de cailloux qu’elle rejettera ensuite plus loin avec fureur.
Alors les froides théories des savants disparaîtront devant la poésie de ce tableau ; et les lois
de V attraction , qui agit en raison inverse du carré des distances , s’effaceront de votre mé-
moire; alors la mer ne sera plus pour vous une masse d'eau salée, que le soleil et la lune
attirent : ce sera l’Océan, animé et intelligent, qui exécute avec fidélité le pacte d’obéis-
sance arrêté par le Créateur entre les sphères célestes et lui; alors, satisfait d’avoir im-
posé silence à votre raison , qui se plaît dans le doute, pour n’écouler que votre âme , dont
le bonheur est de croire, vous resterez devant ce beau spectacle, enveloppé de vos illusions,
qui valent mieux quo la vérité.
Puis , quand vous vous serez familiarisé avec les émotions régulières du drame sublime qui
s’exécute sous vos yeux , un vif désir d’y prendre part viendra peut-être s’emparer de votre
âme ; vous voudrez voir de près cet élément terrible, et mettre en rapport votre petitesse avec
son immensité ; vous descendrez le promontoire , en suivant les détours de l’étroit sentier qui
conduit à la grève; là, vous vous ferez un jeu de poursuivre la vague qui recule, et do fuir à
votre tour quand elle revient plus menaçante ; vous serez fier d’être placé entre une montagne
à pic et l’Océan qui gronde ; et, comme le grand prêtre d’Homère, vous marcherez silencieux
le long du rivage retentissant.
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Il KL MEME PARTIE.
Mais, pour cueillir des Algues, c'est ITieure du reflux qu’il faut choisir : la scène alors est
liion différente , et quand vous arrivez sur la côte , vous voyez devant vous une vaste étenduo
de grèves solitaires. A l'horizon se déroule un large ruban d'azur : c’est la profonde mer qui
vous permet de vous promeuer sur son domaine pondant son absence , mais qui bientôt re-
viendra , haute et puissante, pour en reprendre possession. Allez donc au-devant d'elle, et à
mesure que vous approcherez de son lit, celle uature marine, qui do loin vous paraissait
froide et inanimée, va vous montrer partout la vie et le mouvement. Votre passage jettera
l’effroi parmi des myriades de Crevettes , qui se cachent dans les Zostera , dont la grève est
jonchée , et de petits Crabes , d’un beau vert , fuiront à reculons devant vous. Les récifs voi-
sins de la liante mer sont hérissés de Mollusques ; les uns rampent lentement en traînant sur
leur dos l'enveloppe calcaire qui les protège ; les autres , appliquant avec ténacité leurs co-
quilles tranchantes contre la surface des roches, en reudeul plus inaccessibles encore les
crêtes aigues et les âpres sommets. Vous pourrez recueillir de nombreuses espèces de Mollus-
ques , qui ont été désignés d’après la forme de leur coquille ; les uns ressemblent à une trom-
pette , de là leur nom de Buccin ; les autres vous offriront la miniature richement enluminée
d’une tour en spirale, d’un cierge, d’un bonnet phrygien , d’un turban oriental ; il y en a que
vous prendriez pour des manches de couteau ; il y en a qui représentent l’ébauche d’un peigne
courbe , à dents d’ivoire teintes en pourpre. Vous rencontrerez aussi dans les cavités qui re-
tiennent les eaux marines mie Astérie, zoophyto rougeâtre, que les habitants du pays nom-
ment Étoile de mer; et l’Oursin comestible, dont le test est armé d’épines mobiles, qui lui
servent pour marcher et pour saisir sa proie. Mais le plus bel ornement de ces noirs rochers
est V Actinie pourprée , polype charnu, dont les tentacules nombreux, disposés autour de sa
bouche, comme les pétales d’une fleur double, semblent couronner les écueils do touffes
d’ Anémones purpurines , taclielécs de vert.
Le sable doux et fin de la grève est émaillé de millions de coquilles à deux valves, privées
do leurs animaux et dont les couleurs éclatantes , passant pur toutes les nuances , du violet au
rose vif, donnent à la plage le plus riant aspect. Vous trouverez aussi beaucoup do coquilles
d’une seule pièce, le long de la limite de la grève : la plus volumineuse est le Buccin onde,
grande trompette, dont la spire est relevée de côtes sinueuses comme les ondulations dus
vagues. Elle sert souvent d’asile à un petit cruslacé, nommé Bernard l’Iiermile, qui en chasse lo
propriétaire naturel, et s’empare de sou domicile. Ces coquillages, d’une seule valve, reposent
sur un lit qui provient dos détritus do coquilles plus anciennes, roulées et brisées par les flots.
Au milieu do ees débris , vous pourrez découvrir, avec vos bons yeux , de charmants petits
sabots , à taches purpurines (Turbo purpureus) , des Bissoaires, des Céritlies- Limes , que l’on
prendrait d’abord pour du sablo, et dont chacune est la maison commode et sûre d’un Mol-
lusque qui a ses organes digestifs, son système nerveux, son cœur, son industrie et scs amours.
Sur cos rives sauvages, devant cette nature primitive, que l’homme visite rarement, vous
éprouverez un sentiment délicieux de solitude et de liberté; là se déploiera devant vous le
tableau de l’enfance du monde ; là vous croirez voir, dans sa beauté siiencieuso , l’un des
premiers jours de la grande s eu ai se qui fut employée à la création; jour immense, dont
chaque minute durait un siècle; jour tranquille, pendant lequel les familles muettes des Zoo-
phytes et des Mollusques régnèrent paisiblement et sans partage sur toute la surface du globe.
Leur existence fut troublée par les révolutions des jours suivants, dont chaque aurore était le
signal d'un déluge qui passait sur leurs cités populeuses , et les ensevelissait dans lo sépulcre
de marbre oü nous les trouvons encore aujourd’hui. Ces derniers jours virent successivement
paraître les Poissons , les Reptiles , les Oiseaux et les Quadrupèdes , qui usurpèrent insensi-
blement le domaine des Mollusques , et ceux-ci , confinés sur le rivage et dans le lit rétréci de
l’Océan , décimés sans cesse par les nouveaux dominateurs du globo , no furent plus qu’une
race disgraciée devant l’Ouvrier suprême, qui détourna d’elle sa face, pour regarder avec
complaisance les créatures plus parfaites , récemment sorties do ses mains.
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ÉnOl.F. DES ARBRES FRUITIERS.
Les végétaux de la classe immense des Algues, ces aînés de la grande famille, créés le
môme jour que les animaux inférieurs, et mêlés avec eux par de nombreuses alliances, ont
partagé les prospérités et la disgrâce de leurs contemporains; ils avaient jadis, comme eux,
le monde entier pour patrie ; ils sont maintenant relégués sur la même terre d’exil. Les uns
vivent le long des confins de l'Océan, les autres forment, sous la haute mer, d’humbles forêts,
que la tempête arrache quelquefois du fond des abîmes , pour les jeter sur nos rivages. Dans
leurs formes variées à l’infini , on croirait reconnaître les coups d'essai d’une puissance créa-
trice, qui cherche, de jour en jour, à perfectionner sou œuvre : ainsi, vous trouverez des
Céramium et des Plocamium ramifiés comme des arbrisseaux , portant des bourgeons , des
feuilles et des fruits, véritables ébauches, qui promettaient, pour les jours suivants, des végé-
taux d’une organisation plus compliquée. Il y a une Ulve~Laminaire d’une immense longueur,
surnommée le Baudrier de Neptune • lorsqu’on la fait tremper dans l’eau douce , et qu’on
l’expose à l’air sec, elle se couvre bientôt d’une efilorescencc de cristaux blancs et sucrés , qui
annoncent le Sucre parfait , que Dieu donna plus tard aux végétaux supérieurs. La plus jolie
des Ulves est une Padine, dont la feuille, imitant fidèlement, par ses zones tachetées, les yeux
de la queue du paon, s’élargit dès sa base, et forme un élégant éventail que Dieu perfectionna,
vers la fin do la semaine, en faveur du roi des Gallinacés, de môme qu’il avait d’abord
essayé, sur lu vivante palette de ses Coquilles, le coloris nuancé du plumage des Oiseaux, les
bigarrures do la robe des Quadrupèdes, et l’incarnat de la peau humaine.
§ H.
L’ÉCOLE DES ARBRES FRUITIERS.
Nous allons visiter maintenant Y École des arbres fruitiers , qu’on appelle aussi les Carrés
fruitiers , et qui se trouvent à l’extrémité nord du Jardin, près de la porte d’entrée donnant sur
le quai, au coin de la rue Cuvier (»° 103 du plan). Les végétaux qu’on y cultive occupent des
planches différentes, selon la nature de leur fruit. Les arbres ou arbrisseaux dont le fruit est
une baie , tels que les Groseilliers, les Framboisiers , les Vignes , les Mûriers, sont rangés
dans la première division; dans lu seconde, vous voyez les arbres dont le fruit est à noyau,
comme les Cerisiers, les Pruniers, les Pêchers ; dans la troisième, sont les fruits à osselets,
comme les Néfliers, les Azeroliers, les Plaqueminiers ; dans la quatrième, les fruits à pépins,
tels que les Pommiers, les Sorbiers; cl les fruits juteux, tels que la Figue ; dans la cinquième,
les fruits dont on mange seulement l’amande , qui est renfermée dans une coque : ce sont les
Pins, les Noisetiers, les Noyers, les Châtaigniers , etc. La plupart do ces arbres sont taillés
en quenouille ; mais nous trouverons au bas de la plantation quelques Pêchers et autres arbres
disposés en espaliers. En adoptant la taille en quenouille dans l’Écolo des arbres fruitiers , on
n’a pas eu pour but d’indiquer la manière de conduire les arbres pour leur faim produirn
beaucoup de fruits et pour les faire durer longtemps ; on a préféré cette taille parc»*, qu’elle
économise le terrain, et met à portée de 1’obsorvateur les bourgeons, les feuilles et les fruits
de l’arbre , et fait pousser des scions plus longs et plus vigoureux , ce qui donne le moyen
d’avoir un plus grand nombre de greffes.
Vous voyez dans cette plantation toutes les variétés d’arbres fruitiers rapprochées les unes
des autres selon leurs affinités , et vous pouvez facilement les comparer : les fruits des diffé-
rentes saisons s’y succèdent depuis le mois de mai jusqu’au mois de novembre; ils y ont
disparu dans certaines variétés, tandis qu’ils ne sont pas encore mûrs dans d’autres. On peut,
en hiver, y étudier les caractères qui font distinguer les variétés par la couleur du bois et la
forme des boutons : connaissance précieuse pour les cultivateurs, puisque c’est après la chute
des feuilles que se font les plantations.
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Il El MÊME IMIITIK.
Je viens «le vous parler de variétés, de scions, de greffes , et je ne sais trop si vous m’avez
compris : je vais donc, pour avoir le droit de vous en parler encore, vous donner d’abord
quelques notions générales sur ln mode d’accroissement des végétaux , et ensuite vous entre-
tenir des modifications que la main de l'homme a su apporter à leur nature primitive. Ce sera
pour vous une leçon élémentaire d 'horticulture , qui vous fera aimer davantage les fleurs ul
les fruits de votre jardin.
Quand une graine est jeune encore dans l’ovaire , son tissu ne se compose que de petites
cellules placées les unes contre les autres (figurez-vous l’écumo de la bière ou de l’eau de
savon) ; ce tissu, qu’on nomme tissu cellulaire , se voit parfaitement dans une tranche fine de
pomme. Quand la graine commence à germer (et même avant sa germination), ces cellules
se modifient : les unes s’allongent en tubes cylindriques nommés vaisseaux, qui servent à
charrier la sève, et dont les parois offrent des épaississements divers; les autres s'allongent
aussi, et prennent la forme de petits fuseaux, à parois épaisses, s’ajustant les uns avec les
autres, et formant les fibres destinées à solidifier la plante : ce sont ces mêmes fibres qui
constituent les côtes ou nervures des feuilles; les autres enfin restent à l’état do simples
cellules, et s'imbibent des sucs qui leur sont fournis par les vaisseaux voisins, sucs destinés à
nourrir et à multiplier les cellules. Ces cellules contiennent de la fécule, du sucre, des acides,
des matières colorantes, de la résine, de l’huile, etc. On nomme parenchyme l’enscinblo des
cellules; ce que vous mangez dans les fruits et les légumes, c’est le parenchyme ; les carottes,
les navets, les asperges, etc., no vous plaisent qu’à cause de leur parenchyme; mais quand
ces légumes sont boisés, e’est-à-dire quand, avec l’âge, les cellules se sont épaissies et refou-
lées les unes contre les autres de manière a former des faisceaux fibreux , ces mêmes légumes
sont rejetés par vous. Voilà pourquoi , par exemple , les carottes de la seconde année ne sont
plus comestibles; voilà pourquoi les jeunes pousses d’asperge, que l’on recherche au prin-
temps, ne peuvent nous servir quand elles se sont allongées en rameaux et en feuilles.
Il v a des plantes, telles que les Lichens et les Champignons , qui sont
uniquement formées de tissu cellulaire; il y en a d’autres, beaucoup plus
rares, chez lesquelles il n’y a que des fibres : telle est par exemple la petite
Jlenonculc aquatique à fleur blanche, dont les rameaux, sans cesse lavés
par l’eau , se réduisent à de longs filaments verts que l’on voit ondoyer dans
le courant dos ruisseaux; telle est 17 lydrogeton feneslrate , autre plante
aquatique, dont les feuilles sont percées dn trous, et forment un réseau très-
élégant de mailles parallélogrammes, qui 11e sont autre chose que des fibres
sans parenchyme.
Kntrc les cellules, sont des espaces tortueux qui tous aboutissent à la
surface des feuilles et des parties vertes de la plante. Je vous ai dit que la
pellicule, ou épiderme des végétaux, est criblée d’une infinité de petits trous,
par lesquels l’air pénètre dans l’intérieur de la plante. C’est précisément à
ces orifices , qui ont la forme d’une bouche béante , que répondent les
espaces intercellulaircs ; l'air pénètre dans ces espaces qui contiennent de la sève, et c’est là
que s’opère cetle merveilleuse élaboration, dont le résultat est de nourrir la plante et de puri-
fier l’atmosphère viciée par les animaux.
L’accroissement de la tige, dans les végétaux à deux cotylédons ( dicotylédones ), a lieu en
hauteur et en épaisseur. Quand \s jeune tige et la jeune racine s'allongent, l’une en montant
vers le ciel, l'autre en s’enfonçant dans le sol, le tissu cellulaire, qui occupe le centre do ces
parties, reste lâche et diaphane, c’est ce qu’on nomme la moelle ; les cellules qui entourent
cette moelle centrale s’organisent bientôt, et s’endurcissent de manière à former autour d’elle
une sorte d'étui ; cet étui ne larde pas à se dédoubler en deux couches distinctes, dont l’exté-
rieure est Y écorce , et l’intérieure le bois. (Je ne parle ici que des tiges ligneuses , bien que la
tige herbacée offre la même conformation ; mais comme elle est abreuvée de sucs aqueux , et
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ÉCOLE DES ARBRES FRUITIERS. 73
qu'elle prend uo moindre développement , son tissu mou est incapable de résister aux agents
extérieurs de destruction , et elle n'a que peu d'années nu peu île mois d’existence. )
L'écorce est ta pis sis- extérieurement par une pellicule transparente très-fine nommée épi-
derme; sous cet épiderme est uno couche verte de tissu cellulaire, qu'on nomme moelle
externe, pour la distinguer de la moelle centrale. Celle moelle externe est revêtue intérieure-
ment par les libres de l’écorce ; ces fibres s'appliquent contre celles du bois. La communication
entre les deux moelles est établie par des prolongements de tissu cellulaire , qui , lorsqu’on
observe une tranche horizontale de la tige , ont l'aspect des rayons d’une roue , ou des lignes
horaires d'un cadran. Chacun île ces prolongements provient en partie de la moelle interne,
en partie de la moelle externe, et passe entre les fibres du bois et de l'écorce.
Voici maintenant comment s'accroît la tige : les fibres longitudinales do l'écorce sont sépa-
rées les unes des autres, comme je vous l’ai dit, par le tissu cellulaire, qui est divisé par elles
en lignes rayonnantes , qu'on a nommées les rayon» médullaire». Le tissu cellulaire .qui se
trouve entre les vaisseaux de chaque libre, se développe à son tour dans le centre de ces
fibres, et forme un nouveau rayon médullaire qui aboutit à la surface interne do l'écorce; co
nouveau rayon , et les rayons primitifs qui se trouvent entre les premières fibres , produisent
dans leur intérieur un nouveau faisceau fibreux qui, en grossissant, divise et dédouble le
rayon médullaire au milieu duquel il est né. Dans le centre de chacune des divisions du fais-
ceau primitif et du nouveau faisceau central s’engendre ensuite un autre rayon médullaire , et
dans ceux-ci se créent successivement de nouvelles fibres : de cotte manière, leur nombre
s'accroît sans cesse ; elles deviennent très-rapprochées , et forment une couche continue. Le
bois s'accroît de la même, manière que l’écorce; il est d'abord composé de la moelle centrale
qni engendre des fibres autour d’elle; dans l'épaisseur des rayons médullaires se développent
de nouvelles fibres, et les fibres primitives sont bientôt séparées, parce que le tissu cellulaire
de leur intérieur se développe et forme un rayon médullaire, lequel est bientôt divisé lui-même
par une fibre engendrée à son centre. Ainsi s’opère l'accroissement en largeur.
L’accroissement en hauteur a lieu d'une manière tout à fait semblable : la moelle du bois
s’allonge à son extrémité (laquelle extrémité fait nécessairement partie de la surface exté-
rieure) : à mesure qu'elfe s’accroît, elle se recouvre de fibres qui se continuent avec celles de
la surfare externe , puisque c’est une même couche qui so développe sur touto la superficie.
LYcôrcc doit son augmentation à un procédé analogue; mais sa partie vivante étant interne,
c’est sur sa face interne que se forment les fibres. — D’après cette théorie, que nous devons
à M. Dutrochct, vous voyez 1° que l'accroissement se fait par couches à l'extérieur du bois et
à la surface interne de l’écorce ; 2° que c'est le tissu cellulaire qui engendre tous les autres.
— En voutez-vous deux preuves convaincantes ! Tracez des caractères sur un arbre, en entail-
lant l’écorce dans touto son épaisseur, et en entamant même le bois; ces caractères seront
bientôt séparés en deux parties : la partie creusée dans le bois est recouverte par les nouvelles
couches, et se trouve ainsi renfermée; celle qui occupait l’épaisseur de l’écorce est repoussée
au dehors par les fibres de nouvelle formation ; ainsi les deux portions de caractères sont
séparées par les couches de bois et d'écorce tout à la fois ; donc ces parties croissent en sens
inverse. — Si maintenant vous voulez vous assurer que c'est le tissu cellulaire qui engendre
toutes ces parties, coupez par tranches menues, au printemps, une tige charnue : vous voxez
au point da jonction de i’écorce et de la tige une couche transparente , qui est la partie nou-
vellement développée ; si vous enlevez l’écorce, vous enlevez avec elle la moitié de celte
couche transparente ; l'autre moitié reste adhérente au bois. Cette séparation s’opère sans
déchirure ; le bois et l'écorce ne sont donc que juxtaposés, tous deux se séparent d’eux-mêmes
en proiluisant une couche au point de contact. Cette couche , d'abord entièrement cellulaire,
se continue avec les deux moelles, n’en est par conséquent qu’une émanation, et, puisqu'elle
forme les fibres , il faut conclure que c’est le tissu cellulaire qui est la source primitive de
toutes les productions.
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Coin i*ni tig*
DEUXIEME PARTIE.
Mais quoi est l’aliment qui, en nourrissant les cellules, leur donne cette faculté créatrice?
c’est la sève. Ce liquide, que les racines ont pompé dans le sol, monte dans la tige par les
vaisseaux qui entourent la moelle centrale, et se répand en mémo temps du centre à la circon-
férence; il en arrive ainsi dans les parties vertes des végétaux, principalement dans les feuilles:
celles-ci étant le siège de la transpiration, et faisant offleo de poumons , mettent la sève en
communication avec l’atmosphère; la sève se dépouille alors de la plus grande partie de son
eau, s’enrichit du carbone que lui apporte l’acide carbonique de l’air, s’assimile on même
temps le carbone qu’elle avait puisé dans le terreau, acquiert ainsi de nouvelles propriétés, se
transforme en suc nourricier, et redescend des feuilles vers la racine entre le bois et l’écorce :
c’est celte sève descendante qui abreuve le tissu cellulaire, et produit chaque année une couche
d’écorce et une couche de bois.
Le bois d’un arbre dicotylédone se trouve donc formé do cônes très-allongés, dont le
sommet est en haut, et qui s’emboîtent les uns dans les autres, de manière que le plus récent
est aussi le plus extérieur. Si vous coupez transversalement lo tronc do cet
arbre , vous verrez sur la tranche des cercles concentriques qui sont la limite
des couches formées chaque année, et dont le nombre peut par conséquent
indiquer l’âge de la tige : si vous observez la tranche d’un rameau , les zones
no vous apprendront que l’âge de ce rameau : pour savoir celui de l’arbre, il
faut le couper au collet de la racine.
Les tiges des végétaux à un seul cotylédon ( monocotylédoncs ) s'accroissent d’une manière
toute différente. Si vous observez la germination d’une graine do palmier, vous verrez qu’il ne
s’élève plus de jeune tige : c’est le jeune bourgeon qui forme une gerbe de feuilles; du contre
de cette gerbe s’en élève une autre, qui rejette les premières en dehors; celle-ci persiste par
sa base seulement, et forme sur le collet de la racine un anneau qui devient la base de la tige :
ce ne sont donc plus des cônes creux emboîtés , ce sont des anneaux superposés, et la tige ne
croît qu’en hauteur. — Le tronc d’un arbre monocotylédone, coupé en travers, n’offre ni
zones concentriques, ni rayons médullaires, ni moelle centrale : le bois est
divisé en filets nombreux , tantôt épars , tantôt disposés par faisceaux ; chacun
de ces faisceaux est entouré de moelle ou tissu cellulaire ; les parties les plus
centrales sont les plus jeunes et les moins dures; c’est ce qui a fait dire à quel-
ques botanistes que le tronc d’un arbre monocotylédone est comparable à une
tige dicotylédone privée do sou bois , et dont l’écorce s’est développée à l’inté-
rieur, do manière à confondre enscmblo tous les faisceaux fibreux.
Parlons maintenant des divers modes de reproduction que la nature a accordés aux végé -
taux : vous connaissez la reproduction par fécondation : elle est opérée par le pollen jeté sur
le stigmate, qui a ensuite passé dans l’ovaire entre les cellules du style; — mais les plantes
se multiplient par plusieurs autres moyens, dont les principaux sont : les boutures, les mar-
cottes , les drageons , les stolons, les tubercules et les bulbilles .
La bouture est une jeune branche que l’on sépare d’un végétal , et que l’on met on terre
pour produire un nouvel individu. On choisit, dans le temps de la sève, une branche saine,
vigoureuse, garnie de boutons, et verticale plutôt qu'horizontale; on enlève avec l’ongle les
boutons situés sur la partie qu’on doit enterrer, mais on respecte les bourrelets *(ui leur ser-
vent de support , car co sont eux qui doivent produire les racines : ce moyen de reproduction
s’applique surtout aux Saules, aux Peupliers, etc.
La marcotte est une branche tenant au tronc , dont on environne la base de terre humide
pour y provoquer la formation de racines ; quand les racines sont développées , on sépare les
branches de la plante mère , et on les met en terre comme une bouture.
Les drageons sont des branches qui naissent au pied do plantes ligneuses et herbacées , et
qui, séparées avec un fragment de la racine, puis mises en terre, peuvent former de nouveaux
individus; c’est ce qu’on peut expérimenter sur les Violettes, la Vigne , Y Olivier, etc.
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PL. *.
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ÉCOLE DES ARBRES FRUITIERS.
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ÉCOLE DES ARBRES FRUITIERS. 75
Les stolons ou coulants sont des branches poussant du collet des racines , tombantes , et
produisant, d’espace en espace, supérieurement des racines, inférieurement des feuilles : c’est
ce que vous observez dans le Fraisier.
Les tubercules sont des masses épaisses, contenant du tissu cellulaire dont les mailles sont
remplies de fécule, et entre-croisées par quelques vaisseaux qui se rendent i la surface. Celto
surface offre de petites cicatrices ou yeux, qui ne sont autre chose que de véritables bour-
geons souterrains, aptes A produire de nouveaux individus : c’est ainsi que la Pomme de terre
peut se reproduire ; la Pomme do terre est un véritable rameau souterrain , gonflé de paren-
chyme , d'où naissent des racines et des feuilles.
Les bulbilles sont des corpuscules écailleux ou charnus qui naissent sur diverses parties de
certains végétaux , so détachent do la plante mère, s’enfoncent en terre, et produisent de nou-
veaux individus : c’est ce qu’on observe dans une espèce i'Ail et une espèce de lis.
La greffe est un mode de reproduction des végétaux ligneux , qui consiste A implanter sur
un individu une branche ou un bouton d’un autro individu. Pour que la greffe réussisse , il
faut que les deux individus appartiennent au même genre et à la même famille; que leurs
vaisseaux soient conformes, pour pouvoir s’aboucher; que leurs sucs soient identiques; qu’ils
absorbent la même quantité do sève, et entrent en sève à la même époquo : lorsque ces con-
ditions sont remplies, ot que l’on met en contact les fibres intérieures do leur écorce, la
branche ou le bouton greffé se développe comme i sa place naturelle. L’individu sur lequel
on pratique la greffe s’appelle sujet, cl l'individu qu’on lui fait adopter s’appelle greffe.
§ 111.
l.F. PA HTER It F DES l’LAMES MÉDICINALES, LE CARRÉ POTACEIl ET DES
PLANTES l SCELLES , 1.E CARRÉ CRELX, LE CARRÉ ELEIRISTE, LE
PARTERRE CIIAPTAL.
Descendons maintenant vers la terrasse qui
Y tt »i- Jarpis rut* L» rw» »
conduit b la porte d’entrée du coté de la
rivière (n° 06 du plan) : en face de cette
porte sont quatre carrés consacrés à la
culture des plantes médicinales, dont on
fait des distributions gratuites aux pau-
vres. Elles y sont déposées par bandes et
toutes étiquetées, pour que les herboristes
et les étudiants en pharmacie puissent les
examiner dans tout leur développement.
Le Carré qui vient à la suite du Parterre
médicinal porte le nom de Carre" potager
(n« 95 du plan ) , dont nous parlerons plus
en détail tout à l’heure ; on y cultive los
plantes potagères et usuelles.
Le Carré creux (n° 94 du plan ) , au
fond duquel il y avait autrefois un bassin
destiné à la culture des plantes aquatiques
qui devaient recevoir par infiltration les
eaux île la Seine , est maintenant consacré
à la culture des plantes à fleur, dont on
veut étudier l’effet pour l’ornementation
des jardins.
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DEUXIÈME PARTIE.
Après le Carré creux, viennent le Carré fleuriste (n° 93 du plan), les Carré » Ch'aptal («°92
du plan), où l'on cultive les piaules d'ornement vivaces. Le Parterre Cheptel doit son nom
au ministre qui accorda les fonds nécessaires pour l’établir. Vous y pourrez admirer do lon-
gues ligues ti’ Iris, des Pivoines, des Marlagons, des Asters, des Dahlias, des Géraniums, et
de charmantes fleurs propres aux bordures.
Dans le Carré potager et des plantes usuelles (n” 93 du plan), qui suit immédiatement le
Parterre des plantes médicinales , les plantes ne sont point rangées selon une méthode bota-
nique, mais par ordre de propriétés. Il y a des carrés pour les plantes qui nourrissent l'homme,
pour les plantes propres à servir de fourrages, et pour les plantes employées dans les arts. Là
sont les Céréales (Froment, Avoine, Orge, Seigle, Mais)-, les Légumes farineux ( Haricots ,
Fèves, Puis, Utilities, clc.l ; les piaules potagères ( Patates , Topinambour, Scorsonère, Choux,
Ipinards, Oseille, Artichauts, Choux-Fleurs, Capucines, Courges, Melons); les Semences
ou les feuilles aromatiques ( Coriandre , Anis, Fenouil, Persil); les plantes mangées on salade
( Laitue , Chicorée, Miches). Là sont aussi les plantes textiles (Lin, Chanvre, Phormium
lenax) ; les plantes tinctoriales (Garance, Pastel) ; les Herbes à fourrages (Graminées, Trè-
fles, Lu lentes. Sainfoin); enfin, le Houblon, le Tabac, le Chardon ü foulon, qui onl un
usage particulier.
L'École des plantes usuelles est une véritable ferme-modèle en raccourci. Chaque massif
représente un champ destiné à chacun des Végétaux herbacés qui sont utiles à l’homme, et
qui peuvent croître dans nos climats. Ou a soin d'alterner les cultures, pour ne pas mettre
plusieurs années do suite les mêmes piaules dans le même terrain ; cette alternance est fondée
sur la propriété spéciale, apparteuant à chaque plante, de ne puiser dans le sol que les maté-
riaux qui lui conviennent, et de laisser ceux qui ne peuvent la nourrir, mais qui pourraient
nourrir une espèce différente.
Ceci me fournit l'occasion de vous dire quelques mots sur les variétés. Vous savez que le
mot Espèce, en botanique, exprime la réunion d’individus assez semblables entre eux pour
être supposés issus d’une même graine; vous savez qu'un Genre est la réunion des espèces
analogues par les organes de la fructification; vous savez enfin qu'une Famille est la réunion
de tous les genres gui, malgré des différences dans la forme extérieure du calice, de la corolle,
<iu pistil, dans le nombre des étamines et dans le port de la plante, onl entre eux une affinité
réelle, fondée sur le calice libre ou adhérent, l'ensemble des pétales, le point de départ des
étamines, l'agencement du pistil et l'organisation de la graine. Ainsi, la Famille se divise en
Genres, et le Genre en Espèces; mais l'Espèce elle-même peut se subdiviser : plusieurs indi-
vidus provenant dos graines d’un même ovaire peuvent être placés dans de certaines condi-
tions, différentes pour chacun d’eux. L’un végétera sur un rocher aride, l’autre dans un sol
marécageux; celui-ci sera abrité, celui-là sera battu des vents; l’homme lui-même pourra
faire naître volontairement ces circonstances extérieures, et les combiner selon ses besoins.
Le Végétal, soumis à ces diverses influences, finira par éprouver des changements dans ses
qualités sensibles, telles que le volume du la racine, les dimensions, la consistance et la durée
de sa tige, lus nuances ot le parfum de sa fleur, la saveur ut les dimensions de son fruit, etc.
— Mais eus changements, quelque grands qu’ils puissent être, n'effaceront pas le caractère
primitif de l'espèce, que l'on reconnaîtra toujours au milieu de ses modifications. L'ensemble
des individus d'une même espèce qtû ont subi une modification semblable, porte le nom de
VARIÉTÉ.
Les caractères d’une Variété, tenant à des causes accidenlellcs, no sont jamais constants :
dès que la cause altérante s’arrête, l'altération cesse, et l’espèce primitive reparaît avec son
type originel. La plupart des Variétés sont l'ouvrage de l'homme : il a observé attentivement,
il a continué avec persévérance, il a même exagéré les circonstances accidentelles qui avaient
donné lieu à une modification quelconque dans les qualités de l'espèce; et la plante sauvage
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PL . 5 .
CLüanrafls.
Ii* p H a» g .u d -Maître
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PARTERRES ET CARRÉS,
a reçu entre ses mains dos porfeetiomieiueuts prodigieux, au bénéfice du cultivateur. « Sans
la culture, dit Linné, le doux Raisin serait acide; la suave Pomme, acerbe; la délicieuse
Poire, austère; la succulente Pèche, aride; la grasse et lisse Laitue, maigre et épineuse; la
pulpeuse Asperge, fibreuse; les sapidcs Cerises, aigres; les Céréales seraient sans fécule ; les
Légumes et les Fruits s'aviliraient. » L’horticulteur a changé la fleur de l'Églantier en Roses
doubles et pleines ; il a rendu vivaces les plantes annuelles ; il a supprimé les pédoncules à
fleurs du Réséda, et la tige do cette plante (qui chez nous est uno herbe) , fortifiée de la sève
destinée aux fleurs, est devenue un arbrisseau, comme dans sa patrie primitive. Les Ranksia,
les Casuarina, les Eucalyptus de Van-Diémen, la Bclte-de-Nuil et les Dahlias du Pérou,
fleurissent dans leur hémisphère pendant l’été, qui coïncide avec l’hiver du nôtre; apportés
en France, ils conservaient les mêmes habitudes, suivaient les mêmes périodes do végétation,
et le froid les faisait périr; le jardinier les a cultivés en serres, en a obtenu des graines, et a
semé ces graines à une époque favorable; la plante, forcée d’entrer en sève au printemps, a
fleuri pendant l'été, fructifié en automne, et s’est naturalisée dans nos jardins.
La variété, une fois obtenue, peut se reproduire identique par boutures, marcottes, tuber-
cules, drageons, greffes, etc.; mais la graine ne conserve pas la variété; elle tend toujours à
reproduire le type primitif de l'espèce, il y a cependant des plantes dont les variétés se multi-
plient par graines, pourvu que l'on couscrve les conditions do culture qui ont modifié l’es-
pèce; telles sont les Céréales, qui forment non pas des variétés, mais des races, dont le type
originel est perdu.
Le Chou potager va vous fournir un exemple frappant de cette perfectibilité, ou, si l’on
veut, de cette propension i dégénérer, que nous venons do signaler dans l’espèce végétale.
Vous avez ici, sous les yeux, cinq variétés principales du Chou potager : 1° la variété nom-
mée Chou sauvage est le type primitif de l'espèce : la racine est cylindrique et élevée hors de
terre; les feuilles sont d’une couleur vert do mer, les inférieures sont très-larges, pétiolées,
presque charnues et à bords sinueux; les supérieures sont sossiles, embrassent lu lige, et
leurs bords sont très-entiers; 2° la variété nommée Chou frisé ou Chou de Milan a mie tige
cylindrique, un peu allongée ; les feuilles sont presque en tête dans leur jeunesse, puis éta-
lées et crispées ; 3° la variété nommée Chou cabus ou Chou pommé a une tige cylindrique,
courte; les feuilles sont vertes ou rouges, concaves, non frisées, ramassées en tête avant la
fleuraison; 4” la variété nommée Chou-Bave a sa tige renlléo et globuleuse h l’origine des
feuilles ; 5" la variété nommée Chou-Fleur a ses pédoncules ramassés et serrés avant l'époque
de la fleuraison ; la sève se jette sur ces pédoncules , et les transforme en une masse épaisse,
charnue, tendre, mauielounée ou grenue : c’est en cet état qu’on sert le légume sur nos
tables. Si on laisse vivre la plante, cette tige informe et rabougrie s'allonge, se divise et porto
des fleurs. — Telles sont les modifications que la culture fait subir au Chou potager, et qui
altèrent si profondément en lui la physionomie de l'état sauvage. Elles sont dues uniquement,
comme vous le voyez, au développement exagéré du parenchyme, qui s’accumule tantôt
dans les feuilles (Chou cabus), tantôt au bord seulement do ces feuilles (Chou frisé), tantôt
en bas de la tige (Chou-Rave), tantôt enfin dans les pédoncules (Chou-Fleur).
S IV.
LES PÉPINIÈRES ET BOSQLETS.
Sortons maintenant du Jardin pour visiter la Pépinière centrale, située dans les terrains
dépendants du Jardin et se trouvant au delà de lu rue de Buffon (n° 100 du plan). C'est là
qu’on élève les arbres, arbrisseaux et arbustes nécessaires pour garnir les différentes parties
du Jardin. On y propage toutes les espèces intéressantes qui sont nouvellement introduites,
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DEUXIÈME PARTIE,
ou qui no sont pas encore répandues dans le commerce, et l’on en donne de jeunes pieds aux
correspondants du Muséum. Je vais vous indiquer les espèces les plus remarquables.
Voici d'abord le Cognassier de la Chine, à grandes et belles (leurs roses, et A calice non
cotonneux. On le greffe sur notre Cognassier de France ; il a fleuri au Jardin pour la pre-
mière foison 181t. Voici une Ronce à fleur double; c'est notre Ronce sauvago que l’horti-
culteur a civilisée, aux dépens de sa fructification. Voici IMcncin tortueux et le Myrica de
Pensylcanie; il y a une espèce do ce genre (Myrica cerifera), dont les fruits donnent, par
leur ébullition dans l'eau, uno cire avec laquelle on fait des bougies d’une odeur agréable. Co
joli arbrisseau, toujours vert, appartient à la famille des Jasminées : c’est le Fontanesia
phyllyreoides, originaire do Syrie, que M. de la Billardiére a décrit le premier, et auquel il a
donné le nom du professeur Desfontaines. Cet Orme pyramidal n'est autre chose qu’une
variété de l’Orme champêtre. Voici un Aralia épineux, de l’Amérique septentrionale. Voici un
joli Marronnier à fleurs rouges. Voici le Pêcher d’Ispahan, dont Olivier apporta des noyaux
à son retour do Perse, en 1780; ce noyau est peu ridé, et a l'aspect de celui de l'Amandier.
l,e Jujubier, que vous avez sous les yeux, appartient au genre des 1 \erpruns; il est originaire
de Syrie, ce fut Papirius qui le transporta en Italie; vous connaissez le goût On de ses fruits,
nommés Jujubes. Cet Aune à feuilles découpées est une variété de l'Aune commun. Voici
V Aralia du Japon, dont la feuille est énorme, et découpée en folioles si nombreuses, qu’on
croirait voir autant de feuilles distinctes; mais vous savez que la fcuillo abrite un bourgeon à
son aisselle : ici les folioles n’eu ont pas, et c'est seulement à lu base du pétiole principal que
vous voyez le bourgeon; toutes ces folioles forment donc une feuille unique.
Nous allons visiter les succursales de la Pépinière en rentrant dans le Jardin par la grando
porte de la rue do Buffon. Nous trouvons d’abord un carré clos (n° 98 du plan), primitive-
ment consacré aux arbres qui conservent leur verdure toute l’année : do là son nom de Bos-
guet d'hiver; mais les arbres verts n’y ont pas prospéré, et il n’en reste qu’un petit nombre.
Ce carré sert maintenant |>our la propagation, par boutures, dos arbres et des arbustes, t ous
y pouvez voir le Houx des Iles Baléares ( Houx de Mahon ) greffé sur le Houx de notre pays,
et le Pin de Caramanie, variété du Laricio, dout les pousses sont jaunes à leur extré-
mité.
Le carré clos, qui fait suite A celui d'où nous sortons, contenait d’abord exclusivement
uue collection dos arbres dont les feuilles et les fruits se colorent pendant l'automne ; de là
son nom de Rosguel d'automne ; on y trouvait autrefois des Aliziers, des Néfliers, des Sor-
biers , des Poiriers , etc. ; maintenant c’est une école des arbres à fruits à noyau , tels que
Pruniers, Cerisiers et Abricotiers (n" 99 du plan). Là nous voyons le Frêne d'Amérique ou
Frêne blanc, le Plagueminier de Virginie ( Diosphyros Virginiana), le Bouleau noir d' Amé-
rique ( Detula papy ri fera) , que l'on a greffé sur le Bouleau de France ; son écorce se détache
par larges plaques dont les sauvages font des canots. Voici le Tilleul argenté, greffé sur le
Tilleul d'Europe, et le Cincko A feuilles bilobécs, le plus beau des individus cultivés dans le
Jardin; c’est un arbre du Japon, appartenant à la famille des Conifères; son feuillago singu-
lier ne vous l’aurait pas fait soupçonner, mais son fruit est tout à fait analogue à celui de
l’If; il est gros comme uue Pomme, et contient une amande qu'on sert sur les tables; il fut
introduit en Angleterre, au milieu du siècle dernier, cl, peu après, M. Petiguy l'apporta eu
France.
Nous arrivons maintenant dans un bosquet sans déluré, qui formait autrefois le Bosquet
d’été (n° 1 00 du plan) et le Bosquet de printemps (n* 101 du plan); vous y remarquerez le
Frêne d feuilles simples ( Fraxinus monophylla); diverses espèces de Celtis ou Micocoulier ;
le Chicot (Gymnocludus canadensis); cet arbre, de la famille des Légumineuses, porte des
feuilles divisées eu folioles nombreuses; ces feuilles ont jusqu'à trois pieds de longueur; en
hiver, lorsqu'elles sont tombées, les branches, qui sont on petit nombre, donnent à l’arbre
l'aspect d’un arbre mort : de là son nom de Chicot. Nous y trouvons aussi un très-beau Aeyer
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PÉPINIÈRES ET ROSQl ETS. *9
noir de Virginie, dont le bois, d'un violet foncé, noircit avec l'âge, op travaille pas , n'est
jamais attaqué par les vers, et donne de très-beaux meubles; on pourrait le greffer sur le
Noyer commun, il pousse plus vite que ce dernier, et son bois est supérieur. Voici le Férier
d trois épines ( Glediteia triacantlios) , arbre nu feuillage fin et au port élégant. Tous ces Vé-
gétaux sont exotiques, et, pour la plupart, originaires de l'Amérique septentrionale.
Remarquer sur leur tronc, du cèle qui regarde le midi, la trace du terrible hiver de 1789;
ce fut l’action du soleil, succédant brusquement à celle du froid, qui endommagea le tissu de
la tige.
Le Bosquet du printemps avait autrefois une étendue double : quand on construisit le pont
d’Austerlitz, on en retrancha une partie pour agrandir le quai; les arbres qu'on enleva furent
transportés do l'autre côté du Jardin, à la suite do V École de culture; ce Bosquet, défendu de
la poussière par un rideau de Thuyas, est presque complètement détruit; nous n'y trouverons
plus que le Poirier à feuille de Saule, le Pommier d baie, le Néflier à feuille de Prunier et
le Cornouiller mûle.
S V.
JARDIN DES SEMIS. — JARDIN DE NATURALISATION.
Remontons maintenant l'allée des Marronniers; après avoir longé la limite méridionale de
la Vallée Suisse el les fosses des Ours, nous arrivons vis-à-vis de deux jardins enfoncés d’en-
viron dix pieds au-dessous du sol; ce sont : 1° le Jardin de Naturalisation ; 2° le Jardin des
Semis (n° 89 du plan). Commençons par ce dernier.
Le jardin des Semis, destiné à entretenir et augmenter les richesses végétales du Muséum,
n’existe que depuis 1786; Ruffon en confia l'ordonnance à André Thouin, jardinier en chef.
Dans cet endos, abrité par sa position contre les vents et le soleil, on sème, on fait lever, ou
conduit jusqu’à l’époquo de la transplantation, les Végétaux de tous les climats. La porto
d’entrée est au bout de la terrasse de deux cents pieds de long, qui occupe le devant de la
serre tempérée. Pendant la belle saison, cette terrasse est garnie des arbres et arbrisseaux
qui ont passé l’hiver dans la serre : vous pouvez, de l'allée des Marronniers, jouir du coup
d'œil magnifique de cette exposition.
Dans ce jardin garni do châssis et de couches, les plantes sont distribuées d'après la nature
du climat qui leur convient : les unes sont constamment protégées par des châssis, et trou-
vent, dans des couches chaudes, la température de leur patrie; ce sont les plantes tropicales.
Les autres , qui appartiennent à des régions tempérées , sont abritées
également contre les vents du nord et les ardeurs du soleil. D'autres ,
enfin, sont placées de manière à ne recevoir que quelques rayons le matin
et le soir : ce sont les Végétaux des régions polaires et des montagnes
couvertes de neiges éternelles. Vous verrez parmi ces plantes de jolies
Fougères du nord, des Daplmés, des Gentianes, des Géraniums alpins,
la Violette d fleur jaune, les Androsaces, les Primevères et Saxifrages des
Pyrénées, la Soldanelle des Alpes, V Absinthe des Glaciers, les Renoncules,
les Saules nains, etc.
La plate-bande adossée à l’allée des Marronniers est partagée dans son
milieu par un passage souterrain et voûté, qui conduit à l’École de botanique.
Le jardin de Naturalisation est à l’est de celui que nous venons de visiter ; il en est séparé
par une plantation de hauts Thuyas, et un mur de clôture, au milieu duquel est la porte
d'entrée : sa largeur est d'abord la même que celle du jardin dns Semis, mais il se rétrécit en
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DEUXIÈME PARTIE.
allant vers l’est, ce qui rend sa forme irrégulière. La face qui se présente au levant est des-
tinée à recevoir pendant l’été la plupart des arbres et arbustes de la Nouvelle-Hollande, qui
ont passé l’hiver dons la serre tempérée : ce sont les Melrosideros, Embolhrium , Melaleuca,
Eucalyptus, etc. Le long des murs qui entourent le jardin des trois autres côtés, on voit, au
midi, des Pistachiers, des Jujubiers, des Grenadiers, des Câpriers, etc. Au nord, des arbris-
seaux et des plantes vivaces des pays froids, tels que des Spirëes de Sibérie, des Orchidées ,
des Fougères, etc. Ce jardin est coupé transversalement par doux allées de Thuyas, qui sont
rapprochés les uns des autres, et sous lesquels on élève eu pots les plantes qui croissent dans
les forêts les plus épaisses, et ont besoin d’être cultivées à l’ombre. Le reste du jardin est
divisé en plates-bandes destinées à la culture des plantes vivaces de pleine terre les plus
intéressantes et les plus rares.
S VI.
LES ALLÉES ET LES COLLINES.
Nous n'avons vu jusqu’ici que les Carrés considérés isolément : il faut maintenant les
examiner dans leur ensemble avec les diverses allées qui les séparent. Nous terminerons
cette revue générale par une promenade sur les deux collines situées au nord-ouest du
Jardin.
Prenons pour point île départ ta cour du Cabinet d’histoire naturelle; devant cette cour
s’étendent, jusqu’au quai, deux magnifiques allées de Tilleuls, plantées par Buffon en 1740.
— Passons à l’angle sud do la cour, et
entrons dans l’allée qui borde la lisière
méridionale du Jardin; suivons- la dans
toute sa longueur : nous avons à notre
gauche le Parterre Chaptal , à notre droite,
les galeries de Botanique et de Minéra-
logie ; devant les galeries sont quelques
arbres plantés jadis par Toumefort et Ber-
nard de Jussieu : voici d’abord un Sophora
du Japon, le premier qui ait été cultivé en Europe; ce fut le P. d’hiearville qui eu envoya des
racines en 1747 à Bernard de Jussieu; il fleurit pour la première fois en 1779; jusqu’alors
on l’avait nommé l'arbre inconnu des Chinois (arbor incognito Sinarum) : sa fleur fit voir
qu’il appartenait à la famille des Légumineuses; c’est un arbre dont le bois est très-dur, et
qui pousse avec beaucoup de vigueur dans les terrains pierreux ; un Genévrier élevé
perus cjrcelsa) , qui a quarante pieds de haut, et seize pieds jusqu’à la naissance des bran-
ches; il fut apporté du Levant par Toumefort; c’est presque le seul qui existe en France ;
nous n’avons que l’individu à étamines; le Chêne Yeuse (Qucrcus /lex), le Micocoulier d'Amé-
rique ( Celtis occidenlalis ), grand arbre de la famille des Amen lacées, dont le bois est dur et
propre à faire des meubles; eufin le premier Acacia venu de l’Amérique septentrionale, que
Vespasien Robin, qui en était possesseur, planta, quand il fut nommé sous-démonstrateur de
botanique, lors de la fondation du Jardin, en 163’». De lui sont venues les graines qui ont
servi à naturaliser en France l’un des arbres les plus élégants et les plus utiles «le notre pa-
trie; c’est en mémoire de ce service, rendu par Kobin, que Linné a donné au genre le nom
de Bobinin ; le nom d’espèce de celui-ci est Pseudo-Acacia (car ce n’est pas l’Acacia véri-
table). Ce palriarehe du Jardin a subi l’injure des temps. Il avait autrefois plus de soixante
pieds d’élévation, mais les branches supérieures s'élant successivement desséchées, on a été
obligé de le receper pour le faire repousser du tronc.
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ALLÉES HT COLLINES.
Nous sommes à la limite «lu Parterre Chu pial ; nous avons à droite le petit pavillon-café,
«tue le vieux B obi nia protège de ses rameaux vénérables; à notre gauche s'étend une allée
qui sépare d’abord le Parterre Chaptal «lu Carré Fleuriste. Cette allée est ornée, dans la belle
saison, par des arbres en caisse qu’on a retirés de la serre tempérée. En longeant le Carré
Fleuriste, h gauche, nous longeons à droite le Carré des Semis de pépinière (n° 97 du plan).
Nous arrivons ainsi vis-à-vis de la porte qui ouvre le Jardin sur la rue de Buffon : à droite
est l’allée dite des Tulipiers ; il n’y en a plus qu’un; les autres sont morts, et on les a rem-
placés par des Noyers d’Amérique {le Noyer-Olivier et le Noyer cendré ); à gauche est une
allée séparant le Fleuriste du Carré Creux; cette allée est garnie de deux rangées d’arbres; la
ligne adossée au Fleuriste se compose de Néfliers à feuilles étroites (Mcspilus lin caris) , dont
les branches horizontales sont d’un effet pittoresque. La ligne a«lossée au Carré Creux est
formée par le Kœlreuteria paniculata, jolie espèce d’arbre, originaire de la Chine, qui a été
introduite en France en 1789.
Après avoir «loublé le Carré Creux et 1«‘ Bosquet d' Hiver, nous arrivons entre «leux allées
latérales, dont l’une, à gauche, est garnie de deux rangées d 'Acacias parasols; cet arbre n’est
autre chose qu'une variété sans épines du Bobinia Pseudo- Acacia, dout nous parlions tout à
l’heure: le feuillage s’est développé aux dépens des fleurs; l'allée de droite porte encore le
nom «l 'Allée des Mélèzes, mais les Mélèzes n’y ont pas réussi. Vous voyez à leur place diverses
espèces d’arbres : ce sont le Noyer noir, que vous avez déjà vu ; Y Erable sucré, dont la sève
fournit un sucre abondant aux habitants du Canada; YUlmus americana, le Févier d longues
épines ( Gleditzia macracanlha) , arbre exotique très-élégant, comme toutes les espèces du
mémo genre, et VAllouchier (Cratægus aria), qui appartient à la Flore française. Remarquez,
au nord du Bos«|uet d’Automne, ce beau Planera crenala, genre voisin des Ormes, et un lw?l
individu do Gincko bilobé.
Après avoir passé le Carré des plantes usuelles et potagères (i»° 9.» du plan), «l’une part, et
le Bosquet d’Automne, de l’autre, nous trouvons à droite Y Allée des Erables : elle est formée
par Y Erable à fruits cotonneux (Acer Eriocarpon); h gauche, l’allée qui sépare le Carré dos
plantes usuelles et potagères «les Parterres Médicinaux, et qui n’est pas garnie d’arbres. Nous
continuons notre marche jusqu’à l’extrémité «le l’Avenuo des Tilkuls, et nous arrivons à
l’Allée des Allantes, qui sépare à droite le Bosquet d'Été («° 100 du plan) du Bosquet de Prin-
temps («° 101 du plan). Les graines de co bel arbre furent envoyées «le la Chine par le P.
d’Incarville, en 1751. Desfoutaines, l’ayant vu fructifier pour la première fois chez Lemon-
nier, à Versailles, le reconnut pour un nouveau genre de la famille des Térébinthcs ; il lui
donna le‘ nom <Y Atlante, qu’il porte à Amboinc, et qui signifie Arbre du Ciel ; on l’avait d’a-
bord désigné sous le nnin de Fera/# du Japon, parce qu’on avait cru à tort que les Japonais
en tiraient leur beau vernis.
Nous voilà à la fin de la grand»? Allée des Tilleuls : vous avez pu remarquer qu’à partir do
la porte qui ouvre sur la rue de Buffon, les Tilleuls sont moins élevés; cette différence vient
de co qu’ils sont do quarante-trois ans plus jeunes que les préc«îdents.
Passons maintenant entre les Parterres Médicinaux et la porte d’entrée qui donne sur le
quai; laissons à notre gauche la gran«le Allée des Tilleuls, parallèle à celle que nous venons
do quitter, et entrons dans Y Allée de Marronniers. Cette allée fut planti'e par Buffon, lors<]u’il
eut fait l’acquisition, en 1782, des terrains appartenant aux religieux de l’abbaye de Saint-
Victor. Le Marronnier d’Inde n’est venu en Europe que dans le dix-septième siècle : il arriva
du nord de l’Asie à Constantinople, d'oh il passa à Vienne, puis en 1665, à Paris, oü l’on
n’en poss«?da longtemps «iuo trois individus, l’un à l’hôtel de Soubise, le second au Luxem-
bourg, le troisième au Jardin «lu Roi.
Cet arbre, dont les bourgeons sont entourés d’écailles laineuses, qui h*s proh'gont contre
les rigueurs de l’hiver, se naturalisa rapidement dans toute l’Europe, et il forme aujourd'hui,
par la hauteur de sa taille, la disposition élégante de son feuillage, la symétrie et la richesse
il
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DElXlfcME PARTIE.
«les thyrsos «le ses fleurs, le plus bel omomeni de nos jardins publics. Parcourons cette ma-
gnifique avenue, qui se prolonge entre la Vallée Suisse et les Carrés que vous connaissez.
Nous trouvons d’abord à gauche l’Allée des Arbres de Judée , qui offre un aspect délicieux au
commencement du printemps, lorsque les feuilles ne sont pas encore développées et que
toutes les branches sont couvertes d’une innombrable quantité de fleurs roses; l’Arbre de
Judée, ou Gatnier ( Ccrcis siliquastnnn ), appartient h la famille des Légumineuses. Après
avoir passé le Carré des plaides aquatiques (n° 102 du plan) , le premier carré «le Y École de
botanique (n* 90 du plan) , nous arrivons à une allée latérale garnie de Yirgilias, dont les
bourgeons offrent un caractère singulier : ils sont placés, non pas à l'aisselle de la feuille,
mais dans l’intérieur mémo du pétiole, «jui les coiffe pendant tout l’été, et les laisse à nu
après sa chute. — Enfin nous long«»ons le second carré «le Y École de botanique (n° 90 du
plan ) , nous laissons à droite les fosses des Ours (»• 30 du plan) et le jardin des Semis
(w° 89 du plan) et nous arrivons à l’extrémité «le l’Allée des .Marronniers, «jui se termine au
pied des collines nommées vulgairement les Buttes (n° 88 du plan).
Avant do gravir leurs pentes douces, détournons à droite, et entrons dans ce grand rond
ou ovale, qui forme un beau tapis «le verdure entre l'Amphithéâtre «*t la Petite Butte. On y
transporte , pendant la belle saison , les
plus beaux arbres en caisse de la grande
serre tempérée ; mais nous y trouverons
aussi , en pleine terri* , plusieurs plantes
très-intéressantes. Commençons par ces
dernières : nous avons à droite l’Amphi-
théélre, à gauche la Petite Butte; le long
«lu treillage s’étend un massif de terre do
bruyère, qui va nous offrir do charmants
arbustes. Ce sont des Azaléas, sous-ar-
hrisseaux dont les fleurs sont solitaires, à
l’aisselle do feuilles alternes ; diverses es-
pèces de Bhododendron, Y Airelle agréable
( Yaccinium amœnum ) ; Y Andromède A
feuille de Cassine ( Andromeda Cassine -
folia) y Y Andromède axillaire (Andromeda axiflaris ), le Clethra à feuille d'Aunc ( Clethra
A lui folia) y dont les fleurs blanches sont «lispos«'*es en épi; le Clethra acuminé (Clethra acumi -
nota) y la Kalmie à larges feuilles, arbrisseau de six pieds, «lont les fleurs forment des grappes
d’un rose pâle, etc.; toutes ces plantes sont des Bruyères, dont la plupart viennent de l’ Amé-
rique septentrionale; les Alczia diptera et tetraptera , qui appartiennent à la famille des
tëbénactîos, et dont la première est «l’une extrême rareté; lo Céphalanthe occidental, Rubiac«*e
du Canada; lo Céanothc occidental, «le la famille des Nerpruns; le Ca/yranthe précoce, ar-
brisseau du Japon, voisin «les Rosacées, à feuilles opposées, sans stipules, à fleurs odorantes
«jui s’épanouissent en hiver; lo ISé/lier Yulang et les Magnolia Thompsoniana et cordata ,
arbrisseaux dont le calice est h trois folioles , la corolle à neuf pétales , les étamines et les
ovaires nombreux.
Tournons à gauche, entre lo massif et le treillage, nous verrons Yltéa de Virginie, saxifrage
étègante de l’AnuTique bor«'*ale, dont les fleurs sont petites, blanches et disposées en grappes
«jui terminent la tige; le Fothergilla à feuille d'Aunc, dont les étamines sont nombreuses et
les feuilles alternes : sa famille est inconnue; la Glycine de Chine, Légumineusc «jui grimpe
le long d’un Sapin picea ; le Comptonia d feuilles de Capillaire, arbrisseau do la famille des
Amentacces, dont les feuilles sont profomlément crénelées et velues en «lessous; le Magnolia
grandi /tara ou Laurier-Tulipier, arbre magnifique de l’Amérique boréale, qui s’élève souvent
à une hauteur «le quatre-vingts pieds.
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ALLEES ET COLLINES.
83
Sur ces ruines artificielles , vous
voyez le Bignonia grimpant , que
vous connaissez déjà , et la /tuner
remarquable ( Itubus spectabi/is ) ;
enfin , vers l'extrémité du rocher ,
en nous rapprochant du point de
départ, nous trouverons des touffes
d 'Alysson deltoïde, petite Crucifère
à fleurs bleues, de Saxifrage Jou-
barbe , et de Sedum ù feuilles oppo-
sées.
Les arbres en caisse qu’on a trans-
portés dans le Grand Bond , pour y
passer le temps de la belle saison ,
sont : Y Araucaria du Brésil, Y Arau-
caria de Cunningham , Y Araucaria
des tics Norfolk (Araucaria exctlta) ,
Conifères d'une admirable élégance,
à rameaux groujiés circulaircmcut ,
et formant dans leur patrie d'im-
menses forêts; le Dragonnier aus-
tral, Liliacée qui a le port des
Palmiers, et dont la lige simple,
souvent énorme, ost couronnée par
une touffe do feuilles, d’où sortent
des grappes de fleurs; un Eucalyp-
tus, arbre de la famille des Myrtes,
venu de la Nouvelle-Hollande, et dont les feuilles coriaces, entières, sont marquées do points
transparents; des Banksia, venus aussi de l’Australasie, et dont les feuilles sont persistantes;
des Casuarina ou Filao, qui ont le port d’une Prèle arborescente, et dont les rameaux pen-
dants, grêles et cannelés, offrent de petites gatnes, terminées par des dents analogues à des
feuilles; Y Olivier fer de lance, de l'Ile Bourbon; le Citronnier à feuilles de Myrte, lo premier
individu qu’on uil cultivé en France; le Sterctdia à feuilles de Platane, Malvacée des Indes;
lo Thuya articulé ou Ca/litris, qui fournit la résine nommée Sandaraque ; Y Acacia Julibnzin,
nommé vulgairement Arbre de soie, à cause de la finesse de ses folioles, etc., etc.
Sortons maintenant du Grand Rond, et passons devant la limite do la Vallée suisse, qui
fait suite à l’entrée de la serro tempérée. Si nous voulions parcourir les allées de la V'alléo
suisse, nous y trouverions do beaux individus do tous les arbres qui peuvent passer l’hiver en
pleine terre; mais, comrno vous les avez déjà observés dans les carrés, nous nous contente-
rons de remarquer ceux qui font suite à la façado de l’Orangerie. Voici d’abord un Sophora
du Japon, un Érable à feuilles de Frêne (Acer negundo) , un Bobinia visqueux ou Acacia à
fleurs roses, un beau Marier d papier ( Broussonetia papyrifera) d’Othaïti, un Sycomore ( Acer
Pseudoplatanus) , un Coudrier de Byzance (Corylus colurna) , dont la noisette est garnie do
deux enveloppes do bractées: l’extérieure très-découpée, et l’intérieure à trois divisions.
Remarquez, en passant devant l’Amphithéâtre, ces deux beaux Palmiers d éventail (Cha-
mœrops humilie). En Sicile et en Espagne, on n’en rencontre jamais qui soient aussi élevés.
Ils furent envoyés, il y a cent cinquante ans, à Louis XIV par le margrave de Bado-Rourlach ;
ils avaient alors douze pieds de tige. Je vous ai expliqué l'accroissement des Palmiers; il a
lieu par lo sommet , et non par des bourgeons latéraux ; il ne se forme pas de nouvelles cou-
chos sur le tronc, et il pousse, chaque année, de nouvelles feuilles, tandis que les plus
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84
DEUXIÈME l'ARTIE.
ancieuuos tombent ; le nombre d'anneaux <|ui se voient sur la tige indique son âge , comme
les zones concentriques du bois indiquent celui des arbres dicotylédones. Observez que, dans
ces doux Palmiers, la base su soulève de mémo que le sommet, de sorte que l'impression du
premier anneau de feuilles, qui était primitivement au niveau de lu terre, en est aujourd'hui
à plus de deux pieds; cela vient do en quo lo pivot de la racine, étant repoussé hors do lerro
par les racines inférieures qui ne pouvaient s’eufoncer ou delà du fond de la caisse, a monté,
faute do pouvoir descendre.
Nous allons maintenant purcourir les doux collines ou bulles, que l’on nomme aussi
Labyrinthes, à cause des sinuosités do leurs sentiers. Ces labyrinthes nous offrent beaucoup
d'intérêt à cause île la riche collection d'arbres et d'arbrisseaux toujours verts, quo l’on y
cultive : nous y trouvons environ trente espèces de Conifères, quinze d’Ameulacées, et cin-
quante de familles diverses.
Commençons par la (inutile Bulle ,
nommée communément le Labyrinthe ,
et, pour ne pas nous y égarer, attachons
notre lt! au Cèdre du Liban. Cet arbre
magniliquc, dont vous connaissez l'his-
toire, est au centre d'un carrefour d’où
partent quatre allées: l'une monte, vers
l’ouest , jusqu'à l 'allée des Ifs ; la seconde
monte vers le sud , et conduit au Coli-
maçon ; la troisième descend au snd-est ,
et conduit à la rampe des deux grondes
serres ou pavillons ; la quatrième descend,
nu nord, jusqu’à l'allée qui conduit à la
porte ouvrant sur la place de la Pitié.
En vous acheminant vers le grand Cèdre,
qui sera notre point de départ, vous avez
vu les espèces d’arbres que nous rencon-
trerons le plus fréquemment dans notre
promenade. Je vais vous les mentionner
ici une fois pour toutes , ce sont : le JVer-
prun toujours vert ( lihainnus semper
virent), arbrisseau peu brillant pur lui-même, mais qui tient bien sa place dans l’ensemble
d’un paysage d'arbres verts; l 'Alisier lisse ( Cratreyus glabra). Rosacée qui a des feuilles
larges , luisantes , et d’un vert gai ; le Thuya de la Chine ( Thuya orientait s ) , nommé aussi
Arbre de lie, élégante Conifère dont les rameaux dressés sont menus, un peu aplatis, et
chargés de feuilles très-petites, qui sp recouvrent comme les tuiles d’un toit; 17/ commun
{Taxas baccata), dont vous avez étudié le fruit, analogue à une baie; les deux Cyprès horizon-
tal et pyramidal; le Tamaris , dont l’écorce rougeâtre, les rameaux déliés, les feuilles courtes
et menues forment uu contraste harmonieux avec la verdure sombre des Ifs et des Cyprès; le
Buis commun (Bujus semper vire ns), arbre de la famille des Euphorbiacées ; le Sapin épicéa
( Abies cxcclsa), h feuillus courtes, carrées, pointues, d'un vert foncé, éparses en tous sens
autour des branches : ce qui le distingue du Sapin ordinaire ( Abics peclinata) , i\ ui a ses
feuilles plates, blanches en dessous, et disposées sur deux rangées le long des rameaux; lo
Pin sylvestre ( Pians sylvesltis ) , dont les jeunes pousses sont verdâtres , les fouilles d'un vert
un peu bleuâtre, et de deux pouces de longueur; le Pin d' Écosse ( Pians ruina); dont les
pousses et le bois sont rouges, et les feuilles plus courtes et plus glauques quo colles du pré-
cédent; le Pin maritime {Pians maritime) , qui a dos feuilles d'un vert foncé, droites et
longues, de six à dix pouces; le Pin de Corse ( Pinus Laricio), dont les feuilles sont aussi
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ALLÉ US KT C0LLINK8. «5
longues que celles du procèdent, mais un peu chiffonnées. Dans tous cos Pins, les feuilles
naissent deux à deux.
Partons donc do notre Cèdre du Liban, et prenons l’allée qui monte, à l'ouest , vers celle
des Ifs; outre plusieurs des arbres que jo
viens de vous citer, et sur lesquels je uo
reviendrai plus, nous trouvons, à gauche,
le Thuya d’Amérique ( Thuya occidental is) ,
dont les ramouux sont étalés , et dont les
feuilles , froissées entre les doigts , ont
l’odeur do la Thériaque, médicament cé-
lèbre, inventé par Mithridate, et composé
de plus de cent substances différentes ;
un petit groupe do jeunes Pins cembro,
dont les fouilles , disposées par cinq , sont
d’un vert glauque ; À droite , lo héflier
buisson ardent ( Mespiluspyracantha ) , dont
les fruits nombreux, et d’un rouge écarlate,
font souvent paraître cet arbrisseau comme
en feu; le Chèvrefeuille à baies blanches
( Symphoricarpos leucocarpa ); \o‘ Sapin
baumier ( Abies balsamea) , arbre de l’Amé-
rique boréale, qui a lo port et les feuilles
de notro Sapin commun, et fournit uno
Térébentbinu nommée Baume du Canada,
Nous voilà au milieu de l 'atlcj des J fs; elle conduit du Peser voir au Colimaçon, qui cou-
ronne lo Labyrinthe de ses sentiers en spirale , et est surmonté lui-même d’un belvédère.
Montons celle allée : parvenus au Colimaçon, faisons le lourde sa base : en prenant lo sentier
à gauche, nous voyous, à droite, les massifs de Lilus ( Syringa ), de Jasminoïdo ( Lyciujn ),
et do Seringat {Philadelphus) , qui composent exclusivement la Flore du colimaçon ; à gauche,
un Laurier-Cerise {Prunus Lauro-Cerasus) , aux feuilles épaisses et luisantes, un Chêne pyra-
midal [Quercus faligiata ), un Houx des Iles Baléares ( Hex balearica) , un Chêne Yeuse
( Quercus Hex), et le tombeau deJ)aubonton , entouré d’un Cyprès , d’un Pin Laricio et d’un
If. Nous arrivons au petit escalier qui con-
duit au belvédère; passons outre, et ache-
vons notre circuit autour du Colimaçon.
Nous voilà de nouveau dans l’allée des Ifc,
descendons- la jusqu’au Réservoir : c’est
dans ce bassin qu’arrive, du canal «le
l’Ourcq , l’eau destinée à alimenter tout le
Jardin; d’ici partent de nombreux tuyaux
qui se distribuent dans tous les carrés.
Tournons à gauche, et laissons à notre
droite le petit sentier qui descend vers la
porte du Jardin : nous voilà dans Y Allée
des Soupirs , presque parallèle à celle que
nous venons de quitter; nous y trouvons
à gauche (outre les arbres déjà cités) un
jeune Houx, un petit Cerisier du Portugal
[Prunus lusitanica) et uue variété de Chêne
\uu>e; ces arbres sont au bout de l’allée.
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DEl MEME PARTIE.
et de ce point vous voyez une plantation, en pente, de jeunes Pins et Sapins, faisant face à
la cour du Cabinet d'histoire naturelle.
Ici, laissons le petit sentier qui monte à gauche, tournons à droite, et nous descendrons sur
la teri'nase qui borde lu rue du Jardin : cette terrasse est à peu près parallèle à l'allée des
Soupirs. Elle offre à gauche un rideau de Tilleuls; à droite, vous trouverez deux variétés de
Houx : le 7/oitr ordinaire et le Houx panaché, puis un Genévrier de Virginie (Junipems Vir-
ginia n a) , arbre moyen, nommé Cèdre rouge à cause de la couleur de sou bois.
A l’extrémité de la terrasse, nous trouvons un sentier qui descend vers la porte du Jardin,
et monte vers le Réservoir; laissons- le è notre droite; en descendant, nous trouverons dans
le massif adossé au mur de la rue un joli Buis à feuilles étroites ( Buxus anguslifolius) , le
Chèvrefeuille de Ledebour ( Lonicera Ledvbourii ), venu de l'Asie septentrionale ; le Groseillier
sanguin ( Hibvs sanguînvum) , dont les belles fleurs rouges paraissent nu commencement du
printemps; un jeune Chêne à gros glands ( Quercus macrocarpa ), et le Paulownia impérial ,
magnifique Bignouiacée aux larges feuilles, récemment naturalisée dans noire climat. I^e long
du mur s’étendent lo Bignonia grimpant et VÉrythine créte-de-coq , arbre sarmonteux delà
famille des Légumineuses , dont les fleurs sont grandes et d'un rouge éclatant.
Nous sommes à la porte ouvrant sur la place de la Pitié; suivons l’allée qui s'étend devant
nous : uous avons à gauche un massif, et à droite le hassiu inférieur du Réservoir. Daus le
massif, vous voyez le Berberis aristata , le Chèvrefeuille du Mexique [Symphoricarpos mexi-
vana ), le Chêne pyramidal que vous connaissez déjà, une Aubépine à fleurs roses; le Néflier
du Japon , h feuilles larges, dentées au sommet et cotonneuses en dessous; lo Néflier coton-
nier à petites feuilles (Cotoneaster Microphylla) , petit arbrisseau étalé, dont les feuilles sont
laineuses en dessous ; un jeuue Pin élevé {P inus exeelsa ) , lout récemment naturalisé , et qui
atteint dans sa patrie une hauteur considérable ; deux variétés de Pin Sabin [P inus Sabiniana ),
espèces nouvelles très-intéressantes, et enfin un Erable à grandes feuilles [Acer. Macrophyl-
lum ) , le seul pied qui existe en France.
A droite, en partuut du hassiu, dont les murailles sont garnies de Lierre et d’ Ampélopsis à
cinq feuilles ou vigne-vierge, vous voyez, un jeune Saule pleureur, un Peuplier pyramidal, un
beau Platane d’Amérique , une jolie plantation de Sapins du Canada ( Abics canadcnsis) , vul-
gairement nommés Hentlock-Sprace ; le Mahonia rampant et le Mahonia fasciculé, arbrisseaux
voisins du genre Berberis ; uu pied femelle du Gincko bilubé , le seul qu’on possède au Jardin,
tous les autres étant des individus à étamines; uu beau Pin de Corse (Pinus Laricio) ; quatre
jeunes Tulipiers [Liriodendron tulipifera ), espèce appartenant à la famille des Magnoliacées ,
remarquable par la beauté de ses feuilles et de ses fleurs ; une variété curieuse du Sophora
japonica, dont les rameaux sont pendants comme ceux du Saule pleureur; le Liquidambar
d'Amérique ( Liquidambar imberbe ), Amcntacée aux feuilles élégamment découpées; le Maho-
nia à feuilles de Houx, Berbéridée de l’Amérique du Nord; le Cyprès faux-Thuya (Cupreesus
thuyoides ), nommé vulgairement Cèdre blanc , qui çrott dans les marécages du Canada, et
dont le bois blanc, mais serré, so travaille facilement; un beau Buis des lies Baléares [Buxus
balearica) ; et enfin plusieurs Cyprès Chauves (Cupressus disticha). Cet arbre atteint dans sa
patrie une hauteur et une grosseur prodigieuses ; il y on a un individu , au Mexique , dans le
cimetière de Sainte- Marie de Testa, à deux lieues ouest d'Oaxaca, qui a cent pieds de haut,
el cent dix-huit pieds de circonférence ; il est mentionné par Fernand Cortez , qui abrita sous
son ombre toute sa petite armée, quand il vint faire la conquête du Mexique. Ce colosse du
Bègue végétal est un objet de haute véuération pour les Mexicains indigènes.
Nous sommes maintenant au milieu d'un carrefour qui sépare les deux Buttes, el où vien-
nent aboutir six allées; prenons celle qui conduit aux bureaux de P Administration : nous trou-
verons, auprès de lu maison, un élégant Araucaria d feuilles imbriquées ; des Pins, des Thuyas,
et un beau Genévrier de Virginie,
Revenons à notre carrefour; uous ullons monter l'allée qui conduit au Réservoir. A vaut do
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ALLEES ET COLLINES.
nous mettre en marche, voyons les végétaux qui garnissent le massif que nous avons à notro
gauche; ce sont : le Pin élevé (Pinut excella), ilont je vous ai parlé tout à l’heure, le Sapin
morinda (Abies morindn) , le Houx-Fragon « grappe [Buscus racemosus) , genre voisin do
celui des Asperges, dont les (>édoncules sont élargis comme des feuilles, et portent les fleurs
sur le milieu de leur surface; ici, comme dans les Asperges, les feuilles se réduisent à do
potitos écailles; la Pivoine en arbre ( Pæonin moulan), que les jésuites de la Chine ont fait
connattre en 1778; les Chinois cultivent celte espèce depuis quinze cents ans, et ils en ont
obtenu plus de deux cents variétés, dont ils raffolent, comme les Hollandais des Tulipes; lo
Néflier cotonnier à feuilles de Buis ( Coloneaster buxi folia), petit arbrisseau dont les branches
sont inclinées vers le sol ; l' Yucca gloriusa, belle Liliacée île l’Amérique septentrionale, voisine
du genre Alors ; enfin un jeune Cèdre déodora, plus beau que celui du Liban, qui nous a été
snvoyé des monts Himalaya, et qu’on a parfaitement réussi à naturaliser.
Montons maintenant l’allée conduisant au Réservoir : vous voyez, à droite, deux beaux
ficnévriors de Virginie, des Sapins à feuilles d'If ( Allies taxi folia) ; à gauche, de beaux Sapins
épicéas, une variété à larges feuilles du Cglise [aux-Ébénier ( Cglisus laburnwn) et un très-bel
Érable de Montpellier, planté par Tournefort. Après avoir passé devant les roseaux qui bordent
lo bassin, et laissé à notre gauche Y Allée des Ifs, descendons le petit sentier que nous avions
négligé en quittant la terrasse qui longe la rue du Jardin , et regagnons celte terrasse pour la
parcourir de nouveau, mais en sens inverse. Arrivés à son extrémité méridionale, nous avons
devant nous In porte de l'étage supérieur du Cabinet d’histoire naturelle, et, & notre gauche,
le petit sentier devant lequel nous avions passé en quittant l'allée des Soupirs. Montons par
ce sentier vers le Colimaçon. Nous trouverons à droite deux Erables de Montpellier, et diverses
espèces de llcrbéris ; laissons à gauche l'escalier du Limaçon , le sentier qui conduit au tom-
beau de Hauheulnn, et entrons dans l'allée qui descend au grand Cèdre; remarquez, dans le
massif même do Daubcnlon, deux Pins maritimes et trois H râbles à fruits cotonneux {Acer
Eriocarpon) .
Nous voilà revenus à notre point de
départ : nous avons devant nous une allé»'
qui descend au nord jusqu'à l’allée de la
Pitié, et au milieu de laquelle s'élève un
Sapin ; comme elle ne nous offrirait rien
de nouveau à observer, faisons un demi-
tour et descendons l'allée qui conduit aux
lieux grandes serres neuves , nommées
communément les Pavillons. Nous trou-
vons à droite un beau Pin d pignons (Pinus
pinea). Cet arbre est droit, élevé, et se
divise en branches étalées qui forment un
vaste parasol homtié ; son écorce est rou-
geâtre et raboteuse ; on le rencontre à
chaque pas dans la campagne de Rome ,
où il atteint plus de cent pieds do hau-
teur; ses cènes sont gros et rougeâtres,
et ses graines sont blunches et douces au
goèt. A gauche, au bas de l'allée, nous
voyons un petit Cèdre du Liban, occupant
lo cap du massif, qui répond à la rampe
des pavillons.
Nous allons maintenant visiter la Petite Bulle : celle-ci mérite mieux que la grande le nom
do Labgrinthe, car scs sentiers sont beaucoup plus entrelacés; les carrefours y sont nombreux,
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DKlAlfcviK I» \ H T I K .
et le> allées très-courtes. Aliu do nous y reconnaîtra, permettez-moi (remprunter à la langue
des l^alius , bien plus riche que la nôtre, les mots de trivium et de quadrivium, qu’ils em-
ployaient pour désigner les carrefours à trois ou « quatre aboutissants.
Prenons pour point de départ la rampe des pavillons, et montons la première allée à droite,
derrière les Serres : nous trouvons, à gauche, de beaux Phil arias ( Phylhjrea media) de la
famille des J a s minées, arbres très-rameux , à écorce cendrée, dont les feuilles so conservent
pendant l'hiver; l ivrable de Montpellier, et le Chêne Yeuse, que vous connaissez déjà, puis le
Clame à glands doux ( Que reus balluta ), dont on mange les fruits comme des châtaignes en
Espagne et en Barbarie; à droite, le Cerisier de Portugal (Prunus lusitanien) , qui a des fleurs
en grappes et des feuilles toujours vertes,
puis un quadrivium. Prenons l'allée à
droite, et nous descendons à la Place du
petit Cèdre, garnie en avant d’une balus-
trade de fer, et ayant vue sur V Allée des
Marronniers ; au-dessous de nous s'étend
une délicieuse petite colline, ornée de Chê-
nes , de Pivoines mouton , de Néfliers co-
tonniers , à'Uucca gloriosa , de Pins de
Crimée , et de Tamarix. Ces Tamarix, qui
appartiennent aux espèces Gallica et In-
dien , sont très-voisins du Tamarix man-
nifern , qui produit la fameuse manne des
Hébreux. On avait pensé que cnlto subs-
anec nutritive était fournie par Y Alhagi, espèce de Sainfoin épineux de la Mésopotamie,
mais il est aujourd'hui reconnu que c'est une erreur : MM. Bové et lliippel ont vu recueillir
nu mont Sinaï la manne sur le Tamarix , des branches duquel elle découle et tombe sous
firme de petites larmes. Les femmes arabes chargées de cette minutieuse récolte jettent la
manne dans de l’eau chaude, afin de la débarrasser des molécules de sable qui y adhéront.
Ce suc est aussi agréable que le meilleur miel. Nous ignorons si les Arabes conservent
aujourd’hui cette précieuse substance, mais il est probable qu’après l’opération à laquelle
on la soumet, la fermentation s'y développe, de sorte qu’il faut se hâter de la manger, comme
au temps de Moïse.
À partir du petit Cèdre, en tournant à gauche, nous laissons du même côté un beau massif
d\4ucH&fl du Japon, arbrisseaux à feuilles épaisses et panachées; nous suivons une allée
courte qui nous conduit à un trivium , nous prenons l’allée à gauche : nous rencontrons un
petit Cèdre, et un grand If, et nous revenons au quadrivium que nous avons traversé tout à
l’heure. Nous descendons à droite, nous laissons à notre gauche un If , et nous arrivons à un
nouveau trivium; là nous ne prenons pas la petite allée à droite, nous descendons devant
nous jusqu'à un autre trivium ; nous négligeons l’allée de gauche, qui nous ramènerait à notre
point de départ, cl nous descendons à droite. Nous trouvons, du même côté, vis-à-vis le tri-
vium, le Houx ( Ilex aqui folium) , deux J uni pénis excclsa , jeunes, et le Sapin de Douglas,
originaire de Californie, qui s’y élève à une hauteur de deux cents pieds. Au trivium suivant,
nous continuons, sans descendre à gauche, et nous trouvons, dans le massif du même côté,
le Pin de Sabin , le Pin pesant (Pinus ponderosa ), dont on a soutenu les rameaux longs et
grêles; le Néflier cotonnier d feuilles de buis , que vous avez déjà vu ; le Sapin du Canada, et
deux variétés do Pin Laricio. — Au trivium suivant, nous contiuuons l’allée, sans descendre,
et nous remarquons, à gauche, le Néflier luisant ( Mespilus lucida ), un Cèdre, un Buis des
Baléares, un Pin mugho , lin Sureau et un Tamarix occupant le cap oriental de la Butte; à
droite, nous trouvons le Chêne pyramidal, le Chêne d gros glands, le Chêne cerris, YAucuba
du Japon, le Groseillier sanguin, et nous arrivons dans l’Allée des Marronniers. Le Pin mugho
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I-np lUn^’4 N»j$«
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LES SERRES.
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{Pinus mugho) a des branches très-étalées de couleur cannelle, qui, plus tard, deviennent
d’un pourpre noirâtre; les feuilles sont d’un beau vert, le bois est roussàtre et très-résineux,
et l’on en fait, dans les montagnes du Dauphiné, des torches qui brûlent très-bien; de là son
nom populaire de Torche-Pin. Le Chêne ccrris a ses feuilles découpées en forme de lyre, ordi-
nairement cotonneuses à leur face inférieure; son gland est protégé par un godet de bradées
qui , au lieu d'ètre appliquées les unes contre les autres, comme dans le Chêne ordinaire, sont
redressées à leur sommet , et forment une coupe hérissée.
Maintenant tournons à gauche vers la grande serre tempérée , nous longerons une petite
colline qui porte le Genévrier de la Chine ( Juuiperus sinensis) , le Pin pumilio, arbrisseau
rabougri de six à huit pieds, dont les rameaux sont étalés et rampants ; le Pin de Caramanie,
un massif d'Aucuba, le fié (lier du Japon, et le Chionnnthus de Virginie ( Chionanthus virgi -
mtvi), petit arbrisseau de la famille des Jasminées, qui se couvre au printemps de fleurs
blanches très-nombreuses : ce qui lui a valu le nom populaire d' Arbre de neige.
Arrivés à la hauteur de l’angle de la serre tempérée, nous négligeons le premier sentier à
gauche, et nous suivons entre le Grand Pond et la Colline : nous trouvons le Dcrberis aris -
lata , la Spirée lancéolée, le Néflier buisson ardent , le Houx hérissé , un massif de Cognassier
du Japon ( Cydonia japonica) , arbrisseau épineux, à fleurs écarlates agglomérées et à jeunes
pousses cotonneuses; le Chai êf réfléchi ( Hleagnus reflexa) , arbrisseau du Japon, et les
Magnolias purpurea , glauca , soulangiana , tripetala et macrophylla. Tous ces arbrisseaux
sont dans leur patrie de grands et beaux arbres.
Arrivés au carrefour qui sépare les deux Buttes, nous négligeons le petit chemin à gauche,
et nous avons, au cap ouest de la colline, le Mahonia rampant, les Rhododendron hybridum,
ponlicum, maximum , le Hoteia japonica , le Magnolia à grandes feuilles , et le Calycanthus
præcox que vous connaissez déjà. En continuant à longer la colline, nous rencontrons quatre
Lauriers-Cerises , et enfin nous revenons au sentier qui a été notre point de départ. Derrière
les pavillons sont abrités deux magnifiques Magnolias à grandes fleurs, de la Caroline.
§ IX.
I® SERRES TEMPEREES.
La grande serre tempérée, communément nommée Orangerie (»° 17 du plan) , n’existe que
depuis quarante ans; elle a deux cents pieds de longueur, vingt-quatre pieds de largeur,
vingt-sept pieds de hauteur. La porte est large do dix pieds et haute do vingt-quatre, pour
qu’on puisse aisément faire entrer et sortir les arbres. Il y a, sur le mur du fond, des poêles
avec des tuyaux de chaleur, mais on n’y fait du feu que quand la température du dehors
descend à quatre degrés au-dessous de zéro; les croisées s’ouvrant au midi, il suffit du
moindre rayon de soleil pour entretenir une douce chaleur ( Figure de la tête de page 21).
Les arbres qu’on abrite dans la serre tempérée sont originaires, les uns de l’Asie Mineure,
de la (irèce et des autres contrées de notre hémisphère, dont lo climat est semblable à celui
de l’Espagne; les autres viennent de climats aussi froids que celui de la France; mais comme
leur été correspond à notre hiver, et qu’ils fleurissent pour la plupart pendant cette saison, on
ne peut les laisser en pleine terre; il en est cependant plusieurs dont on finira par retarder la
floraison, de manière qu'ils puissent fleurir pendant l’été, et passer ensuite impunément l’hiver
en pleine terre.
On loge les caisses dans cette serre au mois d’octobre; on les en retire au mois de mai : on
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DEUXIÈME PAIITIK.
place les unes dans le Grand Rond, les autres dans la grande allée transversale, qui coupe
V École de botanique et sépare la Pépinière du Carré Chaptal ; les plus petites sont disposées
en amphithéâtre sur lu torrasse qui est au-devant de la serre.
2“ SERRES CU Al’DF.S.
Nous venons de voir la grande serre tempérée, nous allons visiter successivement les serres
chaudes, dont chacune a une destination particulière; commençons par celles qui sont ados-
sées à la partie orientale do la Petite Butte. Nous y entrons par une porte qui est vis-à-vis
de Y Allée des Marronniers. On trouve d'abord une petite cour oii sont rangées, dans la belle
saison, les plantes les plus curieuses de la serre; et nous devons vous faire remarquer une
magnifique Glycine de la Chine, dont les guirlandes, couvertes au printemps d’une multitude
de grappes bleues , vont se perdre à une grande élévation dans les arbres voisins ; à gauche ,
une autre cour plus petite et fermée, où sont des couches et des châssis pour quelques
plantes précieuses, et un cabinet où se font les rempotages.
Il y a ici trois serres disposées en amphithéâtre, adossées les unes aux autres, et commu-
niquant entre elles; leurs toits sont obliques et vitrés; on les couvre do paillassons pendant les
grands froids, ou aux approches d’un orage, ou lorsque le soleil est trop ardent.
Entrons d’abord dans lu serre Philibert, qui est la plus inférieure des trois; elle a été con-
struite, en 1 82 1 , pour renfermer la riche collection qui venait d’arriver de l’Inde et de Cavenno.
On lui a donné le nom du capitaine de vaisseau qui a transporté ces plantes en France : il
serait plus juste de la nommer serre Perrotet , car c’est ce dernier voyageur, remarquable par
son activité et son intelligence, qui, après avoir recueilli lui-mème la plupart des plantes dont
elle est garnie, les a toutes soignées pendant la traversée, et apportées au Muséum dans le
plus bel état de végétation.
Cette serre a soixante-quinze pieds de long sur douze de large et dix de hauteur. Elle est
chauffée par quatre fourneaux, dont les tuyaux y entretiennent une chaleur de quinze degrés;
c’est la plus chaude des trois : là sont déposées les plantes récemment arrivées des régions
tropicales, et auxquelles on veut conserver lu température de leur climat naturel. Parmi les
espèces qui s’y trouvent, remarquez le Sloanœa, belle plante de la famille des Tilleuls, que
MM. (iuillemin et Houllet ont rapportée des forets vierges du Brésil; voici
le Cannellier, qui est une espèce de Laurier; lo Cacaoyer, qui appartient à
lu famille des Malvacées, et dont la graine sert à fabriquer le chocolat; le
Giroflier, de la famille des Myrtes; le Cafter d’Arabie ( Coffea arabica ), dont
vous connaissez l’histoire; le Café des Savanes , qui nous est venu de l’Amé-
rique septentrionale; voici diverses espèces d’Arum ou Gouet aux feuilles
larges et en fer de flèche, dont les plus remarquables sont l'Arum discolor,
Y Arum de Séguin et l’Arum palmé ; le Lecythis ollaria , arbre de la famille
des Myrtes, dont le fruit énorme s’ouvre en travers, comme vous l’avez vu
dans la Jusquiame et dans le Mouron, et figure un vase épais, fermé par un
couvercle , de là son nom de Marmite de Singe. Cet arbrisseau , de la
famille des Apoeynées, est le Théophraste de Jussieu ( Theophrasta Jussiœï) :
il réunit les noms de celui qui créa la Botanique chez les anciens, et de celui qui découvrit
la Méthode chez les modernes : cet arbre, très -rare dans les serres, porte au sommet do
sa tige une touffe de feuilles circulaires , figurant un vase. Voici le Brésiltet ou Bois de Fer -
nambouc (Cœsalpinia echinata) , qui doit son nom générique à un botaniste célèbre du sei-
zième siècle : cet arbre, de la famille des Légumineuses, sert à faire des meubles, et fournit
une belle couleur rouge, très-connue des teinturiers; voici enfin le Carolinea princeps
( Pachira aquatica) , qu’on nomme à la Guyane Cacao sauvage ; il appartient en effet à la
famille des Malvacées; c’est un arbre remarquable par ses belles feuilles découpées en grandes
rnumiip.
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LES SERRES. 01
digitations , et surtout par ses fleurs à étamines nombreuses , dont l'ensemble offre souvent
dix pouces de diamètre, et jusqu'à quinze pouces de longueur.
Passons dans la serre Baudin, qui est au-dessus de celle-ci, et qui fut construite en 1798,
pour loger les plantes apportées par le jardinier du Muséum, Ricdlé , voyageur infatigable,
qui avait accompagné le capitaine Baudin dans son expédition botanique à Porto-Ricco, Saint-
Thomas, etc. On y fait des boutures sous châssis, on y cultive les plantes herbacées les plus
carieuses, et l'on y élève de jeunes arbrisseaux pour les transporter dans la serre supérieure.
Cette serre a cent quarante pieds de long sur neuf de large ; elle est chauffée par deux poêles ;
la température y est entretenue à dix ou douze degrés. Voici Y Aristoloche à grandes lèvres
( Aristolochia labiosa ), dont les fleurs exhalent une odeur fétide; Y Aristoloche rechignéc ( Aris-
tolochia ringens ), le Figuier-Cerisier (Ficus cerasiformis) , le Laurier à glands ( Ochotea ) du
Brésil ; la Passiflore palmée ( Passiflora palmata). Ce genre, dont nous verrons de nombreuses
espèces tapisser les murs et les grottes des serres , doit son nom de Passiflore à la structure
bizarre de sa fleur, où rhistoricn espagnol Pierro de Cieza a cru voir représentés tous les
instruments du supplice de iNotre-Soigneur Jésus-Christ : do là le nom de Fleurs de la Pas-
sion , qui a été donné aux espèces de ce genre singulier. La corolle est do cinq pétales , et
présente entre eux et les cinq étamines trois rangées de filaments pointus, dont les plus exté-
rieurs sont plus longs, c’est ce qui figure la couronne d'épines; le pistil est terminé par trois
styles divergents , à stigmates élargis , ce sont les clous qui servirent à Axer le corps sur la
croix; les étamines ont des anthères à loges séparées, et ont l’apparence de marteaux ; quant
aux cordes, on peut les voir dans les vrilles qui accompagnent les feuilles, et au moyen
desquelles la plante s'attache aux arbres qui la soutiennent.
.Nous trouvons aussi le Poivrier, plante sarmenteuse de la famillo des trlicécs, dont les
graines fournissent la poudre nommée Poivre; la Dionée Attrape-mouche ( Üionæa musci-
pula) y dont je vous ai parlé dans l’École de botanique; le Cccropia
palmata, arbre brésilien de la famille «les Lrticées, dont les feuilles
sont partagées en neuf longues digitations , blanches et cotonneuses en
dessous, et dont la tige creuse lui a valu aux colonies le nom de Bois
T rompetle ; le Calebassier (Crescenlta cujete) , Bignoniacéc dont l’ovaire
énorme et de consistance ligueuse sert à fabriquer des vases; le Tama-
rin ( Tamarindus indien ) , Légumincuse dont la gousse
brune-rougeâtre est remplie d’une pulpe aigrelette au mi-
lieu de laquelle sont nichées les graines; le Hura crépitons ,
petit arbre de la famille des Euphorbes , dont les ovaires,
en se décollant à la maturité, éclatent avec bruit et lancent
au loin les graines; dans la capsule desséchée et criblée
d’ouvertures , on place du sable. Enfin le Mancenillier
(Hippomane mancinella) , de lu famille des Euphorbia-
cées ; cet arbre, dont le suc laiteux est le plus redoutable cieiom.
des poisons du Règne végétal , habite les bords de la mer
sous les tropiques; cependant, quelles que soient ses propriétés vénéneuses , il
vaut encore mieux que sa réputation : on croit que celui qui s’endort sous son
ombrage ne se réveille plus ; mais le contraire a été expérimenté par plusieurs personnes. Ce
qu’il y a de vrai , c'est que , dans certaines contrées , on ne le fait abattre que par les crimi-
nels ; la pluie qui tombe sur la peau , après avoir coulé sur ses feuilles , y produit l’effet d’un
vésicatoire ; les Indiens empoisonnent leurs flèches en les trempant dans le suc qui coule de
son écorce, et si le voyageur inexpérimenté se laisse séduire par les vives couleurs et le par-
fum suave de son fruit, il ne tarde pas à périr au milieu des plus affreuses douleurs.
Montons dans la serre supérieure ou serre Buffon , qui fut construite en 1788 ; elle a cent
vingt-«leux pieds et demi de long , douze pieds et demi «le large, et quinze de hauteur. C’est la
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DEUXIÈME PARTIE.
moins chaude des trois ; on n’y entretient qu’une chaleur do dix degrés. Nous y trouvons une
magnifique collection de Fougères équatoriales , telles que le Gymnogramma Chrysophylla ,
dont les feuilles sont dorées en dessous ; le Gymnogramma dealbata , dont la face inférieure
est argentée ; le Platycerium alcicome ou Acrostic
à corne de cerf , dont le feuillage est irrégulièrement
découpé à son extrémité, ce qui offre une exception
à la symétrie ordinaire des Fougères. Voici VAstra-
pcea Wallichii, superbe Malvacée originaire de l'Inde,
à feuilles en cœur très -grandes, et à fleurs d’un
rouge éclulant, disposées en ombelles serrées. Re-
marquez co Pin dammara , c’est le seul qui existe
on Europe ; ce Figuier élastique ( Fiais elastica )
dont la stipule est située à J'aisselle de la feuille, et
forme un cornet clos qui recouvre tout le bourgeon
comme une sorte de coiffe ; si l’on enlève la pellicule interne et la pellicule
externe de cette stipule, il reste une membrane qui, humectée d’eau, et placée sur un mi-
croscope, offre les vaisseaux ramifiés de la sève descendante, dans lesquels on peut voir cette
sève circuler. La sève descendante du Figuier élastique est laiteuse ; lorsqu’elle a été épaissie
pur l’évaporation, elle fournit une espèce de cuiriuodore, insipide, mou, flexible, très-élasti-
que, connu dans le commerce sous le nom de Caoutchouc ; ce produit, blanc d’abord, devient
brun par l’action de la fumée à laquelle il est exposé par les iudieus ; d’autres L'rlicées et Eu-
phorbiacées exotiques fournissent aussi du Caoutchouc.
Dans la serre Buffon , nous trouvons encore le Bougainvillia spectabilis , magnifique Nyç-
taginée grimpante, découverte au Brésil par Commcrson pendant ‘Son voyage autour du monde
avec Bougainville. Les feuilles sont luisantes, la lige est mince, flexueuse, et porte les épines
recourbées au-dessus de l’insertion des feuilles ; les fleurs , peu apparentes , sont roses et ve-
lues en dehors, jaunes en dedans; elles ont un tube long et rétréei. Ce qui justifie le no*n
spécifique de cette plante , c’est la beauté de ses bractées ovales , longues et de couleur rose ,
réunies trois par trois sur un pédoncule à trois divisions ; une fleur est
insérée sur chaque bractée, un peu plus bas quo le milieu de sa face supé-
rieure. Le Globba penché { Globba nutans ) est une Mouocotylédone île la
famille des Amomées ; ses feuilles sont grandes et ses fleurs nombreuses ,
disposées en épi pendant ; elles contiennent deux étamines et un ovaire à
trois loges. Voici le Musa rosacea, qui appartient à la belle famille des
Bananiers ; la tige des plantes de cette famille est simple , et formée par
les gaines des pétioles des feuilles qui se recouvrent et s’enveloppent ; le
sommet de cette tige est couronné par un faisceau de huit à douze feuilles
qui acquièrent souvent dix pieds de longueur sur un do largeur ; du centre
de cette couronne de feuilles sort un gros et long pédoncule, qui sert
d’axe à de nombreuses fleurs cachées sous des bractées, et formant un
long épi nommé régime ; ces fleurs ont un calice soudé avec le pistil , et divisé dans sa partie
supérieure en deux lobes inégaux; il y a six étamines, dont plusieurs avortent ordinairement;
l’ovaire est triangulaire et à trois loges; è sa maturité, il forme un fruit de cinq à huit
pouces , qui devient jaunâtre on mûrissant ; chaque régime porte communément de quatre-
vingts à cent bananes.
En quittant la serre Buffon , nous trouvons une petite serre faisant suite à la serre Philibert ;
elle sert aux multiplications, ainsi qu’aux plantes exigeant de l'humidité, telles que le flépen-
thes , dont jo vous ai déjà parlé, lo Poivre Bétel , les Eupatoires Ouago et Ayapana , etc.
Passons maintenant aux deux Pavillons do fer qui ont été construits depuis 1830 : cos ma-
gnifiques palais de cristal sont chauffés à la vapeur ; une grande chaudière est disposée der-
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LES SERRES.
93
rière les Pavillons, et l’oau réduite en vapeur par l’ébullition vient se répandre dans de gros
tuyaux do fer qui régnent le long de l’intérieur des serres. Celte vapeur brûlante cède sa cha-
leur au métal , se condense par le refroi-
dissement et va couler dans un réservoir,
où on la reprend pour la placer do nouveau
dans la chaudière ; les tuyaux échauffés
communiquent leur température aux rou-
elles d’air environnantes : celles-ci , deve-
nues plus légères , s’élèvent vers la région
supérieure de l’édifice , et sont remplacées
par des couches d’air plus froides qui se
succèdent continuellement. Ce mode de
chauffage est aride, malgré sa régularité ,
et l’atmosphère des Pavillons n'imite pas
exactement celle des tropiques , où les vé-
gétaux sont rarement arrosés par de l’eau
liquide, mais constamment baignés duus une vapeur tiède qui les humecte, en même temps
qu’elle les échauffe.
Commençons par le Pavillon oriental , dont la température est moins élevée que celle de
son voisin. Le végétal qui domine tous les autres est Y Eucalyptus glanca, arbro de la famille
des Myrtes, qui croît dans la Nouvelle-Hollande. Voici le DragOnnier des terres australes
{Dracœna austraiis ) superbe Liliaeée, dont nous verrons bientôt l’espèce principale ; le /ffto-
dodendron des Indes et le Dahlia arborescent du Mexique ; le Phormium
tenax , dont je vous ai déjà parlé; Y Acacia habillé ( Acacia vestita), dont les
folioles sont velues; le Mimosa dealbala , charmant arbrisseau à feuilles
argentées ; Y Acacia à feuilles variables ( Acacia helerophyfla) , dont les pér
fioles aplatis ressemblent à
des feuilles, surtout lorsque
les folioles ne s’y sont pas
développées. Ce petit arbris-
seau est un Thé de la Chine
( Thea v iridis ) ; scs feuilles
sont toujours vertes , et por-
tent à leur aisselle des fleurs
élégantes ; ces deux Chênes
sont le Chêne du Népaul (Quer-
eus uepaulcmis ) et le. Chêne
lisse ( Qucrcus glabra) ; le La-
gerslræmia des Indes est de
la famille des Rosacées, et ses
fleurs sont d’une belle couleur
rose. — Ce gracieux souchct
est le Papyrus des anciens
{C y per us papyrus). Il croit dans les marais de
l’Égypte et même de la Sicile ; c’est avec les
libres parallèles, composant su tige, que les
anciens fabriquaient leur papier ; ils en cou-
paient des tranches longitudinales , qu’ils pla-
çaient en croix les unes sur les autres ; ens
tiges , soumises à la pression ou à la percus-
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04 DEUXIÈME PARTIE.
sion, s'aplatissaient et formaient bientôt un feuillet, que l’ouvrier lissait ensuite avec un
instrument d’ivoire.
Cet arbrisseau , dont les feuilles ressemblent & celles des Fougères , dont le port imite celui
des Palmiers, et dont la fructillcation rappelle celle des Conifères, appartient aux Cycadées,
famille |ieu nombreuse en espèces, mais qui n’en est pas moios digne d’intérêt. C’est le
Cycas revohtta ; la graine est ntic, comme dans les Conifères; il n’y a ni calice, ni corolle,
ni ovaire pour la protéger ; les fleurs femelles forment un chaton , où chaque graine est placée
b l’aisselle d’une espèce de pétiole avorté, dont les bords dentelés se replient pour envelopper
complètement le fruit. Les Japonais mangent le fruit du Cycas revoluta, et font si grand cas
de la fécule que leur fournit la moelle de son tronc , qu’il est défendu , sous peine de mort , do
transporter cet arbre hors du Japon.
Le Pavillon est tapissé par dus Passiflores ut autres plantes grimpantes appartenant aux
genres Plumbago , Clématite , Tbunbergia et Livèchc .
Passons dans le Pavillon occidental , nommé le Pavillon des Palmiers ; ici la température
est plus élevée. Nous trouvons d’abord le Bambou, Craminéc gigantesque, rivale des Palmiers
dans les Indes, oh leur tige s’élève à plus de soixante pieds. Vous avez vu souvent dans nos
campagnes les ondulations des blés agités pur le vent ; vous figurez-vous un ouragan dans
l’Inde, où croissent des forêts de Bambous? Ecoutez un grand poète, il va vous transporter
sur les bords du (lange : « la1 vent s'engouffrait dans l'allée des Bambous, et quoique ces
Roseaux indiens fussent aussi élevés que les plus grands arbres , il les agitait comme l’herbe
des prairies; on voyait, A travers des tourbillons de |mussière et do feuilles, leur longue ave-
nue tout ondoyante, dont une partie se renversait à droite et à gauche jusqu'à terre, tandis
que l’autre se relevait eu gémissant, u La pellicule qui recouvre la lige du Bambou est em-
ployée par les Chinois, qui en font un papier sur lequel sont imprimés la plupart de leurs
livres. Le long du mur, en entrant à gauche, vous voyez la Canne à sucre, autre Craminéc
moins majestueuse, mais bien plus utile que le Bambou. La tapisserie de cette
serre est formée par le Figuier grimpant , le Patrie noir , et surtout par plusieurs
espèces de Vanilles. La Vanille est uno Orchidée sarmenteuse , comme je vous
l’ai dit; elle croit dans l’Amérique méridionale, et fournit des fruits allongés, de
l'aromo le plus délicieux ; ses graines sont nombreuses . très-menues, et l'on voit
nu milieu d'elles de petites aiguilles blanches : ce sont les cristaux d’un acido
végétal , nommé acide benzoïque. La Vanille givrée est celle qui en contient, et
qu’on estime le plus pour cette raison. — On a réussi à obtenir des fruits de
Vanille dans cette serre ; il a fallu pour cela féconder artificiellement le pistil de
chaque fleur , en appliquant sur le stigmate le pollen solide qui caractérise cette
singulière famille.
Le long du mur , vous voyez aussi le Carolinca insignis , dont les pétales ont
treize pouces de longueur; le Songe épinars (Caladium violaccum) , magnifique plante de la
famille dos Arums, et le Cierge du Pérou, rejeton de l’ancien, dont je vous ai parlé.
Au centre, sont des Palmiers entourés A' Arums grimpants, et plusieurs beaux Bananiers :
voici d'abord le Slrelitzia régime, dont le calice, de couleur safran, con-
traste avec la corolle qui est du bleu le plus pur. Le Bananier de la
Chine (Musa sinensis ), que vous voyez, donne des fruits meilleurs que
ceux du Bananier de l'Édcn (Musa puradisiaca). Linné a donné le nom
de paradisiaca à ce Bananier, parce que, suivant la tradition, ce fut cet
arbre dont lo fruit tenta nos premiers parents, et dont ils employèrent la
feuille, après leur chute, pour cacher leur nudité. La feuille du Bananier,
en effet, sert de vêtement aux habitants de l'Afrique et des Indes , qui en
couvrent aussi leurs rases, et tirent du fil de sa tige ; le fruit est très-
snmiiut uiui nourrissant ; il a. le goût d’une pàtodc beurre frais, légèrement sucrée.
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LES SERRES.
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L© Dattier ( Phoenix dactylifera ) est le plus utile des arbres de la famille des Palmiers;
dans celte famille de Monocotylédones , les étamines et les pistils habitent ordinairement des
fleurs différentes; le calice est à trois folioles, la corolle a trois pétales ; il y a six étamines ;
le fruit est d'abord à trois loges, qui se réduisent par avortement à une seule, contenant aussi
le plus souvent une graine unique.
Le Dattier se cultive particulièrement dans cette partie de la Barbario
connue sous le nom de Bilidulgerid ou pays des Dattes. Les naturels fécon-
dent artificiellement leurs Dattiers, en secouant sur les arbres à pistil les
branches d’un autre arbre chargé d’étamines. Le Cocotier ( Cocos nucifera),
dont vous avez pu voir un jeune individu dans la serre Philibert , est un
Palmier qui croît en Asie et en Amérique. Ses fruits ont le volume de la tète
de l’homme ; ils sont enveloppés par un brou filandreux ; sous ce brou est
une noix dure, percée à son sommet de trois trous; l'amande est creuse,
et se compose d’une chair sucrée, au milieu de laquelle est un lait du même
goût; cette matière, dont une moitié est liquide, et l’autre solide, n’est
autre chose que cet aliment supplémentaire dont je vous ai déjà souvent
entretenu , et qui doit nourrir la jeune plante , dont les proportions sont très-
exiguës dans la graine du Cocotier. Les autres Palmiers sont le Sabal um-
braculifera, ou arbre à parasol; le Latanier de Bourbon ; Y Arec cachou, qui
croît aux Indes et à Cevlan , et dont l’amande a une saveur âpro et astrin-
gente: elle entre dans la composition du Bétel, pâte formée de chaux vive, piLll,,B
de feuilles de Poivre et de graines d’Arec, que les Indiens mâchent conti-
nuellement pour exciter la salivation; ils se présentent mutuellement de cette pâle dans leurs
visites , comme en Europe nous offrons du tabac aux personnes de notre compagnie.
Enfin, lo plus élevé et le plus élégant des arbres de l’Amérique, est Y Arec légume {Arera
oleracca) , qui fournit au centre du bouquet de feuilles terminant sa tige, un bourgeon tendre
et succulent : ce bourgeon a la saveur de l’Artichaut , et on le mange aux
Antilles sous le nom de Chou-Palmiste.
Ces fougères arborescentes sont VAneimia laciniata, dont la frucliflea-
'tion est disposée en grappe, comme dans les Ostnondes ; et le P ol y podium
corcovaden8e , rapporté tout récemment du Brésil par MM. Guillemin et
• Houllet.
Le Caïnito ( Chysophyllum macrophyllum ) est un grand et bel arbre des
Antilles, dont le fruit renferme une bulbe agréable; le Dragonnier ( Dra -
cæna draco) est un arbro gigantesque des îles Canaries, dont le tronc a
souvent plus de quatre-vingts pieds do circonférence.
4>Kiim lUMUTi Nous voici au bord d’un petit bassin que protège une élégante naïade de
marbre ; daus ses eaux liùdes vivent lo Pontederia crassipes , do la famille
des Narcisses, le Limnocharis, le Nymphœa lotos, et le Symphæa
azuré ; mais la plus intéressante, sinon la plus belle du toutes
ces plantes aquatiques, est le Vailisneria spiralis : les étamines
et le pistil ne sont pas réunis dans uno même fleur ; la fleur
femelle a une longue tige roulée en spirale, qui naît d’une touffe
de racines attachées au fond do l’eau , et est entourée de feuilles
allongées, d’un beau vert presque transparent; les fleurs à éta-
mines ont un pédoncule très-court, et sont groupées autour d'un
axe enveloppé d’une bractée; à l’époque de la floraison, le pédon-
cule de la fleur femelle allonge sa spirale, et la fleur v ient flotter
à la surface de l’eau, oü vous pouvez voir les six pièces très-
petites que forment, sur deux rangs, son calice et sa corolle;
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l)F.l\lfc\1E PAMTIF..
alors les fleurs mûles se détachent de leur axe, ouvrent la hraclée qui les enveloppe, et
viennent voguer autour de la fleur à pistil , qu'ils ne tardent pas à saupoudrer de leur pollen ;
après cette fécondation merveilleuse, la fleur femelle resserre sa spirale, et descend au fond de
l'eau, pour y mûrir ses graines.
a» ess séants coi nats
Ces Serres, qui existont depuis 1830, occupent l’emplacement des anciennes Serres, con-
struites successivement par Fagon, Buffon
et Bernardin de Saint-Pierre, qui fut,
comme vous le savez, le dernier intendant
du Jardin. Kilos sont à deux étages, et
chaque étage so divise en trois comparti-
ments. L’étage inférieur est entretenu à
une température plus élevée que le supé-
rieur. Visitons d’aliord l'étage inférieur :
itans le premier compartiment, nous trou-
vons le Slephanolis floribunda, Apocynéeà
fleurs blanches et odo-
rantes ; le CUToden -
drum squamatum , Ver-
veine de la Nouvelle-
llnllando, dont les fleurs blanches ou roses naissent, trois par trois, à
l'aisselle des feuilles ; la
Passiflore quadrangulaire ,
dont le fruit est très-volu-
mineux ; le Jatropha ma-
nihot, Euphorbiacée amé-
ricaine , dont toutes les
parties sont Acres , excepIS la racine , qui
fournit abondamment une fécule que vous
connaissez sous le nom de Tapioka. Ensuite
viennent le Figuier A stipules , qui garnit les
grottes et les murailles ; la Poincillade (Poin-
cintia pulcherrima ) arbrisseau de la famille
des Légumineuses, qui croit aux Antilles, et
dont les feuilles et les fleurs sont employées
parles indigènes dans leurs maladies; le flou-
cmiyer ( llixa oreUana ) , belle Liliacée de
l'Amérique méridionale , dont les semences
sont entourées d'une pellicule rougeAtre, très-
répandue dans le commerce sous le nom de
flocon, et fort usitée dans la teinture en rouge;
le flavenala de Madagascar ( Vrania madagas-
cariensis), qui a les feuilles du Bananier avec
le tronc d'un Palmier, et croit dans les marais
à Madagascar, oh ses feuilles servent A cou-
vrir les maisons, les pellicules de ses semences
A faire de l'huile, et ses semences elles-mêmes
A préparer une bouillie féculente ; le Colonier arborescent ( Gossgpium arboreum ) ; le Pitanga
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»0 DF.l’XlfcME PARTIE.
«lors les fleurs mêles se détachent de leur axe . ourrent la bradée nui les enveinnn»
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LES SERRES. 97
(Eugrnia Michel ii) , de la fnmillo des Myrtes , dont le fruit est très-agréable au goût; le Goya-
vier, de la ini'me famille, dont le fruit renferme une pulpe succulente, à saveur
douce cl parfumée ; le Ithipsalis salicomoides , plante de
la famille des Cactées ; et enfin le Tamnus d pied d'élé-
phant, remarquable par la souche rabougrio et ciselés',
d'où partent les tiges.
Dans le second compartiment, dont les grottes et les
murailles sont tapissées de Passiflora alata, do Bégonia
et de Poivriers, on élève de jeunes Palmiers. Voici lo
Manguier ( Mangifera indien), arbre de la famille dis
Térébinthes , que l’on cultive aux Indes et au Brésil. Ses
fruits verdâtres, jaunes, rouges ou noirs sur le mémo
arbre, sont aromatiques et savoureux ; on en prépare des tium.
gelées délicieuses. Celle Rutacéc , & fleurs bleues , le
Gayac officinal , grand arbre des Antilles, A bois dur, pesant et résineux ; il est employé en
médecine et dans les arts. Voici des Bégonia , dont les feuilles sont d’un velouté admirable.
Voici lo Dorslenia conlrnyerva, qui étale sous nos yeux ses réceptacles carrés, sinueux et
chargés do fleurs , dont jo vous ai expliqué la structure en vous parlant de la famille des
Urticécs.
Le troisième compartiment renferme, entre autres végétaux précieux, le Caladium esculen-
lum, Arum aux feuilles énormes, dont la racine torréfiée fournit une fécule nutritive ; lo Pa-
payer, arbre des deux Indes, dont le fruit volumineux et odoriférant se mange
confit au sucre ou au vinaigre. Le Baisinier ( Coccoloba uvifera) appartient aux
Polvgonées ; son fruit est rougo et très-agréable à manger. L ’Alpinie penchée
( Alpinia milans) est une Amoméo de l'Amérique méridionale ; le Bois de Cam-
péche ( llcematoxylon campecianum ) est un grand arbre de la famille des légu-
mineuses, dont lo bois fournil une belle teinture rouge. Le Plaquemitiier Ébénier
( Diospyros Ebcnus) , très-renommé en menuiserie, présente dans son bois une
singularité remanptable : les couches centrales sont d’un beau noir et très-
dures ; les couches plus jeunes dn la circonférence , nommées aubier , sont
molles et d’une couleur blanche.
Mordons dans l'étage supérieur, où l’on entretient une cha-
leur tempérée. Dans le premier compartiment, nous trouvons
surtout des plantes grasses ou crassu/ées. Tels sont les Cierges
proprement dits ( Cerrns) , dont voici une variété monstrueuse
( ternis monslrasus) ; les Mamillaria ou Cierges laiteux ; les
Echinocactus nu Cierges épineux ; les Me/ocactu» ou Cierges
rabougris et arrondis comme des melons ; les Opuntia ou Cierges
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DEUXIÈME PARTIE.
en raquette. Dons les grottes, nous voyons diverses espèces d’ Euphorbes , des Mois féroces
[Aloe ferox) \ le Poinscttia , magnifique Euphorbiacée , dont les bractées
énormes sont d’un rou^o vif;
et des Cierges grimpants qui
tapissent les murailles. Avant
de quitter ce compartiment ,
jetez un coup d’œil sur ce 2a-
mia horrida , à la tige courte ,
aux feuilles coriaces et grandes ;
il appartient à la famille du
Cycas que vous avez vu tout
à l'heure. Voici YAselépiade
Attrape-Mouche ( Asclepias cu-
rassiiica), Àpocvnée de l'Aîné-
„ /» r * _ Ana<ru»r.
rique mèridionalo , dont lus fleurs, disposées en ombelle,
et d’un boau rouge aurore , attirent les pauvres mouches qui vionnont s'y engluer, jusqu’à ce
que mort s'ensuive.
Dans le second compartiment, nous rencontrons des aloès, des Opuntias , lo Ropal à Co-
chenille, et plusieurs autres Nopals recouverts de Cochenille. Voici le Cereus senilis, du
Mexique , couvert do longs poils blancs , qui le font ressembler à la tète chenue d’un vieillard.
Dans le troisième compartiment, sont cultivées des plantes du Cap et do la Nouvelle-
Hollande; les grottes sont tapissées de guirlandes do Ceropegia clegans, appar-
tenant à la famille des Apocvnées, et de Passiflores comestibles
IPnssiflora edulis) , dont le fruit est d’une saveur acidulé très-
agréablo ; on y voit aussi quelques belles Protées, telles que
le Protea argentea , le Protea speciosa et le fiusselia à (leurs
rouges. Le Protea argentea forme, au Cap, îles forêts entières,
et ses feuillos argentées en dessous jettent un éclat éblouissant
quand la brise les agite.
Il ne nous reste plus à visiter que la serre des Orchidées,
qui est située dans le jardin des Semis ; la température y est
maintenue à un haut degré ; nous trouverons là dos l.œlia , des
Catlleia, dos Oncidium, des Zygopetalum , des Catasetum, des
Huulletia, des Cypripedium , etc.
Tous ces trésors, que vous venez de visiter en deux heures, ont été amassés lentement et
péniblement dopuis deux siècles. Il a fallu bien des dépenses, bien des soins, bien du dévoue-
ment pour les réunir. Les plantes vivantes que le nouveau momie envoyait à noire Jardin
n'arrivaient pas toujours à bon port; il fallait un jardinier spécial pour les soigner; il fallait
des provisions d'eau pour les arroser pendant la traversée; il fallait quo lus matelots les res-
pectassent , et souffrissent sur le pont des caisses qui embarrassaient souvent la manœuvre ,
et dont l’arrosement pouvait même diminuer leur ration quotidienne d’eau. Aujourd’hui , l'in-
vention du doclour Nalli. Word remédie à tous ces inconvénients, et lo dévouement de l)é-
clieux, qui sauva son plant do Café en lui sacrifiant son eau, devient complètement superflu.
Figurez-vous une solide maisonnette en bois de chêne, longue de trois pieds quatre pouces,
large de dix-huit pouces , et haute de trente-deux. Les deux côtés du toit sont des panneaux
vitrés, protégés par un grillngo de fil de fer. Sur un lit de terre, qui occupe lo plancher de
cette caisse, on place les pots pleins de terro cux-mêines, et contenant chacun une plante; on
arrose bien tout cela , on pose la toiture sur la caisse , et l’on mastique toutes les jointures ,
de manière que la maisonnette soit hermétiquement close, et n’ait aucuno communication
avec l’air extérieur ; on amarre ensuite cette caisse sur le pont du navire ; là , les plantes
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GALERIES UE BOTANIQUE.
reçoivent , per leur toit de verre , lu lumière et la chaleur dont elles ont besoin. Ne pouvant
rien perdre au dehors par évaporation , elles conservent constamment leur atmosphère chaude
et humide , et les végétaux les plus délicats , même ceux qui sont herbacés , arrivent ainsi
sains et saufs à Paris après six mois de traversée.
A cet ingénieux procédé, M. Neumann, directeur des serres du Jardin, vient d'ajouter une
amélioration importante : le transport par terre de ces caisses faisait souvent sortir les pots
do leurs trous; ceux-ci roulaieut pêle-mêle les uns sur les autres, et les plantos étaient
bouleversées. U. Neumann recommande aux expéditeurs de fixer un lit de paille sur la terro
qui remplit les pots ; cette paille , bien nette et bien droite . est disposée entre les rangs des
plantes, et on l’assujettit par le moyen de traverses clouées en dehors de la caisse.
Pour achever complètement la statistiquo du Jardin , il ne nous reste plus à visiter que les
Galeries de botanique.
§ X.
LES GALERIES DE BOTANIQUE.
Nous voici devant les Galeries de botanique. Ici, vous allez mesurer d’un coup d’œil les
services rendus à la science par ceux qui récoltent des plantes, ceux qui les décrivent, ceux
qui les classent, ceux qui étudicut la structure intime et les fonctions do leurs organes. Cette
passion pour les végétaux, qui élève à lu fois l'Ame et l'intelligence, et que ne refroidit pas lu
vieillesse, se répand de plus en plus dans nos Sociétés modernes, et est devenue une sorte de
religion, unissaut pur les liens d’une fraternité commune tous les Botanistes du globe.
Au sein du monde policé
Se propage un culte paisible ;
Sectaires tolérants, dont le dogme est sensé,
Ils ont un Christ, des Saints, des Martyrs, une Bible.
De ce Livre divin, dans les champs dispersé.
Chaque fleur est pour eux une page lisible.
Le dôme des forêts est l’antique et haut lieu
Où brille à leurs regards la majesté de Dieu;
Leur messie est Linné; leurs quatre évangélistes,
Tournefort, Robert-Brown, Dccandolle, Jussieu :
C’est la secte des Botanistes.
Montons d’abord, par eut escalier particulier, dans la galerie dos Herbiers, où l’on n’entro
pas sans une permission spéciale, et dont les savants conservateurs, MM. Gaudichaud, Guil-
lemin et Décaissé, répondront à toutes vos questions avec une indulgente aménité. Celte
galerie est la Nécropole du royaume végétal; vous allez y voir les plus belles plantes réduites
à l'état de momie ; mais, quoique aplaties sur du papier, vous pourrez encore reconnaître
leurs formes extérieures, et même le port qu'elles avaient pendant leur vie. Un Herbier est un
Jardin sec, inaltérable, qui permet au botaniste d’observer dans toutes les saisons les carac-
tères de la végétation, tels que la consistance de la tige, la forme et la dispositiou des feuilles,
l’arrangement des fleurs, etc.; quand il veut étudier les caractères de la fructification, il fait
macérer dans de l’eau tiède la fleur qui les renferme ; tous les organes se gonflent, se ramol-
lissent, et, en les plaçant sur le porte-objet d’un microscope, l’observateur peut les décrire,
comme s’ils étaient encore vivants. C’est ainsi qu’ont été composées beaucoup do Flores
exotiques, dont les auteurs n’ont pu recevoir les plantes qu’à l’état do siccilé : c’est pour eux
qu’ont travaillé les herborisateurs que je vais tout à l’heure vous nommer. Vous comprenez
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DEUXIÈME PAHTIE.
que ces naturalistes , qui passaient leur journée à sillonner en tous sens la contrée dont ils
avaient entrepris l’exploitation , n'avaient pas le temps de faire la description des espèces
recueillies ; ils récoltaient les végétaux pendant le jour, les étalaient sur du papier pendant la
nuit, et lorsque, par lu pression, la plante avait cédé son humidité au papier, ils en faisaient
des ballots, qu'ils plaçaient dans des caisses soigneusement goudronnées; le tout était expé-
dié aux botanistes du Muséum, qui classaient, à tète reposée, les richesses du pays que la
science venait de conquérir. Ainsi s’est formé, par des tributs envoyés de toutes les régions
do la terre, le trésor inestimable que vous avez sous les yeux ; toutes les espèces connues du
Règne végétal ont trouvé à se caser dans cette galerie: il y a encore plus d'une place vide;
mais il n’est pas aujourd'hui, sur la surface du globe, une seule contrée qui ne soit parcourue
par d’habiles et infatigables voyageurs, consacrant leur vio tout entière à grossir le dépôt
précieux où la science doit puiser un jour les matériaux d’une Flore universelle.
Sur les côtés de la galerie est Y Herbier général, renfermant un échantillon de chacune des
espèces contenues dans les Herbiers particuliers; ceux-ci occupent les dix cabinets latéraux
où nous allons tout à l’heure entrer. Le fond de cet Herbier général est composé de l'ancien
Herbier de Vaillant, dont toutes les plantes étaient étiquetées de sa main, avec la synonymie
des auteurs connus do son temps, et l’indication du lieu où la plante avait été recueillie. Il y
avait aussi dans cet Herbier plusieurs plantes envoyées à Vaillant par des botanistes, et éti-
quetées de leur main. Les écritures étant connues, lorsque ceux qui ont envoyé des piaules
les ont publiées dans leurs écrits, on a un synonyme incontestable. Desfontaines a joint à cha-
cune de ces plantes, sur une étiquette particulière, le nom systématique moderne le plus sûr
et le plus connu; les échantillons out été comparés avec ceux des Herbiers de Lamarek et de
Jussieu. On a tenu séparé de cet Herbier classique celui de Toumefort, qui occupe à droite
et à gauche l’entrée de la salle, et où l’on trouve étiquetées de sa main toutes les plantes
qu’il avait recueillies dans son voyage au Levant.
Visitons maintenant les dix cabinets latéraux qui s’ouvrent sur la galerie, et où les Herbiers
sont disposés dans un ordre géographique.
Dans le premier cabinet est l'Herbier de France, lormé par les botanistes pou nombreux
do nos départements, et surtout par l’illustre de Candolle, dont le monde savunt pleure la
perte toute récente. Ce cabinet renferme aussi les plantes des autres contrées de V Europe ,
envoyées par MM. Tenore, Boissier, Boue, Bobert, Bory de Saint- Vincent, Martins, Heichen-
bach, etc. Dans le second cabinet, est l’Herbier de V Afrique septentrionale et des i les Cana-
ries : il est dû à MM. Bové, Steinheil, Biedlé, Ledru, Webb. Dans le troisième cabinet, nous
trouvons l’Herbier de Y Afrique tropicale : MM. Perrotet, Leprieur, Heudelot, ont fait celui de
la Séuégambie; MM. Dillon et Schimper, celui de P Abyssinie. Le quatrième cabinet renfermo
les plantes do Y Afrique australe : celles du cap de Bonne-Espérance ont été récoltées par
MM. Delalande, Ecklon, Drège; celles do Me Bourbon, de Me de France, par MM. Dupetit-
Tbouars, Commerson, Richard; celles do Madagascar, par MM. Coinmerson, Du petit -
Thouars, Chapelier. Le cinquième cabinet contient l’Herbier de Y Australasie, que nous
devons k MM. Riedlé, Lescheuault, Guichenot, Blume, Perrotet, Robert Brown. Dans le
sixième cabinet, sont les plantes des Indes -Orientales, recueillies par MM. Lescheuault,
Macé, Jacquemont, Wallich, Wight. Le septième cabinet contient les Herbiers de Y Asie Mi-
neure, do Y Arabie, do Y Égypte, de la Perse et de Y empire russe : Olivier et Bruguière ont
exploité l’Asie Mineure, la Perse et l’Égypte; MM. Bové, Schimper, Boita, l’Arabie; MM. Fis-
cher, Bunge, Ledebour, l’empire russe. Le huitième cabinet renferme les plantes du Chili,
recueillies par MM. Cl. Gav, Bertero, Dombey. Dans le neuvième cabinet sont les Herbiers
du Pérou, du Brésil et de la Guyane: MM. Dombey, d’Orbigny, Humboldt et Bonpland ont
recueilli les plantes du Pérou; MM. Poiteau, Leprieur, Perrotet, celles de la Guyane;
MM. Commerson, A. do Saint-Hilaire, Gaudichuud, Guillemin, Claussen, celles du Brésil.
Enfin, le dixième cabinet contient les plantes du Mexique et do Y Amérique septentrionale :
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GALERIES DE BOTANIQUE. 101
nous .levons l’Herbier .lu Mexique à MM. L’Herminier, Poiteau, Plée, Perrotol, et celui .le
l’Amérique .tu Nord, à MM. Michaux, Leconle, Castelnau, Lapilaye.
Je viens de vous citer les noms des naturalistes qui ont affronté des privations et des dan-
gers de toute espèce pour enrichir le Muséum de plantes sèches et de plantes vivantes : ceux-
là sont les saints de la botanique, dont je vous parlais tout à l'heure; mais à ce titre de saint,
on peut ajouter celui de martyr, pour un grand nombre d’entre eux. Je ne parle pas ici de
ceux qui ont sacrifié, dans ces pérégrinations lointaines, leur jeunesse, leur santé, leur talent,
leur positiou sociale ; je ne veux faire mention que des braves qui sont morts au champ d'hon-
neur par le typhus, la misère, la faim, la captivité, l'assassinat, le poison et la nostalgie (ce
besoin maladif de la patrio absente, desiderium patriœ énorme, que ne pouvait guérir l’énergio
de leur dévouement volontaire) : voilà les martyrs dont les noms doivent être, non pas lati-
nisés, mais religieusement conservés en toutes lettres daus les livres de botanique; je vais
vous en citer quelques-uns, en attendant qu’une mémoire plus sûre que la mienne les réu-
nisse et les signalo à la reconnaissance des amis de l’histoire naturelle.
Dombey, mort dans les fers en Catalogne, aux portes de la France, comme ce citoyen ro-
main, qui fut crucifié sur le promontoire de Messine, et qui, du haut do sa croix, pouvait
voir, en expirant, la terre sacrée do l’Italie. — Chapelier, mort do lu fièvre à Madagascar. —
Kiedlé, qui mourut à Tiinor, et dont les paroles dernières furent une prière à ses compagnons
pour la conservation du Figuier à longues feuilles [Ficus macrophylta) , qu’il avait découvert
dans l’Ile de Java ; l’arbre précieux donné par le mourant à sa patrie arriva sain et sauf au
Muséum : vous avez pu le voir dans la serre Buffon. — Godefroy, assassiné par les naturels
de Manille. — Plée, son compagnon, empoisonné à Maracaïbo. — Havet, mort de fatigue à
Madagascar. — Commerson, mort à l’Ile de Frauce, herborisatcur admirable, qui avait, pour
découvrir les plantes, lu sagacité instinctive d’un Mohican. — Auchcr-Éloy, mort de misère
à Ispaban. — Jacquemont, qui le premier nous fit connaître les productions végétales du Ca-
chemire et do l’Himalaya; sa sauté s'épuisa sous le ciel dévorant de l'Inde, et les miasmes
empestés de file de Salsette lui portèrent le dernier coup : il mourut à Bombay, le 7 décem-
bre 1832; cinq jours avant sa mort, il adressa à son frère une lettre déchirante pour lui dire
adieu et le consoler : forcé par la douleur de rester sur le dos, il écrivit su lettre au crayon, et
mit deux jours entiers à l’écrire; son généreux hâte, M. Nïcol, passa de l’encre sur tous
les traits du crayon avec une attention religieuse qui conserva exactement le caractère do
l'écriture du mourant : sainte hospitalité I Les richesses scientifiques que Jacquemont a
léguées au Muséum ont doublé de valeur en passant par les moins de M. Decaisne, sou
exécuteur testamentaire. — Bertero, qui avait frété lui-mèmo un navire pour transporter
sa cargaison botanique, et qui sombra sous voile au milieu de i’archipel des Amis, — Bové,
mort en Algérie. — Hcudelot, collecteur intrépide et jardinier intelligent, qui fut vaincu par
le climat brûlant du Sénégal. — Lefèvre, mort eu Nubie. — A. Steinheil, jeune médecin-
botaniste, plein d'avenir, qui avait déjà pris placo dans lo monde savant par des mémoires
du plus haut intérêt; il so rendait au Brésil pour y étudier les nombreuses espèces de Quin-
quinas; mais un passant à la Martinique, il avait herborisé avec ardeur au milieu des mornes,
sous le soleil dos Antilles, il y prit le germe de la (lèvre jaune, et mourut dans la traversée. —
Le docteur Dillon, mort après un très-court séjour en Abyssinie, termine ce froid cl incomplet
martyrologe : nous le vîmes partir, et nous étions loin de penser que son apostolat botanique
serait do si courte durée. Ce jeune médecin , hommo do haute piété et de moeurs austères ,
âpre à l’étude, tenace dans l’observation, doué d'une vaste mémoire , dessinateur excellent,
réunissait au plus haut degré toutes les qualités du naturaliste voyageur. Son talent pour la
peinture et ses sentiments religieux l’avaient rendu cher aux chrétiens do l’Abyssinie; il faisait
des tableaux pour les églises de leurs villages, et les Abyssiniens lui servaient de guides et
do protecteurs dans ses herborisations. Sa santé robuste n’ayant pu suffire à son zèle , une
dyssenlerie meurtrière est venue interrompre la mission que le Muséum lui avait confiée.
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DEL MÊME PARTIE.
Nous allons maintenant descendre dans la Galerie du rez-de-rhausséo qui est ouverte au
publie. Le vestibule est magnifique : au-dessus de ces portes opposées sont deux immenses
feuilles de Palmier parasol. Le long des murailles sont quelques échan-
tillons desséchés do Fougères arborescentes; en voici une qui est bifur-
quée, disposition tout à fait exceptionnelle dans le tronc des plantes de
cette famille. Cetto autre Fougère gigantesque a été partagée en deux
moitiés longitudinales. Voici un Ilavenala mort, espèce dont vous avez
vu dans les Serres un individu vivant : on le nomme à Madagascar
V arbre du voyageur; ce nom est justifié par la disposition de scs fouilles
qui offrent au voyageur altéré uu réservoir plein d’une eau claire et
limpide, tous voyez aussi quelques Palmiers, dont un est rameux,
anomalie non moins rare que dans les Fougères; parmi eux se trouve
le Dattier, que vous connaissez déjà. Remarquez celte tigo de Palmier
qu’entourent de millo bandelettes entrelacées les racines aériennes d'un
arbre que l’on suppose être un Figuier. Vous voyez que ces bandelettes
n'ont proiluit aucune impression sur lo tronc du Palmier, qui ne croit
pas en grosseur. Si c’eût été un arbre dicotylédone, dont l’accroisse-
ment se fait en hauteur et en diamètro , lo pression de ces racines eût
donné lieu à des bourrelets considérables. Voici un Orme des environs
de Palis, qui a été foudroyé, et dont la foudre a divisé les faisceaux
fibreux,
Au centre do ce vestibule
s'élève 1a statue d'Auloinc-
Laurent de Jussieu, due au
ciseau de M. Legendre Hé-
ral. L'illustre professeur est
représenté dans son costume officiel, méditant sur
les caractères d'une plante qu’il vient d’examiner
à la loupe.
Entrons dans la Galerio de botanique : nous
trouvons devant lo meuble du milieu un bloc de
bois pétrifié , recueilli dans la Vallée de la Désola-
tion, qui s'étend du Caire à la mer Rouge. Sur la
table de ce meuble est la collection do champi-
gnons imités en cire, dont uno partie a été donnée
par l'empereur d’Autriche. A gauche, dans les
cabinets , sont des bois vivants de tous les pays ,
dont plusieurs offrent des coupes différentes, qui
montrent l’organisation des tigos. Voici un mor-
ceau de bois, dans l’intérieur duquel on trouvo
l’impression do co qui avait été écrit sur l’écorce
on 1750; les lettres et les chiffres se voient encore
sur l’écorce, mais il n’y en a pas la moindre trace
sur les couches intermédiaires qui se sont formées
entre l’écorce et le bois. Nous trouvons aussi dans
ces cabinets les tiges dont la partie fibreuse forme un tissu naturel ; tel est le Lagetlo ou Bois-
denlelle, arbrisseau de la famille des Daphnées, dont l’écorce se dédouble en lames filan-
dreuses qui imitent la gaze ou la dentelle ; tel est encore V H ydrogelon fencstrale, dont je vous
ai iléjà parlé.
Les travées séparant les cabinets à droite et à gauche renferment la collection des fruits
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GALERIES DE BOTANIQUE.
indigènes et exotiques, desséchés ou conservés dons do l'esprit-de-vin. Voici de beaux Corna
ira Maldives, dont un est à quatre lobes; ces fruits appartiennent à un Palmier (Istdoicea
Secliellarum ) , découvert aux tles Séchelles par Commerson. On les a appelés Cocos des Mal-
dives, parce que les marins les trouvaient flottants aux environs des Iles de ce nom; on en a
trouvé depuis dans divers parages de l'Océan, ot jusque sur les rives de l’Islande. Le Boum
ou Palmier de la Thébaïde, dont vous voyez les fruits volumineux, est un bel arbre naturel à
l’Égypte; son tronc, qui fournit des planches; ses feuilles, avec lesquelles on fabrique des
tapis et îles paniers; son fruit, dont la pulpe est sucrée, en font un des végétaux les plus
utiles de l'Égypte. Voici le fruit du Lecylhis, que vous connaissez déjà, et dont lu forme
bizarre explique le nom populaire do Marmite de Singe. Je ne passerai pas outre, sans vous
dire un mot du Haf/lesia, dont on conserve la fleur dans des bocaux d'esprit-de-vin. Cette
Cylinéc parasite produit une fleur qui a plus de huit pieds de circonférence, et ne pèse pas
moins de quinze livres; la corolle est à cinq pétales, réunis par un tube ou nectaire, qui peut
contenir au moins douze pintes de liquide; ce nectaire est plein de mouches, attirées par
l’odeur de viande qu’il exhale. Celle fleur gigantesque croit et s’épanouit sans tige ni feuilles,
et constitue presque toute la plante ; une petite racine traçante, longue à peine de deux doigts,
la fixe à celles du tissus anyustifolius, aux dépens duquel elle se nourrit.
Nous allons maintenant visiter les cabinets qui occupent le côté droit de la Calorie : là sont
rangés les végétaux fossiles, dont M. Ad. Brongniart a publié l’histoire.
Vous avez souvent entendu dire que le globe terrestre n'a pas toujours été ce qu’il est
actuellement; cette vérité, devonuo aujourd'hui vulgaire, nous a été révélée par les couches
de terrains différents, superposées les unes aux autres dans un ordre de succession qui est
partout le même, et renfermant des débris d’animaux.
Cos débris attestent que les animaux des couches inférieures vivaient à ciel ouvert sur le
sol de ces couches; qu’ils y ont été engloutis dans des liquides, qui se sont ensuite durcis
par évaporation; quo sur cette croûte sont venus vivre d’autres animaux, lesquels ont été
envahis à leur tour par de nouveaux liquides, qui se sont également épaissis et solidifiés,
(mur être habités par do nouveaux êtres qu'a détruits la formation de la croûte superficielle
sur laquelle vit aujourd'hui l’homme, sorti le dernier des mains du Créateur. La date relative
de toutes ces révolutions nous est donnée par les ossements et les coquilles d’animaux ter-
restres, marins et d’eau douce, qui occupent, toujours dans lo même ordre, les couches
successivement formées. On en doit conclure que la mer, l’eau douce, la terre ferme ont
tour à tour occupé le même bassin; c'est co qu’on voit, par exemple, à Paris, oh l'on trouve
des Ifutlres marines, des Moules d’eau douce, des Quadrupèdes terrestres, et d’énormes
Amphibies, tels que le Crocodile de Meudon, etc.
Celui qui a jeté le plus de lumière sur l’histoire de ces révolutions, est Cuvier. L’n seul os,
trouvé dans les carrières de Montmartre, lui a suffi pour construire, par induction, un animal
complet dont l’espèce avait disparu; et quelque temps après, on a trouvé dans le plâtre le
squelette presque entier de l'animal inconnu, conforme au dessin qu'il en avait tracé. En
poursuivant ses études sur les fossiles, Cuvier est arrivé à reconnaître qu’un grand nombre
d'espèces animales n’existaient plus à la surfaco du globe; il en a donné la description sur
les ossements qu'on a trouvés, et nous avons eu ainsi la Faune fossile de notre planète.
Vous admettrez sans peine que les premiers animaux qui peuplèrent les anciennes couches
de la terre durent se nourrir de végétaux ; le Règne végétal a donc précédé le Règne animal ;
mais quels étaient ces végétaux? C’est ce que M. Ad. Brongniart a entrepris de nous faire
connaître: géologue et botaniste profond, il s’est livre à de longues et minutieuses recher-
ches; les matériaux, d’abord peu nombreux, qu’il avait à sa disposition, lui ont suffi pour
établir les familles et les genres de la Flore fossile; et ceux qui sont venus s'ajouter aux
premiers ont confirmé la justesse de ses aperçus. Je vais en peu de mots vous faire com-
prendre quelles difficultés il y avait à vaincre pour que la botaniquo eûl son Cuvier.
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101 DEUXIÈME PARTIE.
On peut, en zoologie, déterminer, d'après la structure d'un seul organe, celle de tout l'in-
dividu : ainsi un os, avant, grâce à la nature de son tissu serré et calcaire, résisté au* causes
de décomposition, et conservé sa forme extérieure, peut révéler à un observateur exercé la
proportion des autres os avec lesquels il s'agençait, et la structure des parties molles aux-
quelles il servait d'axe : ainsi, uno dent, une griffe, un sabot, un bec, une mâchoire, en nous
indiquant le régime alimentaire et les mœurs d'un animal, peuvent nous conduire à doviuer
sa structure complète, on du moins & le classer dans le genre ou la famille à laquelle il
appartient. Mais il n’en ost pas de même en botanique; la connexion qui lie les organes de la
plante (bien qu’on ne puisse la révoquer en doute) est loin d’ètre aussi évidente que chez les
animaux. C’est seulement dans les végétaux inférieurs, comme dans les Algues, où la liaison
est intime entre la végétation et la fructification, que l’on peut reconnaître la seconde par la
première, et déterminer la famille, le genre et même l’es|>èce ; dans les Fougères, les Prèles,
les Mousses, la végétation suffit pour indiquer la famille; mais la fructification est indispen-
sable pour arriver â reconnaître le genre : ici déjà la fructification et la végétation sont moins
dépendantes l’une de l’autre; dans les monocotylédones, et surtout dans les dicotylédones,
celte dépendance mutuelle des organes végétants et reproducteurs est encore moins marquée.
Or, les végétaux fossiles présentant très-rarement réunis les deux systèmes d’organes, et
n'ayant guère conservé que ceux do la végétation, c’est-à-dire les tiges et les feuilles, il a
fallu s’en contenter pour recomposer la plante dont les parties étaient dispersées.
M. Ad. Brongniart a accordé A chaque organe une valeur fondée sur son importance; il a
mis en première ligne les caractères anatomiques de la tige, qui tiennent à l'organisation
intime de 1a plante; et lorsqu'il n'a pu les observer, il a cherché à découvrir dans les formes
extérieures quelques modifications qui fussent, pour ainsi dire, l’expression du caractère
interne. Après le mode de distribution des vaisseaux dans la tige, il a placé l'insertion des
feuilles et la distribution des vaisseaux qui se rendent dans le pétiole; enfin, l'arrangement
des nervures dans les feuilles lui a fourni les signes les plus essentiels pour les distinguer
entre elles, et pour déterminer les familles auxquelles elles appartiennent.
Quant aux organes reproducteurs, ils n’ont fourni à M. Brongniart qu’un bien petit nom-
bre d’indications : la fleur ne se rencontre presque jamais ; le fruit pourrait, par sa structure,
son adhérence avec le calice, le nombre et l'insertion de ses graines, etc. , fournir des carac-
tères précieux : mais il est ordinairement impossible de le distinguer : cependant on a pu
présumer le nombre des loges de l’ovaire d'après celui de ses eûtes ou de ses sillons longitu-
dinaux, ou bien encore par les traces de la base des styles.
Mais ce qui complique surtout l’étude de la Botanique fossile, co sont les déformations va-
riées que la chaleur, la pression en sens divers, etc., ont fait subir aux organes des végétaux :
« Ces modifications, dit M. Brongniart, exigent une attention extrême pour remonter, lorsque
cela est possible, de l’échantillon ainsi transformé, à son lypo primitif, c'est-à-dire à la forme
que l'organe devait avoir durant la vie; cependant cette opération est celle qui doit précéder
toute autre recherche, et sans laquelle on est conduit aux erreurs les plus grossières. Ainsi il
faut, avant tout, s’assurer si l’échantillon représente la plante ou sa contre-épreuve dans la
roche environnante; dans le premier cas, on doit déterminer si la plante est entière ou
incomplète; si, par exemple, l’écorce y est encore, représentant la surface extérieure delà
plante, ou si cette surface est dépourvue d’écorce et n’est qu'un moule intérieur. Dans le
second cas, il faut examiner si la contre-épreuve représente la surface extérieure de l’écorce
ou le noyau intérieur sans écorce. Faute de toutes ces précautions, on est exposé à des
erreurs, à des multiplications d’espèces, etc. »
C’est en marchant avec prudeuce et circonspection dans ces routes obscures, éclairé par le
flambeau de l’anatomie comparée, que SI. Ad. Brongniart est parvenu à dresser l'inventaire
des richesses végétales du monde antédiluvien. Dans les terrains de transition et dans les
bassins de houille ( Charbon de ferre) , dont l’origine est due à des végétaux accumulés, que
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C ALF.RI ES DK BOT A NI Ql E.
sont venues recouvrir et comprimer sous leur poids brûlant des masses de substances miné-
rales, la science n’a rencontré qu'un petit nombre de familles : les Algues constituent presque
exclusivement la Flore des terrains tic transition (qui se composent de sel listes-ardoises
noirs, calcaires, etc., lentement déposés sur le granit primitif). Dans les terrains houillers
qui succédèrent aux précédents, on ne retrouve plus les Algues (qui,
sans doute, vu le peu de solidité de leur tissu, ont été détruites), mais
les Prèles , les Lycopodes et les Fougères y dominent. Les F ougères de
ces temps primitifs «'étaient pas les mêmes que celles qui vivent aujour-
d'hui dans nos climats tempérés : on ne retrouve leurs analogues que
dans les Fougères arborescentes des régions équatoriales. « Les autres
arbres de cette antique végétation, dit M. Ad. Brongniart, sont repré-
sentés aujourd’hui par les végétaux les plus humbles de notre Flore.
Ainsi les Calamites, qui avaient jusqu’à seize pieds d'élévation, onl une Tlk, „ M,„u
ressemblance presque complète avec les Prèles dont les tiges, moins
grosses que le doigt , dépassent rarement trois pieds de hauteur : les Calamites étaient donc
des Prèles arborescentes. Les Lepidodendrons , qui ont contribué, plus que tous les autres
végétaux, à la formation de la houille, différent peu de nos Lycopodes ; mais taudis que les
Lycopodes actuels sont de petites plantes, ordinairement rampantes et semblables à de
grandes mousses, atteignant rarement trois pieds de haut et couvertes de très-petites feuilles,
les Lepidodendrons, tout en conservant la même forme et le même aspect, s’élevaient jusqu'à
soixante-quinze pieds, avaient à leur base près de neuf pieds de circonférence, et portaient
des feuilles d’un pied et demi de longueur : c’étaient par conséquent des Lycopodes arbores-
cents, comparables par leur taille aux plus grands sapins.
« Après la destruction de cette puissante végétation primitive, qui fut ensevelie sous les
dernières couehes des terrains humiliera , le Régne végétal parait pendant longtemps n’avoir
pas atteint ce même degré de développement : cependant la période qui sépare la formation
houillère de nos terrains modernes est remarquable par la prépondérance de deux familles qui
se perdent, pour ainsi dire, au milieu de l’immense variété des végétaux dont est couverte
aujourd'hui la surface de la terre, mais qui alors dominaient toutes les autres par leur nombre
et leur grandeur : ce sont les Conifères et les Cycadées. L'existence de ces deux familles pen-
dant cette période est d’autant plus importante à signaler, qu’intimemenl liées eirtro elles par
leur organisation (vous vous rappelez que leur fleur n'a ni calice, ni corolle, ni ovaire, et se
réduit à nue graine nue, protégée uniquement par une écaille), elles forment le chaînon inter
médiaire entre les plantes sans cotylédons à fructification inconnue, qui composaient presque
seules la végétation primitive , et les monocotylédones et dicotylédones qui , de nos jours, for-
ment la majorité du Régne végétal. »
C'est au-dessus des terrains crétacés , entre la craie et le calcaire grossier.
tque change tout à coup la nature de la végétation terrestre. 1
disparu ; on ne trouve presque au-
' MtÊVhi cuü0 F°uB®te » •* végétation est
^k\ jMB composée 'le Conifères très-diffé-
renies dos anciennes on voit en
outre apparaître des Palmiers, des
liles . et une foule de dicotylédones ,
dont on no. peut déterminer la fa-
mille. Le calcaire grossier , d’origino marine , contient de nouvelles Algues,
des Naïades ; et enfin les terrains d’eau douce , qui forment les couches
supérieures du soi que nous habitons aujourd'hui, présentent à l’état fossile
des Chara, des Liliacées , des Nymphéas, etc.
.es Cycadées ont
Tict toertumt
m NtarHtA.
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10C
DEUXIÈME PARTIE.
ii Ainsi, aux Prîtes, aux Fougères, aux Lycopodes, premier degré de l'organisation ligneuse
(qu'avaient précédées les Algues), succédèrent les Conifères ol les Cycaddes , qui tiennent un
rang plus élevé dans l'échelle des végétaux; et à celles-ci succèdent les plantes dicotylédones
qui en oecupenl le sommet.
n Dans le Règne végétal, comme dans le Régne animal, il y a donc eu un perfectionnement
graduel dans l'organisation des êtres qui ont successivement vécu sur notre glolie, depuis
ceux qui , les premiers , ont apparu à sa surface , jusqu’à ceux qui l'habitent actuellement. »
HISTOIRE BOTANIQUE DU JARDIN
Nous avons terminé la revue botanique du Jardin; vous a ver admiré la splendeur do ce
royal établissement, vous avez dénombré toutes les richesses végétales qu'il renferme; mais
ces richesses vont augmenter de valeur à vos yeux , quand vous saurez ce qu’il en a coûté do
travaux, de patience et de génie pour les acquérir, et les ranger dans l'ordre oh nous les
voyons aujourd'hui.
Ou vous n dit que bonis XIII créa le Jardin du Roi; mais il n’est pas sans intérêt do
remonter aux causes premières qui amenèrent cette création. A'ous saurez donc que les dames
do la cour de Henri IV avaient un goût très-vif pour la broderie des fleurs : après avoir exercé
leur talent sur les plantes de nos bois et de nos prairies, elles se lassèrent do VÉglnnlint, de
la Marguerite, du Mouton d'or, et firent partout chercher des fleurs étrangères. Or, il y avait
à la pointe occidentale de la Cité, sur l’emplacement actuellement occupé par la place Dau-
phine, un jardin appartenant à Jean Robin , simpliciste du Roi. Ce Jean Robin avait fait venir
à grands frais de la Hollande des Crames et des Oignons de Plantes exotiques , cl son cata-
logue s'élevait à treize cents espèces ; il vendait des fleurs aux dames , mais il refusait obsti-
nément d'en donner les graines, et détruisait ses cageu.r plulût que de les communiquer. Guy
Patin (le célèbre adversaire de l'émétique), grand amateur d'horticulture, n’avait rien pu
obtenir de Jean Robin : aussi l'appelait-il dans ses lettres le dragon des llespérides. On raconte
même que, désespérant de l'endormir, il se présenta un matin chez lui, en grande robe, sui-
vant l'usage des médecins de ce temps-là; il le trouve dans son grenier, occupé à ranger les
semences et les fruits de sa collection ; il regarde tout , admire tout, et ne demande rien ; il lui
explique les propriétés médicinales et, comme on disait alors, l'intérieur de toutes ces plan-
tes. I.'avare jardinier était enchanté de celte visite, et toutefois ne perdait pas de vue les mains
agiles de Guy Patin; mais le rusé docteur, allant et venant par la chambre, balayait avec la
longue queue de sa robe le parquet tout jonché de graines : il s’en accrocha plus d’une à
l’étoffe doctorale, comme vous pouvre croire. Cependant cette récolte d'un nouveau genre ne
fut pas assez abondante pour enrichir les amateurs, et la réputation exclusive do Jean Robin
alla toujours en croissant.
Ce fut alors que Guy de La Drosse, médecin ordinaire du roi Louis XIII, eut l'idée de sus-
citer au simpliciste une concurrence royale. Il stimula son collègue Hérouard, premier méde-
cin, et tons deux représentèrent au roi qu'il était honteux pour la couronne et affligeant pour
l'humanité , qu'un simple particulier fût seul possesseur en France dos plantes exotiques les
plus belles et les plus précieuses; que, dans une capitale comme Paris, où florissail la méde-
cine, il était indispensable d’avoir un établissement spécial pour la démonstration de l'exU-
n'etirol de V intérieur des plantes, ainsi que pour la manipulation des drogues. Louis XIII
accueillit les observations de ses médecins , et le Jardin royal des Plantes médicinales ftit
institué. L’édit créait trois professeurs pour la démonstration de l'intérieur des plantes, de la
chimie-pharmacie et de la llotanique : Guy de La Brosse fut nommé intendant du Jardin ; il
fut chargé de diriger les cultures et d'enseigner Vejrlérieur des plantes, c'est-à-dire leurs carac-
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HISTOIRE BOT A N IQ LE Dl JARDIN.
téros physiques ; sur sa demande, on lui adjoignit, comme sous-dé monslraléur, Vespasien
Robin , fils de Jean , qui avait succédé , du vivant do son père , i la charge d 'arboriste nu sim-
plicité du Roi. Cutto adjonction était un habile calcul de La Brosse : la vanité paternelle parla
plus haut que l'avarice dans lu Cœur du vieux jardinier, et pour payer la bienvenue de son
fils.il donna au Jardin plus de douze cents espèces, qui formèrent le fond de V École de
Botanique.
Vous devez penser que , dans un établissement qui portait le nom de Jardin des Herbes
médicinales , les plantes durent être classées, non d’après leurs rapports d’organisation, que
l’on no connaissait pas, mais d’après leurs vertus, que l’on croyait connaître : ainsi l'on réunit
Comme espèces émollientes, la Guimauve, lu Mvlène, le Séneçon et la pariétaire, qui appar-
tiennent à (Jualre familles très-éloignées les unes des autres; le Pied-de-Cliat , le Coquelicot,
la Mauve, furent mis ensemble sous le nom de plantes béchiques ; l'Hgsope , le Capillaire et la
Véronique occupèrent une même plate-bande ou qualité d'espèces pectorales , etc.
Le Jardin était loin d'offrir alors le magnifique développement qu'il a reçu sous Ruffon. Les
deux grands carrés, séparés par uu bassin, que l'on iiommo aujourd'hui le Parterre Cliaptal,
et qui s’étendont vis-à-vis des deux Buttes, formaient quatre carrés où l'on cultivait les Plantes
médicinales les plus usitées. (Vous avez vu des carrés analogues, à l'entrée du Jardin, du
côté do la rivière.) Entre ce grand parterre et la petite Butte était V École de Botanique , qui
s'étendait par conséquent depuis la rampe qui monte entre les deux grandes Serres neuves,
jusqu'à l’allée qui sépare l'École actuelle en deux parties iuégalcs. Plus à l’ouest, c'est-à-dire
Vis-à-vis la grande Butte, étaieut d'abord des banquettes pour les Plantes du midi de la
France ; puis tout à fait à l’ouest (jusqu'à la cour qui est située devant le Cabinet) V Orangerie
et son jardin. Ce qu'on appelle maintenant le Cabinet ou la Galerie d’histoire naturelle n'exis-
tait pas encore; il y avait là uu château à uu étage, occupé par l'intendant ; la porte d'entrée,
qui était unique pour tout l’établissement, répondait à l’allée séparant le Parterre médicinal
de l’École ; à gauche de cette porte, était un amphithéâtre pour les leçons ; à droite le château ;
et à l'angle méridional , une galerie contenant six cents bocaux de substances desséchées ,
désignées sous le nom de matière médicale. Sur l'emplacement actuel dos Galeries de Miné-
ralogie et de Botanique, s'étendait un Jardin légumier, qui devint plus tard l'École des arbres,
sous Tournefort , et où existent encore le vieil Acacia de Vespasien Robin , l'Érable de Mont-
pellier, lo Soplwra du Japon , le Genévrier élevé et le Micocoulier austral.
La rue de Buffon n’était pas percée ; l’espace qu'elle traverse aujourd'hui était occupé par
des jardins particuliers. A l'est du Parterre médicinal et de l'École , étuient d’abord un petit
bois percé en étoile, et planté d’arbres rustiques ; puis un terrain vague, dont on tira plus tard
du sable pour les allées; puis un Jardin des couches et des légumes délicats; puis enfin un
Verger agreste en quinconce , continuant au nord-est l'École do Botanique. Cette limite orien-
tale du Jardin commençait à la porte qui ouvre sur la rue de Buffon , coupait l'angle nord des
deux terraùis faisant suite au Parterre médicinal, et occupés actuellement par la grande Pépi-
nière; puis elle bordait lo Verger agreste en quincouce, qui depuis est devenu le commencement
du grand carré de l’École actuelle. Arrivée à l'allée où l’on a depuis planté des Marronniers,
elle se terminait à l'angle de marais dormant sur la rue do Scùie, et où se trouvent mainte-
nant le Jardin des Serres et la grande Serre tempérée. Le long de toute cette limite coulait la
rivière de Bièvre, dont le cours a été détourné plus lard. Entre la Bièvre et la Seine étaient
des marais légumiers et des chantiers do bois.
La limite septentrionale du Jardin , faisant suite à celle que je viens de vous décrire , lon-
geait le Jardin actuel des Semis , et so brisait pour contourner la petite Butte ; laissant à sa
droite le jardin de l'hôtel do Magny, où l’on a plus tard établi le grand Rond, et construit
V Amphilliéütre ; puis elle suivait le contour de la grande Butte, jusqu’à la rue du Jardin du
Roi , en longeant à droite, dos maisons et des terrains qui aujourd'hui appartiennent à l’éta-
blissement.
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108 DEUXIÈME PARTIE.
Toi était le Jardin dont Guy de La Brosse fut le véritable fondateur, et où le premier il pro-
fessa la Botanique. Il mourut trois ans après l’ouverture de rétablissement , et sa mort eût
été un malheur irréparable, s'il n’avait laissé un petit-neveu qui devait plus tard restaurer
glorieusement sou œuvre ; eu attendant , on s’occupa de donner uu successeur à Guy de La
Brosse : il fallait un botaniste pour remplir sa place, et ce fut un magistrat qui l’obtint :
Bouvart de Fourqueus, premier médecin du roi, et en cette qualité surintendant de son Jardin
des Herbes médicinales, nomma intendant et professeur de botanique son propre (ils, conseiller
nu parlement. Nous ne savons si ce cumul fut aussi préjudiciable à la Justice qu’à la Science;
ce qu’il y a de vrai , c’est que Vespasien Robin demeura seul chargé de démontrer l’extérieur
des plantes. Bientüt le premier médecin Bouvart fut remplacé par Vautier, qui voulut évincer
le lits de son prédécesseur, et nommer un intendant à son choix ; n’ayant pu y réussir, il se
dégoûta de la surintendance, et ne prit plus aucun intérêt au Jardin. Dès lors tout tomba en
décadence, les Plantes périrent, les leçons furent négligées, et le pauvre Robin n’osa pas réagir
contre l’incurie do Vautier. Toutefois , celui-ci opéra une reforme utile dans l’enseignement :
il substitua un cours d’Aualomio à celui qu’on faisait sur l’intérieur des Plantes; cette mesure
prépara la chaire querCuvier devait remplir un jour.
Vallot , qui succéda & Vautier en 1652, ne montra pas d’abord plus de xèlo que celui-ci ;
mais une circonstance fortuite vint lo tirer de son apathie : il vil k Blois le jardin de botanique
établi par Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII. Ce jardin renfermait non-seulement une riche
collection de Plantes de tous les pays , que lo prince avait fait décrire par de savants botanis-
tes; mais on y admirait encore do magnifiques vélins qui représentaient les csjièccs les plus
remarquables, peintes par le fameux Robert. Vallot fut alors saisi d’une généreuse émulation :
Vespasien Robin venait de mourir, il nomma pour le remplacer Denis Jonquet, médecin, qui
cultivait des plantes à Saint-Germain-des-Prés; Jonquet s’adjoignit GuyFagon, petit-neveu
de Guy de La Brosse, et dès lors commença la prospérité du Jardin.
Fagon venait de terminer ses études à Sainte-Barbe; le Jardin du Roi était sa patrie, il y
était né en même temps que les carrés de l’École; les premiers mots qu’il avait bégayés
étaient les noms latins des plantes. A peine nommé sous-démonstrateur, il se met en roule
pour enrichir sa terre natale : il parcourt la France à ses frais (et sa fortune était mince),
ramassant, demandant, achetant des graines, des oignons, des boutures, et fait passor au
Jardin tout ce qu’il peut recueillir. Jonquet, en même temps, fait venir des plantes des pays
étrangers ; enfin , après dix ans de travaux , de pérégrinations et de sacrifices , nos deux bota-
nistes publièrent leur Catalogue : il était de quatre mille espèces; en tète du Catalogue, dédié
au roi, on lisait une pièce de vers latins, composée par Fagon, où monsieur le surintendant
Vallot était loué avec finesse. Vallot nomma sur-le-champ Fagon professeur de chimie; et à la
mort de Jonquet, qui arriva six ans après, il lui donna la chaire de botanique.
Mais Fagon savait faire autre chose «pie dos vers latins ; il avait obtenu le bonnet do doc-
teur en médecine; il avait défendu en pleine Faculté la théorie de la circulation du sang, et
les vieux, quoique non préparés il cet excès d’audace , trouvèrent que le jeune homme avait
défendu avec esprit cet estrange paradoxe. Fagon, devenu professeur de botanique, repeupla
d’étudiants le Jardin du Roi, comme il l’avait repeuplé de végétaux ; il professait avec chaleur;
son érudition était immense, sa mémoire prodigieuse; il nommait imperturbablement les
quatre mille espèces de son Catalogue ; et alors chaque espèce no portait pas seulement deux
noms comme & présent, il y avait deux phrases pour chacune, et souvent des synonymes à la
suite : ainsi , par exemple , la Bette vulgaire ( Beta vulgaris) s’appelait en latin Bette blanche
ou pâle, qui est la Poin'e des boutiques; la Spirée filipendule ( Spirira filipendula) se nommait
Filipendulc vulgaire, peut-être le molon de Pline; le Frêne à manne ( Fraxinus ornus ) était
le Frêne plus humble, on l'autre de Théophraste A feuille plus courte et plus étroite ; lo Varech
tésiculeux { Fucus vesiculosus) était le Varech maritime , ou Chêne de mer, portant des vési-
cules, etc. , etc. Celto science de mots était la seule «pi’on possédât dans ce temps-là, et c’était
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HISTOIRE BOTANIQUE Dl JARDIN.
la science qui convenait â l'époque : il fallait, avant tout, posséder un grand nombre d'espèces,
les distinguer les unes des autres par les traits les plus saillants de leur physionomie, tels que
la consistance et le port de la plante, la couleur, l'odeur, la forme de la fleur et des feuilles;
en un mot , il fallait commencer par le commencement. De celte réunion de végétaux décou-
lait nécessairement l’étude comparée de leurs caractères les plus délicats, tels que la structure
de la corolle et du fruit Des ouvriers infatigables amassaient les matériaux do l’édifice ; l'ar-
chitecte qui les mettrait en ordre devait arriver tôt ou tard.
Au reste , le poète-botaniste Fagon était , plus que personne , capable d'orner cette aride
nomenclature et de la mnémoniser pour les étudiants. Quand il nommait une Planta, il assai-
sonnait la lourde phrase de Bauliin d’un vers de Virgile ou d’Ovide, et la phrase était digérée
par ses auditeurs. Les démonstrations do botanique se faisaient dans l’École mémo : il pré-
sentait A ses élèves une branche de Sauge officinale , et leur citait le distique léonin do Y École
de Saleme :
Car monalur homo cui tolvia erescit in horlo!
— Contra vira mords non est mcdicamen in borde.
« Pourquoi mourait l’homme, qui a de la Sauge dans son jardin! — C’est qu’il n’y a pas
dans les jardins de remède contre la mort. »
Fagon n’était pas seulement professeur, il exerçait la médecine , et il l’exerçait avec un
désintéressement complet ; il n’acceptait ni l’argent de scs malades , ni les présents , qui sont
un salaire déguisé; il fut bientôt nommé médecin ordinaire, puis premier médecin du roi, et
porta à la cour l’insouciance du gain , qui l’avait fait remarquer à la ville ; ce mépris des
richesses fut taxé de bizarrerie et d’orgueil par les courtisans du grand roi , et ils cherchèrent
à tourner en ridicule un homme qui leur donnait un exemple si sévère' : Fagon ne s’en inquiéta
point , et se réduisit strictement aux appointements de sa placo ; il renonça A tous les bénéfices
accessoires qui rendaient énormément lucrative la charge de premier médecin du roi : c'étaient
des rétributions qu'avaient A payer les médecins ordinaires , pour leur prestation de serment,
les intendants des eaux minérales du royaume , les professeurs qui obtenaient une chaire A la
faculté, etc. Le roi, en faisant la maison du dauphin , avait donné à Fagon la eliargo de pre-
mier médecin pour la vendre A qui il voudrait (pauvro dauphin I), et ce n'était pas une somme
A mépriser; mais Fagon ne souffrit pas qu’une place aussi importante fût vénale, et il la Ut
tomber sur La Carliére, qu'il on jugea lo plus digne.
Dès qu’il sentit que ses devoirs de médecin pouvaient nuire A ses fonctions do professeur,
il songea A se démettre des deux places-qu'il occupait au Jardin ; il se fit suppléer dans la
chaire de chimie par Lémery, puis par Geoffroy (A qui il céda définitivement sa place en 1 7 1 2) ;
et, pour la botanique, il fit venir de Provence le jeune Touniefort dont le nom était déjA célè-
bre. Toumefort était né A Aix , où il avait fait de brillantes études chez les jésuites ; son père
voulait en conséquence lo faire d'église, le (ils aimait mieux être de science; mais il fallut
obéir, entrer au séminaire, suivre un cours do théologie, et le pauvre abbé Tournefort dut
craindre, comme le cardinal Duperron, de gâter sa belle latinité. Libre enlin, A la mort de son
père , de suivre sa vocation pour l'histoire naturelle , Tournefort avait parcouru les Alpes en
tous sens , et fait un magnifique herbier ; puis il avait exploité les Pyrénées et la Catalogne,
avait été pris et dépouillé par les miguelels ; il avait caché son argent dans un pain noir, qui
ne tenta pas la cupidité des brigands; il avait souffert, pendant ses longues herborisations, lo
froid, le chaud, la faim et la soif, et son ardeur ne s'était pas ralentie; enfin, rentré -en France,
il avait refusé la chaire de Botanique de Leyde, dont les appointements étaient de 4,000 francs
(15,000 francs d'aujourd’hui).
Tel était l’homme que Fagon jugea digne de le remplacer. Vous avez vu dans Fagon lo
médocin désintéressé, ce qui est beau; le fonctionnaire ennemi du cumul, co qui est rare;
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MO
DEUXIÈME PARTIE.
mais voici le sublime ! c est le professeur cédant sa place à un homme qu’il sait être plus
capable que lui... Hélas! hélas! que ces temps héroïques sont loin île nous!
Tournefort arrive à Paris, en 1683, et bientôt ses leçons, ses voyages nombreux et produc-
tifs, la réorganisation do l'École d'après une nouvelle méthode, rendent le Jardin plus llorissant
que jamais. Fagon , nommé premier médeciu du roi et eu mémo temps surintendant , vient
encore augmenter de sou crédit et do sou zèle la prospérité do sa chère pairie. L'année 1693
est mémorable par la nomination do Fagon à la surintendance du Jardin, et la publication
des Éléments île Botanique do Tournefort. Dans cet ouvrage, l’auteur expose les princi[>es de
sa Méthode , dont les divisions sont tirées de la durée et de la consistance des végétaux , de
V absence ou <So la présence des pétales, do leur soudure ou de leur indépendance réciproque,
du la disposition et de la forme des fleurs et de la nature du fruit. Il range dans cette méthode
dix mille cent quarante-six espèces , qu'il distribue eu six cent quatre-vingt-dix-huit genres ;
chaque es|iècc est indiquée par une phrase caractéristique.
La méthode de Tournefort , fondée sur la partie la plus brillante du règuo végétal , facile à
comprendre et h pratiquer, obtint un succès universel ; mais ce qui recommande surtout Tour-
nofort à la postérité , c'est la création des genres et des espèces , qu’il caractérisa lo premier
d'une mauièro rigoureuse et précise.
De tous les voyages de Tournefort, le plus remarquable est celui qu’il (U , en 1700, dans le
Levant, accompagné du peintre Aubriet, attaché au Jardin, qui devait dessiner les espèces
nouvelles. Pendant son absence, sa chaire fut remplie par Morin, membre de l’Académie des
sciences, et médecin de l’Ilôtcl-Dieu : ce Morin mettait tous les mois ses ap|>ointcmenls dans
le tronc de l'hôpital, d'où vous pouvez conclure, d'abord, qu'il était désintéressé, ensuite qu'il
soignait ses malades.
Tournefort nous a laissé une relation de son Voyage au levant, qui suffirait pour immorta-
liser son nom , si nous n'avions pas ses Institutions de la Chose végétale ( Instituliones rei
herbariis), qu’il écrivit en latin et qui sont une traduction, augmentée, de ses Éléments de
Botanique. 11 mourut dans toute la force de son talent, dus suites d'un coup qu’it avait reçu
de l'essieu d'uue voiture. Il laissa au Jardin sa collection d'histoire naturelle et sou herbier.
C'était en 1708; d’isnard, nommé professeur de botanique, n’avait pu, à cause de sa santé,
faire qu'un seul cours, et Tournefort n'était pas remplacé; mais le plus fervent des élèves de
ce grand homme dirigeait les cultures du Jardin : il se nommait Sebastien Vaillant.
Vaillant naquit a Vigny, près Pontoise, en 1669; dès l'Age de cinq ans, il était botaniste,
sans connaître le nom d’un seule plante ; il avait rassemblé dans le jardin de son père tous les
végétaux qu'il avait pu trouver dans les bois et les prairies du pays ; le pèro , qui voyait son
petit parc encombré par les plantations de l'enfant „ fut forcé d’arrêter ces envahissements,
mais il lui laissa en toute propriété un côté du jardin pour qu’il y pût cultiver ses délices.
Sébastien eut bientôt épuisé toute la campagne des environs ; alors il se glissait dans les jar-
dins du voisinage et trouvait toujours moyen d'eu rapporter quelque graine, ou quelque oignon,
dont il enrichissait sa collcctiou. Bientôt il fallut que le petit savant apprit À lire et à écrire ;
on l’envoya chez un frère qui tenait une écolo; il y avait des leçons à apprendre par rieur,
et Sébasticu passait avec ses fleurs plus de temps qu’avec son catéchisme : il fut puni , et
résolut de ne plus l’étre ; pour accorder scs devoirs avec ses plaisirs, il plaça au chevet de sun
lit un soufflet garni d'un gros clou de cuivre, et s'on servit comme d'un oreiller; la gène que
lui causait ce corps dur, sur lequel posait sa tête, rendait sou sommeil léger; il s'éveillait de
grand matin, étudiait ses leçons, et gagnait ainsi du temps pour ses plantes chéries. Le trotlo-
ment continuel du clou contre la nuque du pauvre enfant détermina la formation d'une loupe,
qu’il conserva toute sa vie.
Vaillant devint bientôt lo meilleur écolier do sa classe, et, pour récompenser ses progrès,
on lui lit apprendre la musique ; à onze ans, il devint l’organiste des bénédictins, puis des
religieuses de Pontoise, qui lui fournirent, outre ses gages, la nourriture et le logement. Notre
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lit
HISTOIRE BOTANIQUE Dl JARDIN,
botaniste musicien, ayant vu les bonnes sœurs faire des pansements, voulut en faire aussi,
prit goût 8 la médecine, et fit une campagne avec je ne sais quel capitaine de cavalerie, comme
chirurgien militaire.
En 1001 , Vaillant, 8gé de vingt ans , vient 8 Paris , et se fait recevoir externe à l'HAtel-Dieu ;
18 il apprend qu’au Jardin du Roi il y a un professeur qui démontre les plantes aux élèves; il
y court , et bientôt il sait les noms de toutes les plantes qu'il connaissait depuis quinze ans.
Cet enseignement, qui lisait dans son esprit par des formules précises les observations innom-
brables qu’il avait faites depuis sa plus tendre enfance, l’enflamma d’une nouvelle ardeur pour
la botanique ; il ne tarda pas 8 être remarqué do Tourncfort, qui le signalait 8 tous les étudiants
comme son premier élève. L'année suivante , Vaillant va s’établir 8 Neuilly, où il exerce la
chirurgie; mais chaque matin, comme un héros d'Homère, il supprime, à pial, l’espace qui
sépare Neuilly du Jardin des Plantes, et, chemin faisant, il herborise, ce qui veut dire qu’au
lieu de faire trois lioues, il en fait six; puis, après avoir fait scs stations au Jardin du Roi,
il retourne 8 ses pansements. Tous les mercredis , jour d’herborisation de Toumefort, Vaillant
est le premier au rendez-vous , et c'est toujours lui qui présente au professeur les plantes les
plus rares. Il abandonne bientôt la clientèle de Neuilly, trop peu productive pour un médecin
qui ne sait pas demander son salaire ; et comme il faut qu’il vive, il accepte la place de secré-
taire du père Valois, confesseur du duc île Bourgogne.
C'est tà qu’il fut rencontré par Fagon; celui-ci le vit occupé 8 son herbier de mousses;
frappé de l’ordre admirable qui régnait dans sa collection et de la beauté de son écriture, il
lui proposa d'ètro son secrétaire : secrétaire d’un surintendant du Jardin des Plantes ! vous
jugez si Vaillant accepta. Quelque temps après, Fagon, qui avait apprécié le trésor qu’il pos-
sédait , confia 8 son secrétaire la direction des cultures du Jardin , puis il le nomma sous-
démonstrateur, pour suppléer le professeur en cas d'absence, et conduire les élèves 8 la
campagne.
Mais Toumefort n'était pas remplacé : d'Isnard avait donné sa démission, et Fagon cher-
chait un successeur digne de remplir la chaire occupée si glorieusement pendant vingt-cinq
ans. Un jour, il reçoit 8 Versailles la visite d’un jeune Lyonnais , médecin de la Faculté do
Montpellier ; « ce jeune homme, élève du fameux Magnol , et passionné pour la hotaniipie,
« est venu à Paris, au commencement de cette année, pour assister aux leçons de Toumefort,
« dont il admire les ouvrages ; il l’a trouvé mourant , et n'a pu jouir que de quelques instants
« d'entretien. Pour utiliser son voyage , avant de retourner 8 Lyon , il est allé herboriser dans
n la Bretagne et la Normandie, et en revenant par A'ersailles, il a voulu saluer M. Fagon. »
Fagon accueille avec bienveillance l’élève de Magnol, veut voir ses plantes, le questionne,
l’écoute avec attention, et notre voyageur se disposant 8 prendre congé, Fagon lui dit : « Vous
a ne partirez pas, je vous nomme professeur au Jardin du Roi, pour remplacer Toumefort. n
Co successeur de Toumefort, figé do vingt-trois ans, était Antoine de Jussieu, frère do Bernard ,
de Jose)>li, et oncle d’ Antoine-Laurent,
Ainsi fut fondée la dynastie des Jussieu, par un coup d'œil et une parole du surintendant
Fagon. N'y a-t-il pas 18 de quoi nous faire aimer le despotisme Jclairdt (Je ne parle que dos
établissements scientifiques.) La république des lettres soit! mais la monarchie, pour los
sciences, sera toujours le meilleur des régimes. Ce n'est pas ici qu’il convient de développer
celte proposition : l’établissement que nous visitons , malgré son nom do Jardin du /toi. se
régit d'après la constitution toute républicaine qui lui fut donnée en 93; mais l'histoire du
passé et colle du présent me suffiraient pour prouver que, quand le poids do la responsabilité
d’une administration est également dispersé sur un grand nombre de têtes, l'opinion publique
est une reine sans autorité.
Antoine justifia bienlôl le choix do Fagon (choix qui avait fait murmurer bien des concur-
rents) par ses belles leçons et ses mémoires scientifiques ; en 1 7 1 2, il était membre de l'Académie
des sciences; en 1716, il alla parcourir l'Espagne et le Portugal; son frère Bernard, qui venait
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112
DEUXIÈME PARTIE,
d’arriver à Paris, raccompagna dans son voyage, et su passionna pour lu botanique, aux
dépens de la médecine qu'il avait étudiée; néanmoins il se rendit à Montpellier, où it se lit
recevoir docteur ; mais sa profonde sensibilité le força de renoncer à une professiou qui lui
faisait éprouver toutes les souffrances de ses malades. Dès lors il se livra tout entier à la bota-
nique, et Vaillant, qui d'abord avait vu avoc déplaisir la nomination d’Antoine, mais qui
bientôt s’était attaché à lui par une amitié fondre sur l'estime , t aillant conseilla lui-mème au
frère aîné de préparer Bernard à le remplacer dans sa charge do sous-démonstrateur et de chef
des cultures.
Antnino de Jussieu n'étant pas encore revenu d'Espagne à l'époque où devait commencer
son cours de botanique, ce fut Vaillant qui en fil l'ouverture, en 1718, par un discours que la
postérité regardera comme son plus beau titre de gloire. Dans ce discours mémorable, Vaillant
démontre la nature des étamines et le phénomène de la fécondation dans les végétaux ; grâce
à ce monument littéraire, dont la dato est certaine, c’est â la France que revient l'honneur de
la découverte la plus importante qui eût été faite jusqu'alors en botanique : et ce fuit physio-
logique, soupçonné seulement par quelques-uns, et nié par la plupart des autres, fut, pour la
première fois , exposé d'une manière positive et appuyé de preuves incontestables au Jardin
des Plaides do Paris.
Fagon voyait avec bonheur grandir et prospérer le Jardin restauré par lui. Les trois profes-
seurs d'anatomie, de chimie et de botanique, qu'il avait choisis lui-mème, étaient des hommes
supérieurs; les démonstrateurs qui les secondaient étaient des savants du premier mérite :
leurs leçons étaient reçues avec enthousiasme , et l’amphithéâtre , qui pouvait contenir six
cents auditeurs , était presque toujours plein : la mission du petit-neveu do Guy de La Brosse
était accomplie : il était vieux et inlimie , il se démit de sa place de premier médecin , et vint
mourir paisiblement au lieu où il avait pris naissance.
Vaillant ne lui survécut que de quatre ans : il mourut presque à l’âge de Tournefort; il
avait composé la Flore des environs de Paris ( llotanicon parisicuse ); cet ouvrage, le meilleur
de tous les livres publiés jusqu'à nos jours sur la Flore Parisienne, était enrichi de magnifiques
dessins du peintre Aubriet ; mais il fallait payer ces dessins : Vaillant, qui n’avait jamais songé
à ramasser un peu d’argent, ne pouvait les retirer, et Fagon n était plus là! Se sentant mourir,
il écrit au grand Boerhaave, et lui recommande son Bolanicon Parisiense... Cette lettre devait
être bien touchante, et les larmes du mourant durent tomber plus d’une fois sur le papier où
il traçait, d'une main défaillante, son dernier vœu de botaniste. Boerhaave, le plus fameux
médecin de son temps, qui vivait à Leyde, et à qui, de toutes les parties du monde, on écri-
vait des lettres, portant pour unique adresse : A Boerhaave, en Europe, Boerhaave adopta
sur-le-champ l’ouvrage du pauvre savant : il retira les dessins , les fit graver avec le plus
grand soin, et se chargea de l'impression du manuscrit : Vaillant, tranquillisé sur les objets
de ses affections terrestres , n'avait plus qu'à réciter le cantique de saint Siméon ; il défendit
qu’on lui parlât de botanique, ne voulut s'occuper désormais que de la Vie nouvelle qui allait
bientôt commencer pour lui , et mourut en remerciant le ciel d’avoir pour successeur Bernard
de Jussieu.
Ici vous allez voir surgir la hideuse figure de ce Chirac, qui avait su tromper le pénétrant
Saint-Simon, et obtenir, par sa recommandation, la surintendance du Jardin. C'était ce mémo
Chirac qui soutenait que la petite vérole n'est pas contagieuse , et qui l'apostrophait ainsi , la
lancette à la main : Tu as beau faire , petite vérole , je t’accoutumerai à la saignée ! Dieu sait
combien de funérailles furent 1a conséquence de cot entêtement dogmatique ! Il voulut appli-
quer le même traitement au Jardin, dont l'existence lui était confiée; il pensa, le misérable!
que le Jardin, aussi, s'accoutumerait à la saignée; en conséquence il lui enleva jour par jour,
et enserra dons son coffre l'argent qui devait l'alimenter. Mais le Jardin n'eut pas le même
sort que ses malades ; il était soigné par les frères Jussieu, qui réparaient, aux dépens de leur
propre substance, les coups do lancette de l’infâme Chirac. Ianir dévouement fut plus tenace
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III STOMIE BOTANIQUE DT JARDIN. 113
que la cupidité du surintendant. Antoine de Jussieu pratiquait la médecine, et s’était fait uno
clientèle considérable (clientèle qui , du reste, ne lui fit jamais négliger une seule leçon) ; pau-
vres et riches le consultaient , il no recevait d’honoraires que des riches , et le petit peuple du
faubourg Saint-Victor, qui le révérait comme un itère , ne croyait pas le moins du monde
altérer son nom en l’appelant monsieur Judicieux. Antoine sacrifia toutes ses économies pour
soutenir le Jardin dont son frère et lui étaient les seuls protecteurs; il payait les engrais, les
instruments de culture, entretenait les serres, défrichait les terrains incultes, relevait les murs
de clôture , faisait des voyages & ses frais , et le transport des plantes recueillies était à sa
charge ; son frère et lui payaient de leur personne comme do leur bourse ; et bien que, malgré
tous leurs sacrifices, le Jardin fût devenu languissant sous la thérapeutique meurtrière de
Chirac, jamais les cours, les démonstrations et les herborisations n'avaient marché plus régu-
lièrement.
Chirac s'irritait de ces généreux efforts ; il retira i Bernard la garde du Droguier , qu'on
avait ajoutée aux attributions de démonstrateur et de chef des cultures; c’est ce Droguier qui
devint , sous Buffon, le Cabinet d'histoire naturelle. Il aurait bien voulu destituer les deux
frères pour les remplacer par ses créatures , et alors c’en était fait du Jardin ; mais ils avaient
des brevets qui rendaient leur place fixe. C’était une prévoyance du grand Colbert : Colbert
avait eu pendant quelques mois la surintendance, et il avait fait rendre, en décembre 1671,
une déclaration du roi qui réglait définitivement la constitution du Jardin.
Détournons nos regards de cette ignoble tyrannio, qui dura quatorze ans, et rcposons-les
sur l’administration paternelle de du Fay : elle commença la convalescence du Jardin, et le
prépara sans secousse à la santé robuste qu’il acquit sous Buffon. Charles-François de Cisternay
du Fay, fils , petit-fils de militaires, militaire lui-méme, avait toujours cultivé les sciences, et,
depuis neuf ans, était membre de l’Académie; helléniste, botaniste, physicien, chimiste et
même alchimiste , il possédait toutes les qualités nécessaires pour donner de l’impulsion à un
établissement scientifique, Nommé intendant, à l'ègo de trente-cinq ans, il résolut de consa-
crer sa vie entière à l’établissement dont il était le chef. Ardent et infatigable solliciteur, ayant
accès auprès des ministres , il préparait do loin scs demandes , obtenait souvent des fonds
extraordinaires , dépassait toujours les sommes accordées , et ne craignait pas de s'engager
dans des avances considérables. Il porta sa principalo attention sur la botanique , rendit à
"Bernard la place de garde du Cabinet, fit dos voyages en Hollande et en Angleterre pour éta-
blir des correspondances et enrichir le Jardin , et donna au cabinet sa collection de pierres
précieuses. I,a septième année de son intendance, il fut atteint d’une maladie mortelle, et
songea à se choisir un successeur : il était en mésintelligence avec Buffon , son collègue h
l’Académie des sciences; mais Hellot, leur ami commun , voulut réconcilier, dans ce moment
suprême, deux rivaux faits pour s’aimer : il conseilla à du Fay do le demander pour son suc-
cesseur; du Fay suivit généreusement ce conseil, écrivit au ministre sur son lit do mort, et
Buffon fut nommé intendant du Jardin.
Je n'ai pas à vous entretenir de la splendeur matérielle que le Jardin doit à Buffon : une
dictature d'un demi-siècle, exercée par un homme de génie, qui ne relève que de l'autorité
royale et de l’opinion publique , devait produire d’immenses résultats. Comme je vous dois
seulement l'histoire botanique du Jardin, je ne ferai mention de Buffon qu’au sujet du renou-
vellement do l’Écolo, qui eut lieu en 1774. Mais avant d'arriver à cet événement, qui tient
une grando place dans les fastes du Jardin, j'ai à vous faire connaître quelques détails qui
pourront vous intéresser.
Jo ne vous ai parlé jusqu’ici que de deux Jussiou ; leur famille, originaire de Montrolier,
dans les montagnes du Lyonnais, était fort nombreuse; son chef, nommé Laurent de Jussieu,
exerçait la pharmacie à Lyon. Il eut seize enfants ; trois de ses fils vinrent & Paris : c'éta’e it
Antoine, Bernard et Joseph son fils aîné Christophe fut père d’Antoine-Laurent , dont le (ils
Adrien est mort récemment professeur au Jardin.
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lit
DKl MÊME P \ RTI E.
Antoino avait fait n<ljoin«lrc , en 1735, son plus jeune frère Joseph («rabord ingénieur,
ensuite médecin) aux académiciens qui ailaient en Amérique mesurer un degré du méridien
sous l'équateur. Joseph avait pour mission d'étudier l'histoire naturelle «lu pays, et d’envoyer
des plantes au Jardin. Il fit, en effet, des envois considérables de graines et d’oignons, et
c’est h lui que nous devons une quantité «le (leurs qui ornent aujouni’hui nos parterres, telles
que, par exemple, V Héliotrope et la Capucine. Il fut nommé, en 1743, membre de l’Acadé-
mie des sciences, pendant qu’il était dans les Cordillères. Il revint fort tard en France; mais
les fatigues avaient épuisé sa santé, et il ne put rien publier.
Antoine mourut en 1758, après quarante-neuf ans de professorat. Sa place fut donnée À
Louis-Gui! 'tourne Lcmonnier, médecin en chef de l'armée d’ Allemagne. Ce Lemonnier était fils
et frère d'académiciens; il n'avait guère que 22 ans, quand il fut lui-mème reçu à l’Aca-
démie des sciences, à la suite d'un voyage fait avec Cassini dons le midi «le la France, pour
y prolonger la méridienne de Paris. Le père et les deux fils suggèrent ensemble pen«lant qua-
torze ans. Lemonnier était bon physicien; il travailla à la première Encyclopédie, et publia
divers mémoires sur les Aimanta. Il aimait la botanique par-dessus toutes choses ; il était
l’élève assi«lu «l«* Bernard , et avait exploité avec lui la riche forêt de Fontainebleau, en com-
pagnie «le Linné. Plus tar«l , il fit de nombreuses herborisations avec Jean-Jacques Bousseau
dans la forêt de Montmorency. Quelque temps après son a«lmission à l’Académie, il alla s’éta-
blir à Saint-Germain-en-Laye pour y exercer la médecinp ; il y fit la connaissance d’un fleu-
riste, et entreprit «le disposer les plantes de son jar«lin d’après le système de Linné. C’est là
qu’il fut remarqué par le duc d’Ayen (qui fut depuis le maréchal de Noailles) ; Lemonnwr
plut au duc par la vivacité «le son esprit , et lui d«>nna le goût de la culture des arbres étran-
gers. Bientôt le duc d’Ayen eut de belles plantations exotiques , et Louis XV étant venu les
voir, d’Ayen voulut lui prés«*nter son ami : Lemonnier, conduit à l’improviste devant le roi,
se troubla et s’évanouit. Louis XV fut flatté «le l’effet «jue sa présence avait pro«luit sur le
jeune homme, et il le nomma directeur de son jardin de Trianon. Lemonnier jouit bientôt do
la faveur du monarque; il parlait avec éléganro , et son enthousiasme pour la botanique so
communiquait à ses auditeurs. Louis XV venait souvent à Trianon se délasser, en l'écoutant,
des ennuis et «les plaisirs «le la royauté ; leurs conversations étaient longues, et le bonheur do
Lemonnier excitait au plus haut degré l’envie des courtisans «jui , de loin , voyaient le mo-
narque s’entretenir familièrement avec lui pendant des heures entières. Mais Lemonnier ne
songeait pas à l’immense parti qu’il aurait pu tirer «le ces augustes conférences , et il ne parla
jamais au roi que de fleurs, d’oignons et «le boutures.
Il avait 38 ans, quand il fut nommé médecin en chef «le l’arméo d’Allemagne; avant do
quitter Trianon, il présenta à Louis XV Bornard de Jussieu, son maître, pour prendre soin
du Jardin en son absence. Bernard, alors âgé do 59 ans, le remplaça en effet, et classa
l'École de Trianon d'après les rapports naturels des plantes; bientôt il plut au roi «jui avait,
en botanique, des idées saines et étendues; mais Bernard ne se souciait pas plus que Lemon-
nier dos avantages matériels attachés à la faveur royale. Son ambition s’élevait bien plus
haut : il rêvait la coordination de tous les êtres du Bègue végétal. Linné avait dit ; « La Na-
ture no fait point «le sauts: toutes les planUvs sont liées par des affinités, comme les territoires
se touchent sur une mappemomle ; les botanistes doivent suer sans cesse pour parvenir à un
ordre naturel. L’ordre naturel est le but final de la Science; ce qui rend défectueuse la mé-
thode naturelle , c’est le défaut des plantes qu’on n’a pas encore trouvées ; quand on les con-
naîtra toutes, l'Ordre naturel sera achevé, caria nature ne fait point de sauts ( Natura non
facit sa! tus). » Linné avait lui-même ébauché le tuhleau d’un ordre naturel , et il avait écrit
au-dessous de la liste des genres qu’il n’avait pu classer : « Celui «jui rangera ces genres d'un
siège incertain h leur véritable place, celui-là sera pour moi un grand Apollon {et eris mihi
magnus Apollo). » Bernard de Jussieu avait entrepris de rendre à leur famille légitime les
plantes dont Linné n’avait pas su débrouiller lu généalogie ; il avait découvert avec une saga-
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HISTOIRE BOTANIQUE DI JARDIN.
cité merveilleuse les liens île parenté unissant, par exemple, le Lilas, qui possède une co-
rolle, au Frêne qui n'en a pas; il avait placé le Chain auprès du Carex, YAlocs auprès de
Y Hyacinthe , la Pimpreneltl auprès de la Sanguisurbe , Yllydrophylle à lu suite des Itoragi-
nées, etc. Ces observations, qui feraient aujourd'hui la fortune d’un mémoire à l'Institut,
Bernard ne cherchait pas le moins du monde & s’en faire honneur, il n’était pas plus ambi-
tieux de gloire que de richesses. .Membre de l’Académie des sciences depuis l’âge de 26 ans,
il n’inséra dans lu recueil de celte compagnie qu'un petit nombre de mémoires ; modesto
jusqu'à l’excès, et ignorant de lui-mème comme un enfant, il ne publia jamais rien de gé-
néral , mais toutes ses observations particulières sont des modèles ; il disait souvent : La
temps quon passe ri écrire n'est pas employé ri observer ; au reste , s’il ne publiait pas ses
découvertes , elles n'étaient pas perdues pour les sciences , car il les communiquait sans ré-
serve aux élèves qui i’eutouraiont. Ses rapports avec eux étaient multipliés et incessants.
Garde du Cabinet , chef des cultures, démonstrateur de botanique, il leur était utile pour la
matière médicale , l’horticulture pratique, et surtout pour les herborisations. Les étudiants ,
qui l'adoraient, inventaient quelquefois d'innocentes malices pour mettre à l’épreuve lu saga-
cité de leur maître : ils falsiUaient des plantes , plaçaient nrtislement dans le calice do l'une
la corolle d’une autre, adaptaient à la tige les feuilles d'une troisième , et venaient lui pré-
senter le végétal factice comme une trouvaille merveilleuse ; le bon Bernard souriait, et fai-
sait, on trois mots, l'analyse de cette combinaison hétérogène : Tige de A, Feuilles de B, ca-
lice de C , corolle de I). L’attachement qu'il portait à ses élèves était plus fort que sa répu-
gnance pour la médecine, et lorsqu’il s'en trouvait quelques-uns d'incommodés pendant les
longues herborisations, Bernard quittait tout pour les soigner. C’est à lui que nous devons la
connaissance des vertus héroïques de Y Alcali volatil contre la morsure des Serpents veni-
meux. Il lit, sur les propriétés de ce médicament, line série d’expériences qui constatèrent
l’utilité de sa découverte. Aussi portait-il toujours sur lui , à la campagne , un flacon lYEau de
Luce ; et il lui arriva souvent d'en faire usage au prolit do scs élèves , lorsqu'il herborisait
dans la forêt de Fontainebleau, où la Vipère est fort commune.
Jean-Jacques Rousseau fit plus d'uue fois partie du cortège de Bernard. Il lui demanda un
jour quelle méthode il fallait suivro pour apprendre la botanique : « Aucune , lui répoudil
Bernard , observez et comparez , vous avez assez d’intelligence pour cela ; la botanique est
une science de combinaison et non de nomenclature. » Cette répouso résume complètement
les travaux do Bernard de Jussieu : c'était en effet par la comparaison des caractères qu’il
avait été conduit à pressentir le grand principe de leur inégale valeur, c’est-à-dire de leur
subordination, principe qui fut si habilement développé dans la suite par sou neveu Antoine-
Laurent.
Revenons à Lemonnier : pendant qu’il remplissait les fondions de médecin en chef, en Al-
lemagne, Antoine de Jussieu mourut, et Lemonnier fut nommé pour occuper sa chaire do
Botanique au Jardin. Lemonnier revint à Paris, et voulut permuter avec Bernard, en lui cé-
dant la place de son frère ; Bernard s'y refusa , et demeura simple démonstrateur. Douze ans
après , Lemonnier , devenu médecin ordinaire du roi , et forcé , par les devoirs do sa charge ,
do résider à Versailles, se fil suppléer au Jardin par lo jeune Antoine-Laurent de Jussieu,
neveu de Bernard, qui venait d'arriver à Paris. En 1788, nommé premier médecin, il se
démit de sa place en faveur de Desfontaines , dont nous parlerons bientôt. Comblé des faveurs
de la cour , Lemonnier no fit usage de son crédit que pour encourager les savants ; il em-
ployait ses loisirs à cultiver des plantes et des arbres, qu'il faisait venir à grands frais des
pays étrangers ; riche et charitable , il était adoré des indigents , dont il était le médecin et le
bienfaiteur. Cette existence , calme et sereine depuis soixante-quinze ans, fut bouleversée par
le tourbillon révolutionnaire : il était aux Tuileries, dans la journée du 10 août, en sa qua-
lité de premier médecin du roi ; la foule victorieuse envahit le château, et pénètre dans le pa-
villon de Flore : Lemonnier se présente aux assaillants ; sa physionomie pleine de douceur et
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DE1 MÊME PARTIE.
«le dignité ne désarme pas ces furieux, qui l’accablent d'injures. Un de leurs chefs saisi! le
vieillard au collet, et l'entraîne dans le Jardin avec tous les signes de la violence. Arrivés au
Pont-Royal , la scène change : le vainqueur féroce devient doux et poli , il offre affectueuse-
ment son bras à Lemonnier , lui demande où il demeure , le conduit à son domicile , et lui dit
en le quittant : «J’ai les rois en horreur, et j’ai fait serment de les combattre jusqu’à la mort;
mais un vieillard vénérable , tel «pie vous , sera toujours une majesté pour moi. »
La révolution avait respecté la tête de Lemonnier, mais elle le condamnait A l’indigence ; il
n'avait rien conservé des émoluments de scs places; sa bibliothèque, son jardin et les pauvres
avaient tout absorbé : il fallait vendre ses livres , couper ses arbres ou mourir de faim. Le-
monnier serait mort de douleur avant un mois , s'il se fût séparé do ce qui avait fait son
bonheur pendant soixante ans. Pour conserver son trésor, il se fil herboriste, et le premier
médecin du roi vendit pour un sou de réglisse au pauvre peuple sur lequel naguère il versait
l’or à pleines mains. Ce commerce ne lui fit gagner qu’un fieu de pain ; mais il put, pendant
quelques années encore, ranger, déranger ses livres, et voir bourgeonner ses arbres. De
douces clartés vinrent dissiper les ténèbres qui avaient obscurci le soir d’une si belle vie :
l’une des nièces do Lemonnier, jeune, belle, pleine de talents et de grâces, éprouvait pour
son oncle un amour filial, qui était devenu dans l’adversité une adoration religieuse : le vieil-
lard , plus qu'octogénaire, était en proie à des souffrances qui exigeaient des soins minutieux
et continuels ; sa nièce le supplia de l’épouser, pour avoir le droit d'étre son infirmière. Le-
monnier s'en défendit longtemps ; mais enfin , vaincu par les prières de la créature céleste que
Dieu avait placée sur sa route pour soutenir scs derniers pas, il accepta sa main, et mourut en
la bénissant.
Parmi les événements «pii précédèrent le renouvellement de l 'École, en 1774, je ne dois pas
omettre la visite do Linné au Jardin des Plantes, Cet homme, dont l’histoire offre tout l'intérêt
d’un roman, était né en Suède, d’un pauvre ministre luthérien , qui occupait une petite cure
de village. Vous avez vu que Vaillant était botaniste dès l’âge de 5 ans ; on peut dire que
Linné le devint dans le sein de sa mère : celle-ci, pendant sa grossesse, passait des heures
entières à contempler son mari qui cultivait avec amour quelques fleurs rares dans son mo-
deste jardin : aussi ne fut-elle pas étonnée, après la naissance rie son enfant , de le voir cesser
subitement ses cris dés (pi’on lui mettait une fleur à la main. Ce goût ne fit que s’accroître
avec l'âge, et devint une passion qui s'étendit à toute l’Histoire naturelle. On trouve dans un
froid poème de Castel, qui parut il y a cinquante ans, un vers très-heureux, qui pourrait être
mis au bas du portrait de Linné :
Tu vis, lu connus tout, et tu lis tout connaître!
En effet, son regard embrassa le globe terrestre tout entier : Animaux, Végétaux, Minéraux,
tout fut observé , classé , décrit ; tout reçut un signalement spécial , une noie caractéristique.
Toumefort et Vaillant contribuèrent pour une bonne part à la gloire botanique de Linné : ce
fut on lisant le fameux discours prononce par Vaillant, en 1716, qu'il conçut l'idée d'un
système fondé sur les sexes des Plantes ; il corrobora par dos expériences ingénieuses et mul-
tipliées la thé«jrie do Vaillant sur le rôle physiologique des étamines et du pistil. Quand il pu-
blia , à 27 ans , la description de tout le Règne végétal , sous le nom de Spccies Planlarum ,
il profita habilement des ouvrages de Toumefort, conserva les genres et les espèces établis par
ce dernier ; mais, avec un bonheur singulier, il simplifia les phrases que Toumefort avait em-
ployées pour les désigner ; il donna à chaque genre un nom substantif, et à chaque espèce un
nom adjectif qu’il plaça à côté du nom de genre ; chaque Plante eut alors son nom générique
et son nom spécifique, à peu près comme, dans nos sociétés modernes, un individu porte deux
noms : le nom do son père et son nom de baptême. — En outre , Linné fit subir aux genres
do Toumefort des réductions d'une justesse éminemment philosophique, l’n exemple familier
va vous les faire comprendre. Toumefort faisait du Prunier, du Cerisier, du Laurier-Cerise,
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HISTOIRE BOTANIQUE DU JARDIN. 117
de V Abricotier , quatre genres différents : Linné les réduisit au seul genre Prunier, et il dit :
Prunier domotique, Prunier-Cerisier, Prunier Laurier-Cerise, Prunier-Abricotier ; c'est
ainsi que les genres Pommier, Poirier , Cognassier , Sorbier, Alisier, de Tournefurt, furent
réunis par Linné en un seul, cl l’on eut alors le Poirier commun, I c Poirier-Pommier , le
Poirier-Cognassier, le Poirier-Sorbier, le Poirier- Alisier.
Dans sa Philosophie botanique, trésor inépuisable d’érudition, do didactique et de poésie, il
affecta à chaque organe un nom propre , et à chaque modification d'organe une épithète par-
ticulière. Tous les noms et tous les termes qu'il proposa furent consacrés par le suffrage uni-
versel. Ce livre, enrichi d’aphorismes dictés par le génie et l'expérience, n’est pas seulement
aujourd'hui le Code des botanistes : les principes généraux qu’il renferme ont été appliqués
avec do grands avantages à toutes les parties de l'Histoire naturelle.
Je viens de vous parler de la poésie do Linné : il y en a dans tous ses ouvrages, bien qu’ils
soient écrits en prose. Son style , qui n’est qu’à lui , se distingue , non par l’harmonio , mais
par la concision ; et certes, do tous les éléments de la poésie, la concision était presque le
seul qui convint à un livre renfermant la description de tous les êtres. C’est surtout dans ses
Introductions ci ses Généralités que se montre le poète : les hautes pensées, les images su-
blimes y abondent en foule, mais cette foule est si compacte, qu’il est impossible de traverser
rapidement une page de Linné. Lorsqu'on a passé une heure avec lui, et qu’on rencontre
ensuite la phrase nombreuse et sonore de Buffon, on conçoit le peu de sympathie qu’éprouvait
l’écrivain français pour le naturaliste suédois.
Je vais vous donner une traduction libre des premières lignes qui servent d’exorde à son
grand ouvrage du Système de la Sature; je dis libre, car il m'a été impossible d'être fidèle au
texte ; je vous avertis donc avec chagrin que la concision (note caractéristique du style de
Linné) manquera tout à fait ici; il faut en accuser surtout le traducteur, cl un peu le génie
de notre langue.
Dans la nuit de l'erreur, une soudaine voix
Me dit : « Mortel aveugle, ouvre les yeux et vois! »
Je m'éveillai : je vis l'Être éternel, immense
Sourre de tout savoir et de toute puissance;
Il se montra sans vo le à mes yeux stupéfaits;
Je compris sa beauté, sa gloire, ses henfails.
Il passa i et semait les mondes dans l'espace :
Je le suivis de loin, en adorant sa trace.
Et l'empreinte divine à mon esprit grossier
Révéla les secrets du céleste Ouvrier;
Je vis dans le Ciron, qui pour lui vaut un monde,
Raison, force, grandeur, perfection profonde.
Vous avez entendu tant de mots latins, depuis votre entrée au Jardin des Plantes, que je ne
puis résister à l'envie de vous réciter le texte, dont ces vers sont la froide paraphrase : je suis
sûr que vous allez le comprendre , en vous aidant de la traduction.
DEVM sempitemum, immensum, omniscium , omnipotentem, expergefactus
transeuntem vidi, et obstupui. Legi aliquot ejus vestigia per ereata rttrum, in
quibus, etiarn in minimis, ac ferè nttllis quoi ratio! quanta vis! quàm inextri -
cabilis per/ectio!
Linné était âgé de 31 ans, et avait déjà publié son Système de la nature, et ses principaux
ouvrages de Botanique (excepté la Philosophie) , quand il vint à Paris. Il arrivait de Levde,
oit il avait vu Boèrhoavo mourant. Boêrhaave avait porté à ses lèvres la main du jeune
hommo, en lui disant : n J'ai rempli ma carrière; que Dieu te conserve, toi qui n’as pas fourni
la tienne. Tout ce que le monde savant voulait de moi, il l’a obtenu, mais il attend bien plus
encore de toi , mon cher fils. Adieu , mon Linneeus. »
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DEUXIÈME PARTIE.
Linné, à peine débarqué , court au Janliu des Plantes; on raconte i|u'il y arriva au moment
où Homard de Jussieu faisait une démonstration botanique : Linné se mêle parmi les assis-
tants. Bernard leur parlait dos différences d'asfiecl que présentent les Végétaux de telle ou telle
région : il montrait à l'un des élèves une piaule originaire d'Amérique, et lui demandait s'il
pourrait bien sur son extérieur reconnaître sa patrie : l'élève garda le silence , une voix sort
de la foule, et fait entendre ces mots en latin : Physionomie américaine !... ( faciès ameri-
cana) ; Bernard se retourne précipitamment vers l'interlocuteur, et lui dit dans la même
langue : u Vous êtes Linné! — Oui, » répondit celui-ci : cil même tomps il lui présenta la
lettre de recommandation que Van Moyen lui avait donnée pour les Jussieu. Van Moyen, dans
cette lettre , appelait Linné le prince de la Botanique ; mais le prince était sans argent et loin
de sa patrie. Bernard l'accueillit en frère, et (|>our parler le langage des anciens) il l’aug-
menta de sa monnaie, et le réchauffa de son hospitalité. Les deux amis exploitèrent ensemble
la forêt de Fontainebleau; Bernard présenta son hôte à l'Académie, qui le nomma l'un de scs
membres correspondants, et Linné quitta Paris, emportant pour les Jussieu une reconnais-
sance qu'il conserva toute sa vie.
Vers 1740, Bernard, ne pouvant suffire aux travaux que nécessitait la direction de toutes
les cultures, forma un jardinier nommé Bcrlamboise, qui bientôt fut digne d'un lui maître; en
1745, Bcrlamboise étant mort, Buffou mil h sa place Jean-André Thouin, jardinier & Stord,
près Plie- Adam. Tliouiu se distingua pendant vingt-trois ans par son zèle et ses connaissances.
Lorsqu'il mourut, Bernard proposa, pour lui succéder, son (Ils André, à peine âgé de vingt
ans; Buffon se déliait de l'extrême jeunesse du candidat, mais Bcrnord répondit pour lui, et
Audré fut nommé jardinier en chef. C’est encore une belle et longue vie que celle d’André
Thouin : ce jeuno homme, laissé par la mort de son père à la tête d'une nombreuse famille,
so voua au célibat, et travailla pondant soixante ans à justifier la confiance des Jussieu. Doué
d'une activité et d'un esprit d'ordre admirables, il trouvait du temps pour tout; il faisait face
aux travaux multipliés de l’intérieur et à toutes les correspondances du dehors : c’était lui seul
qui surveillait la préparation des terres artilicielles , lui seul qui faisait les semis, lui seul qui
les inspectait, en visitaul jour par jour des millier» de pots. Il euvoyait des jardiniers dans les
colonies pour y établir des jardins de naturalisation , et leur donnait des instructions immen-
sément détaillées. Il réussit, eu peu d'années, à tripler les richesses végétales du jardin. —
Reçu à l'Académie dos sciences en 1786, il fut élu, quatre ans après, membre du conseil
général de la Seine ; on le chargea de la section d'agriculture , et il donna une impulsion nou-
velle & celte partie de l'administration. En 1793, à lu réorganisation du Muséum, il fut nommé
professeur de culture, fonda V École que vous avez vue au bas du Jardin, et y fil un cours
spécial sur les diverses parties de l'art agricole. Ses leçons avaient lieu à six heures du matin,
et n’étaient destinées qu'aux jardiniers , mais le public y accourait en foule ; on admirait ses
leçons substantielles et son éloquence simple, que rehaussait encore un physique plein de
noblesse. Il conseillait les semis pour raviver les races, prêchait les plantations comme un
acte de vertu, et la naturalisation des plantes utiles comme un devoir envers la patrie. —
Vous ne serez pas étonné qu'un tel jardinier ait été estimé par Linné, Jean-Jacques Rousseau
et Malesherbes. Lorsque Napoléon créa l'ordre de la Légion d'honneur, il fit André chevalier,
mais celui-ci refusa de porter la décoration. « J'accepte avec reconnaissance, dit-il à l'empe-
reur, cet emblème des vertus civiques, qui m'est offert par les mains de l'héroïsme; mais jo
ne le porterai pas; un ruban irait mal à mon habit de jardinier, et l'orgueil , inséparable de
toute distinction, pourrait me faire oublier la bêche et la serpe : comme elles ont fait ma con-
solation et ma fortune , elles doivent suffire à mon ambition , c'est d'elles seules que j’attends
le bonheur et la gloire. » Il mourut à soixante-dix-sept ans; il avait renoncé au mariage pour
soutenir ses frères, dont il était l’alné : mais, sans avoir eu d'enfants, il éprouva dans ses
pépinières toutes les jouissances de la paternité : ses semis, ses plantations, ses greffes étaient
pour lui une innombrable famille, dont l’éducation lui coûta soixante ans de travail, de
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HISTOIRE BOTANIQUE DU JARDIN. 119
patience et de dévouement : la postérité d'André Thouin ne vaut-elle pas bien les deux sau-
glantes victoires qu’Êpammondas appelait ses deux Allés?
Bernard de Jussieu, qui, dans les dernières années de sa vie, s’était reposé entièrement sur
André Thouin des détails de la culture, fut contraint, par l'Age, de confier ses autres fonctions
à son neveu; depuis 1715, il avait cédé à Daubenton sa place de garde et démonstrateur du
Cabinet d’histoire naturelle, place devenue importante sous Buffon, et qui demandait un
homme tout entier. Antoine-Laurent, que Lemonnier, professeur titulaire, avait nommé son
suppléant , se vit de la sorte chargé de faire les leçons dans le jardin et les herborisations à la
campagne. Lorsqu’on 1772, Buffon, guéri d’une grave maladie, résolut de donner à l’établis-
sement, dont il était le chef, toute l'étendue et toute la régularité possible, les sollicitations
d’Antoine-Laurent le déterminèrent è porter d'abord ses vues sur lu botanique, et ce fut par
l’École «le botanique qu’il commença l’exécution de son plan. Cette École était encore la même
que du temps de Tournefort : les arbres étaient séparés des herbes, et plantés à une grande
distance, près de l'endroit où est maintenant un café. L'espace qui se terminait à l’extrémité
des serres actuelles était tellement insuffisant, qu’il fallait cultiver une partie des plantes, soit
hors de l’École, soit dans les endroits où l’on trouvait une place vide, sans aucun égard à leur
classification , et que le professeur était souvent obligé d’aller faire la démonstration daus uno
autre partie du jardin. Le terrain était d’ailleurs épuisé , et les plantes délicates ne pouvaient
s’y conserver qu’à force de soins. Buffon, cédant aux instances réitérées d’Antoine-Laurent,
exposa au ministre, duc de la Vrillièrc, les besoins du Jardin, et il en obtint, en 1773, une
somme de 36,000 livres, qui fut destinée au renouvellement de l’École de botanique. On traça
des plates-bandes, on fit défoncer les terrains, et les plantes, levées en automne avec les pré-
cautions convenables , furent , à la fin de l'hiver, transplantées dans le lieu qu’elles devaient
occuper. Ce fut alors qu’ Antoine-Laurent disposa les familles et les genres suivant leurs rap-
ports naturels, en conservant une partie des groupes établis par son oncle Bernard dans le
jardin do Trianon; sur l’étiquette «les plantes, il substitua aux longues phrases de Tournefort,
la nomenclature laconique de Linné : il dut vaincre à ce sujet les résistances de Buffon, qui
avait en horreur les classifications, et pour qui Linné était la classification personnifiée.
Alors, de même qu’à présent, la famille des Conifères terminait l'École; mais celle-ci avait
bien moins d’étendue que de nos jours , comme vous pourrez en juger par la position presque
centrale du grand Pin Laricio , qui fut planté par Antoine-Laurent, et indiquait la limite de
l’École nouvellement établie. L'École fut agrandie d’un quart en 1788; en 1802, Desfontaines
la replanta de nouveau; en 1821, elle fut mise dans l’état où nous la voyons aujourd’hui;
mais on s’occupe en ce moment de l’agrandir encore; elle va se prolonger jusqu’à l’extrémité
du Jardin, et envahir l’emplacement des Écoles d'arbres fruitiers et do culture; ces derniers
occuperont le terrain qui fait suite à la Ménagerie du côté de la Seine.
Bernard de Jussieu vécut encore trois ans après la création de la nouvelle École : il venait
quelquefois s’y promener malgré son grand Age : vous jugez si son Ame silencieuse et modeste
dut tressaillir de bonheur en voyant son neveu, son fils, son disciple bien-aimé, l’imiter et
faire mieux que lui. Quand il paraissait au Jardin, sa présence était une solennité : ses anciens
élèves accouraient en foule, ils l’entouraient uvec respect, et recueillaient précieusement les
moindres paroles du vénérable vieillard. Il s’éteignit en 1777 , et alla rendre compte à Dieu
d’une vie qu’avaient exclusivement occupée l’amour de l’humanité, l’observation de la nature,
et le culte de son Auteur.
Je viens de vous dire qu’ Antoine-Laurent était le disciple de Bernard ; il est important de
savoir au juste ce que le neveu doit à l’oncle, et «l’évaluer la part de gloire «|ui revient à chacun
dans l'établissement de la méthode naturelle. Disons d’abord qu’en 1758, époque où Linné
publia ses ordres naturels, Bernard do Jussieu n’avait pas encore commencé les siens; on en
trouve lu preuve dans un petit cahier écrit de sa main , que possède aujourd’hui son petit-
neveu Adrien; les ordres de Linné y sont transcrits, et à la suite ont été rangés alphabéti«|ue-
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DEUXIÈME PARTIE.
ment les genres d'un siégé incertain , pour le classement desquels Linné faisait un appel à la
sagacité «les autres botanistes. On y voit quelques-uns de ces genres intercalés par Bernard
dans les ordres proposés; quelques genres classés par Linné sont transportés ailleurs, ou
groupés d'une manière différente. L’antériorité de Linné no diminue en rien le mérite de
Bernard , pas plus que celui de Linné n'est amoindri par les travaux de ses prédécesseurs :
l’idée d’une méthode n'était pas nouvelle; dès 1689, Magnol, de Montpellier, maître d’Antoine
de Jussieu, avait déjà introduit en botanique des familles dont l’arrangement était fondé sur
la structure du calice et de la corolle : en 1690, Rivin avait publié une classification sur la
figure de la corolle , sur le nombre des graines , sur la forme , les loges et la consistance du
fruit; le problème des affinités naturelles était posé depuis longtemps; il s’agissait de le
résoudre mieux que les autres : c’est ce que tenta Bernard de Jussieu; mais il u’entreprit pas
de motiver les préférences qu’il avait accordées à telles ou telles analogies : elles étaient pour
lui des vérités de sentiment qu’il ne chercha pas à raisonner, et dont il consigna l’expression
matérielle dans les plates-bandes de Trianon.
Il y avait peu do temps qu’Anloine-I^urent était arrivé à Paris, lorsque Lemonnier, profes-
seur titulaire, le nomma son suppléant. Il avait alors vingt-un ans, et son expérience botanique
était si jeune encore , qu’il était souvent obligé d’apprendre la veille ce qu'il devait enseigner
le lendemain ; son oncle , plus que septuagénaire , était affaibli par l’àge , et consacrait une
grande partie de son temps à des exercices de piété. Le jeune professeur suivit d’abord la
méthode de Toumefort , et cette circonstance nous autorise à croire quo les communications
verbales entre l’onde et le neveu se réduisaient à bien peu de chose ; au reste, un esprit aussi
philosophiquo que celui d’Antoine-Laurent ne pouvait sc contenter longtemps du système
imparfait de Toumefort : ce fut alors qu’il dut prendre connaissance du catalogue manuscrit
de Trianon , leçon muette pour une intelligence vulgaire, mais que la sagacité du jeune com-
mentateur sut trouver éloquente, et qu'il voulut compléter. Trois ans après, son travail sur
les Retionculacées lui ouvrit les yeux , et il put s’écrier : « Moi aussi, je suis botaniste I »
Le choix de cette famille était déjà un trait de génie : en effet, les anomalies multipliées que
présentent dans les parties secondaires de leur fleur (calice et corolle) les Ancolies, les .4co-
nit8, les Dauphinelles, les Hellébores, les Ni gel les, les Renoncules, les Anémones, et en mémo
temps l’analogie invariable qui associe tous ces genres, lorsqu’on observe la non-soudure des
pétales et des folioles du calice, la position et le nombre des étamines, la direction des anthè-
res, la forme des ovaires, et surtout la structure de la graine, ces diverses considérations
durent conduire le botaniste-philosophe à découvrir le grand principe de la valeur relative des
caractères.
Dès lors , Antoine-Laurent put raisonner et formuler l’axiomo fécond que son oncle avait
pressenti : il vit qu’il fallait, non pas compter, mais évaluer les caractères, et que ce calcul
pouvait seul résoudre le problème de la méthode. C’est dans ce mémoire sur les Renoncules ,
lu à l’Académie, on 1773, que sc trouve énoncée et développée l'importance relative et
subordonnée des divers organes de la plante, importance que Linué et tous les autres avaient
méconnue avant les Jussieu. L’année suivante, comme il s’agissait de replanter l’École,
Antoine-Laurent proposa et lut à l'Académie le plan d’une nouvelle méthode, auquel Bernard
resta complètement étranger. Ce plan fut proposé et exécuté par le neveu, qui fut seul ainsi,
selon l’expression de son fils, législateur et ministre de la méthode ( legis simul lator et minister) .
A dater de cette époque mémorable Jussieu prépara son grand ouvrage sur les familles et
les genres du Règne végétal. Il y travailla sans relâche pendant quinze ans, analysa tous les
genres, vit germer toutes les graines sur les couches du Jardin, et pas un élève ne l’aida dans
cette immense opération. Quand ses observations furent terminées, il rédigea son ouvrage
qui parut en 1789. La préface de ce beau livre, écrit en latin, est un modèle de style et do
philosophie : ce n’est plus l’aphorisme nerveux et concis de Linné, c’est la phrase académique
de Cicéron, colorée par des réminiscences virgilionnes. L’auteur y expose le principe luminoux
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IIISTOIIIK IIOTWIQIK IM J \ tt I) I \ . 1-21
•|ui l'a guidé ilans scs travaux, cl les applications <|u’il eu a faites à sa méthode; il compare
entre eux les caractères , et évalue leur importance relative; il établit celte importance sur les
fonctions et sur la constance de chaque organe : ainsi, par exemple, la graine étant destinés!
à reproduire la plante, cette fonction de premier ordre lui donne aussi une valeur de premier
ordre: viennent onsuito les caractères secondaires, c'est-à-dire l'insertion des étamines au-
dessous du pistil, ou autour du pistil, ou au-dessus du pistil ; la présence nu l'absence de la
corolle, la soudure ou l'indépendance des pétales, la forme du pislil et de la corolle, le
nombre des étamines, etc. Dans sa coordination des familles, il corrige par des notes profon-
dément judicieuses ce qu'une série linéaire peut avoir d'artificiel ; il iudique les rapports
multiples des familles; cl les doutes même qu'il exprime, révèlent le sentiment exquis des
affinités qu’il avait reçu do la nature. Il n’ignorait pas que les grandes divisions de sa méthode
sont défectueuses dans quelques cas, et qu'il avait rompu dos rapports en séparant, dans des
classes différentes, les Monopétales , les Polype laies et les Apétales; mais colle irrégularité
était une concession qui axait pour luit de rendre son ouvrage d'une application plus facile.
Si maintenant vous mettez en parallèle Aiilnine-Lauruiit et Bernard , vous ue serez pas
embarrassé do décider lequel des deux a le plus fait pour la méthode naturelle. Bernard
médita pendant vingt ans, et obtint des résultats supérieurs à ceux de ses devanciers; trois
années suffirent à Antoine-Laurent pour découvrir un principe qui l’éleva subitement à une
hauteur d'où il put considérer la philosophie botanique sous un point de vue tout nouveau ;
et cela seul, à mon avis, le place bien au-dessus de son oncle, indépendamment du talent
qu'il a montré dans l’exposition et la mise en pratique do co principe fondamental. Ce principe
s'appliqua Montât à toutes les parties de l'histoire naturelle, et la scionoo dut remercier Jussieu
d'avoir préparé la réforme zoologique, qui, à elle seule, suffirait pour immortaliser Cuvier.
Il y a des livres où on lit que « Bernard découvrit la méthode, et que son nexeu la publia, s
Cette erreur m'a toujours révolté, moi, l'adorateur de Bernard! Antoine -Laurent fut le
disciple et non Y éditeur de sou oncle : il partit d'uu |H>inl plus élevé, cela est vrai, et il devait
monter licaucoup plus haut; mais tout fait penser que s'il eût été son contemporain, il l'eût
laissé bien loin derrière lui. A ceux donc qui seraient tentés de nier la supériorité du neveu
sur l'oncle, et qui diront que Bernard a fait Antoine -Laurent, parce qu'il lui a servi de
modèle, on peut répéter ce qu’on a dit au sujet d'Homère et de Corneille, venus axant Virgile
cl Racine : « Si Bernard a fait Aiiloinc-Laurenl , c’est assurément son plus bel ouvrage. »
Comme il ne m’est permis de louer que les morts, je xais terminer mon récit par l'histoire
de Desfontaines, qui succéda, en 1788, à I.emonnier. Ré né Desfonlaincs naquit en 1752, à
Tremblay, village du département d'Ille-et-Vilaine. Son enfance fut malheureuse; il avait
pnur maître d'école un brutal qui le battait sans cesse, et accompagnait ses corrections du
refrain suivant : o Tu no seras jamais rien. » Lïi jour, après avoir dérobé quelques pommes,
l’enfant, voyant arriver la xcngcancc du cinglant Breton, sauta par la fenêtre, et se sauva
chez son père, bien résolu à ne plus retourner sous la férule de son persécuteur, Le père,
malgré la sinistre prédiction du pédagogue, ne regardant pas son fils comme tout à fait
perdu, l'envoya au collège de Rennes. L'enfant arriva à Rennes, frappé do l'anathémc lauré
par son premier mptlre; et, convaincu qu’il était un mauvais sujet, ii se dégoûta du trax-ail.
Lu beau jour, ii est nommé le premier en théine, et ne peut revenir do sa surprise; son
professeur l'encourage, lui rend le sentiment de sa propre estime, si précieux pour les enfants,
et Desfonlaincs dexint bientôt le meilleur écolier de sa classe. Toutes les fois qu'il écrix-ait à
son (1ère pour lui faire pari d’un nouveau succès, il ajoutait eu apostille : « doubliez pas de
dire à JL N., mon maître, que Je ne serai jamais rien. » Cette petite xeugeauce fut répétée,
même après qu'il fut sorti du collège, et le dernier de sc$ post-scriptum railleurs fut celui où
il annonça à son père qu’il venait d'entrer à l'Académie des sciences.
Desfontaines était xenu à Paris pour étudier In médecine : l'élude accessoire do la bota-
nique lui révéla sa. x-ocation, et il se mit bientôt en rapport avec Antoine- Laurent, qui le
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DEL \ l K M K l'VHTIE.
122
présenta à Lemonnier, dont vous connaissez l'histoire. Lemonuier accueillit Desfontaines, lu
lit travailler sous sa direction , et jugea bientôt <|ii'il lie pouvait choisir un plus digne succes-
seur pour lui, et un meilleur collègue pour Antoine-Laurent. Il songea donc à lui transmettre
sa place; mais Desfontaines, n'ayant pas encore un nom connu, travailla avec ardeur, publia
d'excellents Mémoires, et fut nommé, en 1785, membre de l'Académie des sciences. Il lit
alors en llarbario un voyage <|ui acheva d'établir sa réputation. A sou retour, Lemonnier su
disposa à lui céder sa chairo du botanique au Jardin; mais avant île se démettre, il voulut
s’assurer du consentement de Buffon , lequel , en sa qualité d'iotendant , avait seul le droit de
nommer les professeurs. Buffou , qui tenait à ses prérogatives , ne voulut s'engager à rien :
n Que M. Lemonnier donne sa dé-mission , dit-il , ensuite j'userai des droits de ma charge. «
Lemonnier se démit de sa place; Buffou lit attendre lu réponse deux jours entiers, et le
troisième, il nomma gracieusement ücsfoulaincs. Celui-ci voulait occuper seulement la place
do démonstrateur, et laisser celle de professeur à Jussieu ; mais Jussieu préféra conserver des
fonctions que sou oncle avait exercées pendant quarante-cinq ans.
Desfontaines lut, en 1796, & l’Académie, un Mémoire sur lorga-
• nisalion comparée des Monocolylédones et des Dicotylédones, qui fut
reçu avec acclamations; su division des végétaux en deux classes, éta-
blies sur lu structure de la tige, s'adapta parfaitement à celle que
Jussieu avait fondée sur la structure de la graine, et facilita l'applica-
tion de la méthode de ce dernier. En effet, avant Desfontaines, une
plante étant donnée, il fallait, pour première notion , savoir si la graine
était à deux cotylédons ou à un seul; or, la plante étant en (leurs et
l’ovaire à peine formé, celto question était difficile à résoudre, et l'élève
était arrêté dès le premier pas. Les observations de Desfontaines remé-
dièrent à cet inconvénient : il ne fut plus nécessaire d'analyser la graine ;
il suffit de regarder la cou|>e de la tige, ou même les nervures des
fouilles ; si la ligo offre des zones concentriques, coupées par des rayons
médullaire-, , si les feuilles ont des nervures ramiliées , dont les der-
nières veines s’entre-croisenl, la plante est une Dientylédoiie ; si la
lige offre des fibres éparses sans ordre dans le tissu cellulaire, et si
les feuilles ont des nervures simples et parallèles entre elles, comme
dans l« Maïs, par exemple, la plante est une Monocotylédone ; ces (V.wxsvoiotM
deux régies sont presque sans exception.
Vous savez qu’en 1793, après le 31 mai, le Jardin des Plantes fut sur le point d'être détruit
un qualité d'établissement royal. Quelques membres de la Convention résolurent de s'opposer
à ce vandalisme; l'un d’eux, M. Lakanal, président du comité d'instruction publique, se
rendit secrètement au Jardin; il s’entretint avec. Desfontaines, Tliouin et Daubeutou, sur les
moyens de prévenir le danger qui les menaçait, se fit remettre par eux le projet de règlement
qu'ils avaient présenté à l'Assemblée constituante, et, dés le lendemain, il lit rendre lin décret
■pu constituait et organisait rétablissement, eu lui donnant le litre de Muséum d’histoire natu-
relle. Il y avait au Jardin trois professeurs, trois démonstrateurs, trois gardes du Cabinet,
un sous-garde du Cabinet, un peintre du Cabinet, un jardinier en chef, en tout douze fonc-
tionnaires; le décret de la Convention porta que les dôme officiers du Muséum seraient tous
professeurs , et jouiraient des mêmes droits. Ils étaient chargés de distribuer entre eux les
fonctions et de se nommer eux-mêmes des collègues, quand une place deviendrait vacante.
Les six chaires de botanique, chimie et anatomie se trouvaient remplies; André Tliouin
devint professeur de culture , et la plpce de jardiuier en chef fut donnée à Jean , son frère j
Daubenton fut professeur de minéralogie ; Vanspaendonck , professeur d 'iconographie ; Geoffroy-
Saint-Hilaire professeur de zoologie. Hcstoient deux chaires à occuper : cele de géologie et
celle des animaux invertébrés. La Convention, eu décrétant douze chaires de professeurs,
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■a
HISTOIRE BOTAMQl K IX J V RDI N .
avait apparemment prétendu que les douze officiers du Muséum seraient aptes à les remplir ;
le hasard justifia merveilleusement celte prétention révolutionnaire : il se trouva que Faujas
île Saint-Fond, qui était chargé de la correspondance, avait fait un bel ouvrage sur les
volcans du Vivarais : on lui donna la chaire de géologie ; il se trouva que I.amark , qui n'était
employé au Cabinet qu’à soigner les herbiers, connaissait les coquilles mieux que personne
en Franco : on le chargea d'enseigner l’histoire des animaux invertébrés, et cette nouvelle
direction donnée à ses travaux nous valut bientôt d’excellents ouvrages.
Revenons à Desfontaines, dont le long professorat fut marqué par d'heureuses innovations.
Des travaux de ses devanciers , les richesses do l’École , et la classification méthodique que
Jussieu y avait établie, lui permirent de donner à son enseignement une marche philosophique.
Il divisa son cours en deux parties : la première , consacrée à la description dos organes dans
les végétaux, et à l’histoire des fonctions de ces organes (anatomie et physiologie)-, la seconde,
à lu classification et à la description des familles, des genres et des espèces. Celte division
produisit d’excellents résultats; elle facilitait aux élèvos non pas seulement la connaissance
îles formes extérieures des plantes , mais encore celle de leurs rapports réciproques , de leurs
usages dans les arts et l’économie domestique , et les diverses modifications que la culture
pouvait leur faire subir. Desfoutaines continua pendant quelques années à démontrer les
plantes daus l'École ; mais sa manière d’enseigner attira un si grand nombre d'élèves, qu’il
devint impossible que tous pussent entendre le professeur en se plaçant sur une ligne droite
le long des plates-bandes. Le professeur prit alors le parti do faire ses leçons dans l'amphi-
théâtre, où l’on porta des échantillons que tout le monde pouvait voir, et que chacun put,
après la leçon, aller étudier à l’École.
Jussieu, de son côté, faisait chaque semaine une herborisation à la campagne pour compléter
et mettre en pratique les notions que les étudiants avaient reçues de Desfonlaines. Dans ces
promenades , qui duraient quelquefois plusieurs jours , il ne se bornait pas à leur donner les
deux noms latins de la plante présentée; il profitait de toutes les occasions pour leur faire
sentir, comparer, évaluer les caractères qui réunissent et séparent les familles et les genres.
Les élèves , rencontrant des végétaux indigènes dispersés sans ordre , s’exerçaient ainsi à les
grouper et à les ramener à des types connus , et ce travail de synthèse , fait joyeusement en
parcourant les bois et les prairies, leur rendait plus faciles et plus agréables les études analy-
tiques du Jardin.
Il nous faut dire adieu à ces deux hommes, si éminents dans lu science et l’Enseignement,
qui traversèrent plus d’une époque difficile, sans que leurs travaux en souffrissent un seul
instant. Pendant que la tempête révolutionnaire grondait autour des établissements religieux,
Antoine- Laurent, calme et studieux comme un bénédictin, ramassait dans les cloîtres les
livres dispersés qui devaient former la bibliothèque du Muséum. Desfonlaines, nommé secré-
taire do l'assemblée des professeurs, travaillait avec ses collègues à rédiger le réglement
demandé par la Convention, et à obtenir la création de plusieurs emplois que la nouvelle
organisation rendait nécessaires. Toute fonction administrative était alors pénible , et souvent
périlleuse ; le zèle de Desfontaines ne s’effraya pas des obstacles qu'il dut rencontrer dans ses
rapports avec ceux de qui dépendait la destinée du Jardin. Cet homme, d'un naturel doux ot
timide, osa , dans un temps où la pitié était un crime capital , visiter les botanistes L’Héritier
et Ramnnd, (pii étaient détenus, et dont la tête était menacée ; il obtint même, pour le premior,
un sursis qui lui sauva la vie.
Quand les alliés entrèrent à Paris, en 1814 , un corps de troupes prussiennes se présenta
à la porte du Muséum pour bivouaquer dans l'établissement; le danger était imminent : il
n’y avait dans Paris d'autre autorité que celle des vainqueurs, et ce fut à l’un de leurs com-
patriotes que s’adressèrent les professeurs. Le commandant prussien avait consenti à attendre
deux heures avant de preudre possession du Jardin ; ce délai suffit pour obtenir une sauve-
garde : l'illustre savant, M. de Humboldt, prévenu par les professeurs, parvint rapidement
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DEUXIÈME PA1IT1E.
jusqu’au général prussien. et le Muséum fut exempté de tout logement militaire. Ce fut à
peu prés vers cette époque que Desfontaines et Jussieu furent avertis, par des infirmités
successives, du tribut qu’ils devaient bientôt paver à la nature : leur vue s’altéra peu à peu.
Desfontaines la perdit même tout à fait ; mais l’activité de leur esprit ne déclina pas comme
leurs facultés physiques, et ils cultivèrent la science jusqu’à leur dernier jour. Desfontaines
se fuisait donner des plantes, qu'il lie pouvait voir, mais qu'il cherchait à reconnaître par
le tact; il était souvent heureux dans ses déterminations, et scs succès lui causaient une joie
inexprimable. Jussieu ne sortait que très-rarement, sa taille s’était courbée. La dernière année
do sa vie, il vint visiter l'École fondée par lui; il entra dnus le pavillon du jardinier, et
s’entretint pendant quelque temps avec lui sur les moyens de changer les piaules annuelles
en plantes vivaces. Eu sortant du pavillon, il avisa de ses yeux presque éteints le Pin Ixiricio,
qu’il avait planté soixante-trois ans auparavant, et dont la pyramide domine toute l’École; il
s'approcha de lui , appuya une main sur le tronc , et sa tète , inclÿtéo sous le poids de quatre-
vingt-neuf ans, se redressa en tremblant pour admirer la taille élancée et l’adolescence vigou-
reuse de son nourrisson. Cette visite était un adieu, car elle fut la dernière. Il mourut en 1837.
et son fils Adrien, qui depuis longtemps lu remplaçait dans le cours de botnuique rurale, fut
nommé son successeur. Desfontaines était mort eu 1833, âgé de soixante-dix-neuf ans, et sa
chain? fut donnée à son suppléant, M. \dolphe Hnmgniurt,
Ici se termine la liste mortuaire des Professeurs et des Démonstrateurs de Botanique du
Jardin; liste peu nombreuse, il est vrai (bien qu’il ait fallu deux siècles pour la remplir), mais
qui, par un hasard fortuné, ne présente que des noms sans tache. On se sont meilleur après
avoir loué ces hommes savants et probes, qui nous rappcllcut les âmes blanches de \arius et
de Virgile, adorées par le bon Horace. Voltaire voulait écrire pour toute critiquo au lias do
chaque page de Racine : beau, harmonieux, sublime ; ou pourrait également résumer ru trois
mots l’histoire botanique du Jardin : dévouement , génie et simplicité.
KM. I.K MXOI T.
\iincn t]>- it I b nV tf1- Milwlar
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l*os Ménageries sont uue institution moderne : ce n'est que depuis uii assez petit nombre
d'années que les nations éclairées entretiennent, à leurs frais, îles animait* vivants, afin d'en
mieux connaître les mœurs, d'en étudier plus attentivement les formes cl les allures, et
d’observer avec plus de soin les changements physiques que l'âge ou les saisons leur font
éprouver. L’homme , placé au premier rang de la création , ne doit rien négliger pour con-
naître toutes les espèces utiles ou nuisibles qui habitent avec lui le globe terrestre.
Les Humains faisaient venir à grands frais de l'Afrique les animaux féroces qu'elle produit.
Les généraux qui s'étaient illustrés sur cette terro lointaine traînaient à la suite de leur pompe
tiiomphaln des lions, des panthères, dns éléphants, et souvent en grand nombre. Ces animaux,
cl beaucoup d'autres, originaires des mêmes pays, ou même de l’Asie occidentale, étaient
destinés aux jeux du cirque, et les Itmnains aimaient à les voir s'entr'égorger nu à les faire
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DEUXIÈME PARTIE.
lutter coutro lus gladiateurs les plus hardis. Ils dépensaient aussi des sommes immenses pour
réunir dans leurs viviers les poissons les plus beaux et les plus succulents.
Mais ces caprices bizarres ont |>eu profité à la science ; et si l'histoire en a conservé le
souvenir, c'est seulement pour nous apprendre le nombre des victimes immolées sous chaque
empereur, et les folles dépenses dos Ucinius Mu rama, des Hortensius (1 des Lucullus.
L'abbé Montrez a fait un relevé fort curieux des Mammifères amenés , & Home , d' Vfrique ,
d'Asie nu du nord de l'Europe. Voici comment (I. Cuvier a résumé ce travail : •
o liés i'an do Home 479 (273 ans avant Jésus-Christ), Curius Dentatus, vainqueur do
Pyrrhus, lui prit quatre éléphants que Pyrrhus lui-méme avait pris sur Démétrius Poliorcète;
ils furent les premiers que virent les Romains. F.n 252 avant Jésus-Christ , Vlétellus en lit
transporter à Borne, sur des radeaux, cent quarante-deux qu’il avait pris sur les Carthaginois,
et que l'on fil tuer à coups do flèches dans le cirque, parce qu'on ne voulait pas les donner et
que l'on ne savait comment les employer. En IB9, aux jeux de Scipion Nasica et de Puhlius
Lentulus, on montra soixante-trois panthères et quarante ours. En 93, Sylla, lors de sa
préture, fit combattre cent lions mâles. Emilius Scaurus, dans les jeux célèbres qu'il donna
lors de son édilité, en 58, fit voir l'hippopotame pour lu première fois, accompagné de cinq
crocodiles et de cent cinquante panthères. Pompée, pour l'inauguration de son théâtre,
montra le lynx, le céplius ou guenon d'Éthiopie (probablement le griret), le caracal, le rhino-
céros unicome. On y vil six cents lions dont trois cent quinze mêles, cl avec eux quatre cenl
dix panthères : vingt éléphants y combattaient contre des hommes armés. César, 48 ans
avant Jésus-Christ, fit voir une girafe et quatre cents lions A la fois, tous mêles, tous à
crinière. Cos profusions ne firent qu’augmenter sous les empereurs. Une inscription d’Aneyre
loue Auguste d'avoir fait tuer trois mille cinq cents hèles fauves devant le [icuple romain.
A la dédicace du temple de Marcellus, ou fil périr six cents panthères : lin tigre royal y parut;
un serpent de cinquante coudées fut montré au peuple dans le Forum; ayant fait entrer l'eau
dans lo cirque do Flaminius, on y introduisit trente-six crocodiles qui furent mis en pièces.
I n rhinocéros et un hippopotame furent tués lors du triomphe d'Auguste sur Cléopâtre. Les
animaux étaient exercés à des travaux extraordinaires. Culigula, 38 ans avant Jésus-Christ,
fil disputer le prix de la course par des chameaux attelés à des chars; Galba, étant empereur,
fit montrer des éléphants funambules; sous Néron (an 58 de Jésus-Christ), on en vit un,
monté par un chevalier romain , descendre sur la corde du sommet do la scène jusqu'à l’aulro
extrémité du théâtre. C'étaient de jeunes éléphants, nés à Rome, que l’on dressait ainsi; car
alors on savait faire produire ces animaux en domesticité. Claude eut à la fois jusqu’à quatre
tigres royaux dont on a trouvé lo monument il y a quelques années. Le sage Titus, lui-même,
à la dédicace do ses Thermes , livra à la mort neuf mille animaux tant sauvages que domesti-
ques , et on y vit combattre des femmes, l u livre tout entier des épigronunes de Martial est
destiné à célébrer les animaux que Domiticn fit paraître, l'an 90 de Jésus-Clirist , et auxquels
on lit la chasse aux flambeaux; une femme y combattit contre un lion; un tigre royal y mil
un autre lion en pièces. Des aurochs y forent attelés à des chars. Ce fui là que l'on vit pour
la première fois le rhinocéros à deux cornes , qui est même représenté sur les médailles de
cet empereur. Aux jeux que Trajau donna après avoir vaincu Decébalc, roi des Parlhes,
l'an 105 de Jésus-Christ, on fil mourir, selon Dion, qui élail contemporain, jasqu'à onze mille
animaux domestiques ou sauvages. Autonin montra des éléphants , des crocodiles, des hippo-
potames , des tigres , et , pour la première fois , des croculcs ou hyènes , et des strepsicéros.
Marc-Aurèlo, plus sensible, eut horreur de ces spedacles; mais ils reprirent avec une nouvelle
force sous Domitien , qui , à la mort de sou père , donna des jeux pendant quatorze jours , et
y tua un ligre , un hippopotame , un éléphant , et y trancha lo cou à dos autruches. Hérodion
remarque même que ces autruches faisaient encore quelques pas, ce qui ne m’étonne point,
car j’en ai vu faire aulaul à des canards. Une des plus curieuses de ces exhibitions fut celle
de Philippe, l'un 1000 de Home (218 de Jésus-Christ). Les animaux rassemblés pour cette
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MÉNAGERIE. 127
fête, par Gordien III, qui u-jn-rait la célébrer, consistaient cil trente-deux éléphants, dix élans,
dix tigres, soixante lions apprivoisés, trente léopards, dix hyènes, un hippopotame, un rhino-
céros , dix girafes , vingt onagres , quarante chevaux sauvages , dix argoléons , nom dont la
signification est présentement inconnue, et beaucoup d’autres qui furent tous tués.
u Probus , & son triomphe , planta dans le cirque une forêt où se promenèrent mille autru-
ches, mille cerfs, mille sangliers, mille daims, eont lions et autant de lionnes, cent léopards
de Lybie et autant de Syrie, trois cents ours, des chamois, des mouflons, etc.
«Il semble que les sangliers cornus, qui parurent aux jeux de Carus et de Numérius,
chantés par le poète Calpurnius, aient été des babiroussa. Constantin prohiba les jeux san-
glants et les combats du cirque, et cependant Symmaque, sous Théodose, parle encore de
panthères , de léopards , d’ours , d’addax , de pygargues ; il rapporte que les crocodiles qu'il
destinait au cirque périssaient par une diète de quarante jours. Claudien dit qu'Honorius avait
des tigres attelés à des chars, et Marcellin attribue à Justinien d'avoir fait paraître vingt lions
et trente panthères. La difficulté de se procurer des animaux que de pareilles destructions
avaient dû éloigner des provinces romaines, et la diminution des ressources de l’empire,
contribuèrent sans doute, autant que l'humanité, à faire cesser ces usages barbares qui
avaient peut-être été introduits dans l'origine pour maintenir dans l'habitude du sang un
peuple que l’on destinait à faire sans cesse la guerre. »
Nos Ménageries se recrutent sur une plus vaste élendue que celle des Romains qui no con-
naissaient qu’une petite portion de in terre ; elles ont d’ailleurs un but plus élevé. Destinées
à fournir à l’agriculture dns animaux utiles, elles sont aussi un de nos meilleurs éléments
d’instruction ; en même temps qu’elles offrent au savant les moyens do reculer les bornes de
la scionco, elles fixent l’attention des gens du moude, et contribuent à détruire les préjugés,
quelquefois ridicules, transmis d’âge en âge, et dont beaucoup d’auteurs n’ont pas été
exempts. Naturaliste ou homme du monde, chacun suit avec intérêt les scênos toujours
curieuses que des sujets, députés de tous les points du globe, et choisis parmi les plus
remarquables d’entre les espèces animales, représentent au bénéfice de la science sur ce
théâtre où la nature est reproduite en abrégé.
On s’est quelquefois demandé s’il y avait utilité à entretenir des Ménageries. C’est presque
douter que l’étude des sciences ait elle-même des avantages.
Dans do semblables établissements, les vrais observateurs peuvent étudier les instincts si
variés des Mammifères, des Oiseaux et des Reptiles; c’est là qu'ils développent, et fort sou-
vent rectifient les rapports des voyageurs sur les espèces exotiques. Ils comparent entre eux
les animaux les plus divers et ceux qui , bien que semblables en organisation , proviennent
néanmoins do régions fort éloignées.
C’était uniquement dans les Ménageries , comme on les entend aujourd’hui , qu’il devenait
possible d’acquérir une idée exacte de la nature morale des animaux, et de comprendre leurs
actes en les jugeant d’après le principe qui les détermine : l'intelligence ou l'instinct.
Descartes et Ruffon n'admettaient de véritable intelligence que chez l’homme, et l'on pour-
rait supposer, à la lecture de plusieurs de leurs écrits, que les animaux sont do simples
machines animées , des automates agissant toujours de même , sans qu’il y ail en eux d’uulre
impulsion quo celle qui fait croître ou fleurir les plantes. Et cependant ce n’est point sous
celle impression quo Buffon lui-même écrivait l'histoire du Chien, du Cheval ou du Lion. Ce
n’est pas non plus ce que pensaient Réaumur, Cnndillac, Dupont de Nemours, (icorgcs Leroy.
Mais entre la générosité avec laquelle ces derniers prodiguaient l’inlclligence aux animaux de
toutes les classes , et l’erreur de Descartes , il fallait trouver la vérité ; et la vérité ici , comme
partout , devait être simple , et en dehors de toulc définition exclusive et systématique. Nous
verrons, en parlant de certains animaux, que plusieurs sont doués d’une véritable intelli-
gence, et que chet eux colle intelligence diffère seulement de celle de l’homme par une
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OKI \IK\IK IMRTIK.
moindre portée (I). L’Iiomme, en effet, est, sous ee rapport, incomparablement au-dessus du
tous les animaux, et, à ce don précieux, il joint une qualité plus élevée encore, la raiton,
que nulle espece animale ne possède,
La Ménagerie du Muséum est assurément le centre le plus favorable aux éludes qui ont
pour objet la nature même des animaux et surtout leurs instincts ; et , par une heureuse
coïncidence, elle est peut-être, de toutes les institutions scientifiques de la capitule, la plus
populaire et la mieux appréciée du public : elle offre un attrait égal à tous les âges et à toutes
les conditions, et personne ne vient visiter la capitale sans lui consacrer de nombreuses
visites. Ce qui suftiiait pour montrer combien est à la fois profond et universel l'intérêt
qu'elle inspire, c’est que les étrangers les plus savants y accourent avec le même empresse-
ment que les plus obscurs. Quoi île plus digne en effet de l'attention générale que le spectacle
do ces sauvages habitants des contrées les plus lointaines, célèbres de tous temps par les
descriptions des naturalistes et des voyageurs, reproduction de la peinture et du dessin, et
réunis dans un riche jardin , où ils prennent leurs ébats , au sein des fleurs et de la verdure !
\o sont-ce point là, dans le fond, les mêmes fêtes que les Romains donnaient dans leurs
cirques où l'on rassemblait, pour les y mettre à mort sous les veux du peuple, les animaux
lus plus rares, mais transformées et mises en harmonie avec l'humanité et le sage désir de
connaître qui caractérise nos temps modernes? Le sentiment qui amène chaque dimanche,
dans les allées de la Ménagerie, les flots paisibles de la population est, dans son essence,
tout à fait analogue à celui qui poussait les Romains sur les gradins du cirque. C’est toujours
la même curiosité à l’égard des animaux qui habitent la terre avec nous. Les Romains,
placés à l'origine des conquêtes de la civilisation sur la nature, prenaient plaisir à voir
détruire ces êtres farouches, symbole de la vie sauvage; mais nous qui sommes placés, pour
ainsi dire, au tenue de ces conquêtes, au lieu do nous complaire à ce qui nous rappelle
l'anéantissement de la nature primitive , nous recherchons , au contraire , ce qui nous en offre
et nous en conservo do vivantes images.
La première idée de l'établissement d’une Ménagerie d'animaux v ivants remonte à Louis XIV.
Ce fut l’Académie des sciences qui eut cotte heureuse inspiration. Mais le grand monarque,
nu lieu de doter le Jardin des Plantes de cet utile et indispensable établissement, préféra en
enrichir le parc de Versailles. Il fit donc rechercher avec soin tout ce que lo règne animal
pouvait offrir de plus beau et de plus intéressant ; les souverains étrangers s'empressèrent de
lui envoyer les animaux curieux des contrées les plus diverses et les plus éloignées, et bientôt
les espèces remarquables du règne animal furent établies dans les bâtiments situés au midi
du grand canal, et qui ont encore aujourd'hui conservé le nom de Ménagerie malgré l’absence
do leurs hôtes. Saint-Simon parle de cette Ménagerie en cos termes :
« La Ménagerie de l’autre côté de la croisée du canal de Versailles, toute de riens exquis,
et garnie do toutes sortes de bêtes, à deux et quatre pieds, les plus rares. »
Celte Ménagerie était tenue , du reste , avec une extrême négligence : un contemporain
en donne pour témoignage une visite que Louis XV y fit peu de temps avant sa mort. Il
remarqua que cet asile royal était peuplé d'une multitude do dindons. Le directeur, en effet,
avait qugé convenable d'en acheter un troupeau. Le Roi trouva ces bêtes désagréables ; il le
témoigna. Le gouverneur de la Ménagerie, chevalier de Saint-Louis, aussi original qu'entêté,
n'en tint aucun compte. Lo Roi , en repassant, les revit encore : u Monsieur, dit-il au gou-
verneur, que cette troupe disparaisse, ou, je vous en donne ma parole royale, je vous ferai
casser à la tête de votre régiment, n
Dans un Mémoire fort remarquable publié par Bernardin de Saiut-Pierre , au moment oii il
était intendant du Jardin des Piaules , l'illustre autour des Études de In nature a fait ressortir,
(I) Oit ce que Frédéric Cuvier a démontré avec une lucidité parfaite, siu-t i|uc nous I , lions oxpîi pic dans la
notice qui lui cM couvât réc dans U première partie île ce volume.
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M KN ACKRI E. 129
de la manière la plus victorieuse, la nécessité de joindre une Ménagerie au Jardin des Plantes
qui n'en possédait pas encore , et il a tracé eu même temps un historique exact et pittoresque
des faits qui contribuèrent à amener, plus tard , les débris de la Ménagerie de Versailles au
Muséum :
« L’étude de la Nature, dit-il, est la base de toutes les connaissances humaines. Le Cabinet
d’histoire naturelle et son Jardin des Plantes soûl destinés, à Paris, à en renfermer les prin-
cipaux objets pour l'instruction publique. Peu d’hommes connaisses tout le prix de cet
établissement, parco qu’ils n’y font pas plus d’attention qu’à lu nature même au milieu de
laquelle ils vivent. Ils peuvent s’en faire une idée en considérant combien d’états viennent y
puiser des lumières : les minéralogistes, les botanistes, les zoologistes; ensuite ceux qui
professent les arts qui émanent des trois premiers régnes de la Nature : les lapidaires, les
chimistes, les apothicaires , les distillateurs, les chirurgiens, les anatomistes. Ins médecins;
enfin ceux même qui exercent les arts de goût, les dessinateurs, les peintres, les sculpteurs,
viennent y chercher chaque jour de uouvelles connaissances; c’est là que se sont formés les
Tournefort, les Rouelle, les Macquer, les Jussieu, les Vaillant, les Ruffon, ainsi que les
savants qui l’illustrent aujourd'hui, dont les ouvrages se sont répandus dans toute l’Kurope,
avec une multitude de végétaux utiles ou agréables qui ont pris naissance dans ses jardins.
Qui croirait qu’avec tant d’avantages cet établissement est encore très-imparfait, puisqu’il lui
manque la principale partie do l'Histoire naturelle.
« A Dieu ne plaise que nous soyons assez insensés pour vouloir y rassembler tous les
ouvrages de la Nature, plus profonde et plus vaste que l’Océan. L’homme le plus actif, dans
le cours «le la vie la plus longue , n’en peut entrevoir que les principaux rivages ; mais ses
éludes élémentaires doivent au moins eu embrasser l’ensemble. Ainsi une mappemonde offre
au voyageur l'image du globe qu’il doit parcourir ; celui de la Nature ne présente dans le
Jardin qu’un de ses hémisphères.
« Le Cabinet renferme les trois règnes de la Nature morte : des fossiles, des herbiers, «les
animaux disséqués, empaillés, injectés. Le Jardin ne contient que les deux premiers régnes
de la Nature, un sol en activité et des plantes «pii végètent; il n'y a point d'animaux qui
sentent, qui aiment, qui connaissent. Le Cabinet montre les dépouilles do la mort; le Jardin,
au contraire , les premiers éléments de la vie. Le Cabinet est le tombeau des régnes de la
Nature; le Jardin en doit «lonc être le berceau. Les Égyptiens représentaient cette mère
commune de tant d’enfants avec trois rangs apparents de mamelles, sans doute comme le
symbole de ces trois régnes. Le Jardin mamjue «lu plus important, puisqu’il n’a pas le règne
animal , pour lequel a été créé le végétal et avant tout le minéral.
«« Les relations du régne minéral avec le végétal ne sont pas moins utiles h connaître quo
celles du végétal avec l’animal; ce sont les trois étages du palais de la Nature; nous ne
pourrons l’apprécier qu’en étudiant son ensemble.
« L’Anatomie comparée «les animaux suffit, «lit-on, pour les connaître. Quelques lumières
qu’elle ait répandues sur celle de l'homme même, l’étude* de leurs goûts, de leurs iusüncts,
do leurs passions, en jette «le bien plus importantes pour nos besoins et pour notre propre
existence; elle est le complément «le l'Histoire naturelle. C’est colle élude qui a rendu Ruffon
si intéressant, non-seulement aux savants, mais à tous les hommes. Mais cet écrivain illustre,
ayant manqué de beaucoup d’objets d’observation, n’a travaillé souvent que sur des mémoires
incertains : ses remarques les plus utiles lui ont été inspirées par les animaux qu’il avait lui-
même étudiés, et les tableaux les mieux coloriés sont ceux qui les ont eus pour modèles ; car
les pensées «le la Nature portent avec elle leur expression. Quelles riches études il nous eût
laissées, s’il avait pu les étendre à une Ménagerie. Celle de Versailles fut toujours l’objet de
ses désirs; il aurait voulu la joindre au Jardin des Plantes; mais quelque grand que fût son
cr«klit, il n’osa la disputer à l’homme de cour qui en avait le gouvernement. Aussi la Ménagerie
resta à Versailles et ne fut pour la nation qu’un ohjel inutile de luxe et do dépenses ; mais il
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13» DEUXIÈME PARTIE.
n'y a pas de doute qu’elle ne fût devenue lu |inrtiou la plus importante de ITIistoirc nulundle,
sous scs veux et sous ceux des naturalistes.
« Pour moi, continua-t-il , qui au sein de ma solitude ai été appelé à remplir la place do
Buffon au Jardin des Plantes, sans posséder à fond aucune des sciences qui illustrent en
particulier nos collègues , je crois de mon devoir principal île chercher à établir un ensemble
dans toutes les parties de cet utile établissement , un y attachant une Menacera1. Les circon-
stances ne pourraient être plus favorables ; on nous offre les animaux de celle do Versailles,
et il y a pour les recevoir, à Paris , un grand terrain non occupé , avec scs bâtiments , qui est
enclavé dans le Jardin des Plantes et qui appartient à la nation. Il me suffit donc d'exposer
en peu de mots l'état où se trouve la Ménagerie de Versailles, son utilité au Jardin des
Plantes et les moyens économiques qui peuvent l’y établir, pour déterminer la nation à
accorder les fonds nécessaires à son entretien. I,e zèle des ministres, l'intérêt de la muni-
cipalité de Paris, la bonne volonté de son département, les lumières et lu patriotisme de la
Convention nationale suppléeront à mon défaut de crédit.
« M. Couturier, régisseur général des domaines de Versailles', m'écrivit, il y a quelques jours,
que le ministre des finances l'avait chargé d'offrir un Cabinet d'histoire naturelle les animaux
dn la Ménagerie en m’engageant & les venir voir, l.es infirmités de M. Daulienlon ne lui
permettant pas de m’accompagner, j’y invitai VI. Thouin, jardinier en chef, et VI. Desfon-
taines, professeur de botanique du Jardiu national des Plantes. VI. Thouin était chargé de plus,
de la purt du ministre de l’intérieur, de prendre dans les jardins de Trianon, Bellevue, etc. , etc. ,
les plantes qui pourraient convenir au Jardin national. Vins nous rendîmes avec VI. Cou-
turier à la Vlénagerie, ob nous filmes introduits par VI. Laimant, qui on est l'inspecteur et le
concierge.
« Nous n’y trouvâmes que cinq animaux étrangers , à la vérité fort rares et fort curieux :
« 1° Le Couac c a : c’est une espèce de Cheval zébré à la tète et aux épaules; il est venu du
cap do Bonne-Espérance en 1784. Il est doux. Il se présenta Jui-mème à sa grille pour se
laisser caresser, excepté aux oreilles ; particularité qui, dit-on, lui est commune avec l’Ane.
« 2° Le Bubale ; c’est une espèce de petit Bieuf qui tient du Cerf et de la Gazelle; il a été
envoyé en 1783 par lo dey d’Alger. Il est susceptible do domesticité, comme le Couagga ;
comme lui , il venait chercher des caresses à travers sa grille.
«3° Le Pigeon- Huppé de Die de Banda. Bisson le nomme le Faisan couronné des Indes ;
mais il boit en pompant l'eau comme le Pigeon. Cet oiseau est magnifique; son plumage est
bleu , et il est de la taille du Poulet d'Inde. Il est couronné d'une magnifique aigrette d'un
bleu de ciel qui lui couvro la tète en forme d'auréole. Il est fort sauvage ; en nous voyant, il
se tint dans le fond de sa cage, oh il allait et venait dans une agitation perpétuelle. Il est
cependant dans la Vlénagerie depuis 1787.
« 4° Le Rhinocéros, envoyé de l'Inde en 1771 ; il avait alors un an. Cet animal est fort
rare en Europe. Sa lourde masse, en contraste avec sa tète qui ressemble à celle d'un aigle,
sa peau épaisse à plusieurs plis qui le couvre comme une robe , les gros boutons dont elle est
parsemée , sa corne unique sur le nez , ses pieds â trois ergots , nous offrirent une nouvelle
Combinaisons de formes dans l’ordre des quadrupèdes. Vloins intelligent que l’Éléphant, il
aime â so bauger comme le Sanglier. Il n’en parait pas moius sensible aux caresses : il passa,
pour les recevoir, son large museau à travers sa palissade. Je remarquai que sa corne , qu'il
a entièrement usée contre les barreaux , n’avait point d'os au centre , comme celle des Bœufs ,
et quo la racine était toute parsemée de petits points blancs. VI. Daubcnton m’a dit que ce
n’était qu’un paquet de crins agglutinés.
« 5° lin beau Lion, arrivé du Sénégal, en septembre 1788; il avait alors sept ou huit mois,
ainsi qu’un Chien braque, son compagnon, avec lequel il a été élevé. Leur amitié est uu des
plus touchants spectacles que la'naluro puisse offrir aux spéculations d'un philosophe. J’avais lu,
dans les voyages de Jean Moque! , fondateur et garde du Cabinet des singularités du roi, sous
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MÉNAGERIE,
Henri IV, l'histoire d’uu Chien qu’il avait vu à Maroc dans la fosse aux Lions, où on l’avait
jeté pour être dévoré ; il y vivait paisiblement sous la protection du plus fort d’entre eux ,
qu’il s’était attirée en le flattant et eu lui léchant une gale qu’il avait sous le menton. Mais
l’ami du Lion do Versailles est plus intéressant que le protégé du Lion de Maroc. Dès qu'il
nous aperçut , il vint avec le Lion à la grille , uous faisant fête de la tète et de la queue. Pour
le Lion , il se promenait gravemeul le long de ses barreaux , contre lesquels il frottait sa této
énorme. L’air sérieux do ce terrible despote et l’air caressant do son ami m’inspirèrent pour
tous deux le plus tendre intérêt. Jamais je n'avais vu tant de générosité dans un Lion et tant
d’amabilité dans un Chien. Celui-ci sembla deviner que sa familiarité avec le roi des animaux
était le principal objet do nolro curiosité; cherchant à nous complaire dans sa captivité, dès
que nous lui eûmes adressé quelques paroles d’affection, il se jeta d'un air gui sur la crinière
du Lion , ut lui mordit eu jouant les oreilles. Le Lion , se prêtant à ses jeux , baissa la tête et
fit entendre de sourds rugissements. Cependant ce Chien , si complaisant et si hardi , portait
à son côté une cicatrice toute rouge, qu’il léchait de temps en temps, et qu'il semblait nous
montrer comme lus effets d'une amitié trop iuégale. J'admirais la gaîté franche du Chien sans
rancune et sans méfiance auprès de son redoutable ami, après une aussi cruelle injure. Toute-
fois, les caprices, l'humeur, les premiers mouvements sont plus rares et ont des suites moins
dangereuses dans leurs sociétés que dans la plupart do celles des hommes. Le Lion se livre
Ires- rarement à la colère envers ses compagnons. On nous assura qu'il l’invitait souvent à sa
jouer, en se mettant sur le dos les pattes en l’air et le serrant entre scs bras.
« Tel est l’état où nous avons trouvé la Ménagerie. Cependant, qui lo croirait? ce petit
nombre d’animaux venus do loin, si curieux et si intéressants, ne nous ont été offerts que
pour en faire des squelettes. M. Laimant, concierge de la Ménagerie, nous a dit quo depuis
la révolution elle avait été pillée ; qu’on eu avait enlevé un Dromadaire , cinq espèces de
Bingos et une foulo d’oiseaux dont la plupart avaient été donnés à l’écorcbeur, faute de
moyens de les nourrir. Il nous lit ce récit les larmes aux yeux ; car, indé|>ondammcut du zèle
qu’il a pour cet établissement qu’il dirige depuis vingt uns , il est père de six petits enfants
charmants, auxquels il ne pourra donner de pain lui- même par la destruction do sa place.
« Lo raisonnement le plus spécieui employé pour l'anéantissement total do la Ménagerie,
c’est que ces animaux ne servent  rien; qu’ils sont dangereux dans une ville, surtout les
carnassiers , et qu’ils sont coûteux à nourrir. Si nous portons Ja parcimonie sur de si petits
objets, que dirons-nous aux puissances d’Afrique et d’Asie qui, de temps immémorial, ont
coutume do nous faire des présents d’animaux ? Les tuerons-nous pour en faire des squelettes ?
Ce serait leur faire injure. Les refuserons-nous , eu leur disant que nous n’avons plus de quoi
les loger ni los nourrir ? Nos relations politiques nécessitent donc l’existence d’une Ménagerie.
Si elle a été jusqu’à présent un établissement de faste, elle cessera do l’être quand elle sera
placée dans un lieu destiné à l’étude de la nature. Nous proposerons des moyens d'économio
en parlant de son établissement : auparavant occupons-nous de son utilité.
« Une Ménagerie est donc nécessaire aux bienséances et à la dignité de la nation. Elle l’est
essentiellement à l’étude générale do la Nature, comme nous l’avons déjà dit. Elle ne l’est
pas moins à celle des arts libéraux. Des dessinateurs et des peintres viennent chaque jour au
Jardin national pour y dessiner des plantes étrangères, lorsqu’ils ont à représenter des sites
d’Asie , d’Afriquo et d’Amérique. Les animaux des mêmes climats leur seront aussi utiles ; ils
éludieront les formes, les attitudes, les passions. Ils ont déjà, dit-on, des modèles en plâtre.
Mais d’après quel plâtre Pugel a-t-il sculpté lo Lion dévorant qui déchire les muscles d#
Milon deCrolone? Artistes, poêles, écrivains, si vous copiez toujours, on no vous copiera
jamais. Voulez-vous être originaux et Axer l’admiration de la postérité sur vos ouvrages?
n’en cherchez les modèles que dans la nature.
« line Ménagerie sera utile à Paris, en y attirant des curieux. Ceux qui veulent achalander
une foire y apportent des animaux étrangers, et la partie où on les montre est la plus fré-
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DEL \ I fc M B PARTIE.
qucntéo. C’esl une curiosité naturelle à tous les hommes. Si les monuments morts des arts
illustrent une capitale et y appellent les voyageurs, les monumenls vivants de la nature sont
bien plus dignes de leurs regards. Une statue égyptienne nous donne quelque perception do
l'Afrique, de ses arts imparfaits et de ses peuples passagers; mais le noir basalte ou le
porphyre sanglant dont elle est formée, nous présente une idée de ses tristes rochers; la
raquette hérissée d’épines cl l'aloés férox maculé de sang, qui les couronnent, nous offrent
une image encore plus vive de ses sites barbares ; et le Uon fauve qui naquit dans leurs
cavernes, aux pattes armées de griffes, à la voix rugissante, nous imprime des sensations
bien plus profondes de ses solitudes redoutables que ses sombres fossiles et ses végétaux
épineux. Le philosophe cherche par quelle loi un animal renforce son caractère indomptable
dans l'esclavage , taudis que le nègre , son compatriote . et bien souvent le blanc , ont dégradé
celui de l'homme au sein même de la liberté.
« Les animaux féroces, dit-on, sont dangereux dans une ville, parce qu’ils peuvent venir à
s'échapper. C'est une bien faible objection contre l’établissement d'nnc Ménagerie. On ne l’a
jamais employée contre les animaux qu'on amène journellement aux foires el sur les boule-
vards de Paris. On ue voit point qu'il s'eu échappe aucun , quoiqu'ils ne soient renfermés que
dans de mauvaises cages de Lois mobiles : comment donc pourraient-ils le faire dans les
loges solides et bien grillées d'une Ménagerie, oh ils ont de plus des cours particulières î
D'ailleurs, quand cet accident est arrivé, il n'en est résulté aucun malheur. Une bêle féroce
dans les nies d'une ville est aussi étonnée à la vue du peuple que le peuple l’esl à la vue
d’une bête féroce : ses gardiens lu reprennent aisément. C’est ce qui arriva , il y a quelques
années , en Angleterre , lorsqu'une hyène sortit de sa cage en la débarquant d’un vaisseau.
n II esl 1res- remarquable que la solitude renforce le caractère de Ions les êtres, et que la
captivité l'aigrit. Cette observation a fait conclure à l'Anglais Howard, ce bienfaiteur des
prisonniers , que , pour réformer des hommes enfermés pour leurs mauvaises habitudes , il ne
fallait pas les laisser seuls. Il en doit être de même des animaux renfermés, surtout de ceux
qui , comme les féroces , ne reçoivent souvent des visites que pour éprouver des outrages. La
société et les bienfaits influent sur les lions mêmes, au point de les rendre familiers. On voit
à Alger et à Tunis des Lions uller et venir dans les maisons dus grands, sans faire de mal; ils
jouent avec leurs serviteurs, dont ils sont caressés. Ce fui sans doute par l'influence toute
puissante des bienfaits qu'un citoyen de Carthage se faisail suivre d'un Lion apprivoisé; ce
qui obligea le sénat à le bannir, dans la crainte qu'il ne se servit de ses talents pour subjuguer
la république. Carthage ne méritait pas de subsister longtemps, puisqu'elle punissait l'homme
le plus capable de la gouverner. C'esl un apprentissage sans doute ulile pour régir les
hommes que l'art d’apprivoiser des Lions. C’élail entouré de Lions el de bêtes féroces sen-
sibles aux charmes do l’harmonie que les Grecs représentaient Orphée, le premier de leurs
législateurs.
» Le Lion de la Ménagerie esl une preuve de ce que |*cut l’influence de la société sur le
caractère le plus sauvage ; il est beaucoup plus gai qu’un Lion solitaire. J'ai été lo voir une
seconde fois dans la compagnie d'une dame qui s’amusa h faire mouvoir son éventail devant
loi ; il la regarda avec la plus grande attention et prit toutes les attitudes d'un chat qui veut
jouer.
« J'attribue cette disposition du lion pour In sociabilité à l'amitié de sou chien ; comme
l'homme s’est servi des espèces si variées des chiens pour subjuguer toutes les espèces d’ani-
maux par la force, peut-être réussirait-il à s’en servir encore pour les attirer à lui par la bien-
veillance : l'nmilié naturelle des chions pour l'homme lui servirait peut-être d’intermédiaire
pour acquérir celle des animaux. J’ai vu des chiens liés de la plus intime affection avec des
chevaux , des chats el meme des oiseaux , el réciproquement. J'ai vu , à l’Ile de Bourbon ,
cher, le commissaire de la marine, un kakatoès de la grande espèce qui s’étail pris d'une si
grande affection pour uu chion épagneul , qu’il volait au-devant de lui dès qu'il l’apercevait ;
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MÉNAGERIE.
il le suivait on jetant des cris de joie; et lorsque son ami était entré dans l'appartement et
s'était couché, il mettait sa tête entre ses pattes, sans remuer, pendant des heures entières.
Mais, après tout, l'amitié la plus forte n'est qu’une nuance de l’amour. Je pense que si on
eût élevé une chienne do la plus grande espèce avec le lion de la ménagerie, leur affection
mutuelle eût redoublé, et qu’il en fût résulté peut-être un accouplement. Pline dit, d’après
Aristote, que les Indiens faisaient couvrir leurs chiennes par des tigres , et qu'il on naissait
des chiens-tigres , et qu’ils ne se servaient que de la troisième littéo, ceux des deux premières
étant trop dangereux. On s’est procuré ainsi en France des chiens-loups; pourquoi ne par-
viendrait-on pus à avoir des chiens-lions? On peut au moins, au défaut d’une compagne,
donner des amis aux animaux féroces , comme on le voit par l’exemple du lion. Lo rhinocéros
dont l’instinct, semblable à celui du sanglier, parait stupide, est sensible à l’amitié. Je l’ai vu,
en 1770, à son passage à Plie de France; il baissait les cochons, et écrasait avec sa corne,
contre le bord du vaisseau, tous ceux qui venaient è sa portée; mais il avait pris une chèvre
en affection; il la laissait manger son foin entre ses jambes. Ainsi, au défaut de l’amour, on
peut offrir à ces tristes célibataires les consolations de l’amitié, et, par celle des animaux ap-
privoisés, les amener à celle de l’homme. Les faits que j’ai cités motivent ces aperçus sur la
civilisation des bêtes féroces, et la possibilité de produire, par leur moyen, des races de chiens
plus fortes et plus courageuses. On réussirait peut-être à adoucir leur naturel carnassier en
les nourrissant de Végétaux. C’est peut-être à cette nourriture qu’on doit attribuer la douceur
des tigres en Egypte, cette terre si abondante en fruits spontanés. L’étude suivie de leurs
mœurs dans une ménagerie peut donc procurer de grandes lumières* à la philosophie, et des
avantages même à l’économie rurale.
« Je ne parlerai point de l'utilité réciproque d’une ménagerie et d’un jardin pour nos animaux
domestiques. C’est là qu’on peut essayer divers fourrages nouveaux, croiser les races des
chevaux , dos taureaux, des béliers, etc., étudier leurs maladies auxquelles la médecine vété-
rinaire n’offre souvent, comme la nôtre à nous-mêmes, que des remèdes incertains. Le jardin
renferme dans ses nombreux Végétaux mille vertus à découvrir; elles n’y dépendront point
des conjectures trompeuses des savants ; le docteur y recevra des leçons de la bête. La science
de l’homme n’est infaillible que quand elle s’appuie do l’instinct des animaux.
« Il me reste à répondre à quelques objections qui m’ont été faites par des botanistes même,
sur l'établissement d’une ménagerie d'animaux au Jardin des Plantes. Ils veulent qu’on dis-
sèque ceux de Versailles et qu’on les place au cabinet. « Il suffit, disent-ils, d’étudier lesani-
« maux morts , pour connaître suffisamment leurs genres et leurs espèces. » Ceux qui n’ont
étudié la nature que dans les livres, ne voient plus que leurs livres dans la nature : ils n’y
cherchent plus que les noms et les caractères de leurs systèmes. S’ils sont botanistes , satis-
faits d’avoir reconnu la plante dont leur auteur leur a parlé, et de l’avoir rapportée à la classe
et au genre qu’il leur a désignés, ils la cueillent, et, l’étendant entre deux papiers gris, les
voilà très-contents de leur savoir et de leurs recherches. Ils ue se forment pas un herbier
pour étudier la Nature, mois ils n’étudient la Nature que pour se former un herbier. Ils no
font de même des collections d’animaux que pour remplir leur cabinet et connaître leurs
noms , leurs genres et leurs espèces.
« Mais quel est l'amateur de la Nature qui étudie ainsi ses ravissants ouvrages? Quelle dif-
férence d’un Végétal mort, sec, flétri, décoloré, dont les tiges, les feuilles et les fleurs s’en
vont en poudre, à un Végétal vivant, plein do suc, qui bourgeonne et fleurit , parfume, fruc-
tifie, se ressème, entretient mille harmonies avec les éléments, les insectes, les oiseaux, les
quadrupèdes, et, se combinant avec mille autres Végétaux , courouno nos collines ou tapisse
nos rivages!...
«• Peut-on reconnaître la verdure et les fleurs d'une prairie sur des bottes de foin, et la ma-
jesté des arbres d’une forêt dans des fagots? L'animal perd par la mort encore plus que lo
Végétal , parce qu'il avait reçu une plus forto portion de vie. Ses principaux caractères s’év(i-
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DEUXIEME PARTIE,
uouissent : ses yeux son! fermés, ses prunelles ternies, ses membres roides ; il est sans cha-
leur, sans mouvement, saus senti meut, sans voix, sans instinct. Quelle différence avec celui
qui jouit de la lumière, distingue les objets, se meut vers eux, aime, appelle sa femelle,
s'accouple, fait son nid , élève ses petits, les défend de ses ennemis, étend ses relations avec
ses semblables cl enchaule nos bocages ou anime nos prairies ! Reconnaîtriez-vous l' Alouette
matinale et gaie comme l'aurore, qui s'élève en chantant jusque dans les nues, lorsqu'ello
ost attachée par le bec à un cordon ; ou la Brebis bêlante et le Bœuf laboureur, dans les quar-
tiers sanglants d'une boucherie? L'animal mort, le mieux préparé, no représente qu’une peau
rembourré!*, un squelette, une anatomie. La partie principale y manque : la vie qui le classait
dans le Bégno animal. Il a encore les dents d'un Loup, niais il n’en a plus l'instinct qui déter-
minait son caractère féroce et le différenciait seul de celui du Chien si sociable. La plante
morte n'&st plus végétale, parce qu'elle ne végète plus ; le cadavre n’est plus auimal, parce
qu'il n'est plus animé; l'une n'est qu’une paille et l'autre n'est qu'une peau. Il ne faul donc
éludier les plantes dans les herbiers et les animaux flans les cabinets, que pour les recon-
naître vivants , observer leurs qualités et peupler de ceux qui sont utiles nos jardins
et nos métairies.
« Les animaux étrangers, ajoute-t-on, perdent leur caractère dans la captivité, et il n'y a
« que des voyageurs qui, allant dans leurs pays, puissent les connaître daus leur état na-
ît lurel. » Eu conséquence, on propose d'employer les fonds que je sollicite pour une ména-
gerie nationale à faire voyager des zoologistes.
i> Si les animaux perdent leur caractère par la captivité, ils le perdent bien davantage par
la mort. A quoi donc serviraient les voyages des zoologistes qui n’iraient nous chercher que
leurs peaux ou leurs squelettes?
« Si une ménagerie affaiblit le caractère des animaux eu les captivuul , autant en fait une
serre chaude de celui des plantes; car un palmier y est aussi captif dans son caisson qu’un
rhinocéros dans sa loge. Il y a (dus, c'est que l'animal dégénère beaucoup moins en captivité
que le végétal. Certainement le bambou , le café, les palmiers du nos serres sont plus petits ,
plus rachitiques que les Autruches, les Lions et les autres animaux des même climats qu'on
umeno en Europe , parce que ceux-ci ont pour l’ordinaire toute leur crue lorsqu’on les envoie
el qu'il esl plus facile du leur procurer les aliments qui leur conviennent qu’aux végétaux le
sol et les températures dont ils ont besoin. Cependant conclurait-on de la dégénéralion des
plantes étrangères dans nos serres chaudes qu’il faut les supprimer et envoyer des botanistes
en Asie, en Afrique et en Amérique, pour nous les faire connaître en Europe? Mais on a-t-on
jamais fait voyager uniquement pour chercher des herbiers? Yattond-on pas d’eux, au con-
traire , qu'ils ne nous apportent des plantes mortes que quand ils ne pourront nous les donuer
vivantes? No leur recommande-t-on pas d'en recueillir les graines, atin do les semer chez
nous? Ne sont-ce pas eux qui ont peuplé le Jardin national d’une foule de végétaux agréables
nu utiles, qui delà se sont répandus dans nos jardins et dans nos campagnes? Quels avan-
tages retirerons-nous donc dos voyages des zoologistes , s'ils ne nous apportent jamais que
des animaux morts? Que feraient-ils d'ailleurs des vivants, puisquo la nation n’aura pas de
ménagerie pour les recevoir? Ils étudieront leurs mœurs , dit-on, et nous en apporteront des
descriptions exactes; ils nous en feront des dessins. Ils en jouiront donc seuls en réalité,
tandis que la nation qui les paie n'eu aura que les images. Mais à quoi nous servira de les
connaître morts, si jamais nous ne devons les voir vivants? Après tout, je voudrais bieu sa-
voir comment des zoologistes peuvent connaître à fond les animaux sauvages d’un pays dont,
au bout du compte, ils no veulent avoir que les peaux. Comment étudieront-ils leurs mœurs,
s’ils ne les observent qu'en les couchant en joue? Ils ne les verront jamais que fugitifs et
tremblants. Iront-ils avec toute leur bravoure, au sein des déserts, examiner le Lion dans sa
caverne el le Bhinncéros daus son marais? Au moins l'animal au pouvoir de l’homme montre
encore son instinct ; s'il s’altère par les mauvais traitements , il semble se -perfectionner par
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MÉN w;krik.
les Iiienfuits. Le Lion s'associe un ami dans les fers; cl le Rhinocéros, sériant du sa bauge,
vient à travers ses barreaux mendier des caresses à la main qui le nourrit.
« Une Ménagerie bien dirigée peut nous donner encore une image de ces antiques correspon-
dances des animaux avec l’homme. Le cabinet ne nous présente guère que ceux auxquels il a
arraché la vie par violence : la ménagerie peut nous montrer ceux à qui il la conserve par ses
bienfaits. Cette école nécessaire à l'étude des lois de la nature peut devenir intéressante pour
celle de la société, et influer sur les mœurs d’un peuple, dont la férocité à l’égard des hommes
commence souvent son apprentissage par celle qu’il voit exercer sur les animaux.
« Cette Ménagerie coûtera, dit-on, beaucoup plus que le Jardin, parce que les animaux con-
somment beaucoup plus que les plantes. Mais les plantes qui sont dans les serres chaudes
coûtent beaucoup de bois et d’entretien : il leur faut des engrais , des terres de fougères , des
caissons, des paillassons, des vitres. Je conviens cependant que les animaux consomment
davantage, mais il ne sera pas nécessaire de se procurer toutes les familles de ceux qui sont
connus; on ne s'attachera qu’à avoir les plus utiles. Quant à ceux qu’on nous offre aujour-
d'hui, comme on nous les donne, l’achat n’en coûtera rien. Leur nourriture n'est pas dispen-
dieuse : le bubale, le couagga, le rhinocéros vivent de foin, d’un peu d’avoine et de son; le
lion mange par jour 6 livres de viande de basse boucherie; et le chien son ami 6 livres de
pain par semaine. On peut nourrir le lion à meilleur marché avec des équarrissages de che-
vaux. Leur logement sera de peu de dépense : M. Luimann, concierge de la Ménagerie, nous
a promis les grilles, les palissades et les charpentes de leurs loges. M. Couturier, régisseur
général des domaines de Versailles, et rempli d’ardeur pour le bien public, s’est chargé de les
faire transporter sans frais, ainsi que les animaux, ayant à sa disposition un grand nombre do
chevaux de trait. Enfin , pour comble de facilités , il y a sur la rue de Seine un terrain , ci-
devant aux nouveaux convertis , qui appartient à la nation et qui est enclavé dans le Jardin
des Plantes : il contient des bâtiments considérables , qui n’ont besoin que de quelques cloi-
sons; et il y a, do l’autre côté de la rue, la fontaine Saint-Victor, d’où il est facile d’envoyer
de l’eau vive pour les besoins de ces animuux.
« Il ne s’agit donc plus que de fixer une somme annuelle pour leur établissement et leur
nourriture, et pour les gages du portier, du gardien, du concierge, du professeur, etc.
Quoique celte évaluation ne soit fias de mon ressort, je l’estime à vingt mille livres. La dé-
pense du Cabinet, du Jardin, de ses professeurs, jardiniers, portiers, garde-bosquets, a été
portée cette année à cent mille livres; l’année précédente, elle l’avait été à cent seize mille,
sans rien ajouter à l’instruction publique: moyennant cent vingt mille livres, cet établissement
aura un cours complet d’Histoire naturelle et donnera des naturalistes, des plantes et des ani-
maux utiles aux quatre-vingt -trois départements de la France et même aux pays étrangers.
« Tout nécessite donc l’établissement d’une Ménagerie au Jardin des Plantes, et tout y est
favorable : le besoin de placer, dans un lieu destiné à l’étude de l’Histoire naturelle, le Règno
le plus intéressant de la nature ; les avantages qui en résulteront pour le progrès des arts,
des sciences, de l’économie rurale et de la philosophie même; nos relations politiques avec les
puissances étrangères ; l’intérêt do la capitale, la nécessité urgente de recueillir les débris de
la ménagerie de Versailles ; la facilité de les transporter à Paris et d’acquérir sans bourse
délier un terrain et des bâtiments enclavés dans le Jardin des Plantes et voisins d’une fontaine.
« Ministres, honorés de la confiance de la nation; sections de Paris, si zélées pour la gloire
de votre ville; citoyens éclairés, qui étendez vos lumières économiques à tout son départe-
ment, prenez en considération un établissement qui doit illustrer la capitale et éclairer toutes
les parties du corps politique : attachez-les au centre commun de la patrie par les liens de lu
reconnaissance. »>
On voit, d’après les extraits de cet excellent Mémoiro, qui est aujourd'hui comme oublié
dans les œuvres complètes de Remardin-dc-Saint -Pierre , combien l’illustre successeur do
Buffon attachait d’importanco à la fondation d’une ménagerie d’animaux vivants au Jardin
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136 DEUXIÈME PARTIE.
des Plantes , avec quelle sollicitude il invoque toutes les raisons qui peuvent militer en faveur
de sa cause pour laquelle Buffon lui-même n'eût pas trouvé de plus généreux arguments.
Quelque sensation qu'ait produite ce Mémoire, la translation des animaux de la Ména-
gerie de Versailles au Jardin des Plantes ne fut ni décrétée ni même discutée par
P Assemblée ; c’était au milieu de circonstances solennelles que la voix de l’intendant du
Jardin s’était élevée; elle fut étouffée par l'orage qui grondait et dont les premières
commotions se traduisaient par la mise eu jugement de Louis XVI. Mais il était impossible
qu’un projet , dont l'utilité et la grandeur avaient été si souverainement démontrées , ne fût
pas reproduit lors de la première organisation du Muséum , eu juin 1793. Le règlement qui
fut alors rédigé par les professeurs et volé par le Comité d'instruction publique de la Conven-
tion, est complété par un chapitre intitulé: Des moyens d'accélérer les progrès de l’Histoire
naturelle. L’une des promesses de ce chapitre est la création d’une Ménagerie destinée à la
fois à l’élude scientifique de l’organisation et des mœurs des diverses classes d’animaux et
à l'acclimatation des espèces utiles.
Cette indication n'était encore qu’une espérance dont la réalisation fut renvoyée à un avenir
indéfini. Mais il existe dans la vie humaine des circonstances imprévues, des concours heureux
de volontés persévérantes, qui font éclore les résultats avant les temps fixés pur les prévisions
de la temporisation.
Geoffroy Saint-Hilaire, chargé au Jardin de la zoologie et de l’administration des maté-
riaux zoologiqucs, venait de commencer avec un éclatant succès l’enseignement de la zoolo-
gie, qui. pour la première fois, se faisait entendre au Muséum, lorsqu'une occasion aussi heu-
reuse que fortuite se présenta pour créer une Ménagerie.
Ce fut un coup de main du procureur général de la Commune de Paris qui dota la France
de rétablissement que nous admirons aujourd’hui. Ce magistrat, considérant que les exhibi-
tions publiques d'animaux vivants ne devaient point être abandonnées à l'industrie particu-
lière, attendu que ces ménageries foraines causaient non-seulement encombrement sur les
places publiques, mais pouvaient même, par suite de la négligence des gardiens à l’égard des
bêtes féroces, devenir une cause de danger pour les citoyens, prit de lui-même, et sans s’être
entendu à ce sujet avec personne, un arrêté portant que les animaux stationnés sur les places
de Paris seraient saisis sans délai par le ministère des officiers de police et conduits au Jardin
des Plantes, oü, après estimation de leur valeur et indemnité donnée aux propriétaires, on les
établirait a demeure. Cependant les professeurs du Jardin des Plantes n'avaient reçu aucun
avis. L’arrêté avait été exécuté aussitôt que signé, et la première nouvelle en fut portée au
Jardin par les animaux eux-mêmes qui, avec leurs gardiens, y affluaient de toutes parts sous
In conduite des commissaires de police et de la force armée. Geoffroy Saint-Hilaire était tran-
quillement occupé dans son cabinet, quand on vint le prévenir de l’arrivée des étranges visi-
teurs qui assiégeaient sa porte. La circonstance n’était pas seulement singulière, elle était
réellement difficile. Il était évident que le procureur général de la Commune avait dépassé ses
pouvoirs en ordonnant que ces animaux seraient conduits et nourris au Jardin des Plantes. Co
n'était pas le tout que de recevoir cos nouveaux bûtes, il fallait les paver et les nourrir, cl sur
quels fonds celle dépeusc se ferait-elle? Les animaux auraient fort bien pu demeurer long-
temps dans la rue, s'il avait fallu attendre, pour leur ouvrir les portes du Jardin , que celte
question eût été convenablement discutée et finalement résolue par les pouvoirs compétents.
Le Muséum avait le droit de refuser un envoi fait dans des circonstances si inopportunes;
établissement national et non municipal, il relevait do l'Étal seul et rien ne l’obligeait à dé-
férer à un ordre de l’administration de la police.
Loin de songer à profiter de cette ressource légale , Geoffroy, en homme dont le jugement
droit était secondé par une imagination active, eut bientôt pris son parti; fort de l’appui de
son vénérable maître Daubcnton , alors directeur du Muséum , il assuma sur lui toute la res-
ponsabilité des circonstances auxquelles il allait donner une éclatante sanction.
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M K \ U; K II I K .
137
Sans locaux préparés , sans fond» alloues pour la nourriture et la garde des animaux , sans
que rien n'eût été ni disposé ni prévu pour la création immédiate de la Ménagerie, il donna
ordre d'ouvrir les portes à l'attroupement, d'installer les voitures avec les cages qu'elles ren-
fermaient dans la cour intérieure; il se chargea , jusqu'à décision légale, de fournir à ses frais
à l'entretien des animaux et île leurs gardiens. Il avait compris tout l'intérêt que devait avoir
[tour la science et pour le pays un pareil établissement , et combien , le premier pas une fois
fait , il serait difficile au (iouvemement de revenir en arriére.
(l'est ainsi que fut institué révolutionnaircmcnl, en date du l.r> brumaire an n , le premier
noyau de la Ménagerie. Parmi les animaux ainsi recrutés , se trouvèrent deux ours blancs ,
un léopard , un chat tigre, une civette, un raton , un vautour, deux aigles, plusieurs singes,
îles agoutis. Ils furent évalués eu somme à 33,000 francs.
Comme Oeoffroy l'avait prévu, il n’eut pas l'assentiment de tous ses collègues. Ceux dont
la prévision s'étendait au delà des difficultés du moment approuvèrent hautement sa con-
duite ; le prudence de quelques autres s’en effraya. L'hésitation ne fut pas de longue durée :
un mois ne s'était pas écoulé que l’assemblée des professeurs subvenait par un vote aux
besoins les plus urgents des animaux et de leurs gardiens, et que des démarches étaient faites
pour obtenir les ressources nécessaires à l'établissement définitif de la ménagerie.
Lakanal , protecteur infatigable de l'établissement dont il venait d'être le second fondateur,
en plaida la cause celle fois encore auprès de scs collègues ; elle fut gagnée, mais non sans
peine.
Ce fut seulement en mai 1791 que le Comité de salut public ordonna Y arrangement provi-
»o ire de quelques loges; en août , les travaux furent commencés , et, trois mois plus lard , la
Ménagerie, par un décret rendu le 11 décembre 1791 par la Convention, reçut enfiu une exé-
cution définitive et îles ressources assurées.
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13#
DEUXIÈME PARTIE.
Geoffroy Saint-Hiloire et ses collègues n’avaient point attendu que la Ménagerie fût officiel-
lement reconnue pour l’enrichir et la rendre digne d’un grand établissement et d’une grande
nation. Dès le premier jour, l’Ordre des Carnassiers et celui des Primates y avaient eu de
nombreux représentants, et le bâtiment situé à l'extrémité de l’allée des marronniers, près
du quai, consacré jusque-là aux petits Mammifères, se trouva rempli aussitôt qu’occupé. Il
existait alors, vers le milieu du Jardin, un vaste bassin enclos d’une grille; des Oiseaux de
rivage et des Palmipèdes se trouvèrent bientôt rassemblés sur les bords; le Rhinocéros de Ver-
sailles, tant désiré de Bernardin de Saint-Pierre, était mort; mais le Coungga et le Bubale
avaient survécu : on les obtint facilement ainsi que deux Dromadaires qui avaient appartenu
au prince de Ligne; mois, pour compléter l’idée d’une Ménagerie, il restait à leur adjoindre
des représentants des classes pacifiques. Ce fut encore par arrêté révolutionnaire qu’il y fut
pourvu. Après la mort du duc d’Orléans, le Rainci avait été confisqué comme propriété natio-
nale, et la chasse du parc avait été adjugée aux enchères à Merlin de Thionville et au mar-
quis de Livrv. Crassous , qui exerçait les fonctions pmconsulaires dans le département de
Soine-et-Oise , cassant le marché, décida que le district do Conesse ferait saisir dans le parc
les bêles fauves qui s’y trouvaient pour les mettre à la disposition des administrateurs du
Jardin îles Plantes. En même temps, donnant avis à ceux-ci de son arrêté, il les invita à dé-
léguer quelqu’un au Rainci pour recevoir ce tribut. Ce fut encore Geoffroy Saint-Hilaire qui ,
à raison de ses fonctions , fut chargé de ce soin. Il se plaisait dans sa vieillesse à raconter la
visite qu’il fit à cette occasion au Rainci avec Lamarck, celte autre gloire, alors naissante
aussi, do la zoologie française. Merlin de Thionville, qui n’avait point encore connaissance de
l'arrêté proconsulaire , était en pleine chasse quand on vint l’avertir que deux jeunes gens
arrivés an château demandaient qu’on leur remît les précieux habitants de la forêt. On peut
s’imaginer la surprise et la colère du terrible conventionnel ainsi menacé dans ses plaisirs.
Geoffroy n’était pas maître d’une certaine émotion , et ce fut presque timidement que , pour
toute réponse, il présenta au furieux chasseur l’arrêté dont il était porteur, et qui faisait
connaître, avec sa qualité, le nom du pouvoir qui l’en avait revêtu. Le prestige de ce nom,
de celle dérision prise dans l’intérêt du peuple, produisit un effet magique. Les chasseurs
s'arrêtèrent ; l'emportement contre les importuns visiteurs fit place au désir empressé de les
servir; on se remit en chasse non [dus pour le divertissement de tuer des animaux, mais pour
une poursuite toute philosophique destinée à les mettre dans les filets, et par suite à la dispo-
sition des deux délégués de la Ménagerie nationale. Merlin de Thionville conduisit lui-même
le convoi ; et aux animaux confisqués au Rainci il ajouta même [dus tard , en échange d’ani-
maux empaillés, divers animaux précieux dont il était possesseur. Ainsi prirent place, à côté
des Tigres et des Ours, nu Jardin des Plantes, des Cerfs et des Biches, des Daims fauves et
blancs, des Chevreuils, un Chameau; et la seconde section de la ménagerie, entretenue de
fourrage comme la première do débris de boucherie, fut installée, en attendant décision,
sous les grands arbres qui existaient alors prés de la rue de Buffon.
L’établissement ne reposait encore que sur l'incertain. Le Comité d’instruction publique
avait vu avec déplaisir les empiétements de la Commune, et ne se pressait pas do les ratifier.
Cependant , stimulé par Geoffroy , dont ces nouvelles acquisitions n’avaient fait qu’augmenter
le zèle, il consentit à décréter en principe l’établissement d’une Ménagerie au Jardin des
Plantes , et autorisa Geoffroy à continuer ses avances. Les premières difficultés s’aplanirent
peu à peu. L’affluence du peuple, qui avait immédiatement saisi toute l'importance de celle
institution nouvelle, en fil sentir la valeur. Des mesures furent prises pour faire traquer et
saisir dans les forêts de l’Etat des représentants de tous les animaux qui les habitent. Geof-
froy ayant appris qu’il y avait , à In foire de Rouen , un Éléphant , s’v rendit sans éclat , et en
fit, à assez bon prix, l’acquisition. Un superbe Lion fut acquis de la même manière. Bref, la
Ménagerie prit figure, et un an ne s’était pas écoulé depuis le premier acte d’hospitalité ac-
cordé, dans l’enceinte du Jardin des Plantes, aux Ménageries foraines, que la Convention
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MÉNAGERIE. 139
nationale , sur lo rapport du député Thibaudeau , sanctionnait par un décret l'établissement
d’une Ménagerie nationale. Les idées do Bernardin do Saint-Lierre se trouvent en partie re-
produites dans ce rapport, et il n’est pas sans intérêt do les rappeler ici.
« La Botanique, disait le rapporteur, est sans doute une des branches les plus étendues de
niisloiro naturelle; mais il y en a plusieurs autres dont l’élude est très-utile. On peut en
prendre les premières notions dans les cabinets, mais on n’y acquerra jamais des connais-
sances complètes, parce que l’on n’y voit pas la nature vivante et agissante. Quelque apprêt
que l'on donne aux cadavres des animaux ou à leurs dépouilles, ils ne sont plus qu’une faible
représentation des animaux vivants. La peinture n'en retrace même qu'i m parfaitement
l’image. Quand on compare les lions qui sont dans lu plupart des tableaux au magnifique in-
dividu qui existe au Muséum, on voit que la plus grande partie des artistes, se copiant lus
uns sur les autres, n’ont pas rendu la nature, cl que leurs imitatious sont beaucoup au-
dessous du modèle.
« Le Muséum a recueilli des animaux envoyés par la municipalité de Paris, ceux de Ver-
sailles, du Rainci; ils sont très-mal logés : le Comité de salut public avait en conséquence
ordonné à la commission des travaux publics d'examiner avec les professeurs l’emplacement
le plus commode pour y construire provisoirement une ménagerie propre à les recevoir. Elle
est presque terminée. Vous sentirez la nécessité de cet établissement au Muséum , qui doit
renfermer tout ce qui tient à l'Histoire naturelle. Jusqu’à présent, les plus belles ménageries
n’étaient que des prisons où les animaux resserrés avaient la physionomie de la tristesse, per-
daient une partio de leur robe , et restaient presque toujours dans une attitude qui attestait
leur langueur. Pour les rendre utiles à l’instruction publique , les ménageries doivent être
construites de manière que les animaux , de quelque espèce qu’ils soieut, jouissent de toute la
liberté qui s’accorde avec la sûreté des spectateurs , afin qu’on puisse étudier leurs mœurs ,
leurs habitudes , leur intelligence , et jouir de leur fierté naturelle dans tout son développe-
ment. Les animaux qui servaient pour les grands spectacles des anciens conservaient toute
la beauté des formes. On atteindra ce but en pratiquant des parcs un peu étendus, environnés
de terrasses. Les spectateurs suivront sans danger tous les mouvements des animaux ; le
peintre et le sculpteur feront alors facilement passer dans leurs ouvrages le caractère qui los
distingue.
« En rapprochant de nous toutes les productions do la nature, ne la rendons pas prison-
nière. Un auteur a dit que nos cabinets en étaient le tombeau. Eb bien! que tout y prenne
une nouvelle vie par vos soins , et que les animaux destinés aux jouissances et à l'instruction
du peuple ne portent pas sur leur front , comme dans les ménageries construites par le faste
des rois, la flétrissure de l’esclavage; que l’on puisse admirer la force majestueuse du Lion,
l’agilité de la Panthère, et les élans do colère ou de plaisir dans tous les animaux. Quant à
ceux d’un caractère plus doux , ils pourront être placés dans des parcs un peu étendus , en
partie ombragés par des arbres , et tapissés de verdure propre à les nourrir. »
N’est-il pas remarquable de voir le programme de cette Ménagerie, que tant de personnes
admirent aujourd’hui sans en connaître l’origine, prendre naissance au milieu des débats de
cette Convention que d’ordinaire on se représente comme toujours terrible ? Dans cette mémo
séance, 21 frimaire an ur, malgré la pénurie du Trésor, la Convention vota, en faveur du
Muséum d’Hisloire naturelle, une somme de 237,233 francs. C’était alors une somme consi-
dérable , et qui témoignait assez de l’intérêt que portait la République à l’étude des sciences
naturelles. Geoffroy fut officiellement nommé, par règlement approuvé par la Convention, di-
recteur de la Ménagerie : cette direction se trouvait être le complément normal de la chaire
de zoologie dont il était chargé.
L’impulsion ainsi donnée , la Ménagerie s’accrut successivement et à mesure que les cir-
constances le permirent. Ainsi la conquête de la Hollande, eu 1798, amena deux Éléphants
mâle et femelle, provenant de la ménagerie du stathouder.
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DEUXIÈME PARTIE.
Plus tard, après divers évènements qui diminuèrent le nombre des animaux, attendu qu'on
fut obligé , e.n 1790, par exemple , d'en tuer une partie pour nourrir les plus précieux , la
Ménagerie reçut en 1800, moyennant une somme de 17,500 francs, uri envoi que lui fit l'An-
gleterre de deux Tigres mâle et femelle, deux Lynx aussi mâle et femelle, un Mandril, un
Léopard, une Panthère, une Hyène , et quelques Oiseaux. En 1801 , le plan de la .Ménagerie
fut définitivement arrêté , l’on acquit quelques chantiers situés sur la Seine et l’on fit quelques
nouveaux parcs et de nouvelles cabanes pour les Daims, les Axis, les Cerfs, les Bouquetins,
les Mérinos, le (inou, les Kariguroos. En 1810, la inénagerio du roi de Hollande vint donner
au Jardin un complément de vingt-quatre animaux, qui constituèrent enfin la .Ménagerie.
Successivement do nouvelles acquisitions lui donnèrent toute l’étendue et l’importance
qu’elle possède actuellement.
Au Muséum, les animaux vivants sont groupés pur catégories, et pour ainsi dire par familles
naturelles. A lu Singerie, on met les Singes et les Makis ; au bâtiment plus rapproché do la
Seine, les Animaux féroces , c’est-à-dire les Mammifères carnassiers. Quelques Ours, insensi-
bles à nos variations de température , habitent dans de grandes fosses. Des Lions , des Pan-
thères , etc. , ne pourraient pas y vivre en toute saison ; et d'ailleurs , il serait impossible de
les y retenir, car leur grande agilité leur permettrait bientôt de s'échapper. La Itutondc, qu’on
pourrait appeler le point central de la Vallée suisse, en est aussi la coustruction la plus con-
sidérable et la mieux conçue; elle donne asile aux plus grands animaux ; l'Eléphant, las
Pachydermes et les Ruminants. Diverses espèces lu quittent pendant la belle saison et vont
occuper les parcs ; celte faveur est plus particulièrement réservée à celles de l’Inde , de
l’Afrique ou de l’Amérique méridionale, auxquelles les chaleurs de l’été rappellent leur patrie;
pendant l’hiver ces animaux reviennent à la Rotonde. Mais les parcs ont, comme les fosses,
des habitants qui ne les quittent pas plus en hiver qu’en été. Tels sont les Cerfs de Virginie,
les Axis do l’Inde, dont les espèces peuvent être regardées comme acclimatées chez nous, et
divers autres qui nous viennent des pays froids, comme le Renne, l’Elan, etc.
Des parties non moins essentielles do la Ménagerie sont : la Volière du nord, où l’on met
principalement les Oiseaux de proie et les Perroquets; la Faisanderie , où sont les Faisans,
qui lui ont donné leur nom, les Poules de diverses races, les Pintades et les autres Gallinacés.
Les Autruches, les Casoars et quelques oiseaux de grande taille occupent une fabrique spé-
ciale, subdivisée en plusieurs compartiments ; deux endroits, pourvus d’une pièce d’eau , sont
lo séjour des espèces aquatiques ou de rivage : c’est là que l’on voit les Cygnes, les Oies, les
Canards de diverses sortes, les Grues, les Cigognes, etc.
Les Reptiles habitent le local autrefois réservé aux Singes, Quoique placé en dehors do la
Vallée suisse, il en est très-peu éloigné.
La Ménagerie n’a pas do chef spécial comme la bibliothèque ou les galeries d’histoire natu-
relle; elle est placée sous la direction immédiate des professeurs de zoologie chargés de l’en-
seignement relatif aux animaux qu’on y conserve : Al. IsmonF. Gzorraov-S xiNT-Hii.Aiai:,
pour les Mammifères et les Oiseaux , et AI. Dcméaii., (aiur les Reptiles, lais aides natura-
listes do chacun de ces professeurs, MAI. Florent Prévost et Aug, Dumeri! , sont chargés de
les seconder.
On pourrait écrire et même on a écrit, au grand profit de l’histoire naturelle, plusieurs
volumes sur la Alénagerio du Aiuséum. Alais comment la dépeindre eu un seul chapitre? com-
ment raconter en quelques pages ce que la science moderne lui doit de connaissances positives
et d’applications utiles? La description pure et simple de scs habitants est déjà un travail
d’une assez grande étendue ; et , comme on a soin île faire figurer dans la belle collection des
vélins conservés à la bibliothèque du Aiuséum toutes les espèces remarquables qui s’y succè-
dent, et, le plus souvent, d’en publier la description, l’histoire détaillée de la Ménagcrio
entraînerait celle d’une branche importante de la zoologie , depuis le commencement du
dix -neuvième siècle. Frédéric Cuvier a déjà donné la plus grande partie de ces matériaux
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MÉNAGERIE. 141
dans VHisloire naturelle des Mammifères , publiée par lui et Étieuue Geolfroy-Saint-Hilairc ,
qui, depuis la fondation du Muséum jusqu'en 1841, a occupé la chaire de mummalogic et
d'ornithologie de ce magnifique établissement. Avant l'ouvrage dont il vient d'étre question,
Lacépèdo, G. Cuvier et K. Geoffroy, avaient commencé, sous ce titre : La Ménagerie du
Muséum national d'histoire naturelle, ou les Animaux vivants, un livre avec figures peintes
d’après nature par Maréchal , et gravées par Miger. Le nom de Maréchal est devenu célèbre
par les beaux dessins d'animaux qu’il a faits, d'après des individus vivants à la Ménagerie.
Iluet a continué arec talent ce travail , aujourd’hui confié à plusieurs artistes d'up grand
mérite. Parmi ces derniers, M. Wemer est celui qui a fait, soit pour M. F. Cuvier, soit pour la
collection des vélins, le plus grand nombre de peintures nouvelles.
L'administration du Muséum achète les animaux intéressants qui lui sont proposés, ou
dont elle a eu connaissance; la Ménagerie s'enrichit aussi fréquemment de dons, et, dans ce
cas, on a soin de conserver le nom des donataires; tant que l'animal offert au Muséum fait
partie de l’établissement , ou , après sa mort , lorsqu’il a été préparé par les galeries d'histoiro
naturelle, une étiquette spéciale rappelle cet acte de générosité. Parmi les amis ou protecteurs
des sciences auxquels la Ménagerie doit des espèces rares , nous citerons quelques voyageurs
naturalistes : Péron et M. Losucur, Leschenault , Milbcrt. M. Dussumier, M. Gaimard. Des
princes français de plusieurs familles ont également fait à lu Ménagerie des offres précieuses ;
et, à diverses époques, des princes africains, le pacha d'Égypte, l’empereur de Maroc,
Abd-el-Kadcr, ont adressé au gouvernement dos animaux remarquables, et dont la Ménagerie
a été aussitôt gratifiée. C'est au pacha d'Égypte que sont dus l’Éléphant d’Afrique et la Girafe.
Tout ce que nous allons dire sur la Ménagerie ne saurait se rapporter exclusivement à son
état présent. Si nous nous bornions aux individus que la Ménagerie possède au moment où
nous écrivons ces lignes , peut-être que dès demain plusieurs auraient fait défaut. Ce n’est pas
qu’elle n’ait un fond de représentants sur lequel on ne puisse toujours compter : Macaque,
Sapajou , Lion , Panthère , Ours , Hyène , Chacal , Agouti , Dromadaire , Autruche, etc. , etc. ;
ces espècos s’y voient en tout temps, et toujours eu bonne santé, car il est si facile de se los
procurer, que la substitution d’un individu à un autre est à peine sensible. On u déjà beau-
coup parlé de ces différents animaux , qui forment le vulgaire des Ménageries européennes,
et nous ne nous arrêterons pas à les décrire une fois de plus ; nous préférons mettre sous les
yeux du public l'état des Mammifères qui ont vécu à la Ménagerie , d’après un important
document que nous devons à l'obligeance de M. le Professeur Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire ;
cet exposé fera mieux comprendre que tous les éloges possibles combien l’administration a
mis de soin à réunir les animaux rares et précieux auxquels elle a eu seule en Europe le
privilège de donner une hospitalité, qui n’a pas été sans résultat pour les améliorations de
race et les études physiologiques et anatomiques.
La Ménagerie des Mammifères, Oiseaux et Reptiles, contient en ce mornenl onze cents indi-
vidus vivants. On trouvera dans les parties spéciales de cet ouvrage les monographies de
chaque espèce intéressante; il nous suffira donc de les désigner ici en renvoyant nos lecteurs
aux autres volumes des Trois Hègnes de la Nature.
ANIMAUX DE LA SINGERIE.
A
Tout le monde connaît aujourd’hui la définition caractéristique des mammifères :
« Animaux pourvut de mamelles au moyen desquelles ils allaitent leurs petits. » Oji sait aussi
que la dénomination de Quadrupèdes vivipares , donnée par Lacépèdo à ces animaux, a dû
être rejetée , parce qu’il y a dans celte classe certaines failli Iles (pii sont mammifères et vivi-
pares sans être quadrupèdes. De ce nombre sont les Lamantins et les Cétacés.
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142 DEUXIÈME PARTIE.
Les si no es appartiennent au premier ordre des Mammifères. Ce sont les animaux qui se
rapprochent le plus de l’homme par la nature de leurs actes et par leur conformation.
Les Singes et les autres especes qui constituent avec eux ce premier ordre de la classe des
Mammifères, ont reçu de beaucoup de naturalistes le nom de Quadrumane», c'esl-à-diro
animaux à quatre mains. Eu effet, le Chimpanzé, le Gorille, l’Orang-Outau , les Guenons,
los Macaques , etc. , ont , comme l'homme , le pouce des mains susceptible de mouvements
ussez variés, et opposable aux autres doigts, ce qui est le caractère d’une main, et, de plus,
le pouce de leurs pattes de derrière a la même disposition ; ainsi leurs quatre extrémités sont
égalcmc*ril terminées par des mains. Mais le pouco des mains du devant est si petit, que
beaucoup de Singes se servent moins adroitement de leurs maius antérieures que de leurs
pieds ou mains postérieures , et mémo , chez les Primates d’Amérique , le pouco des mombres
antérieurs prend la direction des autres doigts, presque au même degré que dans la patte d'un
Ours. La dénomination de Quadrumanes devient dés lors fautive.
Les Mammifères du cet ordre sont incontestablement les premiers d'entro les animaux après
l'homme; aussi le mot Primalèi ou Primais, qu'employait le célèbre Linné avant qu'on eût
adopté celui de Quadrumanes , leur convient-il beaucoup mieux que ce dernier. On peut dire
que, sous le rapport de l'intelligence ut de l'organisation, les Singes et autres animaux quali-
fiés comme eux de Quadrumanes , forment l’élite du règne animal.
L'élégante construction élevée à la Mé-
nagerie pour y placer les Primates , et que
l'on désigne, à cause de sa destination
même, par le nom de Singerie, mérite
donc la première mention (o° 27 du plan) .
Les espèces do l’ordre des Primates sont
toutes étrangères à l'Europe. Le Magot
seul se trouve en petit nombre sur le ro-
cher de Gibraltar. Les anciens les ont peu
connues , bien que du temps des Grecs et
des Romains on eût déjà conduit à Athènes
et à Rome une partie des espèces qui
vivent dans le nord de l'Afrique et peut-
être dans l'ouest de l'Asie. Doués d’une
intelligence très-mobile , les Singes sont susceptibles de quelque éducation ; mais c’est dans le
jeune âge seulement que l'on peut lus dresser. Les femelles , dont le caractère est plus doux
que celui des mâles, restent plus longtemps soumises.- Les Singes que les bateleurs ont avec
eux, sont le plus fréquemment le Macaque, originaire de l’Inde , et le Sapajou, qui vient
d'Amérique.
Les Primates vivent aussi bien dans l’aucien monde, Asie et Afrique, que dans le nouveau;
mais aucune des espèces américaines n'existe naturellement dans l'ancien continent, et celles
do cette partie du globo ne se rencontrent point en Amérique. Il y a même, au sujet de la
répartition géographique do ces animaux, un fait plus curieux encore, remarqué par Buffon
et Dauhcnton. Les Singes d’Asie et d'Afrique, quoique se rapportant à plusieurs genres,
appartiennent tous à la même famille naturelle ; tous ceux de l'Amérique sont également d’une
famille à part, et se distinguent de ceux do la famille précédente par des caractères parfaite-
ment tranchés. On donne aux premiers le nom de PlTnfcQUES (en latin, Pilhecui) ou Singes
de l'ancien monde, et aux seconds celui do sapajous ( Cebus ). Une troisième famille de Pri-
mates est celle des makis, confinés dans l’Ilc do Madagascar, qui no possède aucune espèce
de vrais Singes. On trouve aussi quelques espèces, voisines des Makis, dans les parties les
plus chaudes de l’Afrique et de l’Inde.
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MÉN XGERIE. — XI A M XI I F fe H ES .
113
PRIMATES or QUADRUMANES
1" Famille — LES SINGES — SIMIIDÆ
SINGES DE LA PREMIÈRE TRIBU
Les PiTiitoiiES, ou les Singes de l’ancien continent, ont le même nombre de dents que
l’homme, et ces dents affectent la même répartition : deux incisives, une canine et cinq
molaires do chaque côté de chaque mâchoire. Quelques-uns manquent île queue, et cher ceux
qui en présentent, cet organe n’est jamais susceptible de s'enrouler autour des corps pour
aider l'animal à les saisir. La séparation des narines par une cloison très-mince est encore un
des signes caractéristiques de cette famille. Les Pithèques sont les plus intelligents , mais
aussi les plus redoutables d’entre les Singes, tant ils sont parfois robustes, défiants et malin-
tentionnés.
La Ménagerie a déjà possédé une grande partie des espèces connues de cette famille, et,
sauf les Gorille », originaires du (iabon, ot les Colobes, naturels de l’Afrique inter-tropicale,
elle a eu des représentants de tous les genres dont se compose la série des Pithèques.
Genre TROGLODYTE ( Troglodyte a). — Tboglodïtf. Chimpanzé ( Troglodytes
niger) , — Geoffroy -Saint- Hilaire, — de l'Afrique occidentale.
C’est de tous les Singps celui qui ressemble le plus à l’homme par son extérieur. Il est
presque taillé sur le même modèle, mais ses oreilles sont beaucoup plus grandes et en partie
débordées; son nez, au contraire, est presque nul ; ses cheveux, ou plutèt les poils semblables
à ceux du corps qui couvrent sa tète, sont dirigés du front vers l'occiput et sa station bipède
parut! des plus embarrassées si ou la compare à la nètre.
Trois individus de cette Espèce, qui habitent la région occidentale et l'intérieur de l'Afrique,
ont vécu à la Ménagerie, l'un en 1837-38, un autre en 1819 (donné par M. le colonel Bortin-
Duchàlcau), le troisième en 1852-53, encore vivant.
Un autre individu avait antérieurement été observé au Muséum par Buffon , sous la fausse
dénomination d’Orang-Outan. Il est constant que c’est bien du Chimpanzé qu’il a voulu
parler. La peau et le squelette qui font encore partie des collections , ne laissent aucun doute
à ce sujet. « I.’Orang-Outan que nous avons vu , dit-il , marchait debout sur ses deux pieds,
même en portant des choses lourdes ; son air était assez triste , sa démarche grave , ses mou-
vements mesurés, son naturel doux et Irès-difTérent de celui des autres Singes. Ig! signe et la
parole suffisaient pour le faire agir. Nous avons vu cet animal présenter la main pour recon-
duire les gens qui venaient le visiter, se promener avec eux et comme de compagnie ; nous
l’avons vu s’asseoir à table , déplorer sa serviette , s’en essuyer les lèvres , se servir de la
cuiller et de la fourchette pour porter à sa bouche, verser lui-même sa boisson dans un verre,
le choquer lorsqu’il y était invité, aller prendre une tasse et une soucoupe, l’apporter sur la
table, y motlrc du sucre, y vorser du thé, le laisser refroidir pour le boire, et tout cola sans
autre instigation que les signes ou les paroles de son maître, et souvent de lui-même. Il no
faisait de mal à personne , s’approchait même avec circonspection , et se présentait comme
pour demander des caresses. Il aimait prodigieusement les bonbons : tout le monde lui en
donnait, et comme il avait une toux fréquente et la poitrine attaquée, cette grande quantité
de choses sucrées contribua sans doute à abréger sa vie. Il ne vécut à Paris qu’un été et
mourut l'hiver suivant à Londres. Il mangeait presque de tout; seulement il préférait les fruits
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141 DBIXIKME PARTIR.
mûrs et secs à tous les autres aliments. Il buvait du vin, mais en petite quantité; il le laissait
volontiers pour du lait , du thé ou d’autres liqueurs douces. »
Le Chimpanzé de 1837 était un animal fort doux, assez docile et très-intelligent; mais il
n'avait pas été aussi bien élevé que celui de l'intendant du Jardin des Plantes ; et quoiqu'il
reçut des visites des personnages les plus éminents , il vivait modestement dans une des tra-
vées de la Rotonde, n’ayant fort souvent pour toute société qu’un chien ou un chat.
Au rapport de M. Broderip, naturaliste anglais, un jeune Chimpanzé, qui a vécu quelque
temps à Londres, était aussi un animal fort remarquable par son intelligence.
« Dès qu’il fut devenu un pou familier avec moi, dit ce savant, je lui montrai un jour, en
jouant , un miroir, et je le mis tout à coup devant ses yeux. Aussitôt il fixa son attention sur
ce nouvel objet, et passa subitement de la plus grande activité à une immobilité complète :
il examinait le miroir avec curiosité, et paraissait frappé d’étonnement; ensuite il me regarda,
puis porta de nouveau les yeux sur la glace, passa derrière, revint par devant; et tout en con-
sidérant son image, il cherchait, à l’aide de ses mains, à s’assurer s’il n’y avait rien derrière
le miroir; enfin il y appliqua ses lèvres. Ln sauvage, d’après les récits des voyageurs, ne fait
pas autrement dans la même circonstance. »
Le Chimpanzé actuellement vivant à la Ménagerie est jeune et de petite taille ; il est timide
et extrêmement doux; la cage dans laquelle il est enfermé est de dimension assez grande et
permet d'observer sa démarche; il se tient rarement debout sur les deux pattes de derrière, et
lorsqu’il veut aller prendre un objet qu’on lui présente à l’autre extrémité de sa cage, il préfère
saisir une corde et traverser In distance par un saut rapide plutôt que de courir comme le
ferait un véritable bipède.
Genre O RANG ( Simia ). — Oraxc. bicolor (Simia bico'or) , — Isidore Geoffroy-Sainl-
Hilaire, — de Sumatra.
Espèce voisine, mais distraite do l'Orang-Oulan ; établie d’après un individu qui a vécu en
1836-37.
L’Orang-Oulan n'a été vu vivant en France que pendant le dix-neuvième siècle. Quatre
individus ont été amenés à Paris : 1° une jeune femelle de Bornéo, offerte, en 1808, à l'im-
pératrice Joséphine par M. Decaen, et qui a fait partie de la ménagerie de la Malmaison, où
elle est morte cinq mois après son arrivée; 2° un autre qu’on montrait dans la rue Saint-
André-des- Ares , en 1800 ; 3° le jeune mâle de Sumatra , qu'on a vu au Muséum depuis le
mois de mai 1830 jusqu’au commencement de janvier 1837, époque de sa mort; 4° un sujet
également jeune, et postérieur au précédent, qui appartenait à la direction du Cirque-Olym-
pique. On avait d’abord eu l’intention de le faire jouer avec les autres singes qu'on a vus sur
ce théâtre , mais il n’a môme pas débuté.
Tous ces Orangs étaient jeunes , ainsi que ceux qu’on a vus en Angleterre, et les quatre ou
cinq Chimpanzés amenés vivants en Europe. L’intelligence de ces animaux est des plus sou-
ples, et, dans le jeune âge, leur caractère se distingue par une douceur et une gaieté qu’on
pourrait appeler enfantine. Mais il n’en est pas de môme des adultes, dont la brutalité se
développe à l’égal de leurs forces physiques , et les rend véritablement indomptables. Aussi
n’en a-t-on jusqu’ici conservé aucun vivant.
Jack, l’orang-outan du Jardin des Plantes, était remarquable par sa douceur, par son ama-
bilité, et par un mélange de manière# à la fois gauches ou intelligentes, selon que les actes
qu'on voulait lui faire accomplir étaient plus ou moins en rapport avec la nature de son orga-
nisation. Il aimait beaucoup à jouer, surtout avec les enfants , et il vivait en quelque sorte
familièrement avec son gardien, se conformant au régime du petit ménage qui l'avait accueilli,
et subissant tour à tour les Téprimandes ou les caresses de son tuteur, selon qu’il s’était
bien ou mal conduit. Jouait-il avec brusquerie? avait-il été gourmand? ou bien essayait-il de
briser les vitres de son logement, ou de mordiller, comme un jeune chien, les personnes qui
le visitaient? Une correction sévère lui élait administrée, et il la recevait, sinon de bonne
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MÉN AOF.IUE. — MAMMIFÈRES. If,
grâce, du moins avec résignation; cachant sa figure dans ses mains, dès qu’on le menaçait,
et versant des larmes quand on employait les coups. Il grimpait avec facilité à une cordu
placée dans son logement. Lorsqu'il s'asseyait, il croisait les jambes comme le font les Turcs
et les tailleurs; et, dans cette attitude, sa physionomie ressemblait assez bien à celle des petites
figurines indiennes appelées magots de la Chine.
Il mangeait assez proprement; et, suivant la nature des aliments, il se servait de la cuiller
ou de la fourchette. Ici , comme dans presque tous ses actes , on reconnaissait des preuves de
son intelligence. Nous n’en citerons qu’une : un jour, on lui avait apporté pour déjeuner de la
salade, que sans doute il trouvait trop vinaigrée; l’idée lui vint d’éter un peu de vinaigre en
frottant la salade sur les poils de son bras ; mais ce moyen ayant été infructueux , il prit les
feuilles et les pressa l’une après l’autre entre les plis d’une couverture qui lui servait de tapis.
Cet animal était curieux et gourmand ; les nombreuses corrections de son gardien n’avaient
pas tardé à lui montrer qu’il devait être un peu plus réservé; aussi exécutait-il ses petits coups
lorsqu’on ne faisait pas attention à lui. Il ne pouvait rester seul : le voisinage d’un chien
rendait d’abord son isolement moins triste; mais il s’en fatiguait promptement. Il lui fallait
la société des hommes, et quoiqu’il affectionnât de préférence un petit nombre de personnes
qu’il voyait fréquemment , il se liait néanmoins fort aisément avec tout le monde.
Les Orangs adultes sont essentiellement tristes et paresseux , et leur démarche a quelque
chose de grave. On suppose que la durée de leur existence ne dépasse pas quarante ou cin-
quante ans.
Le travail de la dentition, toujours pénible chez les animaux captifs, n’a pas permis aux
Orangs -Outan que l’on a pu se procurer, d’arriver à l’âge adulte. 11 en est ainsi de presque
tous les Singes de nos Ménageries que l’on a pris jeunes , et même de beaucoup d’autres ani-
maux. La dentition des Orangs et des autres Singes de l’ancien monde suit les mêmes phases
que celle de l’espèce humaine.
Genre GIBBON ( Hylobates ). — Gibbon cendré {Hylobates leuciscuê) , — Kühl, —
de Java et de Sumatra.
GinBON en deuil ( Hyl . funcreus) , — Geoffroy-Saint-Hilaire, — (Espèce établie d’après
cet individu).
Indépendamment do cos deux individus qui ont existé dans la Ménagerie, on en a vu un
autre, il y a une dizaine d’années, dans un des cafés du boulevard du Temple, à Paris,
et la liberté dont on le laissait jouir permettait au public de constater l’agilité de ses mou-
vements. Les Gibbons sont construits sur le même modèle que les Orangs. Ils sont destinés,
comme ceux-ci, à vivre sur les arbres; leurs membres antérieurs sont fort longs, et les
postérieurs proportionnellement assez courts. Ils n’ont pas autant d’intelligence que les Orangs;
mais, en grandissant, ils conservent des mœurs plus douces, et jamais ils ne présentent le
caractère brutal do ces derniers. Ce sont, en somma, des animaux fort tristes, et dont la
démarche à terre est assez embarrassée ; ils ne montrent do l’agilité qu’en grimpant sur les
arbres ou en s’élançant d’un point à un autre; il paraît même que sous ce rapport ils sont
bien supérieurs aux Orangs. Un des traits dominants de leur caractère est l’affection qu’ils
portent à leurs petits.
On n’a encore trouvé d’Orangs qu’à Sumatra et à Roméo. Les Gibbons existent aussi dans
ces deux tics, et de plus à Java , à Célèbes, etc., ainsi que sur une partie du continent indien.
Buffon a observé vivante une des espèces du genre Gibbon.
Los Singes qui précèdent n’ont pas d’apparence de queue, et leurs vertèbres caudales
constituent, comme chez l’homme, un petit coccyx caché sous les téguments. Ce caractère, et
quelques autres encore, tels quo l’élargissement de leur sternum, la forme tuberculeuse de leurs
dents molaires, etc., les ont fait considérer comme les plus semblables à notre espèce et
nommer anthropomorphes. Linné les plaçait même dans le genre Homme. Après eux, nous
devons parler des autres Singes qu’on voit à la Ménagerie, et d’abord des Semnopithéques.
19
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MB DEUXIÈME PARTIE.
SINGES 1)E LA DEUXIÈME TRIBU
Genre SEMNOIMTHÈQIE.
Ceux-ci constituent un genre assez nombreux en espèces propres à l’Inde et à ses Iles. Il y
en a aussi en Afrique, sous l'équateur; mais la particularité d’avoir le pouce des mains de
devant très-court ou même rudimentaire et caché sous la peau, les avait fait distinguer eu
un genre particulier sous le nom de Colobea. Le Doue, le Monique, V Entelle, etc., sout des
Semnopithèques. Le Guereza d'Abyssinie, et quelques autres assez peu connus, sont des
Colobes.
La Ménagerie a possédé deux individus appartenant à ce genre,
Semnopithèqu f. Entelle ( Senmopit/iecus Entelfua ), — Frédéric Cuvier, — -de l'Inde.
Semn. N fcr.RF. (Semn. Mourus) , — Frédéric Cuvier, — de Java.
L'En tel le qui vit au Bengale est un de ceux que les Indous révèrent, et dont la capture est
interdite. On a pu cependant en observer à l’état de captivité des sujets jeunes et adultes.
Fr. Cuvier, en rappelant les modifications que l'âge amène dans le moral de ce Singe et de
la plupart des autres espèces qu’il a été pos*ible d’étudier, s’exprime ainsi :
« Pendant sa première jeunesse , fEulelle a le museau très-peu saillant; son front est assez
large et presque sur la meme ligne que les autres parties de lu face, le crâne est élevé, arrondi,
et renferme un cerveau qui le remplit entièrement. A ces traits organiques se joignent des
qualités intellectuelles très-étendues; une étonnante pénétration pour concevoir ce qui peut
lui être agréable ou nuisible, d’oli naît une grande facilité à l’apprivoiser par les bons trai-
tements , et un penchant invincible à employer la ruse pour s’approprier ce qu’il ne pourrait
obtenir par la force, ou pour échapper à des dangers qu’il ne parviendrait pas â surmonter
autrement. Au contraire, l’Entelle très-adulte n’a plus de front; son museau a acquis une
proéminence considérable, et la convexité de son crâne ne nous présente plus que l’arc d’un
grand cercle, tant la capacité cérébrale a diminué. Aussi, ne trouve-t-on plus en lui les
qualités si remarquables qu'il nous offrait auparavant : l’apathie a remplacé la pénétration ; le
besoin de la solitude a succédé à la confiance, et la force supplée en grande partie à l’adresse.
Ces différences sont si grandes, que, dans l'habitude vicieuse où nous sommes de juger des
actions des animaux par les nôtres, nous prendrions le jeune Entelle pour un individu de
l’âge oii les développements les plus tardifs sont atteints, où toutes les perfections morales de
l’espèce sont acquises, et où les forces physiques commencent à s’affaiblir; et l’Entelle adulte,
pour un individu qui n'aurait encore que sa force physique, et qui n’obtiendrait que plus tard
celle qui est destinée à lu diriger. Mais la nature n’agit pas ainsi avec ces animaux , qui ne
doivent point sortir de la sphère étroite où ils sont destinés à exercer leur influence. Pour
cela il suffit, en quelque sorte, qu’ils puissent veiller à leur conservation. Or, dans ce but,
l’intelligence était nécessaire quand la force n’existait point encore; dès que celle-ci est ac-
quise , toule autre puissance perd son utilité ; et en effet , c’est ce que nous montrent encore
tous les Singes : tant qu’ils sont jeunes, ils rivalisent presque avec l’homme de pénétration
et d’adresse; et dès que leurs forces musculaires se développent, ils deviennent sérieux et
féroces. En esclavage même, plutôt que de solliciter du geste et de la voix; ils exigent en
menaçant; et ou lieu de la liberté turbulente, mais sans danger, dont on pouvait les laisser
jouir, il faut les charger «le chaînes pour éviter qu’ils ne se livrent à toute leur méchanceté.
Et ces faits n’ont pour cause ni la gêne, ni rien de ce qui se trouve de violent dans la situation
de ces animaux renfermés dans nos Ménageries. Les mêmes observations ont eu lieu de la
part de tous ceux qui ont pu étudier les Singes, lâ où ils jouissent le plus de leur liberté. »
GENRE MIOPITHÈQl’E ( Miopithecm ). — Miopithkque Talapoin, — Le Talapoin
de Buffon.
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MÉNAGERIE. — MAMMIFÈRES. |1T
I.a Ménagerie a possédé trois individus . deux femelles adultes et un jeune mâle , reçus par
la voie du commerce, et qui ont permis à M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire de déterminer ce
genre intéressant , sur lequel il existait des doutes.
GENRE CERCOIMTIIÈQU E (Cercopilhecus). — Cercopithéqi. e M o n e (Cercopilhecus
Mono), — Erxleben, — de l'Afrique occidentale.
Orne. Mono! or. (Ccrc. Honoides) , — Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, — de la câle occi-
dentale d’Afrique.
Cet individu, donné par M"1' la princesse do Beauvau, était très-adulte lorsqu’il est arrivé à
la Ménagerie; il y a vécu très- longtemps.
C t ne. Diane (Cerc. Diana), — Erxleben, — de Guinée.
Ccrc. a diadème [Cerc. Leucampyx) , — J. -B. Fish, — de Guinée.
Cerc. Hockeiir (Cerc. Niclilan»), — Erxleben, — de Guinée.
Cerc, Moostac (Cerc. Cephus), — Erxleben, — de l’Afrique occidentale.
Cerc. Callitriciik (Cerc. CaUilrichus) , — Isid. Geoffroy, — de l'Afrique occidentale
(ordinairement rapporté au Simia sabœi de Linné) .
Cerc. Werner (Cerc. Wemeri), — Isid. Geoffroy, — d'Afrique, établi d'après les indi-
vidus de la Ménagerie.
Cerc. Grivkt (Cerc. Sabœus), — Isid. Geoffroy, — des bords du Nil Blanc (véritable
Simia sabœa do Linné).
Cerc. roux-vert (Cerc. rufo-viridis) , — Isid. Geoffroy, — d'Afrique, établi d’après un
individu qui a vécu à la Ménagerie.
CEnc. Vervet (Cerc. Pygerytlirus) , — Fr. Cuvier, — de l'Afrique, è tabli d’après un in-
dividu de la Ménagérie.
Cerc. Malbrouck (Cerc. Cynosurm), — Erxleben, — de l'Afrique occidentale.
Cerc. Patas (Cerc. Itubcr), — Erxleben, — du Sénégal.
Cerc. a dos rouge ou N isnas. (Cerc. Pyrrhonolus) , — Ehrenberg, — de Nubie.
Deux individus de cetto rare espèce font partie du magnifiquo envoi récemment fait d’Égypte
par M. Delaporte.
On voit par la liste des individus qu'a possédés la Ménagerie combien ce genre lui fournit
d'hètes intéressants. La plupart s'acclimatent facilement, grâce aux soins dont ils sont en-
tourés; quelques-uns se sont reproduits, le Grivct notamment; trois individus sont nés à la
Ménagerie : l’un, en 1837, et pour la première fois en Europe, a vécu deux mois; le second,
en 1838, et a vécu trois mois; le troisième, en 1840, et a vécu dix mois. Nous vous ferons
remarquer que c’est grâce à la possession do ces individus vivants que Fr. Cuvier et M. Isid.
Geoffroy - Saint - Hilaire ont pu établir des genres et éclaircir des doutes que regrettait la
science.
Genre CERCOCÈBE (Cercocebus). — Cercocêbk a collier (Cercocebut coltaris),
— Gray, — d'Afrique.
Cebc. enfumé ou Margaret (Cerc. fuliginosus), — Isid. Geoffroy-Saint-Hilaire, —
d'Afrique.
Celte espèce s’est reproduite à la Ménagerie en 1827, mais la mère a, aussitôt la naissaucc,
dévoré la tête de son petit.
Cerc. d'Éthiopie (Cerc. Æthiops), — Linné, — d’Afrique.
Espèce confondue avec les précédentes.
La Ménagerie, qui en avait eu ur individu assez anciennement, en possède deux magni-
fiques en ce moment.
Genre MACAQUE (Macacus). — Macaque ordinaire ( Nacacus cynomolgus), —
Dcsmar, — de l’Asie orientale.
S'est reproduit à la Ménagerie; et par croisement aussi avec le Macaque couronné.
Mac. roux doré (4 far. aureus), — Isid. Geoffroy.
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DEUXIÈME PARTIE.
Mac. des Philippines (Albinos).
.Mac. Bonnet chinois (Mac. sinicut), — lsid. Geoffroy, — Simia tinica de launé.
Mac. couronné (Mac. pibatus), — lsid. Gooffroy, — Simia pibala de Shau.
Mac. Rhésus ( Mac. Erylhrœus), — lsid. Geoffroy, — Simia Erythrœa, — du continent
de l'Inde.
S’est reproduit à la Ménagerie.
Mac. Maimon ou Singe a queue de Cochon (Mac. Semestrinus) , Desmar., —
de Sumatra.
S'est reproduit à la Ménagerie.
Mac. Ouanderou (Mac. Silenus), — Desmar., — cite de Malabar.
Les Macaques se reconnaissent & leurs formes lourdes; leur oreille n'est pas bordée, et elle
commence à devenir angulaire dans la partie supérieure. Leur queue est plus ou moins
longue , quelquefois à peine visible ; niais dans le premier cas toujours traînante , et ne su
relevant pas au-dessus du dos, comme chez les Cercopithèques elles Semnopilhéques.
Les Macaques sont communs en Europe , et il n'est pas rare d'en voir entre les mains des
lietits Savoyards, qui font métier de l’intelligence et do la singularité de différents animaux.
L’Ouandcrou a un aspect tout particulier, et le nom de Silenus, qui lui a été donné par
Linné, exprime parfaitement sa longue chevelure, en partie composée de poils gris ot com-
parable à colle d’un vieillard de joyeuse compagnie.
Le Rhésus n’est pas non plus extrêmement rare; c'est un des Macaques lus plus forts et les
plus laids.
Genüe MAGOT P1THËQUE (Intau pithecus). — Magot (lumis Syl vanta) , — Geoffroy-
Saint-Hilalre.
Ce Singe est celui qu'a disséqué Galien , et d'après lequel les anciens ont connu par ana-
logie la structure physiquo de l'homme. C'est à tort, ainsi que l'a remarqué M. de Blainvillc,
que Camper, célèbre naturaliste hollandais, avait rapporté à l'Orang la description anato-
mique faite dès le deuxième siècle par le professeur d'Alexandrie, et qui, jusqu'au temps de
Vésalo, a été la seule que les médecins apprissent. Lo Magot vil sur les rochers les plus
escarpés de la Barbarie. Il y en a aussi quelques-uns sur la montagne de Gibraltar; mais
rien ne démontre que ce no soient pas des individus échappés à la captivité. Les Singes de
cette espèce manquent de queue , comme ceux des trois premiers genres ; ils sont fort intel-
ligents cl susceptibles, surtout dans le jeune Age, d'une éducation assez étendue.
Genre CYNOPITHÈQUE (Cynopilhecus niger). — Cynopitiièque nègre (Cyno-
pithecus niger), — lsid. Gooffroy.
la) Cynopithéque nègre, qu’on n'a vu qu’une seule fois à Paris, a pour caractère d'être
entièrement noir et de manquer de queue. Ce curieux animal a quelque chose des Gibbons et
du Chimpanzé. Il semble aussi plus intelligent que la plupart de ses congénères, et sa phy-
sionomie, ses oreilles même, qui soûl presque complètement bordées comme celle do l’Orang,
expriment extérieurement la supériorité de sa nature morale.
GENRE CYNOCÉPHALE (Cynoccphalus). — Cynocéphale Hamadryas (Cynocc-
phalus Hamadryas) , — Desmar., — d’Abyssinie, Égypte et Arabie.
Cynoc. Babouin ( Cynoc . Bnbuin ) , — Desmar., — du nord-est de l’Afrique.
Cynoc. Anubis (Cynoc. Anubis), — Fréd. Cuvier.
Cynoc. Papion (Cynoc. Sphinx), — du Sénégal.
S'est reproduit plusieurs fois à la Ménagorie, et par croisement avec le Chacma.
Cynoc. Chacua (Cynoc. Porcarius), — Desmar,, — de l’Afrique australe.
Cynoc. Drill (Cynoc. Leucophma) , — Fréd. Cuvier, — d'Afrique.
Cette espèce a été distinguée du Mandrill par Fréd. Cuvier, et d’après les observations qu'il
a pu faire sur les individus vivants & la Ménagerie.
Cynoc. Mandrill (Cynoc. Mormon)', — de Guinée.
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MÉNAGERIE. - MAMMIFÈRES.
Les Cynocéphales ont la queue pendante , mais légèrement relevée à sa base ; leurs narines
sont tout à fait terminales, et donnent à leur tête l’apparence d'une tête de Cochon ou mémo
de Chien , ce qu’on a voulu exprimer par le mot cynocéphale. Si l’on considère seulement la
manière de vivre de ces Singes, la première de ces dénominations leur convient beaucoup
mieux que la seconde, car ils sont sales et grossiers au dernier point. Ils nous viennent
d’Afrique. Le plus commun est le P a pi on de la haute Égypte. Il est verdâtre et tiqueté de
jaune; ses formes sont trapues, sa queue est assez longue, mais ne touche pas le sol quand
l'animal est en marche. On le distingue du Babouin, qui est plus jaunâtre, et du Chacma,
espèce des environs du cap de Bonne-Espérance, et dont l'aspect a quelque chose d’effrayant.
L’IIamadryas parait, au contraire, plus doux; il est en effet plus facile à apprivoiser. Dans
les mâles adultes, les poils sont fort agréablement mouchetés de cendré, et ceux de la tète et
du thorax forment une sorte de crinière qui coiffe l’animal comme d’une ample perruque.
L’Arabie est la patrie de ce Singe, et les bateleurs égyptiens le mènent fréquemment avec
eux. Quatre Hamadryas, d’âge et de sexe différents, ont vécu à la Ménagerie.
Les Singes ont été fort souvent représentés sur les monuments égyptiens. Leur cri ordi-
naire, ainsi que celui des autres Cynocéphales, est un grognement assez facile à imiter. Quand
ils sont en colère, leur voix devient forte et retentissante. Quelques-uns reconnaissent, après
les avoir depuis longtemps perdues de vue , les personnes qui leur ont anciennement donné
des soins.
La Singerie nourrit aussi, et presque constamment, des Singes de l’espèce des Man-
drills, habitant la cèle de Guinée. Ils reproduisent parmi les Cynocéphales la particularité
remarquable d’une queue très-courte , particularité également offerte par quelques espèces du
genre Macaque.
Les Mandrills sont surtout singuliers par la vivacité des couleurs de leur face et de quelques
autres parties de leur corps. On n’en possède guère que des jeunes ; les adultes sont d’une
brutalité incorrigible.
Le Drill en est très-voisin sous tous les rapports, mais il est plus rare; le premier de
ceux qu'ont observés les naturalistes français appartenait à un montreur d’animaux ; il a été
décrit avec soin par Fréd. Cuvier. La seule espèce connue de Cynocéphale qu’on n’ait pas
encore possédée vivante est celle que M. Ruppel , de Francfort , a trouvée sur les montagnes
boisées de l’Abyssinie, et qu’il appelle Cynocephalus Gelada.
La Singerie a nourri un joli Papion d’Afrique, remarquable par ses formes élancées et par
la teinte jaunâtre de son pelage. C’est une espèce bien différente de celles qu’on connaît et
qui ressemble nu Babouin. Elle a été figurée dans les vélins de la collection du Muséum.
Le genre des Cynocéphales est le dernier de la première famille des Singes Pithèques , qui
comprend tous les Singes de l’Afrique et do l'Asie. Le Maroc et le Japon sont, do l'ouest à
l’est, les points extrêmes où l’on en connaisse; et dans la Malaisie, il n'y en a plus au sud, à
partir de la Nouvelle-Guinée. La Nouvelle-Hollande, la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande en
manquent également.
SINGES DE LA TROISIÈME TRIBU
En Amérique, il existe des Singes depuis le Mexique jusqu'au Paraguay. Mais leurs ca-
ractères ont dû les faire considérer comme appartenant à une autre famille que les Singes
d'Afrique et d’Asie, et on leur donne communément le nom de Sapajous, en latin Ceints,
par opposition à celui de Pithèques ( Pithecus ), que reçoivent les précédents. Les Sapajous se
partagent en plusieurs genres. Captifs dans nos Ménageries , ils témoignent une intelligence
moins variée que les Pithèques ; en revanehe, ils sont plus doux et plus confiauts, et leur Age
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tiO DEUXIÈME PARTIE.
adulte n'est pas caractérisé , comme cira ceux-ci, par une humeur rétive. Ils s'attachent
facilement et savent reconnaître , par leur amabilité , la protection qu'on leur accorde ; mais
ils sont généralement assez malpropres. Ils ont plus de goût pour les insectes que n'en ont
les Singes de l’ancien monde ; ils aiment aussi les fruits , les légumes et le laitage.
GENRE ATÈLE [Aleles). — Atèlk Coaita (Aleles Paniscus) , — Geoffroy - Saint -
Hilaire , — de la Guyane , du Brésil el du Pérou.
At. Pentaoactyle (A. Penladaclylus) , — Geoffroy-Saint-llilairc, — de la Guyane el
du Pérou. •
At. a rnosT blanc (A. Marginalus) , — Geoffroy-Saint-Hilaire, — au Brésil.
At. Cavou (A. Afcr) , — Frédéric Cuvier, — de la Guyane.
At. Belzebuth (A. Beliebuth ), — Gcoffroy-Saint-llilaire, — de la Guyane et du Pérou.
At. aux Mains noibes (A. Melanochlr) , — Dosmar.
At. .Métis (A. Hybrides), — Isidore Geoffroy, — de Colombie.
Les Atéles sont des especes de Sapajous, remarquables par la disproportion apparente
do leur corps , comparé A leurs membres et A leur queue. Ils s'accrochent mieux que les pré-
cédents au moyen de cette queue, qui est terminée par une sorte de doigt préhensihle. Leur
naturel est doux , et ils no manquent pas do pénétration; mais ils sont tristes et comme souf-
frants dans la loge où on les tient. Dans les bois , nu contraire, ces animaux déploient la plus
grande agilité, el ils ont, A un plus haut degré que les Gibbons, la faculté do s'élancer d’arbre
en arbre avec une extrême rapidité.
Gbnrk Sajou ou Sapajou (Cebus). — Sajou brun (Cebus apella) , — Erxleben,
de la Guyane.
S. VARIÉ ( C. Variegatus) , — Gcoffroy-Saint-llilaire , — du Brésil.
S. A pieds dorés ou Ciirysope ( Cebus Chrysopus) , — Cuvier.
S. a toupet (C. Cirrifer) , — Geoffroy-Saint-Hilaire, — du Brésil el de la Guyane.
S. A toubrube (C. Vellerosus), — Isidore Geoffroy, — du Brésil.
S. coirrÉ (C. Fronlatus) , — Dosmar., — de l'Amérique méridionale.
S. élégant (C. E/egans) , — Isidore Geoffroy, — du Brésil et du Pérou.
S. barbu (C. Barbatus), — Geoffroy-Saint-Hilaire, — de la Guyane.
S. c apucin (C. Capucimis) , — Erxleben , — de la Guyane et du Brésil.
S. A gorge blanche (C. Ilypoleuns) , — Geoffroy-Saint-Hilaire , — de la Guyane.
Ces singes , caractérisés par leur queue prenante, mais non pas dénudée A son extrémité ,
présentent de nombreuses variétés de coloration.
Les Sajous apprennent assez facilement différentes sortes d’exercices, et ce sont parmi les
singes savants que l’on voit avec les montreurs d’animaux ceux qui amusent davantage le
public.
Genre SAIMIItl (Saimiris). — Saimiri Sciurin ( Saimiris Sciureus), — Isidore
Geoffroy, — du Nord de l'Amérique méridionale.
La présence A la Ménagerie de ce joli petit singe a été d’autant plus remarquable qu'il est
très-difficile de l’amener vivant en Europe ; sa gentillesse et sa douceur sont célébrées avec
raison par les naturalistes; son crâne est remarquable par sa grandn capacité; c'est surtout
dans le diamètre antéro-postérieur et non en élévation que ce développement est sensible.
Genre NYCTIPITIIÈQUE (Nyctipithecus). — Nyctipitiièque peliv ( Nyelipi -
lliecus felinus) , — Spix , — de Bolivie.
GENRE CALLIT RICHE ( Callilhrix ). — Callitriche moloch ( Callithrix mo-
loch) , — Hoffman , — du Brésil.
GENRE SAK1 (Pithecia). — Saki satanique (Pithecia Satanas) , — Hoffmann, —
du Brésil.
Genre TAMARIN ( Midas ). — Tamarin nègre ! Midas urstihis), -Geoffroy-Saint-
Hilaire, — du Brésil.
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MÉNAGERIE. — MAMMIFÈRES.
Tamaris aux mains housses (Midas Rufimanus),
T. Ma ni k ISA (Midas llosalia) , — Geoffroy -Saint-Hilaire, — du Brésil.
T. Pinchf. (M. Ot'dipus) , — Geoffroy-Saint-llilaire, — de la Guyane el de la Colombie.
G E N il K OUISTITI (Hapalo). — Ouistiti oiidinaihe (Jacchus vulgaris) , — Geof-
froy-Saint-Hilaire , — du Brésil.
Ouistiti a pinceaux soirs (Hapale peniciUnta) , — U. Ayner, — du Brésil.
Les Ouistitis sont un groupe de Primates également américains, et dont les espèces, les
plus petites parmi los Siuges, rappellent, par leurs mœurs et leur agilité, le genre de vie des
Écureuils.
On remar<|uera surtout, à l'occasion des Ouistitis, combien est peu général le caractère qui
avait fuit apjieler Quadrumanes l'ordre des mammifères dans lequel se placent ces animaux.
Leurs ongles ne sont pas aplatis comme ceux des autres Singes , et ressemblent plutôt à de
petites griffes; aussi s'en servent-ils pour grimper aux arbres.
Les Ouistitis ont moins d'intelligence que les uulres Primates, et, sous ce rapport, ils se
rapprochent jusqu’à uu certain point des Écureuils.
L’Ouistiti à pinceaux a plusieurs fois reproduit à Paris, et c'est un des Singes que l’on con-
serve lo plus aisément en cage. Dans un des couples qui ont offert celle particularité, et qu’on
a pu observer à loisir, le mâle et la femelle prenaient également soin de leurs petits. Les Ouis-
titis sont fort attentifs à tout ce qui se passe autour d’eux; mais chez eux, c'est plutôt mé-
fiance que curiosité. Leurs granits yeux, la vivacité do leurs regards semblent bien indiquer
un certain jugement , et cependant leur intelligence est très-limitée, On assure même qu'ils ne
reconnaissent pas les personnes qui les nourrissent, et ils les menacent de leurs morsures aussi
bien que celles qu’ils voient pour la première fois. Ces petits animaux sont très-irascibles;
quand on les taquine, ils poussent des cris aigus.
Les Ouistitis el les Sapajous des différents genres ont pour caractères communs l'écartement
de leurs narines, la longueur de leur queue et l’absence des callosités ischiatiqucs que présen-
tent tous les Singes de l’ancien monde , à l’exception des Orangs et des Chimpanzés , et sur
lesquelles ces animaux s’asseoient.
Aucuno espèce de Sapajou ne s’est encore multipliée à la Ménagerie , et l'on a cru qu'il
fallait en accuser la faiblesse de leur tempérament et la difficulté avec laquelle ils supportent
les nombreuses variations de notre température. Cependant un couple de ces animaux a re-
produit , sous le mémo climat , dans une des propriétés de M. le duc de Luxembourg. Ces
Sajous n’avaient qu'un seul petit. Lo fait de la multiplication est moins rare chez les .Singes
d’Asie ou d’Afriquo, et on a obtenu des petits dans plusieurs des genres de ces animaux. Les
Papions, qui sont des Cynocéphales, le Maimon et le Rhésus , du genre Macaque, ainsi que
le Macaque commun, et même In Guenon grive! , ont produit, bien que captifs et éloignés de
leurs pays. Une même femelle de cette dernière espèce a ou trois portées successives. Les
jeunes singes sont fort débiles au moment de leur naissance , et la mère , qui a |iour eux une
grande affection, les tient fort longtemps suspendus à son mamelon, et cramponnés à son
corps. Chaque portée , chez les Singes de l’ancien monde , n’est que d’un seul petit. Il est dif-
ficile d’élever ceux qu’on obtient ainsi , et pourtant une femelle de Macaque, née à la Méua-
gerie en 1823, y a vécu jusqu’on 1831. lin Rhésus, né dans le même établissement, a atteint
l'âge de 4 ans.
A la Singerie, les habitations particulières constituent autant de petits compartiments,
ayant vue sur le couloir intérieur et sur la grande cage exposée à l’air libre et dans laquelle,
si la saison le permet , les Singes sont à peu près mis en liberté. Le Sajou d’Amériquo et le
Mandrill de Guinée , le Macaque ou le Semnopithèque de l'Inde , et le Maki de Madagascar,
vivent «lors tous en commun. Il y a bien, de temps à autre, quelque dispute, quelque bataille
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152 l)Kl XlfeMK PAHTIK.
même, mais peu d'effusion de sang; car on a soin de tenir en chartre privée les individus qui
aiment trop à faire sentir la supériorité do leur force. Ces espèces de récréations générales
sont un spectacle a la fois gravo et burlesque qu’on observe toujours avec la même curiosité,
mais dont nous ne saurions donner par la parole qu'une idée trop insuffisante. Quand un
nouvel hôte arrive à la Singerie, il serait imprudent de le lécher de prime abord au milieu de
la troupe entière ; il est nécessaire qu’il s’accoutume à quelques-uns de ses nouveaux com-
pagnons, et qu’il prenne ainsi les allures de l’endroit. On a vu des Singes que les tracasseries
d’une première réception avaient effrayés au point de les faire fuir au sommet d’une de leurs
cellules où ils ne tardaient pas à mourir de peur ou d’abstinence.
Quelques-uns de ces animaux vivent assez longtemps en cage , et il en est qui ont supporté
jusqu’à douze ou quinze années de captivité, même avant la construction du nouveau bâti-
ment. Mais, pour la plupart, ils sont moins heureusement constitués, et, après un temps qui
est ordinairement beaucoup moins long, ils succombent à des maladies de poitrine ou d’intes-
tins, Le froid leur est surtout nuisible, et en hiver ils sont pris quelquefois de coliques violentes,
qui les emportent en peu de jours. L'autopsie, dans ce cas, démontre assez souvent la lésion
connue sous le nom d'invagination des intestins. Le soin que l'administration du Muséum
met à tenir les cages de la Singerie constamment habitées , en remplaçant par de nouveaux
vonus toutes les malheureuses victimes de notre climat , tient les pertes à peu près indiffé-
rentes; et les collections de zoologie et d'anatomie s'en partagent avantageusement les
dépouilles.
lii vieux Sajou qui a vu l’ancien et le nouveau local a laissé des souvenirs intéressants. Il
avait hérité du nom de Jack que portait l’Ornng-Outan. C’était le plus intelligent de tous les
Sapajous : passuil-on sans s’arrêter devant si cage , lorsqu’on avait quelquos gâteaux â la
main , il appelait en frappant , jusqu’à ce qu’on eût satisfait à son désir. Si on lui donnait des
noisettes , et qu’il no pût les casser avec ses dents, à cause de l’épaisseur du bois , il prenait
une boule, et bientôt la coque était brisée. Ce Singe n’était pas moins curieux à voir lorsqu’on
lui avait donné une de ces allumettes, aujourd’hui si usitées sous le nom de chimiques alle-
mandes. Il la frottait , l’allumait et la tenait entre ses doigts sans s’effrayer du bruit ou de la
lumière.
Nous nous contenterons d’emprunter aux Mémoires de la baronne d’Oberkich un exemple
de la facilité avec laquelle les Singes , en général , reproduisent les aclions qu’ils ont vu
exécuter :
« Vers la fin du siècle dernier, Mm* la princesse de Chimay avait un jeune Singe du genre
des Sajous , et elle l’aimait beaucoup. Ce petit animal parvint à casser sa chaîne et à s’enfuir
sans que personne y prît garde. Il couchait dans un cabinet, derrière la chambre de la prin-
cesse, en compagnie d’une chienne bichonne aussi petite que lui. Ils vivaient en parfaite
intelligence , ne se battaient jamais , à moins qu’il n’y eût quelque amande ou quelque
pistache à partager. Le Singe , tout heureux de sa liberté , en usa d’abord sobrement , à ce
qu’il paraît, car il se contenta de verser de l’eau dans l’écuelle de sa compagne et d’en
inonder le tapis. Enhardi bientôt, il s'aventura dans la chambre voisine, et pénétra enfin
dans le cabinet de toilette qu’il connaissait parfaitement; on l'y amenait tous les jours, et la
belle toilette de vermeil de la princesse faisait depuis longtemps l’objet de sa convoitise. On
peut juger de sa joie : ce fut un bouleversement complet do boîtes, do houppes à poudre, de
peignes et d’épingles à friser. Il ouvrit tout , répandit toutes les essences , après avoir eu le
soin de s’en parfumer. Il se roula ensuite dans la poudre, minauda devant le miroir, et ravi
de sa transformation, il la compléta en s’appliquant dû rouge et des mouches, ainsi qu’il
l’avait vu faire à sa maîtresse ; il est inutile de diro que lo rouge fut mis sur le nez et les
mouches à tort et à travers. Pour compléter sa parure, il se fit un pouf avec une manchette,
et cet ajustement complété, il se précipita dans la salle à manger au milieu du souper, au
moment où on s'v attendait le moins, sauta sur la table et courut vers sa maîtresse.
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MÉN AC, ERIK. — M AM Ml PÈRES. |5ï
« Les dames poussèrent dos cris affreux et s’enfuirent, pensant que le diablo en personne
était venu les visiter, i.a princesse elle-même eut de la peine à reconnaître son favori ; mais
lorsqu'elle se fut assurée que c'était bien Almantor, lorsqu’elle le montra assis è côté d'elle,
enchanté île sa parure et faisant le beau , les rires chassèrent la frayeur, et ce fut bientôt à
qui lui donnerait des gimblettcs et des avelines. »
IIe Famille — LES LEMURIDÉS - LEMURIDÆ
Nous ne quitterons pas la Singerie sans parler des Makis ou Lémuriens (genre Lctnur de
Linné) , qui sont les derniers des Primates. Ces animaux sont à peu près nocturnes : assez
indolents pendant le jour, ils montrent, au contraire, pendant la nuit , et surtout au crépus-
cule, une grande activité. Ils viennent de Madagascar. La Ménagerie en a déjà reçu différentes
espèces.
Genre MAKI. — Maki a front blanc (Lcnwr albifrom) , — Geoffroy-Saint-Hilaire,
— de Madagascar.
M. Mo coco (L. Catta ), — Linné, — de Madagascar.
M. rouge {L. ruber) , — Geoffroy-Saint-Hilaire, — de Madagascar.
M. a fraise (I. col/aris ), — Geoffroy-Saint-Hilaire, — de Madagascar.
M. a front noir {L. nigrifrons) , — Geoffroy-Saint-Hilaire , — de Madagascar.
M. Mon go us (L. Mongol), — Linné, — de Madagascar.
M. Va ri ( L . Varius ), — Isid. Geoffroy, — de Madagascar.
GENRE CHEIIIOGALE (Cbeirogaleus), — Geoffroy-Saint-Hilaire. — Chf.irogale de
Milius ( Cbeirogaleus Milii), — Geoffroy-Saint-Hilaire, — de Madagascar.
Genre N Y C T I C K B K (A yclkebus), — Geoffroy-Saint-Hilaire. — Nycticèbe de Java
(A ’gcticebus Javanicus), Geoffroy-Saint-Hilaire, — de Java.
Genre LOUIS. — Loris crêle ( Loris gracifis) , — Geoffroy-Saint-Hilaire, — de l'Inde
et de Ceylan.
G E N R K M I C II O C K H E ( Microcebus ) . — M icrocëbf. roux ( Microcebus ru fus ) , —
Schinz , — de Madagascar.
CARNASSIERS
Tous les Mammifères carnassiers ne se nourrissent pas exclusivement de chair, et parmi
les animaux qui oui ce régime, il en est qui n'appartiennent pas à l'ordre des Carnassiers.
Ainsi les Didelphcs ou Marsupiaux , quoique leur mode d'alimentation soit souvent le même,
no font pas partie de cet ordre.
Linné donnait aux animaux carnassiers le nom commun de Fera? ou bêtes féroces. Celle
appellation était assurément la plus exacte pour dos espèces telles que le Lion, le Tigre,
l’Hyène, qui vivent de carnage et de sang; elle répond d'ailleurs parfaitement à l’expression
vulgaire d’animaux féroces.
Nous verrons cependant qu’individuellement les Carnassiers sont susceptibles d’être appri-
voisés. Ils ont assez de véritable intelligence pour apprécier les soins qu’on leur donne, et
assez de docilité pour subir le joug d'un maître. Il n'est aucun de ces animaux, si farouches
et si redoutables, que la main de l’homme no soit parvenu à dompter. Quelques-uns, tels que
le Chat et le Chien, sont devenus nos serviteurs fidèles et presque nos amis. Los Luulres et
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l.-.i
OKI \ I ÈM K l’VRTIK.
1rs Phoques pourraient être dre-sés à la pèche; les promü-rt-s dans les eau* douces, les outres
sur les bords de la mer.
I,c Uniment consacré à riiabiluliou des
animaux carnassiers est situé dans l'en-
ceinte consacré* à la Ménagerie, et prosquo
continu au quai Saint- Bernant (n° 28 du
plan). C’est en 1817 que l’on a construit
cet édifice, qui consiste en une longue
galerie composée de vingt -et -nue loges
exposées au midi, double en profondeur et
tisse/ large pour que l’on puis-,e sans dan-
ger se promener à l’intérieur, et voir les
animaux lorsque les volets extérieurs sont
fermés. \ chaque extrémité s’élève un pa-
villon servant d'entrée et suivi d’une belle
et large pièce entourée de cages île fer où l’on renferme les Carnassiers de petite taille.
Derrière ce bâtiment régna une vaste cour et des hangars : on enebalne dans lu cour les
animaux qui supportent facilement les intempéries des saisons , tels que les Chiens et leurs
variétés, les Coups, les Chacals, les Renards.
Les hangars servent aux premières opérations qui suivent la mort des hèles de la galerie :
ce sont des laboratoires d’anatomie et d’expériences physiologiques. Les animaux féroces nu
sont établis dans ce bâtiment que depuis 1821. Ils logeaient précédemment , et depuis 1794,
dnns un vieux bâtiment situé à l’extrémité île l’nllée des Marronniers.
Nous continuons l'énumération des animaux qui ont vécu à la Ménagerie.
Le Kinkajou Pottû (Cerculcplrs Cnudirolrulns), — Oeoffroy-Saint-Hilaire. — 1,’Onits
Unix (l'rsns ardus), — l.inné. — L'Oins Tuininie (1rs. /tour), — des États-tnis. —
L’Ouns nés AsTi nif'S (Vis. Pi/ivnnicus), — Fréd. Cuvier. — L'Oi ns a coilier df.
Sibérie (1rs. collaris), — Fréd. Cuvier. — L'Oins pécheur ou Kamtsciiatka (1rs.
piscalnr) , — Pucberan.
Ces trois dernières espèces ont été déterminées et établies d’après les individus qui ont vécu
â la Ménagerie.
L’Ouns soin d'Amérique ( l'rsus Anwricamis). — Fréd. Cuvier. — L'Oms orné
Des Cordilliéres ( t'rs. ur notas), — Fréil. Cuvier. — L’Oins Eurysnle (1rs. t'nnj-
spilus). — L’Oms jiiNoLEUB (Vrs. labiatus) . — L’Oins ni axc. ( 1rs . mnrilimus).
Los Ours habitent â la fois le bâtiment de In Ménagerie et les fosses qui leur sont exclusi-
vement consacrées, et qui longent une partie de l’allée des Marronniers («*> 30 du plan). Il
il 'est pas rare de voir les Ours sc reproduire pendant plusieurs générations.
L’Ours blanc a vécu à la Ménagerie de 1837 à 1811. Il avait une habitude caractéristique
qui consistait dans un balancement continuel de sa tète, mouvement que les autres Ours
exécutent quelquefois à la vue des chasseurs ou des Chiens prêts â les attaquer. Les chaleurs
de l’été faisaient beaucoup souffrir cet habitant du pèle, et ou était obligé dp lui jeter, tous les
jours, plusieurs seaux d’eau fraîche sur le corps. En hiver, au contraire, il supportait les
plus grands froids avec une grande facilité.
Le Raton laveih (Procyun lotor), — Le Raton crabier (Proryon cancricorw).
Cos animaux ont pour habitude de ne rien manger qu'après avoir trempé dans l'eau leur
nourriture.
Le Coati noix (ïïasna mlgaris). — Le Coati brin ( \asnn nasica). — Le Coati
brin, variété fauve, et un grand nombre d’autres variétés.
Le Coali a un long nez qui lui sert â fouir, et de- ongles crochus avec lesquels il porte la
nourriture à sa bouche.
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155
MÉNAGE NIE. — MAMMIFÈRES.
Le Blaireau ordinaire ( Mêles rulgaris). — Le Glouton giusox (Guh rittatus) ,
— Dcsmar. — Le Ratel du Cap ( Mellieora Capensis). — Martes, — Putois, —
Loutres : — plusieurs espèces. — Paradoxure tïpe ( Paradoxunu lypus), — de Pon-
dichéry. — Par. d’Hamilton {Par. Hamiltonii). — Par. de Nubie {Par. Ifubfa). —
Mangouste, — plusieurs espèces. — Crossarque mangue (Crossarcus obscurus), —
Fréd. Cuvier. — Genre et espèce établis d'après l'individu qui a vécu & la Ménagerie. —
Suricate ( Ryzocna Telradaclyla). — Civette d'Afrique (Virerra Cirella), — Linné.
— Civette Zibetii (lïu. A ibelha) , — Linné. — G enette ordinaire (Genetta rulgaris).
— Genette panthérine (Genetta par dina), — Isid. Geoffroy. — Cello dernière Genetle
déterminée d'après l'individu de la Ménagerie. — Genette du C ap ( Genetta Capensis). —
G e n. de Barbarie {Genclla Afra).
CANIENS. — Renard, — plusieurs espèces. — Chien Isatis (Canis Lagopus), —
Linné. — Il est brun bleuâtre en été, ce qui lui a valu le nom de Pénard bleu ; en hiver,
il est blanc. Beaucoup d’animaux du Nord, .Mammifères ou Oiseaux, présentent le mémo
phénomène. — Le Fennec (ou Animal anonyme de Buffon) {Canis Zerdo) , — Gmelin. —
Cel animal est remarquable par ses énormes oreilles. — Le Corsac {Canis Corsac), —
Linné. — Le Ciiac.au de L’Inde {C. A U relis) , — Linné. — Le Chacal du Sénégal
(C. Anthus), — Fréd. Cuvier. — I.e Chacal d'Algérie. — Mulets de Chacals de l’Inde
et du Sénégal. — Loup ordinaire (Canis Lupus), — Linné. — Loup noir (C. Lycaon),
— Linné.
Ciiien domestique. — Un très-grand nombre de races, parmi lesquelles: — Chien de
TriinE Neuve. — Ch. des Esquimaux. — Ch. de la Nouvelle-Hollande. — Cil.
de Chine (race de boucherie), — etc., etc., etc. — Métis de Cuien et de Loup. —
Métis de Ciiien et de Chacal. — Et Métis nés de ces Métis.
HÏÉN1F.NS. — Hyène rayée (llyena rulgaris), — d'Algérie, du Sénégal el de l'Inde.
— Hyène tachetée (Hycna crocula).
FELIENS. — Lion (Felis Léo). — Variétés de Barbarie, — du Sénégal, — do Nubie,
— du Cap. — Tigre royal (Felis Tigris), — Linné. — Panthère (F. Pardus ), —
Linné. — Panthère xoinE (F. Pardus), — Yar. — (Mêlas des auteurs). — Léopard
( F. Leopardus ) . — Serval (F. Serrai) . — Car acal (P. Caracal) , — Linné. — Jaguar
ou Tigre d’Amérique (F. Onça), — Linné. — CoucuAn ou Lion d'Amérique (F.
Cuncolor), — Linné. — Ocelot (F. Pardalis), — Linné. — Chati (F. Milis), — Fréd.
Cuvier. — Margay (F. Tigrina). — Chat cervier du Canada (F. lia fa), — Linné.
— Guépahd (F. Jubala).
Phoque commun (Phoca eilulina).
RONGEURS
Les animaux appartenant à l'ordre des Rongeurs , el qui viennent habiter lu Ménagerie ,
sont repartis dans diverses parties de l’établissement. Quelques-uns sont placés avec les
Carnassiers , d’autres avec les Pachydermes et les Ruminants. Nous l’avons déjà dit , malgré
le désir que l'on a naturellement de réunir les animaux selon leur rang dans lu classification
de la science, il faut se plier souvent à des nécessités résultant des habitudes, des niomrs
de chaque espèce.
La Ménagerie a possédé un grand nombre d’individus. Voici les espèces auxquelles ils se
rapportent :
Marmotte (Arctoinys alpinus). — Monan unis (Arctoinys empêtra). — Souslic
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156 DEUXIÈME PAIIT1E.
( Spcrmopkilu» citillus). — Ée.tnEiiL (un prnnil nombre i|Vs|>èi!cs et de variétés). —
PolatoUcii E (Siiimis votons). — Loir ( Myoxns glis). — Lérot du Stùirgnl (Myoxus
coupvi), — Fr. Cuvier. — M use Audi N (Myosus nndlanarius). — Léiuit (I lyaxut milida).
— (In ariiii nE du Cad (Grnphmrus Citpensis). — Rat, plusieurs espères. —Campagnol,
plusieurs espères. — Lièvre commun (Aepiii limidus). — Lapin [Lepns cunicuhii). —
Variétés diverses.
Chinchilla {Chinchilla îanigera). — Agouti ( Dasyprocla acuti). — A cour m (Oasg-
procta acuchï). — Cobaie» diverses variétés. — Cabiai ( Caria capybara). — Paca bri n
( Cœlogeny$ fuseau ) .
édentés
I vau ( flradypm didnvlylus) . — Linné. — Tatou E.vcoubert (ttosypus se.rcinclus) ,
— Linné. — Tatou Caciiicame ( D . octoiinctus) , — Linné.
ANIMAUX DE LA ROTONDE ET DES PARCS.
PACHYDERMES
C’est aux Mammifères» dont il nous reste à parler, qu'appartiennent les espèces terrestres
de plus grande taille. Ces animaux se partagent en différents ordres : on télé sont los Élé-
phants, <jue plusieurs nuleurs oui réunis à tort aux Pachydermes ; puis les Pachydermes pro-
prement dits, ainsi nommés à cause de l’épaisseur de leur peau, et enfin les Ruminants,
Le bâtiment consacré à ces animaux, et
qui s’appelle la Hotondcy a élé commencé
en 1804 sur le plan de M. MoHûos.et des-
tiné à être le logement des animaux fé-
roces; il fut interrompu deux ans plus
tard, puis repris en 1810 et terminé en
1812.
L’ordre des Pachydermes comprend les
Hippopotames , les Rhinocéros , les Ta-
pirs, les Chevaux et les Sangliers ou les
Cochons. De même que les Ours, les Ci-
vettes, les Feliset les Chiens, ces animaux
constituent autant do familles à pari , au-
tant de grands genres, dont les espèces
ont été quelquefois partagées en subdivi-
sions secondaires, appelées elles-mêmes
genres par certains naturalistes, et sections ou sous-genres, par d’autres, mais sans qu’on no
les distingue guère que d’une manière artificielle , et en se servant des caractères qui différen-
cient entre elles les espèces dans chacun des véritables genres.
I n autre ordre d’aniuiaux, dont plusieurs espèces habitent la Rotonde* et les Part s île la
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MÉNAGERIE. - MAMMIFÈRES. 157
Vallée suisse, est celui des Ruminants. Il comprend le Chameau, le Lama, la (Àiralc, le Cerf,
le Chevrotain, l'Antilope , la Chèvre , le Mouton et le Bteuf.
Eléphant d'Asie (Elephas indien*). — Eléphant d'Afrique (Elephas africanus),
— R in nocéros des Indes ( Bhinuccrvs iudicus) .
La Ménagerie de Versailles en a nourri un, et la Ménagerie de Paris en possède un dont les
formes gigantesques se développent rapidement.
Daman de Syrie (Hyrax syriacus). — Tapir d’Amérique (Tapir ameriçanus).
Hippopotame amphibie (Uippopolamus amphibius).
L’n individu donné par S. A. le Pacha d'Egypte est arrivé tout récemment à la Ména-
gerie (août 1833). 11 est le premier qui soit venu sur le continent européen (il y en n un
en Angleterre J depuis lus Romains.
Sanglier (Sus Scropha). — Sanglier du Caron. — Cochon domestique, variétés
du Cap. — Variétés diverses de Chine. — Babiroussa (Sus Babirussa }, s’est reproduit à
la Ménagerie. — Pécari a collier (Ükotyles larguai us), — Pécari T.wacu (Dicolyks
Inbiatus).
Cheval (Equus), diverses variétés. — Onagre (Asinns feras), le seul qui paraisse être
encore venu en Europe. — Ane domestique, diverses variétés. — Zèbre (Equus Zébra),
mulet de Zèbre et d’Anesse. — Dai w (Equus Burche/lii), s’est reproduit plusieurs fois à la
Ménagerie. — Hémione ou Dziggetai (Equus Uemionus ), s’est reproduit plusieurs fois à
la Ménagerie, où l’on a mémo ob-
tenu des individus nés de parents
français. — Mulets d’Anesse et
d'Hémioxe. Ces animaux sont
parqués dans la vallée Suisse (n° 02
du pian).
L’IIéinione a été offert au Mu-
séum par M. Dussumier.
On dresse aussi les espèces afri-
caines de la famille des Solipèdes,
Au Cap, on a des Cou agca, et l’on
cherche à en multiplier le nombre;
car ces animaux sont doués d'un
grand courage, et loin de fuir devant
les bêtes féroces, ils les attaquent
eux-mêmes, et parviennent habituel-
lement à les mettre en fuite. Aussi
élève-t-on de ces Coifôgga avec les troupeaux qui, sous leur protection , parcourent les pâtu-
rages avec plus de sécurité qu’ils no pourraient le faire sans eux. Le Couagga est moins
rayé que le Zèdiie (Equus Zébra) et que le Dauw [Equus Burche/ii). Les Dauws que réta-
blissement acheta en 1821 ont eu cinq petits; un seul de ces derniers n'a pas survécu, encore
est-ce par accident qu'on l’a | tordu. Ces animaux sont très-rétifs , et a certaines époques do
l'année, ils sont même dangereux pour les personnes qu’ils ont journellement l’habitude de
voir.
RUMINANTS
Nous passons maintenant aux Buminanis , dont les trois familles principales sont celles des
Chameaux, des Cerfs et des Bêtes à cornes, comprenant lis Antilopes, les Chèvres, les Mou-
tons et les Bœufs. Les Chevrota kl s et la Girafe sont aussi des auimaux de cette catégorie. Les
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158
OKI. MÊME PARTIE,
premiers tiennent à in fois des Muntjnes, >|ui sont îles Cerfs de [«dite taille, et des Antilopes
du sous-genre des lirimins. La (iirafe, sous d'autres rapports cepondaut, se lie également par
ses caractères essentiels aux Cerfs et aux Antilopes. Les Ruminants à cornes, c'est-à-dire
ceux dont les espèces ont le front armé de prolongements osseux revêtus d’un étui de matière
cornée, sont les plus nombreux en espèces. Ou distingue aussi un assez grand nombre de
Cerfs. L'Inde et surtout l'Afrique sont essentiellement le pays des Antilopes. C’est dans l'Inde
et en Amérique que les Cerfs sont le plus abondants.
Dromadaire, variété brune, (Canulus dromaderius) . — Dromadaire, variété blanche,
( Camelus dromaderius). — Dromadaire sikh An i ou de Course. — Chameau de la
Bactriane, — (Camelm baclrianus) . — Lama ( Anclienia laana). — Alpaca (Aitcltntia
pneu). — Vigogne ( Anchenia vicunnia).
Chevrotais de Java ou Kantchil (MoscIius javanicus).
Girafe (Camdopardatis giraffa). — Individus du Knrdofan, de Nubie et du Sénégal.
En ce moment, la Ménagerie possède trois individus donnés par M. Dolaporto, consul do
Frauce au Caire.
fi lan ( Cerna aires). — Renne ( Cenus tarandus). — Daim {Ccrrus dama). — Daim,
variété blanche. — Daim, variété noire. — Cerf commun (Cerrus elaplius). — Ccnr du
Canada { Ce ms canadensis) , — Brisson. — Cerf de Virginie ( Cereus virginianus) , —
(imelin. — Cerf ctmnote ( Cenus gymuotis), — YViegli. — Cerf d’Aristote ( Cereus
Arislolelis). — Cerf de Dlvaucel ( Duvaucelii ), — Cuvier. — Cerf axis (Cerrus axis),
— Erxleben. — Cerf pseudaxis ( Cereus pseudaxis), — Evdoux et Soûl. — Ces deux
espèces ont été croisées et leurs métis sont féconds. — Cerf de Pérou (Cereus Pgronii),
— Cuvier. — Cerf des Philippines. — Cerf cochon (Cereus poreims), — Zimmer-
mann.— C n e y r K u i l (Cereus caprcolus) . — Cerf noix (Cereus rufus), — Cerf mintjak
( Cenus munljak) .
Presque tous ces Cerfs, principalement les espèces de l'Inde, se son reproduits et même
se reproduisent habituellement à la Ménagerie.
Le Cerf cochon a déjà été mis dans de grands parcs ou dans des bois clos, avec l’espoir do
le naturaliser tout à fait.
Antilope Corinne ( Antilope do iras) , — Linné. — Kevel cris. — N anguer (Antilope
dama). — Algazelle (Antilope gazetla). — Crimm (Antilope grimmia). — Guevki
(Antilope pggmiea). — Guib (Antilope scripla). — Antilope a quatre cornes ou
Chicaha (Antilope ehicara). — Antilope nilgau (Antilope picta). — Antilope des
Indes (Antilope ccrvicapra). — Antilope addax (Antilope addax). — Antilope
uxchiaque (Antilope unçtuosa), — Linné. — Bubale (Antilope bubalis). — Chamois
(Antilope rupicapra). — Gnou (Antilope gnu).
Bouquetin <f.gagre (Capra tegagrus). — Bouquetin des Pyrénées (Capra ibex).
— Bouc sauvage de la Haute-Égypte ou Bouquetin d’Éthiopif. (Capra Kubiana).
— Bouc de Cachemire (Capra hircus), — variété Lanigera. — Bouc de la Haute-
Egypte (Capra hircus), — variété Thebaica, — Chèvre de la Haute-Égypte avec
son petit. — Chèvre du Népaul (Capra hircus), — variété Arictina. — Bouc et
Chèv res nains (Capra hircus), — variété Oepressa. — Bouc a quatre cornes (Capra
hircus). — Bouc sans cornes (Capra hircus), — variété Accra.
Moufflon a manchettes (Orisomala). — Moufplon de Corse (Ocis musimon) .
— Mouton (Oeis aries), — variété d grosse gneue. — Mouton, — variété Laticauda. —
Mouton d'Astraca.n, — variété Laticauda. — Mouton a cou noir (Oeis aries), —
variété Recureicauda. — Mouton, — variété à longues jambes. — Mouton (Oeis aries),
— variété Longipes.
Bélier a quatre cornes ( Oeis aries). — Zébu eemeuue (Restauras), — variété
Indien, — Bison [Bos bison). — Bufei.u d’Italie (lias bubales) . — IH rriE de Vai. a-
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MÉNAGERIE. — MAMMIFÈRES.
cnn:. — Vache a longs poils des montagnes de l’Écosse, — cl plusieurs autres
variétés. — Vache b r a c h y c. i; h k (Bos brachyceros ), — Gray. — Type de cetle remarquable
espèce.
MARSUPIAUX
ldi série des Mammifères Dùlelplies est la seule dont nous ayons A parler maintenant.
Voici quelles espères la Alénageriu a reçues :
Didf.lpiie a oseilles ntcoLoiiES (D'utetphis virginiana), — Péron. — Didelphe
g h a d i e II (Didelpliis canerieora) , — Linné. — Dasvise Malgé {Dnsgmus Maugei), —
Geoffroy-Saint- Hilaire, — Dasïlre ourson ( Dasyurus ursimis), — Gooffroy-Saint-Hilaire.
— Phalanges de Cook ( Phntangistn Cookii), — Cuvier. — P H ALAN CRR renard
( Pluilnngisla rulpina), — Teniminck. — Voltigeur tagi inoide (Pelnuros taguanoides) ,
— Desinaresl. — Kangl roo a moustaches {Kmngiiru tabialus), — Geoffroy-Saint-Ililairo.
Kanclroo enfumé (Knng. fuliginosus), — Péron. — Kanglroo de Bennelt ( Knng .
Benneltii). — Kanguroo Thetvs ( Kong . Thetys). — Potorou ou Kanguroo rat
( llypiliprynmm murinus), — Phascolome Wombat ( Phasrotomis Wombal), — Péron et
Lesueur.
Plusieurs ordres de Mammifères : les Clieiroplèm ou Ciiauves-Souris; les Lamentins
ou Cétacés herbivores; les Cétacés véritables, c’est-à-dire les Dauphins, les Ba-
leines, etc.; et les Monotrèmes, c'est-à-dire les Ornithoriiv nques et les Éciiidnés,
n’ont fourni aucune de leurs espèces.
La plupart des Chéiroptères sont trop petits pour être tenus en ménagerie , et leur conser-
vation demanderait tropde soins. Il serait curieux cependant d'on posséder de différents genres,
afin de pouvoir comparer leurs instincts. Les Philloslômes , dont l'ancien monde n'a pas une
seule espèce, et les liai mettes qui ne vivent ni en Europe, ni en Amérique, fourniraient cer-
tainement des faits curieux.
Les Lamenlins, avec lesquels il faut citer les Dugongs, seraient encore plus embarrassants
à conserver que les Phoques ou les Hippopotames; mais leur caractère est si doux, et leur
r 'Virile si simple, qu’on ne doit pas désespérer d'en tenir en captivité. On no peut en dire
autant des Cétacés , car, même lorsque leur taille le permettrait , il est bien probable que ni
leurs appétits, ni leurs allures ne sauraient s'y prêter.
Les Didelphes semblent être, par rapport aux Mammifères ordinaires, ce que les Monotrèmes
soûl par rapport aux Édentés : des animaux qui , à un certain nombre de traits communs,
joignent, chacun selon le degré de la série toologiquo dont il fait partie, des différences qui
doivent les faire séparer nettement entre eux. Les Monotrèmes sont les derniers des Mammi-
fères , et ceux qui dans leurs actes, aussi bien que dans leur structure, se rapprochent
davantage des animaux ovipares, et en particulier des Reptiles. On n'en connaît qu’à la
Nouvelle-Hollande, et il n’v en a que de deux genres : VÉchidni et YOmithorhynque. Le
premier fréquente les terrains meubles et s’y creuse des retraites; le second est aquatique. Ni
l’un ni l’autre n’ont encore été ramenés vivants jusqu’en France.
L’énumération des animaux qui ont paru à la Ménagerie du Muséum a été fort longue, et
on a pu , au moyen de ce qui précède , se faire une idée des services nombreux que les éta-
blissements do celle nature rendent chaque jour à la science, et de tout ce qu’on doit encore
en attendre. Les galeries île Zoologie reçoivent les animaux de la Vallée suisse, à mesure
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1611
DEUXIÈME PARTIE.
qu'elle les perd ; el comme ou » pu noter leurs allures et apprécier leur physionomie, les poses
qu'on leur donne, on les préparant pour ces galeries , sont en même temps plus gracieuses el
plus naturelles. C’est à la Ménagerie de Paris qu’ont été modelées dans ces dernières années
les nombreuses sculptures d'animaux, et toutes ces jolies statuettes qui laissent si loin derrière
elles pour l'exactitude, comme pour le fini, co qu'on avait fait jusqu'alors en ce genre.
M. Barrvo est pour cette partie intéressante notre meilleur artiste.
On voit, dans les salles d’Anatomio comparée, quelques figures en plâtre, el diverses parties
caractéristiques , moulées sur nature morte , d’après des animaux provenant de la même
source. Les galeries d'Anatomio comparée reçoivent aussi de la Ménagerie la plupart de leurs
richesses; beaucoup de squelettes, de crânes et de préparations de toutes sortes qu’on y con-
serve, ont appartenu à des animaux qui, après nous avoir fait connaître leur manière do vivre
et leur naturel , nous donnent ici l'explication de leur structure, et presque la raison des actes
que nous leur avons vu exécuter. Perrault, Duverney, Daulienton, Mertrud, Vicq-d’Azyr si
têt enlevé aux scionces ; G. Cuvier et de Blainvillc , ont tour à tour fait profiler la scionco
anatomique de leurs recherches sur les animaux morts dans la Ménagerie de Versailles, dans
celle du Muséum, ou chez plusieurs grands personnages qui, par suite d'une curiosité éclairée,
ne dédaignaient pas d’entretenir â leurs frais des animaux remarquables, comme le font au-
jourd’hui plusieurs riches lords d’ Angleterre.
I.a Vallée suisse, oh se trouvent réunis les Mammifères que nous venons de signaler, est
élégamment disposée pour recevoir îles bêtes si variés dans leurs habitudes et dans leurs
mœurs; les allées, par leurs sinuosités , forment des parcs oh s’élèvent de gracieuses maison-
nettes couvertes en chaume , de formes
pittoresques et do couleur différente :
tantêt c’est le climat de la Russie que
rappellent ces murs faits de troncs d'ar-
bres superposés ; plus loin , la Suisse se
retrouve dans ces châlets ; un édifice à
demi ruiné donne son hospitalité aux
Chèvres accoutumées à braver les périls
de l'escalade.
Nous ne pouvons mieux faire que de
mettre sous les yeux de nos lecteurs quel-
ques-unes do ces habitations qui ne dépa-
reraient pas les parcs les plus élégants.
En entrant par la porte de la Vallée
suisse qui s’ouvre sur l’allée des Mar-
ronniers, on face de celle des Virgilias,
vous suivez une jolie route bordée de
chaque côté de beaux arbres et de cons-
tructions légères, c’est l’asile des Vaches
d’Écosse (n° 66 du plan).
Cette allée est délicieusement ombra-
gée par la plus fraîche verdure ; aussi est-elle le rendez-vous habituel des promeneurs, qui
retrouvent au Jardin des Plantes les souvenirs de la jeunesse et des études pour l’âge mûr.
Ce parc était autrefois consacré aux Rennes; mois à la Ménagerie, encore moins qu'ailleurs,
rien n'est perpétuel ; les habitants changent souvent , et c’est encore un charme pour les pro-
meneurs, qui trouvent dans cette mobilité un attrait toujours nouveau.
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Mil
MÉ.N AfiERIE. — MA M MIFÈRES.
la présence de ces espèces , qui , au
premier aspect, semblent des doubles
emplois, niais qui différent par des
caractères quo lo savant sait appré-
cier, ou par des qualités économi-
ques qu'il appartient plus particuliè-
rement à l'industrie manufacturière
de reconnaître.
A côté, le Mouton k quatre cornes
habitait uno petite maisonnette con-
tigué k la fosse aux Ours, cl qui, au-
jourd’hui, est occupée par les San-
gliers (n° 30 du plan) : leur aspect
farouche contraste pittoresquement
avec la tranquillité de leurs voisins.
Eu face do ce parc , se trou-
vent des fossés habités par les
Itrebis anglaises. Ou leur a con-
sacré une chaumière peu élevée
qui no manque pas d'un certain
caractère ( n° 37 du plan ) .
Ces Brebis, qui sont à peu près
semblables aux nôtres, parais-
sent presque un hors-d’œuvre
daus un établissement où l’on
ne s'attend à trouver que des
animaux rares ou singuliers.
Mais la Ménagerie a une plus
haute mission, c’est celle d’ac-
climator les races étrangères, et
d’améliorer nos races indigènes
par des croisements sagement
combinés; c’est ce qui explique
En suivant cette même allée, vous
arrivez à un groupe de maisonnettes
dominées par un toit rond qui s'é-
lève à leur centre , c’est la demeure
«le l'Antilope- Bubale, du Moufllon
à manchettes du Maroc, et du Cerf-
Cochon (»« 31 , 32, 33 et 34 du
plan).
Cette heureuse disposition a per-
mis de réunir dans des parcs voisins
dos espèces variées , en facilitant le
service et en simplifiant les soins
qu’il exige. Ces rapprochements fa-
cilitent, du reste, la comparaison
des espèces entre elles, et rendent
agréables les fonctions de l'obser-
vateur.
21
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I«2 DEL XI fell K PAItTIK.
I.ji mémo allée, ou con-
duisant le promeneur vers
le grand amphithéâtre , lui
offri' , à gauche , plusieurs
parcs oii l'on retient les Chè-
vres de la Haute - Égypte et
la gracieuse Antilope Corinne
(«*• 83. 81 du plan).
Cette jolie petite maison-
nette en hnis, d'un as|>ccl
tout particulier, est emprun-
tée aux constructions rus-
ses, ol elle a été souvent
répétée , cl toujours avec
succès, dans les parcs qui
avoisinent la capitale. Le
Muséum a devancé , dans
cetto voie d’élégance et de
variété , les constructions les plus recherchées. Il faut en féliciter les habiles architectes qui
ont exécuté ces petites merveilles.
En revenant devant la Dolomie,
on trouve la cabane des Chèvres
du Scnnaar (n° 77 du plan) ; c'est
une espèce de ruine d'un effet très-
pittoresque.
C’qst encore la même pensée do
perfectionnement des races qui a
réuni dans les parcs cos Chèvres
do diverses espèces, empruntées à
l'Égypte, au Scnnaar, au Thibot.
Grâce aux courageuses explora-
tions de nos voyageurs, ces espè-
ces précieuses , amenées à grands
frais, ont pu faire rivaliser nos fa-
briques françaises avec les produc-
tions de l'Inde. Nous avions pour
nous la perfection du travail ma-
nuel, l’exquise supériorité et l'in-
comparable éléganco des dessins,
la vivacité éblouissante des cou-
leurs ; la finesse des matières pre-
mières nous a été acquise par l’in-
troduction dos espèces qui habitent
les parcs du Muséum.
Des industries particulières, en multipliant les individus, ont formé des troupeaux qui sont
arrivés à des nombres importants , cl qui ont mémo déterminé , par les soins constants dont
ils ont été l'objet, des perfectionnements qui ont honoré notre agriculture. Le Muséum a
cherché à conserver soigneusement les types, afin que l'on pût toujours recourir à la race
première, lorsque, par des croisements malheureux ou trop répétés, les qualités primitives do
l'espèce seraient altérées.
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MÉ\ WiEllIE. — MAMMIFÈRES.
103
A droito de la porto d'entrée , les
Chèvres du Thibet sont établies dans
une chaumière construite avec do
vieux troncs d'arbre ( n° 39 du plan).
Les Chèvres du Thibet sont dues
à l'importation de M. Jaubert, qui a
su braver les plus grands périls et
surmonter des difficultés sans nom-
bre pour enrichir nos manufactures
do ces précieuses toisons.
Il est facile do comprendre, en
voyant l'importation de ces races uti-
les , combien le rôle des voyageurs,
accrédités par le Muséum (mur ex-
plorer les contrées peu connues, est
important , et combien il serait A
désirer que ces voyages hissent ré-
pétés fréquemment ol dans des di-
rections variées, il n’est, en effet,
aucun voyage d’exploration qui n’ait
mis A la disposition de l'industrie,
de l'agriculture et du commerce, des
espèces nouvelles, et d'un usage pra-
tique et journalior ; ot l'on est surpris , en parcourant la listo des échantillons rapportés par
les expéditions dn circumnavigation, do voir apparaître, chaque fois qu'elles ont lieu, des
types jusque-là inconnus, et des variétés d’espèces importantes qui trouvent presque immé-
diatement une application utile.
Enfin, les Axis cl les Biches
occupent un parc , où s'élève une
très-jolie rotonde A doux toits.
Nous en donnons une vue (n° 03
du plan).
La mobilité de la population
des parcs explique pourquoi nous
voyons des Moutons dans cet asile
occupé maintenant par les Axis ol
les Biches. Il est impossible, en
effet, de consacrer les parcs ex-
clusivement A une espèce spéciale,
les convenances de situation, de
salubrité, déterminent l'occupation
tanlèl par une espèce, tantôt par
une autre; les soins attentifs de
M. le directeur en chef do la Mé-
nagerie et de ses aides intelligents
fixent les conditions d'habitation et
désignent les hôtes qui doivent oc-
cuper les parcs. Il est difficile de
savoir mieux allier les convenances
aux plaisirs des promeneurs.
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104
DEUXIÈME PARTIE.
Eps Cerfs et Daims de France ont une jolie hutte auprès de lu ménagerie des animaux
féroces (#*• 41 du plan), et les Lamas occupent le parc («° 62 du plan) habité autrefois par
les Cerfs du Malalwr.
Le promeneur aimera è retrouver ces indications sur les lieux moines, entourés de verdure
cl animés par les mouvements gracieux de leurs baliitauls. Il était difficile de tirer un meil-
leur parti d'un terrain peu accidenté , mais où l'on a su rappeler les divers sites qui |>cuvenl
charmer les regards du voyageur.
OISEAUX
La classe des Oiseaux occupe une place importante dans te Régne animal, et leur histoire a
été savamment décrite par la plume élégante de M. le docteur Le Maout, dans le volume
qui est spécialement consacré à celte classe; il a su allier tout ce que la science réclame, aux
descriptions les plus pittoresques et les plus attachantes des mœurs, des instincts et «le l’utilité
de chacune des espèces «pii paient à l'homme un tribut de jouissances et de services par la
beauté du plumage, la vivacité du chant, la sapidité de leur chair. Nous n’avons donc rien à
ajouter à ces éludes complètes sous tous les rapports; nous nous contenterons «l’indiquer les
espèces qui ont vécu ou qui vivent dans la Fauconnerie, la Faisanderie et les Parcs, en sui-
vant l’ordre do classification adopté par M. le professeur Isid. Geoffroy-Saiut-llilaire, dans
ses cours si remarquables du Muséum.
FAUCONNERIE
La Fauconnerie est située auprès do la
perle qui donne sur le quai Saint- Bernard,
au coin de la rue Cuvier ( »“ 25 du plan ) .
C’est un bâtiment long pt divisé en com-
partiments qui forment autant de volières
pour les Oiseaux de grande taille.
Ce bétiinent est exclusivement consacré
aux It a p A c F. s et aux Passereaux zvgo-
i>actyi.es ( Perroquets ). Cette partie in-
téressante de la Ménagerie attire, avec
raison, les regards; elle contient les plus
grandes espèces ornitliqlogiques.
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MÉNAGERIE. — OISEAl'X.
165
RAPACES
FAMILLE DES FALCONIDÉS
FALCONIENS
F auco ü Éléonore ( Falco Eleonorte), — Temminck, — du miili de l'Europe et du nord
de l'Afrique. — Harpie d'Amérique (F. destructor ), — Brésil. — Aigle rotai. (F.
Chrgsaetos) , — Linné. — Aigle a queue barbée {Aquila fascial»), — Vieillot, — Europe
méridionale. — Aigle botté (F. fH-nnatus), — Brisson, — Europe méridionale. — Aigle
de la Tiiébaïde (Falco Ncevius) , — Afrique. — Pygargue a tête blanche ( llaliwthus
leucocephalus), — Lesson, — Europe teplenlrionale et Amérique. — Ptgargue Aguia
(liai. Aguia), — Lesson, — Chili. — Ptgargue vocifère (liai, votif tr), — Lesson, —
Afrique. — Hélotarse bateleur (Falco ecamlalus), — Afrique.
GYPOIIIÉRACIENS
Gypohiérax Cath.artiioîde (Gypohiérax Angoleosis) , — Gray, — Afrique occidentale.
POLYBOBIENS
Caracara ordinaire ( Potyhorus cul ga ris) , — Vieillot, — Brésil.
VULTURIEN8
Gïpaete barbu (Gypaètes barbatus) , — Linné, — d'Europe.
Vautour rAUVE (Vullur futvus), — Europe.
Vautour cendré Arrian ( Vullur cinereus ) , — Gmelin, — le sud cl le sud-csl de
l'Europe.
Donné par l’ambassadeur de France à Constantinople, en 1814. Cet oiseau a pondu trois
années de suite , et existe encore à la Ménagerie.
Néopiiron percnoptère (Neophron percnoplerus) , — do Savigny, — d'Égypte.
Rapporté par l'expédition de Luxor, en 1833: existe encore.
Néopiiron moine (Neophron monacus) , — de Gray, — Afrique.
SarcoramphE papa ( Vullur papa), — Linné, — Amérique méridionale.
Condor type ( Gryphus typus), — Isid. Geoffroy, — Chili.
Donné par M. Billard , lieutenant de vaisseau, en 1826; existe encore à la Ménagerie.
Catharte aura (Cathartes aura) , — llliger, — Brésil.
Cor ag y ps urubu (Coragyps urubu), — Isid. Geoffroy, — Brésil.
FAMILLE DES STRIGIDËS
Duc de Virginie (Slrix Virginiana), — Gmelin, — États-Lois.
PASSEREAUX
FAMILLE DES PSITTACIDÊS
Cacatoès rosalbin (Cacalua rosea) , — Vieillot, — Nouvelle-Hollande. — Cac. a l a
huppe rouge (Cac. rosacca) , — Vieillot. — Cac. des Philippines (Cac. Philippinarum) ,
— Gmelin. — Lori cramoisi (Psitlacus puniceus) , — Gmelin, — Moluques. — Perroquet
vaza (Psitt, vasa), — Shaw., — Madagascar. Perruche ondulée, — de la Noucelle-
llollandc. — A produit plusieurs fois à la Ménagerie,
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ICC DEUXIÈME PARTIE.
FAMILLE DES BUCÉRIDÉS
BucORVe CARONCl’LÉ (Bucerot Abyssinicus), — Gmeliu, — Abyssinie.
FAISANDERIE
FAMILLE DES SIÏTIDÉS
Eli suivant l’allée qui fuit face à l'extré-
mité do la Fauconnerie du côté opposé au
quai, on rencontre bientôt, à droite, la Fai-
sanderie, élégante construction demi-cir-
culaire , dont la partie extérieure, divisée en
compartiments treillagés, qui donne asile à
une foule de jolis Oiseaux dont le plumage
éclatant appelle l'attention («° 24 du plan).
.Nous engageons les visiteurs à ne pas se
contenter de la vue extérieure de la Faisan-
derie, mais à réclamer de l’obligeance de
M. Revnié l’ouverture du (ictit parc qui se
trouve derrière le bâtiment : indépendam-
ment des Oiseaux d’eau et de quelques
Echassiers curieux, c’est là que sont élevées
les variétés si remarquables de tous nos
Oiseaux domestiques.
Les promeneurs remarqueront avec plaisir
l’Ibis sacré, le Pélican, et, si le temps l’a
permis, le Phoque, qui habite le mémo bas-
sin que les oiseaux dont nous venons de
parler : la vivacité de cet intéressant animal
est remarquable quand la voix de son gar-
dien se fuit entendre; il répond par un léger
grognement à la voix qui l’appelle, et la vue
d’un poisson qu’on lui destine le fait courir
rapidement sur le sable par des soubresauts
réitérés , qui se terminent presque toujours
par un plongeon dans son bassin favori.
Mainate de Sumatra [Hraculn religiosa), — (imeliu, — 'Inde. — Hollikr commit
( Coraeias garrula ) , — Linué , — France.
FAMILLE DES COLOMB1DÉS
Colombe loxgup ( Columba ), — Temuiiuck, — Nouvelle-Hollande. — Col. a nooue
perlée (C. t farina), — Latham, — Asie. — Espèce acclimatée et produisant en domesticité.
— Col. maillée (C. Senegalensis), — Gmclin, — Sénégal. — Acclimatée et produisant.
— Col. a nuque écaillée, — Brésil. — Col. Lixnachelle (C. Chaleoptcra), —
Temminck, — Nouvelle-Hollande. — Produisant en domesticité. — Nicombar a camail
(C. Nicobarica), — Temminck, — Molugues. — Colombi-gallixe poignardée ( C .
nuenlala), — Temminck, — Manille. — Col. a cravate noire (C. Martinica), —
Gmclin, — Antilles. — Lopiivre couronné (C. coronala), — Gmclin. — Nouvelle-Guinée.
— Se reproduit en domesticité.
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167
MÉNAGERIE. — OISEAUX.
FAMILLE DES TIXAMIDÊS
Tinamou du Brésil (Tbiamus BrasUicnsit), — Latham. — Rhïnciiote Isabelle
( Bhynehotus fascialus ), — S|ijx , — Brésil.
FAMILLE DES PHASIANIDÉS
Pf.rdbix Francolin a collier roux ( Perdix Prancolina ), — Latham. — Colin
Colenicui (Ila-oui) ( Ortyx Virginiana), — kayserling , — Amérique. — Acclimaté en
France et Angleterre, comme gibier, produit beaucoup. — Ganca Cata Unibande (Plero-
cles Alcliala ), — Ch. Bonaparte, — Scnéghl. — Faisan a collier (Phasianus torqualus) ,
— Linné, — Chine. — Acclimaté, se reproduit en domesticité. — Pénélope Gu an (Pcne-
lope Crietnla), — Latham, — Brésil. — Se reproduit en domesticité. — Hocco Alector
(Crax Alector), — Linné, — Guyane. — IL Tacholi (C. Glol/icera), — Gmclin, — Guyane.
— H. Hoccan (C. Galeala), — Latham, — Guyane. — Ourax Pauxi (C. Pauxi), —
Gmclin, — Guyane. — Paon spic.ieére (Pavo spici férus), — Vieillot, — Japon. — Un
individu de cette rare espèce a été donné à la Ménagerie pur M. le comte d’Ourr.ho, en 1851.
— Dindon (Gallo paru rulgarit), — Linné, — États-Unis. Se produit facilement. Plusieurs
miles ont été introduits en Franco dans les basses-cours pour remettre du sang sauvage dans
notre variété domestique. Pintade a joues bleues (Humida), — Égypte.
ÉCHASSIERS, PALMIPÈDES ET COUREURS
La remarque que nous avons faite au
sujet du domicile respectif des Mam-
mifères do nature différente s’applique
aussi aux cages des Oiseaux. Les chan-
gements n'y sont pas moins fréquents ,
et telle espèce qui se voit aujourd’hui
dans un parc pourra passer dans un
autre quelques jours après, suivant les
convenances du service. La Rotonde,
couverte de chaume et pourvue d'un
bassin ( n° 71 du plan) renferme des
Échassiers et plusieurs Palmi|>èdes. On
voit aussi des Échassiers dans le parc
voisin do celui des Axis , et ils y vivent
avec des Paons, des Cygnes et d’autres
Oiseaux nageurs que l’eau abondante
de cette partie de la Vallée suisse rend
à leurs habitudes favorites. Les Oies
d’Égypte, les Hérons, les Cormorans habitent pêle-mêle dans un paru situé prés de la logo
des Reptiles (n°* 69, 72, 75, 76 du plan).
Les Autruches et les Casoars nous ont accoutumés à la physiouomio des Échassiers ; mais
s’ils en ont l’aspect extérieur, il n’ont ni leur genre de vie ni leur organisation : très-bien
disposés pour le vol, les Échassiers so livrent & do longs et fréquents voyages aériens, et lors-
qu'ils sont à terre, c’est aux bords des eaux, sur les fleuves, ou dans les marécages, qu’ils se
tiennent de préférence. Les poissons, les grenouilles, les vers, etc., sont leur nourriture la
plus habituelle (n°* 73 et 74 du plan).
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168
. DEUXIÈME PARTIE.
Los Palmipèdes occupent prcs-
qu’exclusivement les parcs ( n° 69
du plan ) dont nous donnons ici la
vue. Leur gîte, construit au pied
de l’arbre magnifiquo qui leur sert
d'abri, a un aspect tout particu-
lier. Ces intéressantes espèces ont
déjà rendu par leurs croisements
les plus grands services & l'éco-
nomie domestique et rurale. C'est
à cette étude assidue et à la muni-
ficence du Muséum que sont dues
ces magnifiques espèces do Ca-
nards, qui se sont ré[>andues en si
graude quantité dans les basses-
cours des grandes exploitations ru-
rales, et «les établissements dans
lesquels lo gouvernement met à la
disposition do l’agriculture les ty-
pes qui doivent améliorer nos races
indigènes.
ÉCHASSIERS
FAMILLE DES OTIDÊS
II ot a a n a o s n c l é ( Otis Houbara ) , — A Igérie.
FAMILLE DES MICRODACTYLÉS
Cari A » A de Margrave ( lUicrodactylus Margrarii), — Geoffroy -Saint -Hilaire, —
Brésil.
FAMILLE DES PSOPHIDÉS
Ag ami trompette (Psophia crépitons), — Brésil.
FAMILLE DES ARDEIDÉS
Anthropoïde demoiselle (Anthropoides rirgo), — Vieillot, — A 'nmidie.
L'oiseau roval ou Crue couronnée (Ardca pnronina), — Linné, — Afrique.
IlÊnoN Verdâtre (Ardca virescens), — Linné, — Amérique.
Marabou du Sénégal (Leptopilos argala), — Gray.
FAMILLE DES SCOLOPAC1DÉS
Ibis sacré (llis rcligiosa), — Cuvier, — Afrique.
Paribis rouce (Scolopax rubra), — Linné, — Brésil.
FAMILLE DES RALLIDÉS
Taléve Hyacinthe (Poule sultane) (Porplnjrio Uyacinthinus) , — Temminclt, — Afrique.
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168
. DEUXIÈME PARTIE.
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MÉNAGERIE. — OISEAUX.
IU9
PAL MIPÈDES
FAMILLE DES LARIDÉS
I.abbe cataracte {Lestria cataractes) , — Tcmminck, — Europe.
Goéland boi'RCUEMESTBF. (Larus glaucus), — Europe septentrionale.
FAMILLE DES PÉLÉCAMDÉS
Pélican blanc (Pelecanus onocrotnlus), — hinrié, — Europe méridionale.
FAMILLE DES ANATIDÊS
Cygne noir (Anas atrata). — Cygne de Bewick (Cygnus Betvickii), — Temminck,
— Europe. — Cygne canadien (Oie à cravate) (Anas canadensis), — Linné, — États-
Unis. — Oie a double éperon (Anas gamOensis), — Linné, — Sénégal. — Bernaciie
armée (A nas Ægytiaca ), — Linné, — Égypte. — Se reproduit tous les ans à la Ménagerie.
— Cereopsis de l’Australie (Cereopsis cinereut) , — Latham, — Nouvelle-Hollande.
— Canard huppé (A nas sponsa) , — Linné, — États-Unis. — Canard de la Caroline.
— Se reproduit à la Ménagerie. — C anard Kasaroka (Anas rutila ), — Temminck, —
Europe méridionale et Afrique septentrionale.
COUREURS
FAMILLE DES STHUTHIONlDfiS
Autri che d’Afrique ( Struthio Camelus ), — Linné. — A pondu très-souvent dans la
Ménagerie. — Nandou d’Amérique (Bhea Americana), — Linné.
FAMILLE DES CASOARIDÉS
Casoar émeu ( Struthio Casuarius), — Linné, — Archipel des Indes. — Dromée noir
( Dromaius aler ), — Vieillot, — Nouvelle-Hollande .
Se reproduit facilement eu domesticité. La Ménagerie a obtenu plusieurs éclosions en 1851
et 1852.
On voit par cette nomenclature, qui ne contient que les Oiseaux rares et précieux, combien
la Ménagerie a réuni d’espèces importantes; nous ne parlons pas des variétés domestiques
obtenues par des croisements, et qui ont servi à peupler les basses-cours de Poules, île
Canards, de Pigeons, aussi remarquables par leurs formes et leur plumage que par leurs
qualités économiques. A ce point de vue, la Faisanderie a rendu de très-grands services, et
est appelée à en rendre encore de plus essentiels dans Ikivenir.
22
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La fondation de la Ménagerie des Reptiles, au Muséum d'hisloiro naturelle de Paris, date
d’une époque enrnrc assez récente. Quatorze années, en effet, se sont à peine écoulées depuis
l’acquisition , faite en octobre 1839 , des deux Python « molures et des trois Caïmans il museau
de brochet, qui en ont été les premiers InMes. Dans cette courte période, un très-grand nombre
de Reptiles appartenant aux différents ordres dont cette classe d’animaux se compose y a
successivement pris place.
Un livre d’entrées tenu avec beaucoup d’cxnctiludo dès l’origine indique sans lacunes,
depuis le premier Jour jusqu'à l’époque actuelle, toutes les espèces reçues à la Ménagerie, et
le nombre d’individus par lesquels cbacuno d’elles y a élu représentée.
En résumant les indications fournies par ce catalogue , on trouve trenle-liuit espèces de
CiiéLOMESS, de Sauriens, d’Opiiidieks, et enfin de Ratraciens.
Une des principales conditions à remplir pour conserver vivants pendant un temps un peu
long des Reptiles recueillis dans les différentes parties du monde , et plus spécialement dans
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MÉNAGERIE. — REPTILES. 171
les contrées les plus chauiles, (Hait <lc les placer au milieu d’une température assez élevée. 11
fallait surtout arriver à les préserver des transitions brusques du chaud au froid.
te chauffage des salles était insuffisant A lui seul pour parer A ce grave inconvénient. Il
était donc nécessaire de lui venir en aide par un moyen plus direct de chauffer les cages; c’est
ce qui a été obtenu au moyen d’un ingénieux appareil, imaginé par M. Sorel, qui y entretient
une température à peu près constante, et principalement à leur partio inférieure par une cir-
culation continuelle d'eau eliaude à travers des tuyaux placés daus un double fond au-dessous
des cages et dans lesquels l'eau est versée par une chaudière servant de réservoir, puisque
cette eau y rentre par des tuyaux do retour parallèles à ceux qui la reçoivent à son départ. Un
flotteur, par scs mouvements d’ascension nu d'abaissement dus à In dilatation plus ou moins
considérable de l'air qu’il contient , laquelle varie suivant la chaleur de l’eau qui le baigne, et
dont il est ainsi l'indicateur, ferme ou agrandit l’ouverture par où passe l’air destiné à l'ali-
mentation du foyer. La combustion se Irouvu donc ainsi constamment réglée par les effets
mêmes qu'elle produit.
Des quatre grandes familles dont l'ordre des CHÉLONIEN8 se compose, les deux pre-
mières, celles des CilBRSITES ou Tortues terrestres, et des Élodites ou Tortues
de marais, sont les plus riches en espèces. Le nombre do ces Cliélonicns A la Ménagerie,
comparativement aux POTASllTKS ou Tortues fluviales, et aux Thalassitks ou
Tortues m arines, a été bien plus considérable.
Parmi les trente espèces connues de Cuersites, treize ont été reçues vivantes. Il faut citer
d’abord les Tortues bordée [T. marginata), Moresque (T. mauritanien) etGnccQUE
(T. gritca), les seules qui habitent l'Europe méridioualo et le nord do l'Afrique, puis la
T. géométrique (7". geometrica) , du cap do Bonne-Espérance, et uno autre espèce assez
voisine, mais originaire dos Indes-Orientales, la T. actisode (T. Actinodes). Le Sénégal, et
très-probablement aussi l’Amérique du sud, comme le voyage de M. A. d'Orbigny l'a appris,
nourrissent uno Chersite remarquable par l'aspect de sa carapace, d’où lui est venu son nom :
c’est 1a T. Sillonnée (T. sulcala). Elle a vécu A la Ménagerie, qui en a possédé, on parti-
culier, un très-beau spécimen. On doit en rapprocher la T. radiée (T. radiata) , A disquo
globuleux jaune et brun et de taille A peu près semblable, qui ne purall avoir d'autre patrie
que Madagascar, ("est de cetto tlo ou du cap de Bonne-Espérance que le Muséum a reçu la
T. anguleuse {T. Angulata) , d'un aspect bizarre , di aux grandes dimensions du plastron
qui se prolonge en pninto sous le col.
On y a vu, A différentes reprises, des Ciiersites américaines. les unes du Comment méri-
dional, les T. marquetée et CHARRONNiÈRE (T. labulata et carbonaria ), les autres des
provinces septentrionales , les T. polvphéme et noire (T. polyphemus et nigra) .
Deux magnifiques individus de i'espéce qui atteint les plus grandes dimensions en longueur
et en hauteur, la T. éléphantine (T. elephantina), ont été envoyés do l’Ho Maurice. Leur
longueur était d’un mètre et demi environ et leur hauteur d’un mètre. Ces deux Cuéloniens
pesaient ensemble deux cent vingt-cinq kilogrammes, poids énorme, surtout si on le compare
à celui de la plupart dos Tortues , car même celles qui vivent dans la mer et dont la carapace
a quelquefois une très-grande largeur, ne sont jamais à beaucoup près aussi bombées.
La Pvxède ou T. a hoite, seule espèce terrestre dont le battant antérieur du plastron soit
mobile , a été vue trois fois vivante A la Ménagerie.
Les T. de marais ou Paludines, nommées aussi Elodites, étant beaucoup mieux
conformées que les précédentes pour la natation , fixent leur séjour dans dos localités voisines
d’étangs ou de petites rivières. Ou lésa divisées en deux sous-familles, colle des Crïpto-
dères, A tôle rétractile directement en arrière entre les pattes et à peau du cou libre et
engainante, puis celle des P leu roui, res, dont la tète n'est pas rétractile, mais peut, en
raison de la flexibilité du cou , venir se placer latéralement entre le plastron et la carapace.
Parmi les Cryptodères que la Ménagerie a possédées, on doit mentionner la Cistude de ua
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172
DEL MÊME PARTIE.
Caroline, élégante petite Tortue à botte, caractérisée par la mobilité en avant et en arriére
des deux pièces du sternum sur une même charnière transversale, ctlaCisTUDE européenne,
ornée de nombreux points jaunes. Celte Elodite, qui vit dans le midi de l’Europe et même
en France, aux environs de Ch&tcauroux , peut, comme lu précédente, rentrer complètement
la tête et les pattes.
Après les Cistudes , viennent les Elndites à plastron immobile , comprenant plusieurs
genres. Le plus considérable, celui des EM Y DES, ne renferme pas moins de quarante-quatre
espèces, dont onze ont été vues vivantes à Paris. — Telles sont l'E. sigriz { Emya aigrie),
la plus commune de toutes, qui habite l'Espagne, ainsi que la côte méditerranéenne de
l’Afrique, et l'Algérie en particulier; puis, au nombre des espèces de l’Amérique du Nord où
ce genre a de nombreux représentants, l’E. a lignes concentriques (F. concenlrica) , bien
distincte par sa tète volumineuse et les stries de sa carapace; l’E. ponctuée [F. guttala),
qui est de petite taille, avec une carapace noire, élégamment tachetée de gros points jaunes ;
l’E. du Cumberland (F. Cumkerlandcnaia) , dont les tempes portent une large tache rouge,
d'autant plus éclatante que l'aiiininl est plus jeune; l’E. peinte (E. picta), agréablement
nuancée sur sa teinte brune de bandes jaunes à double liséré noir; l’E. a bords en scie
(F. aerrnta ), qui doit son nom aux fortes et profondes dentures du limbe à la régiou posté-
rieure; l'E. RUGUEUSE (E. rugosa), nommée ainsi & cause des stries longitudinales de la
carapace; l’E. géographique (E. geograplrica ) ; puis l’E. de Mobile ( E . Mobileneia) .
A ces espèces, il faut en joindre une autre de l'Amérique du Sud : l'E. ponctulaire
(E. punctularia) , et l'E. croisée (E. decunata) , originaire des Antilles. — Enfin, une
espèce indienne, l'E. ocellée {E. occllat'a), a vécu en captivité , comme les précédentes,
dans les Imssins do ia Ménagerie.
De toutes les Tortues, celle qu’on a conservés! le plus longtemps est I’Emysaube serpen-
tine {E. terpenlinus) , dont le bec solide et tranchant, et la queue longue et robuste, sont
des armes dangereuses surtout chez les grands individus.
A ces différents genres, il convient de joindre celui des Cinosternes, dont le caractère
essentiel est la mobilité des portions antérieure et postérieure du plastron, non pas sur une
même charnière ligamenteuse transversale, comme chez les Cistudes, mais sur une pièce
intermédiaire immobile. Trois espèces américaines, les C. de Pensilvame, ensanglanté
et à bouche blanche (C. penaylranicuin, cruentalum et leucoslomum) , ont été conservées en
captivité.
Les E 1.0 DITES IM. F. TR ODE H ES que la Ménagerie a reçues sont le Sternotiiére noi-
râtre (St.-fiigricam) h plastron mobile en avant, cl les Ciiélodines de la Nouvelle-
Hollande et de Maximilien (Ch. iïoice Hollantliæ et Majnmilimi) ; cette dernière, originaire
de l’Amérique du Sud , remarquables toutes les deux par l’extrême longueur du cou.
On n’y a vu que deux espèces de Tortues tluviatiles ou Potamites, recueillies
l’une et l’autre dans les fleuves de l'Amérique du Nord : ce sont les (’.ymnopodes spini-
pére et mutique (Gymnopua apiniferm et muticut). Ces deux Chéloniens, comme tous
leurs congénères, sont très-facilement reconnaissables à l'aplatissement considérable de la
carapace que forme en grande partie un cuir épais , fortement incrusté sur les vermiculations
du disque et par la large palmure des doigts , dont trois seulement à chaque patte sont munis
d'ongles, ce qui a motivé la dénomination souvent employée de Triomyx.
Quant aux Tortues marines ou Thalassites, auxquelles l'eau de mer et surtout
l'agitation continuelle des dots sont indispensables, elles n’ont jamais été longtemps conser-
vées en captivité.
SALRIENS. La première famille est celle des CnocODILlEN'S ou ASPIDIOTF.S. Deux
espèces de Crocodiles , proprement dits, figurent sur les registres de la Ménagerie ; lo
Vulgaire ol celui a museau aigu (C. vulgaria et aculua ) ; ce dernier, apporté très-jeune,
grandit et se dévelop[>c très-bien.
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173
MÉNAGERIE. — R K HT II, ES.
Les Caïmans ou Crocodiles à dents inférieures complètement cachées pondant l'oc-
clusinn de la boucho ont été beaucoup plus nombreux : tous font partie de l'espèce dite
Caïman a museau de brochet (Alligator hicim).
La deuxième famille comprend ces animaux bizarres connus sous le nom de C. AMÈLÉONS,
et dont une seule espère, le C. vulgaire ( Chanue/eo vulgaris), a été vue vivante. En raison
du grand nombre d'individus adressés, chaque année, de l’Algérie , beaucoup d'observations
ont pu être faites sur le genre de vie de ce singulier Reptile.
De la famille dos GECkOTIKNS, nous n'avons à citer que le Pl ate dactyle des
murailles, commun en Algérie et dans le midi do l'Europe, il est remarquable en ce qu’il
a les doigts élargis par des membranes latérales , et garnis en dessous de lames transversales
entoilées, A l'aide desquelles il peut grimjier le long des plans les plus lisses, et même s'y
maintenir contre son propre poids, comme le font les mouches.
La quatrième famille, celle des Y A H AMIENS, caractérisée par l’aspect des téguments qui
sont en quelque sorte chagrinés, et dont les écailles consistent en petits tubercules arrondis
et granuleux , n’a été jusqu'ici représentée & la Ménagerie que par deux especes : l'une aqua-
tique, le Varan du Nil ( \ aramis niloticus) à queue comprimée, et l'autre terrestre, à
queue arrondie, le V. du Désert (F. arenariut) , originaire de l'Afrique et, en particulier,
du sud «le nos possessions algériennes.
Parmi les IG l A MENS, dont les caractères essentiels sont l'absence sur le ventre de larges
plaques carrées , et sur la tète de grandes squames polygones , puis de fourreau dans lequel
la langue puisse rentrer, et enlin la présence, chez un grand nombre d’espèces, d’une crête
sur le dos, il faut citer d’abord deux grandes et belles espèces : ce sont Pieu ane tubercu-
leux, très-commun aux Antilles où il se mange, et le Cvclure de Karlan (Iguaua
tuberculala , rel delicatissima et Cyclurus Harlani). On doit en rapprocher I’Anolis,
analogue aux Geckos par l’élargissement des premières phalanges munies en dessous de
lamelles imbriquées; puis, trois espèces bizarres, le Phrynosomf. de Karlan ( Phr .
Harlani) , Saurien du Mexique, à tronc court et très-déprimé, hérissé, ainsi que la tète, de
longues et nombreuses épines, et les Fouette-Queues Spinipéde et Acantiiinure
(Uromattyx Spinipc» et Acanthinurut) , originaires de l'Egypte et du liord de l'Afrique, et
dont la queue est armée d’aiguillons épineux, longs et acérés, disposés en verticilles réguliers.
Dans la sixième famille, dite des L acertiems, MM. Duméril et Bibron ont rangé tous les
Lézards proprement dits, toujours faciles à distinguer par l’écaillure de la tète composée de
grandes squames polygones, par celle du ventre formée de larges plaques différentes du
revêtement des régions supérieures, et enfin par la disposition des écailles de la queue.
L’espèce la plus grande de cette famille que le Muséum ait reçue est le Sauve-G arde de
Cayenne, dédié & la célèbre mademoiselle de Mérian qui , la première, l’a fait connaître
( Satcator Mariante).
Quant au genre Lézard proprement dit, il est, de toute la classe des Reptiles, celui dont
on retrouve le plus fréquemment le nom sur les registres ; car cinq des espèces qu’il comprend
vivent en France et' dans le midi de l’Europe, et deux ou trois de celles-ci se trouvent
également en Algérie. Les plus communes sont les Lézards des murailles et des
souches (Laccrta muralis cl stirpium) , dont un grand nombre servent à la nourriture de
Reptiles plus volumineux ; puis le Lézard vert (L. i iridié) , de plus grande taille, et dont
les régions supérieures sont le plus ordinairement d’une belle teinte verte, et les inférieures
d’un jaune verdâtre. Lo Lézard ocellé (L. ocellala) , remarquable par ses grandes
dimensions, a été reçu du midi de la France, de l’Espagne, de l’Italie et de l'Algérie. On a
été témoin, h la Ménagerie, de l'ovoviviparité de l’espèce européenne, nommée, en raison de
ce singulier mode de parturilion , Lézard vivipare (L viiipara).
Les deux dernières familles de Sauriens sont collas des SCINCOIDIKNS et des AMIMI1S-
HÉNI ëns. Ceux-ci sont tout à fait remarquables par l'absence complèlo des membres, co
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DEUXIÈME PARTIE.
qui a longtemps fait supposer aux naturalistes que ers Reptiles appartenaient à l'ordre des
Ophidiens , et par le défaut d'écailles sur leurs téguments , qui sont comme tuberculeux ou
on quelque sorte damasquinés. L’ A mphisbéne cendrée (A. cinercn) , qu’on trouve en
Espagne, dans les terrains mobiles où elle s’enfouit, a été conservée vivante, ainsi que deux
autres espèces Brésiliennes placées dans le genro Lépidosleme, à cause des grandes plaques
écailleuses do la région sternale. Lép. microcéphale et scutigére ( Lepidostemon
microcephalum el teuligerum). C’est à ce même groupe des Amphisbénicns qu’appartient le
joli Trogonofiiide de Wiegua sn plusieurs fois adressé de l'Algérie ( Trogonophis 11 icg-
mannii). Enlln, parmi les Seincoîdiens , distincts de tous les autres Sauriens par la forme et
par la disposition des écailles , qui sont arrondies à leur bord postérieur et entuiléej comme
celles des poissons, d'où leur nom de Cyprinolépides, on a souvent reçu du nord do
l'Afrique le Gongyle ocellé (G. oeellalus ) , remarquable par son ovoviviparité, et moins
souvent, le Plestiodoste d’Aldhovande (/’/. Aldrocandi) , dont le système de colora-
tion est élégamment relevé par do belles teintes d’un rouge-orange. C’est à cette même
famille qu’d faut rapporter le Lézard serpentiforme de notre pays, I’Orvet si lisse
et si fragile qu'on le nomme souvent Serpent de verre ( Anguit fragilis). Le Seps
chaIcide [Sept cluilcidrs) , presque aussi èonunun en Espagne (d’où Al. le professeur
Duméril l'a rapporté en 1800), et en Algérie que I'Orvet on France, se distingue do ce
dernier par deux paires de petites pattes courtes et grêles.
OPHIDIENS. — Des quatre ordres dont la classe des Reptiles so compose, aucun n’a
fourni à la Ménagerie un contingent plus considérable que l’ordre des Ophidiens ou Serpents :
il est, à la vérité, le plus riche en cs|>èces.
Al. le professeur Duméril et son habile collaborateur, Bibron, prématurément enlevé en
1848 à la science, qu’il cultivait avec tant du succès, ont, dans leur grande Erpétologie,
divisé ces Reptiles en cinq grandes sections, dont les deux premières comprennent les espèces
non venimeuses. De la première, ou celle des TYPHLOPS, il n'y a rien à dire ici, aucun
n'ayant été reçu vivant.
La deuxième section, celle des ACLYPÜODONTES, est très-considérable : elle comprend
tous les autres Serpents non venimeux. Les plus grandes espèces do ce groupe ont été & diffé-
rentes reprises , et souvent pendant plusieurs années , conservées en captivité.
Tols sont le Python de Séba ( Python Scbœ), originaire du Sénégal, l’un des Ophidiens
les plus considérables par leur longueur et par leur volume (ou eu a possédé un de 4 m. 70);
lo Python royal (P. regiua), africain comme le précédent, de moins grande taille et orné
do couleurs plus brillantes; lo Python m o l i: r e ou a deux bandes (P. biiillalus) , d’ori-
gine indienne, et qui s’est reproduit il y a près do dix ans au Aluséum, où ont vécu el so sont
parfaitement développes ces jeunes Ophidiens , dont deux d'entre eux vivent encore. Ul) autre
Python, qui peut atteindre comme les précédents une grande longueur, puisque les collections
en renferment un de 7 mètres, est le Réticulé (P. reticulalus). L’exemplaire de la Ména-
gerie , au reste , est beaucoup plus petit , il ne dépasse guère 2 métros. Il est remarquable par
scs belles teintes brune, blanche et jaune.
Les Boas sont les grands Serpents qui ont le plus de ressemblance avec ceux dont nous
venons de parler. Ceux dont il doit être question ici sont : 1° lo Boa divinilooue ( lion
diviniloquus) , dont Plie Sainte-Lucie des Antilles parait être jusqu’à présent la patrie presque
exclusive. Les magnifiques reflets métalliques de ses téguments, qui se parent des plus belles
nuances bleues ou verdâtres, selon le jeu de la lumière, expliquent son nom vulgaire de Boa
bleu; 2” le Boa constricteur (B. constrictor) , habitant de l'Amérique du Sud et particu-
liérement de Cayenne et du Brésil , orné sur lo dos de grandes lâches brunes , veloutées , à
reflets métalliques , cl sur la queue des cercles uoirs circonscrivant des espaces d'un rouge
brique; il atteint jusqu’à 2 m. 50 nu 3 m. de longueur; 3°rEpiGRATECENCHRis ( Epiantes
ceiicliris), do plus jietite dimension que les précédents, el adressé do Cayenne : l'individu
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MÉNAGERIE. - REPTILES.
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actuellement vivant a I tn. 50 environ; 4° et 5° les Tropidophides tacheté et a queue
noire ( Tropidvphii macutalus el melarmru») , <ie Porto-Rico, et dont lo second a donné dans
In Ménagerie la preuve de son ovoviviparité.
Pour terminer l'énumération des Serpents Pylhoniens conservés on captivité à Paris, il
faudrait encore citer une espèce assez différente par son aspect extérieur de celles dont il
vient d’être question. Elle est destinée & vivre sur le sable où elle peut se creuser des
retraites à l'aide d'une sorte de boutoir qui termine le museau : c’est l’ E n E x de John, dont
trois échantillons ont été acquis comme provenant des Indes-Orientales, patrie ordinaire de
ce Serpent.
L'un des plus grands Ophidiens que l’on connaisse, I’Eunecte murin ( Eunecles murinus),
pourrait presque prendre place dans celte Notice sur la Méuagerio des Reptiles, car c’est
quelques heures A peine après sa mort qu'un de ces énormes animaux a été reçu au Muséum
où il avait été adressé vivant de Cayenne. Il avait prés de 5 mètres de longueur.
Les volumineux Serpents non venimeux ainsi mis à part dans ce groupe qui vient d’être
indiqué, il reste encore un très-grand nombre d’espèces à morsure non venimeuse, et qui sont
généralement désignés sous la dénomination assez vague de Couleuvres.
Les travaux récents de M. le professeur Duméril , qui fait imprimer en ce moment la fin de
l’ouvrage qu’il avait commencé avec la savante collaboration de Bibron, montrent quelles
coupes peuvent être faites pour la facilité de l’étudo dans l’ancien genre Coluber, de
Linnmu.
Ce n’est pas ici le lieu de faire connaître ces divisions, qui doivont seulement servir de
guide pour l’inscription méthodique des espèces que la Ménagerie a possédées ou possède
encore. A ces dernières, il faut rapporter un bel Ophidien, d'un noir d’ébène, à taches jaunes
brillantes ; lo Spilote variable (Spilolet variabitu), de Cayenne; la Couleuvre d’Es-
culape ( Elaphia Ætculapii), assez commune en France, d’un brun verdâtre uniforme, avec
deux taches jaunes derrière la tête; une autre espèce de ce même genre et beaucoup plus
remarquable à cause de la grande taille qu'elle peut atteùidre , envoyée des États-Unis il y a
onze ans et qui vit encore : c’est I'Elapiie a quatre bandes (£’. quailrivillalus ) , ainsi
nommé A cause de quatre longs rubans brun foncé prolongés sur le tronc cl sur la queue ;
puis enfin I’Elapiie tacheté (£’. gultatu») , également originaire des États de l’Union et
très-nettement caractérise par une série sur toute la longueur du dos de grandes taches ova-
laires d’un rouge de brique pilée , bordées de noir.
Les mêmes contrées do l’Amérique du Nord, si riche en Reptiles de tous les ordres, nour-
rissent une Couleuvre à port lourd , à têto confondue avec lo tronc ot à queue courte et peu
effilée, noire en dessus et d'un rouge vif sous le ventre où se voient, disposées avec régularité,
et comme les cases d’un damier, des taches noires , quadrilatères ; elle est lo type du genre
Callopisme, et le nom spécifique rappelle la marqueterie des régions inférieures ( Callo-
pisma abacurn) .
Un Serpent à nez pointu , A raies noires longitudinales , réunies de distance en distance par
des raies également noires, mais transversales, et nommé A cause de ces diverses particula-
rités Rhinechis a échelons (Rhinechii scalnris) , a été plusieurs fois adressé de Montpel-
lier. On le trouve dans les terrains meubles où il se crouso des retraites à l’aide do l’espèce de
boutoir que forme la proéminence de l’os intermaxillaire.
Beaucoup de Couleuvres, ayant A l’extrémité postérieure de la mâchoire supérieure des
dents plus longues que celles qui les précédent , M. le professeur Duméril réunit dans une
famille particulière, et sous le nom de Syncrantériens , celles chez lesquelles toutes les dents
dos os sus-maxillaires sont disposées sans interruption en série continuo ; puis il a groupé
dans une autre famille les espèces où la série est interrompue en arrière par un espace vide
que laissent au-devant d’elles les dernières dents souvent beaucoup plus longues que les
autres : ce sont les Diacranlériens.
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DEUXIÈME PARTIE.-
\ lu première de ces deux familles armées de grandes dents postérieures , il faut rapporter
<|uatre Serpents de France. L'un est la Couleuvre a collier (Trojiidonolus torqunlus rel
natrix). Ses formes assez lourdes, le volume du tronc, la largeur de l'abdomen et la brièveté
de la queue, sont des caractères qui dénotent, comme le prouve d'ailleurs son séjour habituel
auprès des eaux, des habitudes aquatiques. Elle est verte, tachetée de noir, et sur le cou elle
a une double empreinte jaune simulant une sorte de collier.
Le deuxième , dont le genre de vie est analogue , offre une ressemblance curieuse avec la
Vipère, si l’on ne lient compte que des caractères extérieurs : c’est de là qu’est venu son nom
de Couleuvre vipérine [Trop, riperions). Sans parler de l’absence des crochets à venin,
le revêtement écailleux de la tête formé de grandes plaques polygones , régulières el propres
aux Couleuvres, s'oppose à toute confusion.
Les deux autres Sv ncrantériens de notre pays sont la Couleuvre lisse et la Couleuvre
roh del aise ( Coronclla lœvil el ginmdica ) .
Toutes les deux sont d'un brun fauve assez foncé; mais outre des différences spécifiques
bien tranchées , la seconde ne porte qu'une série unique de taches noires sur le dns , tandis
que chez la Couleuvre lisse les taches, qui sont plus petites, sont disposées sur deux rangs
parallèles el principalement à la région antérieure.
La famille des Diacrantériens compreud plusieurs genres el un grand nombre d'espèces.
Quelques-unes doivent être mentionnées dans ce relevé des liâtes de la Ménagerie. Telle est
d'abord une élégante Couleuvre de l'Europe centrale et méridionale, ainsi que de l'Afrique,
souvent adressée du département de la Nièvre, et dont la livrée se compose d’une multitude
de petites raies d’un jaune vif semées sur un fond vert : c'est la C. verte et jaune (Zame-
nis viridi-flavus) . On en possède uno curiouse variété toute noire, recueillie d’abord en Sicile,
puis en Égypte. On doit rapporter à ce même genre une autre espèce, également égyptienne;
son système de coloration consistant en de petits dessins noirs sur un fond brun verdâtre, lui
a mérité le nom de Couleuvre a bouquets [Z. florvleiilus).
On en distingue deux espèces qui, offrant un cercle orbitaire complet formé par des écailles
particulières, ont été réunies dans un même genre nommé Périops, à cause de cette par-
ticularité. L'une de ces espèces, égyptienne comme la Couleuvre à bouquets, porte un grand
nombre do petites lignes longitudinales, parallèles entre elles et groupées do manière à former
des maculaturos irrégulières de teinte sombre se détachant sur un fond brun fauve : elle est
dite Couleuvre a raies parallèles (Periopt parallelus). Le nom de Couleuvre per
a cheval (P. hippocropis ) désigne une note particulière relative à l'arrangement des taches
delà région supérieure du crâne propre à un Ophidien do France et d’Algérie , bien distinct
île tous les autres par des caractères spécifiques très-nets.
Une Couleuvre de Porto-Rieo peut être considérée comme l’un des types du genre nom-
breux des Dromiques, placés au troisième rang dans la famille des Diacrantériens. Elle est
dite Diiomique des Antilles [Oromicus Anlillensis).
La longue série des Serpents sans crochets à venin , observes à la Ménagerie , se termine
par une espèce qu’ou pourrait croire venimeuse , d’après l'expression particulière de ce que
SI. Schlegel do Leyde appelle si ingénieusement la physionomie, comme d’ailleurs l'ancienne
dénomination de Couleuvre sév ère ( Xeoodon sereins), employée par Limueus, cherche
à l'exprimer. En raison de la longueur des dernières dents sus-maxillaires, elle entre dans
un genre spécial , à dents étranges on quelque sorte.
Entre les Ophidiens, dont il vient d'êtro question , et ceux qui peuvent faire des blessures si
graves qu'elles sont rapidement mortelles , il y a une nombreuse série intermédiaire d’espèces
colubriformes, comme les précédents, et cependant années do dents à venin. XL le professeur
Duméril, en créant le mot Opistiioglyphe, qu'il applique à celle famille, a voulu rappeler
l’insertion en arrière de ces dents et la rainure de leur face antérieure , car ce qui fait le carac-
tère essentiel de cet appareil venimeux , c'est sa situation à la partie la plus reculée de la
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MÉNAGERIE. — REPTILES. 177
bouche , à ['extrémité postérieure des os sus-maxillaires , à la suite des dents pleines et sans
sillon implantées sur ces os.
A la base de ces crochets propres A inoculer le poison, non pas au moment de la première
morsure, mais quand la proie a déjà pénétré dans la bouche, il y a une glande d'une structure
particulière destinée à sécréter le liquide meurtrier.
Quoique ces Serpents soient fort nombreux, on ne peut citer dans celte Note que deux
espèces. — L’une, originaire d’Égypte et d’Algérie, est nommée Ltcocnatiie a capuchon
( LycognaUaa cucutlatus ), à cause de ses grandes dents antérieures et à cause du dessin que
forment sur la partie postérieure de la tète et sur lu nuque deux bandes et quatre taches
noires. L'autre, qui est dite Couleuvre île Montpellier, parce qu'on la rencontre aux environs
de celle ville, se trouve aussi eu Afrique. Elle se distingue facilement par la conformation de
la tète : la région sus-cranienne , au lieu d'ètre plate , comme chez les autres Ophidiens , est
creusée dans le sens longitudinal d’uno sorte de gouttière évasée et peu profonde. Elle est
d'une teinte sombre d’un brun verdâtre à peino relevé par de petites taches noires.
Il reste enfin à parler des Serpents les plus venimeux , dont les crochets longs et robustes
occupent l’extrémité antérieure de In mâchoire supérieure.
La première famille de ces Ophidiens si redoutables comprend , sons la dénomination de
Prolé roglyphes, les espèces à crochets situés en avant et parcourus dans toute leur longueur
par un sillon.
C'est à cette première division qu'il faut rapporter les singuliers animaux connus sous les
noms vulgaires de ScnPEXT a coiffe ou Cobra ni capello, et qui sont désignés par les
naturalistes sous celui de Naja. Les voyageurs, depuis le célèbre Kœmpfer, qui, le premier,
u donné de très-intéressants détails sur ce sujet, ont souvent parlé des exercices bizarres
auxquels les bateleurs indiens ou égyptiens les soumetteut à l’aide des sons monotones d’un
[lotit flageolet. Le Naja a lunettes ou baladin (Naja Iripnilinns) , le plus célèbre à cause
de l'espèce de dessin qu'il porte sur le cou et que rap[ielle sa dénomination, n’a jamais été vu
vivant à Paris , quoiqu'il soit très-commun aux Grandes-Indes et qu’il ait été souvent vu au
Jardin de la Société zoologique de Londres.
Le Naja iiaje, au contraire, a été plusieurs fois adressé d’Égypte, et dans ce moment
encore lu Ménagerie possède un très-beau spécimen de cetto espèce. Dès qu'on irrite ce Ser-
pent , il relève brusquement la tête et toute la partie antérieure du tronc à une hauteur do
0 m. 30 à 0 m. 35 environ. En même temps, les côtes antérieures, qui sont les plus longues,
sont fortement ramenées en avant. La peau les suit dans ce mouvement do progression, et,
comme elle est lâche et extensible , elle s’élargit de la même manière en quelquo sorte que
l’étoffe d'un éventail se déplie , quand les touches dont il est formé sont rapidement écartées
les unes des autres. La tête domine le capuchon , elle devient horizontale et l’animal la dirige
constamment à droite ou à gauche pour épier le danger.
Le nom do Solinoglyphes, donné par M. le professeur Duméril aux espèces de la seconde
famille de Serpents à crochets venimeux antérieurs , indique leur caractère anatomique
essentiel , qui est d’avoir ces crochets [icrforés dans toute leur longueur par un canal terminé
par un sillon à son extrémité libre.
Le plus connu de ces Ophidiens est la Vipère , représentée en France , et jusque dans les
environs de Paris , par deux Serpents très-semblables entre eux par leur apparence extérieure
et par leur système do coloration , mais offrant cependant une différence très-remarquable.
L’un, qui reste le type du genre Vipère proprement dit, a la tète couverto non pas de grandes
plaques symétriques , comme celles des Couleuvres , mais de petites squames analogues aux
écailles du tronc : c'est la ViptnE aspic (Vipera aspis vel priester). L’autre, le P t lias
8 e a u s ( Polios berus), se distingue d’une façon très-nette par la présence, sur la région anté-
rieure de la têto , de petits écussons , dont un central , plus considérable. De lâ vient l’erreur
qu’il est important de prévenir et qui , au premier moment , peut faire prendre cette espèeo
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DEUXIÈME PARTIE,
pour la Couleuvre vipérine. Cher cette dernière , cependant , les plaques sus-céplialiques sont
plus grandes et plus nombreuses. La tète des Vipères et des Pélius, en outre, a une (orme
spéciale , légèrement triangulaire.
Le Sénégal nourrit une très-grosse Vipère, proportionnellement courte, à tète plate et large,
de couleur sombre et d’un aspect sinistre, que Cuvier nommuit V. a courte-queue : c’est
I’Échidnée Heurtants ( EchUtna arielaiu). Il y en a de beaux exemplaires dans ce
moment à la Ménagerie. On y voit aussi la Vipère cornue ou Céraste égyptien, qu’on a
quelques raisons de regarder comme étant le célèbre Aspic de Cléopâtre (Cerailet
Ægyptiacus ) .
On a reçu du même pays deux autres espèces de pelilo taille, comme la précédente, mais
bien différentes en ce que les régions surcillaires ne portent pas les appendices saillants si
caractéristiques du Céraste. Vin raison de différences qui permettent île les distinguer l'une de
l’autre, elles ont reçu les noms d'Ecms a pheix et d’Ecms carénée (Echis frenata et
carinata).
A la suite de ces Ophidiens, il faut placer le Crotale ou Serpent a sonnettes, si
remarquable par l’appareil corné qu'il porte à l'extrémité de la queue, et dont les pièces,
I, Vilement emboîtées entre elles, produisent, lorsque la série tout entière est mise en vibration
par les mouvements fort rapides do la queue , un bruit très-particulier. Les sons aigus et
stridents que le serpent fuit alors eutcudre sont si étranges, qu’on s’explique sans peine la
frayeur qu’il inspire aux hommes et aux animaux qui fuient épouvantés à l’approche de ce
dangereux Reptile que la Ménagerie a presque toujours possédé et dont, en co moment encore,
elle a de beaux spécimens.
On y garde aussi en captivité l’espèce si rodoutée aux Antilles, sous le nom de Fer de
Lance, à cause de la forme de la tfto : c'est le Bothrops lanceolatus qui peut avoir
2 mètres de long. Les mêmes cages , soigneusement entouréos d'un double grillage , renfer-
ment en outre un serpent venimeux , à tète triangulaire , et que la diversité de ses couleurs
sombres , il csl vrai , a fait nommer Arlequin ( Trigonocephatu» histrionicus ) .
BATRACIENS. Le quatrième ordre de la classe des Reptiles, comprenant les Grenouil-
les, les Rainettes, les Crapauds, los Salamandres et quelques autres espèces, occupe,
dans l'histoire de la Ménagerie, une place moins importante qnc los trois premiers ordres. Le
nombre de cos Batraciens qui y ont été vus reste en effet inférieur à celui dos Chéloniens , des
Sauriens et des Ophidiens. Dans ce nombre , cependant , il y a quelques animaux très-
intéréssants. Eu fêle de la liste qui doit en être donnée ici, il faut placer laCéciuE a
museau étroit et lo Sipiionops asnelé ( Cœcilin rostrala cl Siphonopt annulalus).
Longtemps considérés comme des Serpents, à cause de la forme allongée el cylindrique du
corps el de l’absence complète des membres , ces Reptiles offrent néanmoins cette curieuse
particularité d’être, par toute leur organisation , de véritables Batraciens, malgré l'analogie
remarquable de leur conformation extérieure avec les Ophidiens de petite taille , qui , à cause
de leur cécité presque absolue, ont été nommés Typiilops. Ce sont des animaux pour la
plupart avcuglos, à museau plus ou moins prolongé en une sorte de boutoir, et qui vivent
dans les terrains mobiles de l’Amérique méridionale et, en particulier, du Brésil, d’oh le
Muséum les a déjà plusieurs fois reçus.
Tous les autres Batraciens ont des membres, mais les uns ont une queue :«e sont les
Upodéles, ainsi nommés en raison de ce caractère. La queue, au contraire, manque chez
les autres qui, en raison do celte particularité notable, ont reçu lo nom d'AxouRES.
Ceux-ci, Irès-nombreux en espèces, présentent entre eux des différences très-remarquables,
faciles à constater quand on compare entre eux le Crapaud, la Grenouille et la Rai-
nette, types de trois grandes familles qui sont représentées dans notre pays par quelques
espèces qui sont toujours assez abondantes dans les cases.
Parmi les Grenouilles, que la longueur do leurs membres et la palmure de leurs doigts
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MÉNAGERIE. — REPTILES.
font reconnaître si aisément, on doit nommer la Verte , dont la couleur parait varier suivant
qu'elle habite l'Europe, l'Asie ou l'Afrique. Le uom de Rana esculenta, donné par
Linmeus, rappelle l'usage qu’on fait souvent dans l’art culinaire do ce Reptile, dont les membres
postérieurs sont comparés, pour l’aspect et pour la saveur, à la chair du poulet. Cette
Grenouille se distingue surtout de l’autre espèce , commune dans notre pays , par l’absence ,
sur les côtés île la tête, de la tache noire qui, par sa constance, a motivé, pour cette deuxième
espèce, la dénomination de Temporaire. Elle est dite aussi quelquefois, à cause de sa
teinto jaune-brunâtre, Gn. rousse (Itana lemporaria v cl fusai).
L’abondance de ces deux Batraciens anoures aux environs de Paris permet de les employer
dans la Ménagerie cnmmo pâture pour les Serpents qui, vivant à l’état de liberté, dans les
lieux humides et au bord des ruisseaux, telles que les Couleuvres a collier et Vipérine
et quelques autres , recherchent cette proie avec avidité.
Des Étals-tnis, on a reçu deux Grenouilles très-analogues entro elles : la Gr. h alécine
ot celle des marais (/I. halecia et palustris) , qui paraissent être, dans l'Amérique du Nord,
les représentants de nos deux es|ièces communes.
Semblables A ces dernières pour la taille, elles sont très-petites comparativement à une
grosso espèce , originaire du même pays , et dont certains individus qui ont été conservés en
captivité étaient longs de 0™ 35 à 0"' AO. On a pu reconnaître, au bruit produit par ces énormes
Batraciens, surtout au moment où ils s'élançaient pour sauter à de très-grandes distances,
qu'ils méritent bien le nom de Grenouille-Taureau ou mugissante (/I. mugiens).
Des possessions algériennes , on a adressé plusieurs fois au Muséum une espèce à régions
supérieures marbrées de gris, de brun ou de roussâtro, et souvent ornées, sur le milieu du
dos, d'une bande blanche ou jaune Elle est devenue le type d’un genre distinct, fondé d'après
des caractères particuliers , et surtout d'après l'invisibilité do la membrane du tympau , qui est
cachée sous les téguments , contrairement â ce qui a lieu chez la plupart des Batraciens , où
cette membrane, située & fleur de tète, est très-apparente. Ce Disc.ogi.osse peint ( Visco -
glossus piclus) , qui a les formes élancées des Grenouilles, no vit pas on Franco, mais il a été
trouvé en Grèce , en Sicile et en Sardaigne.
Pour terminer la série des Raniformes à membres postérieurs , longs et bien disposés pour s
le saut , il faut citer une espèco spéciale à la France , et dont les habitudes aquatiques so
trouvent rappelées par le nom de P é l o d y t e qui lui est donné et qui signifie qu’elle fréquente
les localités marécageuses. Kilo est tachée de noir en dessus. C’est le P. ponctué ( PelodgUs
punclatm ) , qui se distinguo de toutes les autres Grenouilles par certains caractères anatomi-
ques et par lo pouvoir dont il est doué de grimper presque aussi facilement que les Rainettes
le long d’un plan vertical et très-uni, comme les parois d’un vase do verre, ainsi que l’obser-
vation en a été bien souvent faite à la Ménagerie. C'est particulièrement dans l'ancien parc
de Sceaux que ce Batracien so rencontre dans les environs de Paris.
La division des Anoures, adoptée dans Y Erpétologie générale de MM. Duméril et Bihron,
étant fondée sur la conformation des doigts qui permet de séparer tout d’abord les Rai-
nettes, dont il sera question plus loin, la distinction fondamentale entre les Grenouilles
et les Crapauds se tire du système dentaire.
Les véritables Crapauds n’ayant aucune dent ni à l’une ni à l’autre des mâchoires, ni au
palais, tandis qu'il y en a dans la région maxillaire supérieure et à la voûte palatine chez les
Grenouilles, il a fallu nécessairement ranger parmi celles-ci quelques Batraciens â membres
postérieurs courts et â corps ramassé, malgré la dénomination vulgaire qui sert à les désigner
et dont on no saurait méconnaîtra lu justesse , si l’on s’en lient aux formes extérieures. Tels
sont, entre autres, le Crapaud accoucheur (Aigles obslel ricane ) , le Crapaud a
ventre couleur de FEU ou Sonneur ( Bombinator igneus ) et le Pélobate brun
{ Pelobates fusais) qui vivent en France , même aux abords de Paris, et que, par cela même,
on a fréquemment conservés en captivité au Muséum.
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180 DEUXIÈME PARTIE.
La première espèce est très-intéressante à étudier à cause des particularités de moeurs
qu'elle offre à l'observateur.
N'est-il pas en effet bien remarquable qu'au moment où les œufs viennent d’èlro pondus, le
mâle, comme guidé par une prévoyance ingénieuse pour la protection de sa race, s'en empare
et enlace autour de ses membres postérieurs le chapelet que ces œufs forment par leur union
avec une matière visqueuse et tenace qui les unit les uns aux autres. Ce n’est pourtant que la
manifestation pleine d'intérêt, il est vrai, pour le naturaliste, d’un instinet qui pousse cet
animal à se charger de ce fardeau précieux qu'il conserve ainsi pendant vingt-cinq à trente
jours. Tant que dure cette sorte de gestation extérieure, il reste immobile dans une retraite
sombre et humide, où il se cache pour se mettre à l’abri des attaques. Il y a quelque chose de
plus merveilleux encore dans celte série d’actes instinctifs que ce Batracien accomplit â cclto
époque si importante de sa vie, puisqu’il s'agit de la perpétuation de sa raco. Il quitte, au
bout de ce temps, le lieu de son refuge, cl se dirige, tant bien que mal, embarrassé qu'il est
dans sa marche, vers les eaux du voisinage. Ne faut-il pas, en effet, que les jeunes animaux
qui vont sortir des œufs arrivés à leur dernière période de développement naissent nu milieu
de l'eau? Ce sont des T ütarels, c’est-à-dire des animaux à respiration branchiale, et mémo
de véritables poissons pendant tous les premiers temps de leur vie. Ils périraient promptement,
si l'éclosion avait lieu sur le sol, par suite de l'impossibilité absolue pour eux de respirer dans
l’air. Le râle du Crapaud accoucheur rempli, il reprend ses habitudes et le goure de vie qui lui
est propre , se tenant de préférence dans les herbages humides.
Quant au Sonneur, il ne mérite pas plus ce nom que d'autres Batraciens; le coassement
qu il fait entendre n’a rien île spécial , et n’étant mémo pas aussi caractéristique que celui do
l'espèce dont il vient d'être question, laquelle produit, à l’époque des amours, des sons ana-
logues à ceux qui résulteraient do la percussion d'une clochette de verre. Il est remarquable
par la teinte d'un jaune-orange vif des régions inférieures rendue plus éclatante encore par les
marbrures d’un brun foncé. Il ost de petite taille, se trouvo dans toute l’Europe lenqiérée, et
vit presque toujours dans l'eau.
Le Pélobate brun enfin se reconnaît facilement à la saillie très-prononcée do l'un dos os du
pied , d'où résulte l’apparence nu talon d'une sorte d’éperon tranchaut de couleur jaune. Sa
tète est rugueuse et couverte d'aspérités auxquelles la peau est très-fortement adhérente.
Entre ces trois derniers Batraciens et les véritables Crapauds , il y a cetto différence anato-
mique importante que ceux-ci sont complètement privés de dents. Leur langue , d’ailleurs ,
contrairement à ce qui s’observe chez les Crenouilles cl chez les Rainettes, ti'est presquo
jamais échancrée à son bord postérieur, et à l'exception dos grosses glandes qu'un certain
nombre d'entre eux portent derrière la tête, sur les côtés du cou, et d'où s'échappe une
humeur âcre et irritante, vénéneuse même pour les petits animaux, leur peau est plus lisse
que celle ries autres Anoures.
Le corps est généralement trapu, les membres courts et ramassés. Ces différents caractères
sont très-évidents sur les deux espèces communes do notre pays, et dont il y a presque toujours
des échantillons à la Ménagerie. Les différences qui les distinguent l'une de l’autre sont assez
faciles à saisir pour le zoologiste, mais vulgairement on les confond , quoique lo Crapaud
vert {Dufo viridis) ne devienne pas aussi volumineux que le Crapaud vu lgaire ( llufu
vulyaris) , qui ne porte jamais la ligne méthane jaune dont le dos du premier est souvent orné
dans toute sa longueur, fréquemment aussi leurs régions supérieures, d'une teinte verte, mais
le plus souvent sombre ou d’uu brun plus ou moins obscur , sont parsemées de tubercules ,
ce qui leur fait donner, dans quelques contrées, le nom du Crapaud «aleu'X.
Il est venu des États-Unis une es|>èce à grandes taches et à ligne médiane le long du dos qui
a reçu des zoologistes do ce pays le nom do Crapaud américain (Ihtfo americnnut) , et
do l’Algérie le Crapaud pastuéris (Bufu païUheriiuu) , très-analogue au Crapaud vert
de notre pays , dont il diflcre cependant par des caractères assez nets.
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MÉNAGERIE. — REPTILES. 181
Ces différentes espèces, ainsi qu’on le suit de la plupart de celles en très-grand nombre que
renferme la famille des Bufoniformes , ont des habitudes nocturnes.
Ces Batraciens anoures no sont pas les seuls dont il y ait à parler ici ; le troisième groupe
celui des Rainettes doit être aussi mentionné, car la Ménagerie possède toujours pendant la
belle saison cette charmante petite Grenouille d’arbre, connue sous le nom de Rainette
verte ( H y la ciridis tel arburen). Sa jolie couleur est constamment en harmonie avec la
nuance des feuilles à lu surface desquelles elle se tient suspendue au moyen des disques élargis
qui terminent les doigts en matière de pelotles, dont lu surface molle adhère solidement aux
corps les plus lisses. On l’a recueillie dans les différentes parties île l’Europe, excepté dans la
Grande-Bretagne 'où elle n’a jamais été vue. Elle vit aussi en Algérie. Une espèce beaucoup
plus volumineuse, rapportée de la Nouvellc-llollaudc, vit depuis six ans dans une des cages
où l’on ne peut la voir sortir de sa retraite qu’à la nuit tombanto : c’est alors qu’elle poursuit
les insectes dont elle fait sa nourriture. Quoique verte, elle est désignée dans les catalogues
scientifiques sous les noms de Rainette oleee (llyla cijanca) , parce que le séjour dans
l’alcool altère promptement son système de coloration en lui donnant une nuance bleuâtre.
Après tous les Batraciens, dont il a été question jusqu’à présent, et qui ont dans leur con-
formation générale une remarquable analogie, il en vient d’autres qui, au premier abord, en
diffèrent de la façon la plus notable. Au lieu d’avoir un tronc large , court , déprimé , privé de
queue et supporté (air «les membres de longueur inégale et dont les postérieurs quelquefois
l’emportent beaucoup par la longueur, ils ont le corps allongé, terminé par une queue consi-
dérable plus nu moins bien disposée pour faciliter la natation , et des membres courts égaux
entre eux. En se bornant à ces caractères extérieurs, on les croirait plus voisins des Lézards
que de tous les autres Reptiles , mais l’étude de leur organisation et do leurs métamorphoses
no laisse aucun doule sur le rang qu'ils doivent occuper. Gomme les Grenouilles, les Cra-
pauds et les Rainettes, ce sont des Batraciens, mais dont la queue constitue l’uno dos parti-
cularités les plus notables. — Aussi, leur nom d’UnouÈLES, qui rappelle cette différence,
met-il en saillie l'opposition frappante qui existe entro eux et les Anoures.
Le plus connu et le plus célèbre, à cause des préjugés qui se rattachent à son histoire, est
lu Salamandre terrestre (Salamandra lerreilrit) , à leinto brune, élégamment relevée
par de larges taches jaunes. — Le fait le plus merveilleux des récits qui ont cours dans les
traditions populaires relatives à ce Reptile, est In propriété dont il jouirait, dit-on, de résister
à l’action îles flammes. Or, si l’on cherche ce qui a pu donner lieu à cette fable, on trouve
que, sous l’influence d’une vive irritation, les glandes volumineuses que la Salamandre porte
sur la nuquo sécrètent en grande abondance le liquide qu’elles produisent. Des charbons
ardents peuvent donc , au premier moment où cette humeur àcro et visqueuse les couvre,
paraître éteints, mais bientôt, la sécrétion s’arrêtant, lo feu continue son œuvre de destruction
un instant interrompue et la mort ne se fait pas longtemps attendre.
Celle Salamandre , qui est généralement redoutée dans los campagnes , quoi quelle n’ait
pas d'autres armes que ees appareils glandulaires, n’est pas également commune dans toutes
les pallies de la France. C'est s[>écinlcuicnt en Bretagne que les individus conservés à diffé-
rentes reprises en captivité avaient été recueillis.
L'ne autre espèce, assez analogue à celle-ci dans sa conformation générale, mais qui a dû
devenir le type d'uu genre paiticulier, offre, dans sa structure, une anomalie bizarre. Elle a,
sur les côtés du corps, une série longitudinale de saillies formées par les extrémités libres des
côtes , qui soulèvent les téguments et quelquefois même les traversent. Le nom île Pleurodèle
sert à rappeler ce fait unique dans la série des animaux vertébrés. On n’a encore trouvé qu’en
Espagne ce genre, où il est connu par une espèce unique, le PleurodI: i. r. de Waltl (Pieu-
i ur/efes U'altlii), qui, deux fois, a été envoyé vivant des environs de Madrid.
L'étude de la Salamandre terrestre est d’un grand intérêt pour le physiologiste , car elle
offre un remarquable exemple d'ovoviviparité. Les jeunes animaux naissent tout développés,
et sont abandonnés dans l’eau par la mère. Elle s’v tient en effet au moment de la parturilinn,
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DEUXIÈME l'AUTIE.
afia que les Têtards, dont In respiration, comme celle îles Têtards d’Anoures, no peut s’ac-
complir que sur des lames branchiales, n’aient pas à chercher l'élément qui leur est indispen-
sable. A mesure que leur transformation s’opère . que les poumons se développent et que les
organes de respiration aquatique s’atrophient, les Salamandres quittent de plus en plus lo lieu
de leur premier séjour, pour so tenir de préférence dans des localités ombragées et un peu
humides, et elles no retournent plus à l’eau qu’à l’époque où elles doivent perpétuer leur race.
Tous les Irodèles, cependant, ne deviennent pas exclusivement terrestres, comme ceux
dont il vient d’être question. D’autres, dont la conformation indique un genre do vie différent,
no quittent presque jamais les ruisseaux et les mares, bien que. inunis d’appareils pulmonaires
comme tous les autres Batraciens adultes. Ce sont les T ni ton s, qui, à l'aide do leurs pattes
largement palmées, de leur queue comprimée et surmontée «l’une membrane, et de plus avec
une crête dorsale, dont le développement varie suivant les saisons et parait être, ainsi qu’on
l’a dit, une parure de noce, peuvent nager avec une gramio facilité.
Trois espèces, souvent difficiles à distinguer à cause de la variabilité remarquable «lu
système de coloration, les Tritons a crête, marbré et Alpestre ( Triton crislatus ,
marmoratus et Alpes tris) , vivent en France, et sont constamment représentées à la Ménagerie
par des échantillons recueillis dans des localités variées.
lue des modifications les plus curieuses des organes des Têtards, à mesure qu'ils appro-
chent de l’état adulte, consiste dans la disparition des houppes branchiales qui, d’abord
extérieures, cessent peu à peu de faire saillie au dehors et qui s’atrophient à mesure que les
poumons restés à l’état rudimentaire pendant les premiers temps de lu vio, passent par les
développements nécessaires pour qu’ils deviennent «le véritables organes «le respiration. Or,
cet état, transitoire chez le plus grand nombre des Batraciens urodèles, est permanent chez
quelques-uns d’entre eux , que pour cctto raison l’on nomme Pérennibranches. Ces der-
niers sont caractérisés par la persistance , pendant toute la durée de leur vie , des houppes
branchiales extérieures, lesquelles, nu reste, pas plus que chez les Têtards «l«»s Salamandres
et des Tritons, ne constituent l’organo essentiel de la revivification du sang. Elles ne sont, en
effet , que des appendices accessoires des branchies intérieures. Ces Pérenuibranches offrent
encore une autre particularité d’organisation très- digne d'intérêt. Klin est relative à l’ordre
d’apparition «les membres «pii, manquant au jeune anima) au moment où il sort de l’œuf, se
développent successivement, la paire antérieure la première, et la postérieure la seconde. Un
de ces Irodèles anomaux, dont il s’agit ici, n’a jamais «juc les membres de devant, tandis
qu'un autre, représentant en quelque sorte un état de’ développement plus avancé, a de plus
les membres pelviens. Ce ne sont pas, d’ailleurs, comme on aurait été tenté do le croire, des
Irodèles à l’état de larve : lo Sirène lacf.rtine ( Siren lacerlina), qui n’a que les pattes
thoraciques, et le P roté F. a ng un. la ru (Protons anguitte tut), qui a les unes et les autres,
ont été représentés à la Ménagerie par plusieurs individus dont l’un a vécu sept ans et l’autre
onze ans, c'est-à-dire pendant un laps «le temps bien plus considérable qu’il n’aurait été
nécessaire pour que la transformation s’accomplit si elle avait dû se faire. Ce sont des ani-
maux à l’état parfait, mais arrêtés à une période de développement inférieur, malgré leur
grande taille , qui l’emporte «le beaucoup sur celle des Irodèles ordinaires. Ils habitent les
eaux souterraines, la Sirène lacertine dans l’Amérique du Nord, et le Protée dans la Carniole.
Celui-ci surtout, qui n’est jamais frappé par la lumière solaire, a les téguments blanchâtres et
étiolés, comme tous les animaux appelés à vivre dans les lieux obscurs.
Ici se termine l’énumération des Reptiles qui ont été observés à la Ménagerie, ou qu’on y
voit encore aujourd’hui. Il est facile de comprendre, d’après les détails qui précèdent, tout
l’intérêt «pii s’attache à celte section encore assez nouvelle «le la collection si riche d’animaux
vivants, «pie In munificence du gouvernement réunit à grands frais dans les jardins du Muséum
d’histoire naturelle. On peut prévoir, par ce qui a déjà été fait, toute l’importance du rôle
que cette Ménageriô spéciale est appelée à remplir dons ce vaste et magnili«|u«* ensemble.
\. I).
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I.'exatnen des formes extérieures dns nombreux habitante de la Ménagerie ne suffit pas à
votre curiosité toujours croissante, et vous épreuve* le désir de reconnaître les rouages
cochés qui font mouvoir tous ces corps animés, ou, en d’autres termes, leur organisation
intérieure , leur squelette.
Préoccupé du cette idée , dirigez vos pas vers le Cabinet d'anatomie comparée. Ce nom do
cabinet, par trop modeste, ne devrait plus être donné à cette galerie étroite ot peu longue qui
renferme une collection anatomique déjà nombreuse, qui s'accroît et s'enrichit chaque année;
mais, à vrai dire, si c'est bien plus qu'un cabinet, ce n’est encore qu’une galerie à proportions
mesquines, et qui devra un jour disparaître, car lo moment viendra où la science des Dau-
bonlnn, des Cuvier, des de Mainville, exigera, pour être développée dans l'ordre de l'organi-
sation animale , qu’un véritable Musée zootomique puisse renfermer sans confusion toutes les
parties des animaux , depuis les pins petits jusqu'à ceux dont In taille est la plus gigantesque.
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184 DEUXIÈME PARTIE.
Avant «le pénétrer «Inns cette galerie, où sont déposés et entassés les restes précieux de tous
les animaux morts depuis plus d'un siècle à la Ménagerie de \ersailles et à celle «le Paris, et
ceux venus de toutes les parties du globe,
il est indispensable de vous dire qu'en anato-
mie comparée il faut d'abord placer l'Homme
moral en dehors et au-dessus du Régne
animal , cl procéiler «le l'Homme physi«|ue à
l’Éponge, parce que l'anatomie de l’Homme,
ayant été étudiée la première et le plus long-
temps, c’est elle nécessairement «jui «‘St la
mieux connue «lans s«-s «létails et dans ses
profondeurs ; elle doit donc fournir le point
de départ, et le principe de l'ordre «|u'il a
fallu suivre dans l'arrangement «les pièces
anainmiigics naturelles ou artificielles qui
doivent figurer dans un cabinet tout prêt à
se transformer en Musée.
Parcourons maintenant les galeries «lans
l’ordre que les surveillants de la collection
ont «lit demander à l'architecte. Cet ordre ne
coïncide pas avec la pensée de G. Cuvier,
mais il est facile «l'y remédier, et nos indications vous mettront sur la voie qui vous facilitera
l'intelligence de la portion la plus riche de la collection ; vous reconnaissez d'abord qu’il
s'agit des squolettes de l'Homme et de ceux des animaux «jui s’en rapprochent le plus, c'est-
ù-ilire «les Mammifères principalement, puis des Oiseaux, «les Reptiles et «les Poissons.
VOUTE ET PORTE-COCnÈHE DU CABINET D'ANATOMIE COMPARÉE.
Sous celte voûte sont deux portes : celle de droite sert à l'entrée , et celle de gauche à In
sortie. Sur chaque côté de ces deux portes , vous voyez «le gramls os qui ressemblent à des
côtes et qui sont des mâchoires inférieures de Baleines.
Au rez-de-chaussée
Sont deux salles auxquelles conduisent les «leux portes latérales de cette voûte. Ces deux
salles renferment les squelettes des plus gramls animaux , «ju'il a été impossible de disposer
«lans l'onlre anatomique. Il faut donc suivre les avis que nous vous donnerons pour rétablir
l'ordre suivi dans la collection par G. Cuvier et de Blain ville.
PREMIÈRE SALLE DP REZ-DE-CHAUSSEE.
En entrant par la porte de droite :
Parcourez rapidement cette salle, qui renferme des squelettes de Mammifères de toutes les
dimensions. Ces squelettes appartiennent à des Cétacés et au groupe des Carnassiers. Nous y
reviendrons quand Cuvier nous le prescrira.
Au fond de cette première sallo du rez-de-chaussée est une grande porte qu'il vous faudra
ouvrir , si vous voulez voir en raccourci tout le Règne animal. Allez vous placer sur les gra-
dins du milieu de cet amphithéâtre , et vous aurez en face de vous la chaire du professeur, et
au-dessus de celle chaire vous verrez , sur une grande étagère , la série de tous les animaux
vertébrés ou à os, depuis les Singes jus«|u'aux Poissons; puis, sur une étagère inférieure, à
gauche, la série des animaux articulés extérieurement, depuis le Hanneton jusqu'au Ver le
plus simple ; puis , enfin , sur uno étagère à droite , la série de tous les animaux inférieurs ,
depuis les Poulpes et l’Escargot jusqu’à l’Éponge.
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ANATOMIE COMPARÉE. I8i
Ce sont les squelettes des Vertébrés qui occupent le plus de place dans cette collection, et
il a fallu employer, pour les contenir, neuf salles sur treize. Sur ces neuf salles , six contien-
nent les squelettes des Mammifères, en y comprenant l'Homme. Voici, avant de commencer
notre examen , l'ordre d’exposition dos squelettes des Vertébrés :
I. Salle des squelettes et des têtes osseuses de l'Homme, contiguë à la grande salle des
squelettes des Baleines. Rez-de-chaussée.
Escalier qui conduit au premier étage :
II. Collection des têtes osseuses de l’Ilomme et des Mammifères , à la première salle du
premier étage.
III. Salle des têtes osseuses des Oiseaux, Iteptiles , Poissons , renfermant un grand nombre
d’autres partios osseuses pour les études de détails ; plus , quelques monstruosités.
IV. Salle de choix de squelettes de Mammifères , depuis le Chimpanzé jusqu’à t’Omitha-
rhynque. Il faut maintenant considérer commo des succursales de cette salle :
V. La promière salle de droite au rez-de-chaussée, oü sont des squelettes de Baleines,
d'autres Cétacés , et du Carnassiers.
Et VI , la salle de gauche , au rez-de-chaussée , qui renferme les squelettes des grands
Pachydermes et des Ruminants.
Après l’examen de ces six salles destinées aux squelettes des Mammifères , on doit voir la
quatrième du premier étage, qui fait suite à celle des petits Mummifèrcs. Cette quatrième salle
du premier étage est destiuée aux squelettes des Oiseaux.
La cinquième salle du premier étage renferme les squelettes des reptiles et une portion des
squelettes des Poissons.
Toute la sixième salle est affectée au restant des squelettes des Poissons.
Nous allons maintenant vous donner succinctement une idée générale de chacune de ces
collections particulières , tout en vous indiquant les soins pris par les professeurs pour favo-
riser les études de détails.
DEUXIÈME SALLE Dli REZ-DE-CHAUSSÉE.
C'est celle des squelettes de l’Homme. La plupart de ces squelettes sont d'individus de la
race caucasique, à laquelle appartiennent la majorité des nations européennes et de celles de
l’Asie et du nord do l’Afrique.
A votre gauche, en entrant, sont des squelettes de Français, d'Italiens, de Hollandais,
d'Anglais , etc. Sur votre droite sont des squelettes d'individus do la race éthiopique , ou
nègres , et do races croisées , mulâtres.
R n’v en a point encore de la race mongolique.
Les particularités , ou les squelettes les plus curieux qu’il vous faudra remarquer, sont :
1° Trois squelettes de momies égyptiennes, dont deux sont de femmes, et le troisième,
placé entre ces deux premiers, qui offre des traces d’un grand nombre do fractures qui avaient
toutes été guéries ;
2° Lo squelelto du jeune Syrien Solyman cl Hhaleby, assassin do Kléber, général en chef
de l'armée française en Égypte ; — il fut condamné & être empalé après avoir eu la main
brûlée ; la brûlure de la main en a seulement noirci les os ; le pal avait déchiré les organes du
bas-ventre, fracturé le sacrum, deux vertèbres des lombes, et s'était enfoncé dans le canal do
la moelle épinière ; nonobstant des blessures aussi graves, Solyman cl Hhaleby survécut six
heures à son supplice , et en supporta les souffrances sans se plaindre ; ce squelette a été
donné au Muséum par M. le baron Larrey, chirurgien en chef des armées françaises sous
l’empire j
3° Le squelette de Bébé , nain du roi de Pologne Stanislas ;
4° Le squelette de la Vénus hottentote; sous ce nom était désignée uno femme boschimano
que l’on montrait comme objet de curiosité , et qui est morte à Paris : son corps a été moulé
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DEUXIÈME PARTIE.
en plâtre cl se trouve actuellement dans le Cabinet d’anatomie humaine dirigé par M. Serres ;
5° Le moulu en plâtre d'un squelette donné au Muséum par M. Iteuvcns, directeur du
Musée des antiquités do l'Université de Leyde ; à ce moule est jointe l’inscription suivante :
Sipielette présumé être celui d'une jeune Humaine , trouvé en 1828 dans les fouilles
faites à Avensburg , commune de Wooburg, prés La Haye, sur l'emplacement du
forum Adriani.
6° Le squelette de la femme Supiot , dont Morand a donné l'histoire dans les Mémoires de
l’Académie îles sciences en 1753. Celle femme était atteinte d’un ramollissement des os. Mais
ce squelette, de même que plusieurs tètes osseuses d'hommes difformes, nous semblent
devoir plutôt figurer dons un Musée d’anatomie pathologique que dans la galerie de squelello-
logie humaine d'un Musée d'anatomie comparée.
La collection des squelettes de l'Homme est, sans nul doute, bien incomplète; mais elle
suflit pour le moment aux besoins de la science.
Il fallait connaîtra les modifleatinns que l'Age apporte : t° dans les mâchoires pendant la
pousse et après la chute des dents ; 2° dans lo crâne des sujets jeunes et vieux , et c'est
pourquoi il a fallu réunir cette série de tètes osseuses de l’Homme que vous voyez placées
au-dessus des squelettes.
Le Cabinet d'anatomie a eu l’insigne honneur d'abriter, pendant les dernières années du
siècle dernier, les restes de Turenne, arrachés au monument que lui avait élevé la reconnais-
sance nationale et de les préserver de nouvelles profanations. Ces précieux ossements qui ne
durent leur conservation qu’à l’égide protectrice d’une étiquette banale, furent replacés avec
le plus grand respect, par les soins d'Alexandre Lenoir, qui les avait confiés à la garde du
Muséum, dans le mausolée qui avait été élové jadis, et que l’on admira encore aujourd’hui
dans l'église du Dème des Invalides, à côté du tombeau de l’empereur Napoléon I«.
Au milieu de cette salle des squelettes humains, sont disposées sur une table des tètes
osseuses d'Éléphants. Mais, dans l'ordre scientifique du Cabinet, co n'est point là leur place.
Nous vous engageons ici à prendre noto do l’une de ces tètes d'Éléphant, celle qui est sciée
longitudinalement dans son milieu, où vous remarquerez combien la cavité du crâne est petite,
quoique la tèto soit très-volumineuse.
Nous devons faire remarquer ici que la collection des tètes osseuses des Vertébrés, depuis
et y compris l’Homme, commence déjà dans la salle des squelettes humains.
Il semblait aussi qu’on aurait dû y commencer la collection des colonnes vertébrales, des
côtes , des sternums , mais il n'y avait pas fiossibilité , ou d'autres raisons.
C'est dans celte même salle des squelettes humains que vous voyez en haut do deux murs :
1° les os dos hanches qui, avec le sacrum, forment la ceinture coxale; 2° les os des épaules
qui forment la ceinture scapulaire.
L’osléologie comparée des membres des Vertébrés commence donc dans la salle des sque-
lettes humains ; mais on ne trouve dans cette salle que les os des épaules et des hanches des
Mammifères, et ceux des bassins des Oiseaux. Nous verrons que les os dos épaules des
Oiseaux étant unis très-solidement à leur sternum, celle particularité, exigée pour l'action du
vol , nécessite un autre genre de préparations qui forment une étude en quelque sorte à part.
Nous pourrions vous présenter ici un aperçu rapide des modifications et des grandeurs
proportionnelles des os des hanches et des épaules , mais comme ces particularités se lient à
la forme générale des squelettes des animaux vortébrés , qui sont ou terrestres , ou aérieus ,
ou aquatiques , une vue générale de l’ensembln de ces modifications sera plus convenable
lorsque nous serons dans les salles des squelettes entiers des diverses classes de Vertébrés.
Il faut maintenant vous faire remarquer les objets placés dans la pièce oh se trouve
l’escalier qui conduit de la salle du rez-de-chaussée (pièce des squelettes humains) au pre-
mier étage.
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ANATOMIE COMPARÉE. 187
On voit dans renfoncement » sous cet escalier, la collection des os du liras, de la cuisse, et
de ceux do l’avant-hras et de la jambe des Mammifères.
On a aussi placé sur les iiuatrc murs do l'enceinte de cet escalier des tètes osseuses d’flip-
pnpntames et de Taureaux,
On a donc profilé de l'emplacement de cet escalier pour continuer la collection dus tètes
osseuses et celle des membres.
SALLE DES TÊTES OSSEUSES DES MAMMIFÈRES.
Arrivé au haut de l’escalier, vous vous trouver, en face d’une porte, toujours fermée ; c’est
celle du cabinet du conservateur de la collection. A votre droite est la porte de la première
salle du premier étage.
Entre cette porte et la croisée qui est en face est une grande armoire vitrée dans tous les
sens, dans laquelle sont disposées des tètes humaines de diverses races et peuplades, qui sont
dues aux soins des voyageurs expédiés par l'administration du Muséum , et des médecins
naturalistes attachés aux expéditions scientifiques.
La forme de la tète do l’Homme , comprenant le crâne cl la face, est si généralement
connue, quo nous devons nous borner ici à en signaler lo caractère principal et le plus
saillant :
Ce caractère est la grande étendue du crâne qui renferme le cerveau le plus volumineux , et
la proportion moindre de la face ou des deux mâchoires.
Les autres tètes sont ici disposées dans les armoires adossées aux murs de la salle, en
procédant des Singes aux derniers Mammifères qui , suivant la méthode de G. Cuvier , sont
les Cétacés.
La première armoire à gaucho, en entrant dans cette salle, est celle des tètes osseuses do
Chéiroptères, ou Chauves-Souris, et d’insectivores; puis celles des Carnassiers terrestres et
aquatiques ; puis enfin celle des Rongeurs, des Pachydermes, des Ruminants, des Edentés et
des Cétacés.
Toutes les différences de formes et de proportions entre lo crâne et la face, ou les mâchoires,
que vous pouvez remarquer dans cette série do tètes , en général pourvues do dents , ont été
étudiées en prenant la tèlo osseuso de l’Homme pour type. Or, toutes ces différences peuvont
se réduire à la considération pratique des usages quo la lèto osseuse remplit. El ces principaux
usages sont faciles à constater. On sait , en effet , que la tète sert d’abord à contenir l’organe
des manifestations de l’intelligence (cerveau) , et quatre sens ; savoir : celui île l’odorat , du
goût , de la vue et de l’ouîo ; qnc, par sa forme, elle se prête aux divers genres de locomotion
terrestre, aérienne, aqnatique; et qu’enfin elle se modifie aussi suivant les divers genres do
mastication et de respiration dans l'air cl dans l’eau.
Avant de sortir de la salle dos tètes osseuses des Mammifères, jetez un coup d'œil sur les
deux tables entre lesquelles est placée l’armoire vitrée des tètes osseuses do races humaines.
On y a disposé un choix do pieds de devant ou mains et un choix de pieds de derrière dans
la série des Vertébrés ; ces extrémités osseuses des deux membres sont placées sur le plan
supérieur de ces deux tables. Lo plan moyen et lo plan inférieur de ces tables portent des
bottes vitrées renfermant des colonnes vertébrales, des côtes, des membres ou nageoires paires
et des nageoires impaires des Poissons.
DEUXIÈME SALLE DU PREMIER ÉTAGE, OU SALLE DES TÊTES OSSEUSES DES
OISEAUX, DES REPTILES ET DES POISSONS.
Dans la série des tètes osseuses de ces trois classes d'animaux, que l’on réunit sous le nom
commun de Vertébrés ovipares, il suffisait de faire un choix dos espèces les plus remarquables,
et c’est ce qui a été fait dans cette partie de la collection ostéologiquo.
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188 DEUXIÈME PARTIE.
Vous voyez reparaître ici des tètes osseuses de Mammifères, mais ces UMes sont celles do
jeunes individus; et les os <]ui entrent dans leur composition sont disposés par ordre dnns des
boites vitrées pour en faciliter l’étude et la comparaison avec les mêmes os des tètes des autres
Vertébrés.
Les têtes osseuses des Oiscaui présentent cette particularité que toutes les pièces qui les
composent se soudent de bonno lieure entre elles, ce qui n'a pas lieu dans la plupart des
Mammifères , ni dans les Reptiles et les Poissons. Chez ces deux dernières classes de Verté-
brés, même très-avancés en âge, les os do la tête sont le plus souvent séparés entre eux. Il
n’y a point lieu de distinguer des pièces séparées dans les crânes et les os des mâchoires des
Poissons cartilagineux et fibreux. Ces trois parties de la tête, c'est-à-dire le crâne, la mâchoire
supérieure et l’inférieure , y sont chacune d'une seule pièce.
Les bottes renfermant des têtes désarticulées de jeunes Mammifères et dos têtes d'Oiseaux
sont sur les étagères à gauche en entrant.
Des têtes do Reptiles, Tortues, Crocodiles, Lézards, Serpents, Grenouilles , Salamandres,
sont dans la première armoire à droite.
Un cortain nombre de squelettes monstrueux et des os préparés pour l’élude do leur inté-
rieur sont déposés dans la deuxième armoire à droite. Dans une troisième armoire , toujours
à droito de la porto d’entrée , sont placés le squelette d’un jeune Hippopotame et celui d’un
jeune Ours, et un grand nombre de squelcttos de jeunes Oiseaux Gallinacés, Palmipèdes, etc. ,
qui ont servi à Georges Cuvier pour ses études sur le développement du sternum des Oiseaux.
On voit encore , dans cette troisième armoire , une série do squelettes d'embryons et de fœtus
humains.
l'no quatrième armoire, située en face de l’armoire dos têtes de Reptiles, etc., contient une
série nombreuse de préparations de sternums et d’épaules d’Oiseaux adultes. Ces préparations
sont très-utiles aux élèves pour comprendre les vues théoriques publiées sur ce sujet par
M. de Blainville et M. L’Herminicr, son élève.
Dnns une cinquième armoire, plus pctitoel contiguë à la précédente, on voit la préparation
squelettologiquc, au moyen de laquelle M. de Blainville démontrait dans scs cours ses principes
sur la disposition générale des pièces du squelette des Vertébrés.
Enfin , sur les étagères qui sont à droite de la porte qui conduit à la troisième salle du pre-
mier étage , on voit encore un très-grand nombre de boites vitrées qui renferment des prépa-
rations d'os do la tête d'un certain nombre de Poissons.
Au milieu de la deuxième salle du premier étage, on a pratiqué une grande ouverture
circulaire , garnie d’une balustrade en fer, pour éclairer la première salle du rez-de-chaussée,
oh sont les squelettes de Baleines.
La deuxième salle du premier étage reçoit le jour par deux lucarnes, et, quand on le veut,
par une croisée pratiquée dans le mur du cêté do l'est. Cette croisée est en face de la porte do
communication entre la deuxième et la troisième salle. Dans l'embrasure de cette croisée sont
deux grandes défenses d'Éléphant.
TROISIÈME SAI.I.E Dl! PREMIER ÉTAGE.
On a disposé dans cotte salle un choix de squelettes do Mammifères qui ont pu être placés
dans les armoires. On y voit, en effet, un nombre considérable de squelettes de Quadrumanes
ou Primatès dont on vous a donné une description succincte, en les divisant en Singes pro-
prement dits ou Pithèques , en Sapajous ou Cébus , et eu Lémuriens ou Makis , en traitant de
la singerie.
L'élude des squelettes de ces Quadrumanes est du plus grand intérêt lorsqu'on veut entrer
dans l'explication des particularités des mœurs des animaux de cet ordre. Mais nous n’aurions
ni le temps , ni la volonté de vous en entretenir ici , et nous devons vous engager à jeter un
coup d’œil sur le squelette du Chimpanzé qui a vécu plusieurs années chez Buffon , et celui
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ANATOMIE COMPARÉE. 189
d'un Oraug-Oulan adulte dont la tête et surtout le crâne vous présentent la physionomie d'uno
bête féroce.
Les squelettes de Lémuriens ou du sous-ordre des Makis sont aussi très-dignes do votro
attention , surtout ceux de l'Aye-Ayo , des Indris , des Loris et du (ialago , et enfin celui du
Galéopithéque qui ressemble beaucoup à ceux des Cbeiropleres. Dans ceux-ci, tout le squelette
est modifié pour le vol et le régime insectivore.
Viennent ensuite les squelettes des Quadrupèdes insectivores plus ou moins fouisseurs ou
nageurs que vous connaisse! sous les noms de Taupes, do Musaraignes, de Desmans, de
Hérissons , de Tenrees. Parmi ces squelettes d'insectivores , remarquez surtout celui du
Macroscélido qui uous vient de l'Algérie et qui avait besoin de sauter pour atteindre les saute-
relles dont il fait sa nourriture.
Vous ne pouvez trouver dans cette salle que des squelettes de Carnassiers do moyenne et
de petite taille. Vous n’avez donc sous les yeux que celui des principaux genres de la classe
des Mammifères.
Vous reconnaissez ainsi l'indispensable nécessité de considérer, comme une succursale de la
troisième salle du premier étage, colle du rez-de-chaussée oii vous avez pu remarquer les
squelettes de Loups , de Chiens , de Renards , de Tigres , de Lions et d'Ours.
Dans l'ordre suivi pour l'exposition des squelettes de la troisième salle du premier étage,
après les armoires contenant les squelettes des petits et des moyens Carnussiers, viennent les
squelettes des Marsupiaux, puis ceux d'un grand nombre de Rongeurs, ceux des Édentés ut
des petits Ruminants, et enfin les squelettes de l’Échidné et de l'Ornithorynque, par lesquols
se termine la série des squelettes des petits Mammifères de cette salle.
Il a bien fallu transporter ailleurs les squelettes des Pachydermes ( Éléphants , Rhinocéros,
Tapirs, Chevaux, Cochons), et ceux des Ruminants (Chameaux, Girafe, Cerf, Daims, Rennes,
Élans, Antilopes, Chèvre, Bélier, Bœuf) ; c’est pour cette raison qu’il vous faut oncoro consi-
dérer la salle du rez-de-chaussée où sont tous ces squelettes comme une deuxième succursalu
de la salle des squelettes des Mammifères au premier étage.
Mais celte grande classe de Mammifères, qui tous nourrissent leurs petits avec du lait, ren-
ferme eucoro les Cétacés , distingués par Cuvier en Herbivores ( Lamantins , Dugongs) , et en
Souffleurs (Dauphin, Marsuuin, Narval , Cachalot et Baleine). Or, les squelettes de la plupart
do ces animaux, même dans leur très-jeune âge, n'auraient pu être renfermés dans les armoires
des salles du premier étage, ot on a été forcé de placer tous les squelettes de Cétacés qu'on
possède dans la grande salle du rez-de-chaussée, où vous avez dû remarquer le squelette do lu
Baleme , dont la partie supérieure do la bouche est toute garnie de fanons. Les squelettes des
Cétacés occupent , en effet, le plus do place dans cette salle où sont disposés à gauche , le
long du mur du nord, les squelettes des Carnivores (Tigres, Lions, Ours). Cette salle du rez-
de-chaussée, où l’on a réuni les squelettes des Cétacés ot des grands Carnassiers , est donc,
comme nous l'avons déjà dit , une véritable succursale de la troisième salle du premier étage,
où sont les squelettes des petits et des moyens Mammifères.
Mais ces deux succursales n’ont pas suffi, et il y a eu nécessité impérieuse de placer le
squelette du Cachalot dans la cour située au nord du Cubinet d'anatomie comparée.
Pour compléter cet exposé sur la collection des squelettes des autres Vertébrés, nous
avons encore à visiter la salle des squelettes des Oiseaux , celle des squelettes des Reptiles,
d’une partie des Poissons , et enfin colle où l'on a réuni le restant des squelettes des Poissons.
QUATRIÈME SALLE DU PREMIER ÉTAGE.
Le même nombre d’armoires que dans lu salle précédente a suffi pour contenir un nombre
convenable de squelettes d'Oiseaux des divers ordres, en procédant dos Rapaces ou Oiseaux
de proie , aux Palmipèdes les plus nageurs et ne volant plus.
Il a été inutile d'avoir pour cette salle d’autres succursales , puisqu'on s'est attaché à faire
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190 DEUXIÈME PARTIE.
entrer les Oiseaux les plus grands (Autruche» Casoar) dans les armoires disposées pour les
contenir.
L’ordre de l’exposition des squelettes des Oiseaux est le suivant :
Squelettes île...
CINQUIÈME SALLE DU PREMIER ÉTAGE.
Les armoires à droite et h gauche» en entrant dans cette salle» contiennent les squelettes
des Reptiles.
L'ordre d'exposition est » suivant G. Cuvier :
/ Squelettes «le Chélnniens (Tortues).
Squelette* de \ Id. «le Sauriens (Crocodiles, Lézards).
Reptiles, à Id. d'Ophidien* (Serpents).
\ Id. de Batraciens (Grenouille*, Crapaud*, Salamandres , etc.).
Le nombre considérable de squelettes de Poissons qui composent celte partie do la collec-
tion anatomique a exigé une partie des armoires de la cinquième salle et toutes celles de la
sixième du premier étage.
CINQUIÈME ET SIXIÈME SALLES DU PREMIER ÉTAGE.
Malgré les difficultés que présente le classement des familles très-nombreuses des Poissons,
nous vous ferons remarquer que les grandes divisions ou les sous-classes do ces Vertébrés
ovipares tous aquatiques ont pu être établit*» d’après la nature de leur squelette.
Vous savez quo les Poissons sont : les uns osseux , les autres subosseux , c’est-à-dire non
entièrement osseux , et les troisièmes cartilagineux.
Nous devons vous faire remarquer ici que les squelettes des Poissons sont également con-
formés pour le vol, comme chez l’Exocet; pour la nage en général, et quelques-uns pour
ramper sur le sol, hors de l’eau, comme l’Anguille.
Parmi les Poissons cartilagineux, dont les uns (Esturgeons, Squales) nagent à la manière
des Poissons osseux normaux (Carpes, etc.), dont les autres se meuvent dans l’eau en ser-
pentant comme les Anguilles (Lamproies, Myxines), nous devons vous faire remarquer le
squelette des Raies, dont les nageoires paires antérieures sont transformées en ailes aquatiques
pour voler dans l’eau à la manière des Oiseaux dans l’air.
De l’exposé succinct des principales formes des squelettes des Vertébrés dont nous vous
avons présenté quelques figures, il résulte que le tronc et les membres se modifient pour les
trois sortes de locomotion, qui sont elles-mêmes très-variées (marche, grimper, fouir, ramper,
saut), (voltiger, vol), (nage au moyen du tronc, ou de la queue, ou des membres). C’est aux
exigences physiologiques pour l’exécution «le ces mouvements de translation des Vertébrés en
général, que sont dues les principales différences des formes, du tronc et des membres.
Voici en quoi consistent ces principales différences :
1° Le squelette du tronc est, en général, raccourci dans ses parties moyenne et postérieure,
pendant que les membres de devant sont, en général, très-développés chez les Vertébrés de
chaque classe (Mammifères, Oiseaux, Reptiles, Poissons) qui volent.
2° A l’égard de ceux qui marchent de diverses manières , depuis le saut jusqu’au fouir et
au ramper, le squelette est encore modifié dans les parties moyenne et caudale du tronc et
Rapace*,
Grimpeurs,
Passereaux,
Gallinacés,
Echassier* ,
Palmipède*,
Méthode de G. Cuvier.
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101
ANATOMIE COMPARÉE,
surtout dans les membres de derrière , qui sont très-développés pour le saut , dans ceux de
devant, qui deviennent très-forts pour le fouir. Enfin, lorsqu'un Vertébré doit se mouvoir en
rampant, les membres se raccourcissent de plus en plus, disparaissent d'abord à l’intérieur;
on en trouve encore les rudiments ou vestiges sous la peau, et bientôt les vestiges des mem-
bres ne se retrouvent plus.
3° Lorsqu'un Vertébré devient de plus en plus nageur, soit à la surface, soit dans l’intérieur
de l’eau, les extrémités des membres prennent les formes de nageoires, et le corps, devenant
de plus en plus pisciforme, est alors caractérisé par la grande proportion de la queue, qui est
elle-même garnie d’une nageoire horizontale dans les Cétacés , et verticale dans les Reptiles
et les Poissons.
SEPTIEME SALLE DU PREMIER ÉTAGE.
En entrant dans celte salle, vous vovoz à votre gaucho une statue d’homme en plâtre peint,
qu’on nomme V Écorché de Bouchardon. Vous pouvez y distinguer les muscles de la tête, du
tronc et des membres , du moins tous ceux qui en forment les couches superficielles.
On eût pu recourir aux préparations artificielles de myologie humaine du docteur Auzoux,
qui permettent d’entrer dans la plupart des détails descriptifs de cette hrauche de l’anatomie
de l’Homme; mais le cadavre ou l’écorché artificiel du docteur Auzoux est plus propre à
l’étude des détails qu’à une vue exacte d’ensemble des muscles de squelette, et l'assemblage
de pièces qu’on peut replacer après les avoir démontées ne peut être assez exactement fait
pour qu’on puisse obtenir un résultat vraiment artistique.
Si vous avez trouvé quelques squelettes de Races ou variétés de l’espèce humaine, ne vous
attendez pas à avoir de même une série d’écorchés do chacune de ces races ou variétés.
L’Écorché que vous avez sous les veux est un exemplaire tiré d'un moule d’un individu de la
race Gaucasique.
Une collection pour l’étude do la Myologie comparée serait beaucoup trop étendue , s’il fal-
lait exposer à vos regards toutes les différences que les muscles de la tête , du tronc , des
membres de l’Homme, des Mammifères, des Oiseaux, des Reptiles et des Poissons présentent
lorsqu’on les observe comparativement.
Il a donc fallu se borner à un certain nombre de préparations, soit artificielles en cire ou en
plâtre peint, soit naturelles et conservées dans l’alcool.
Il vous suffira de jeter maintenant un coup d’œil sur les étiquettes des cases oü sont ren-
fermées les préparations do Myologie comparée pour vous assurer qu’on a eu soin de faire un
choix de ce genre de préparations anatomiques dans les classes de Mammifères, d'Oiseaux,
de Reptiles et de Poissons.
Eu outre des Myologies de l’Homme en cire , vous remarquerez les plâtres peints qui vous
donnent une idée des muscles du Kanguroo, de ceux du Bélier, et des muscles du Cheval et
du Lion.
HUITIÈME SALLE. NÉVROLÛGIE COMPARÉE; SALLE DES PRÉPARATIONS DES
ORGANES DE LA SENSIBILITÉ.
Dans cette huitième salle du premier étage, on a disposé les préparations soit en cire, soit
en plâtre, soit naturelles des cerveaux, des moelles épinières et des sens de tous les Vertébrés.
Le nombre de ces préparations est sinon complet, du moins plus que suffisant pour l’étude et
pour donner une idée de la variété et des degrés de composition des centres nerveux et de
chacun des sens, au moyen desquels l’animal peut apercevoir, entendre, flairer sa proie ou
son ennemi, et goûter ou distinguer les aliments qui lui conviennent. La huitièmo salle du
premier étage, où sont déposées toutes ces préparations, peut donc être considérée comme la
collection de la Névrologie comparée, en y rattachant les organes des sens d’après la doctrine
de G. Cuvier.
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192
DEUXIÈME PARTIE.
Les figures qui suivent représentent :
1° Le cerveau et la moello épinière d’un Vertébré Mammifère, qui sont renfermés dans le
crâne et ta colonne vertébrale; au-dessous do la moelle est le cordon ganglionnaire des nerfs
des viscères.
2° Le cerveau et la sério des ganglions, ou moelle noueuse d'un Animal articulé, placée du
côté du ventre ; au-dessus de cette moelle noueuse est le cordon des nerfs des viscères.
3° Le collier nerveux autour île l'œsophage, et les nerfs qui en partent, chez les Mollusques ;
le cordon des nerfs des viscères se voit encore du côté du dos.
A" Le pentagone ganglionnaire et nerveux de quelques Auimaux rayonnés.
Les préparations des organes des sens (toucher, vue, ouïe, odorat , goût) sont très-nom-
breuses; les unes sont sèches, les autres en piètre , cl plusieurs dans la liqueur. Il serait à
désirer qu’on exécutât des imitations en cire très-grossies des principaux appareils et organes
de seusation les plus remarquables dans la série animale. Il nous serait impossible de figurer
ici tous les organes des sens ; nous nous bornons à donner les figures du globe de l'œil do
quelques Vertébrés et Invertébrés,
Les figures indiquées par les N" I, II, III, IV, V, VI, VII représentent les yeux du Lynx (I),
de la Baleine (II), d'un Oiseau (III), d'uno Tortue (IV), d'un Poisson (V), d'un Insecte (VI),
d’un Mollusque Céphalopode (VII) .
NEUVIÈME SALLE DU PREMIER ÉTAGE, OU SALLE DES PRÉPARATIONS DES
VISCÈRES DES ANIMAUX VERTÉBRÉS.
C'est ici que sont exposés dans un espace encore trop resserré tous les organes connus
sous le nom de Viscères ou d’entrailles. Ceux de la digestion , de la circulation , de la respira-
tion et des sécrétions y sont encore disposés en procédant toujours depuis l'Homme jusqu'au
dernier Poisson.
DIXIÉME SALLE DU PREMIER ÉTAGE, OU SALLE DES PRÉPARATIONS DES
ANIMAUX INVERTÉBRÉS.
Les premières armoires de cotte salle, celles à gauche en entrant, contiennent des monstres
humains et de Vertébrés et un grand nombre de fœtus de ces animaux. La place occupée par
toutes ces pièces devra être bientôt envahie par celles relatives à l’anatomie comparée des
Invertébrés. Toute la partie de la collection des organes do ces animaux nous semble , ainsi
que nous l’avons déjà fait pressentir, avoir été laissée par C. Cuvier dans un état provisoire
ou d'attente , nécessité par l'état de la science et par le défaut de place ou à cause du nombre
insuffisant des aides.
En outre de cette collection d'anatomio des Animaux invertébrés qui se trouve dans les
armoires, on voit sur deux grandes tables des bottes vitrées qui contiennent des anatomies en
cire de Mollusques. Ces pièces artificielles qui ont, dit-on, servi au grand ouvrage de Poli,
célèbre naturaliste napolitain , ont été acquises par le Muséum , au moyen d'un échange fait
avec le professeur Hermann , de Strasbourg. Chacune de ces bottes porte le nom de l'animal
dont on a imité en cire l'anatomie.
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1(13
ANATOMIE COMPARÉE.
Il y a donc dans celte salle une collection d'anatomie d' Animant invertébrés cl point encore
d'anatomie comparée; nous considérons cependant comme un commencement d'exécution
les préparations du système solide des Insectes, des Crustacés et des Myriapodes qui sont
renfermés dans onze bottes vitrées , placées sous une grande table & droite en entrant.
Avant de vous introduire dans la 1 1” salle, où se trouve la collection du docteur Gall, nous
vous engageons à ne pas oublier de donner quelque attention i des pièces en cire qui imitent
l’anatomie de la Poule et le développement du Poulet, et à celles qui représentent les mêmes
objets observés chez le Lapin , la Couleuvre à collier et la Grenouille. Ln grand nombre de
préparations naturelles relatives aux rétifs et nu développement des Vertébrés et îles Inverté-
brés sont placées avec les viscères dont ils font partie.
ONZIÈME ET DERNIÈRE SALLE Dll PREMIER ETAGE , Oli SALLE DE LA
COLLECTION PII RKNOLOGIQLK DP. GAU.
Les masques, les piètres de tètes entières, nu les têtes osseuses d’un grand nombre d’indi-
vidus de l'espèce humaine, sont rangés sous trois principaux chefs, savoir : I» ceux qui ont
acquis une célébrité plus ou moins grande dans les sciences , les arts , etc. ; 2° ceux qui ont
commis des crimes plus ou moins grands, et enlin ceux qui, par l’exagération de leurs facultés,
ont élé atteints d'aliénation.
Nous vous engageons à remarquer dans cette collection les tètes nu les masques de plu-
sieurs hommes célèbres dans l'histoire, celles des criminels et des aliénés. Vous verrez aussi
dans le bas de l'armoire à gauche , entre la croisée et l'escalier, des têtes recouvertes de leur
peau, tatouées et préparées par les naturels de la Nouvelle-Zélande, qui sont encore anthro-
pophages, et qui les conservent comme des trophées de leur victoire.
Ici se termine la collection d'Anatomic comparée. Il faut maintenant descendre l'escalier
pour arriver dans la salle du rez-de-chaussée où se trouve la porte de sortie. Mais avant de
descendre cet escalier, nous vous engageons à porter vos regards sur les dessins do la tête de
l'Eléphant, et de celle du Rhinocéros de Sibérie, qui ont été donnés au Muséum par l’Aca-
démie impériale des sciences de Suinl-Pétorsbourg. Ces dessins sous verre sont en face du
haut de l'escalier.
Il vous faut aussi remarquer dans les diverses salles les plâtres des tètes du Mososaure et
du Dinothérium (première salle du rez-de-chaussée) , et ceux des squelettes du Plésiosaure et
de l'Icthyosaurc, l’un au bas de l’escalier qui conduit à la dernière salle (rez-de-chaussée) ;
les autres sur le mur, à droite de cette salle.
Vous n’avez plus maintenant qu’à parcourir rapidement la salle du rez-de-chaussée où se
trouvent les squelettes des Ruminants, c’osl-à-dirc des Baufs, des Boucs, des Moutons, des
Chameaux , des Girafes , des Cerfs , et ceux îles Pachydermes , c'est-à-dire des Eléphants , des
Rhinocéros , des Tapirs , des Cochons ou Sangliers , et des Chevaux ; ces derniers sont placés
en partie sur les côtés de la porte de sortie. En face de cette porte, et au fond de cette salle,
se trouve le squelette incomplet d’un animal fossile, le Mégathérium, dont l’espèce est perdue;
vous verrez qu'on n’en possède que quelques parties de la tête , du tronc et des membres.
Si des squelettes entiers de cet animal n’existaient point à Madrid , il serait possible de
restituer plus ou moins exactement toutes les parties qui manquent. Ces procédés ingénieux
de restitution des animaux perdus, quoique réellement empiriques, ont fourni à G. Cuvier des
vues hardies et très-contestables d’anatomie transcendante , qui , jointes à ses nombreux tra-
vaux, lui ont valu l’illustration dont il a joui pendant sa vie, et lui ont mérité la reconnaissance
de scs élèves et de scs contemporains.
A. L.
23
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Il n'y n point d'étude pins digne de notre attention et de notre intérêt que celle de notre
propre espèce, et, de même que l'Homme occupe le premier rang parmi les créatures, les
sciences qui le concernent doivent être nu premier rang parmi les sciences naturelles. Cette
vérité est aujourd'hui généralement admise; une foule de savants consacrent leurs veilles à
des travaux relatifs à l'Homme, et le précepte do Socrate : Connais-toi toi-méme, reçoit tous
les jours une application plus étendue. Cependant le Muséum semble f'tre demeuré étranger à
ce mouvement. Ce bel établissement, si riche en collections de tout genre, ne possède pas
encore une galerie d’anthropologie. Le premier et le plus intéressant de tous les animaux ne
figure pas dans ce palais où tous les animaux doivent être représentés. On y peut voir des
exemplaires de tous les Singes et de tous les Ours; mais on y chercherait vainement des
images de toutes les races d'Hommcs. C'est là une lacune qu'il est urgent de combler. Je
veux voir par mes yeux si en effet il y a plusieurs espèces d'Hommes bien distinctes; si le
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A N Tll BOP 0 1. 0(1 1 K. 105
Nègre est une variété du Singe ou de l'Homme; si c’est Voltaire qui a raison ou l’auteur de la
Genèse.
A quelles causes, nous demanderez- vous, faut-il attribuer la lacune que vous venez de
signaler? Est-ce indifférence, est-ce antipathie, est-ce oubli de la part des administrateurs?
Nullement; les administrateurs aiment avec une égale ardeur toutes les sciences dont la
direction leur est confiée; ils hâtent leurs progrès avec la même sollicitude, et n'ont pour
aucune d’elles ni répulsion aveugle, ni partialité exclusive. Ils ont pourvu à l'anthropologie
comme aux autres branches, et si lu galerie n’existe pas encore', ce n'est pas faute de maté-
riaux. On en a réuni un grand nombre que l’on doit aux soins de voyageurs distingués et sur-
tout à M. Dumouticr, qui a rapporté d’Asie une série de masques moulés sur (les indigènes de
Bornéo, do l'Inde et île plusieurs autres contrées où il s’est arrêté. Toutes ces richesses, fruit
de tant de fatigues, perdues jusqu'à co jour pour le public, vont enfin être livrées à l'admi-
ration des amis de la science : un local spacieux et disposé avec la méthode convenable
|iermcttra de saisir la liaison qui existo entre les variétés des différents types de l'espèce
humaine.
Voici bientôt six mille ans que l'Homme observe ses semblables et qu’il pose les fondements
de la science dont nous allons parler, et pourtant cette science, la plus ancienne de tuutes, est
peut-être lu moins avancée et la moins solidement assise, line multitudo de savants sont
venus, chacun armé d'un système, s'en disputer la possession. La lutte dure encore, et il est
impossible de prévoir à qui restera la victoire.
La première question à résoudre, quand ou s'occupe de l’homme, c'est de savoir daus quel
ordre île la série animale on doit le classer. Aristote le regardait comme un être tellement
supérieur aux animaux, qu'il aurait cru commettre un sacrilège s'il l'avait confondu avec
eux. Linné , au contraire , moins pénétré de notre mérite et de notre perfection , nous range
sans façon parmi les Primates, à côté des Singes et des Chauves-Souris. « On n'a encore pu
u découvrir, dit ce grand naturaliste, aucun caractère bien positif qui aulnriso à séparer
« l'Homme du Singe. »
Quoi ! l’être qui a mesuré la terre et les cioux, qui a décomposé! la lumière , qui a inventé
les langues, qui a construit tous ces beaux édifices, animé toutes ces statues; l'être qui a
dompté la vapeur et l’a rendue exécutrice fidèle de scs volontés; l'être qui pense et qui prévoit,
l’être doué de raison, no différerait dn Singe que par un plus haut degré d’intelligence! Lo
jour oh vous avez écrit cos lignes, honnête Linné, vous aviez sans doute à vous plaindre de
quelqu'un de vos semblables , et c’est ainsi que vous vous êtes vengé.
Deux professeurs du Jardin des Plantes, Daubcnton et Vicq-d'Azyr, entreprirent, dans lo
siècle passé, de réfuter Linné et de réhabiliter l’espèce humaine. Il ne leur fut pas difficile dn
démontrer que si l’Hnmme se rapprochait du Singe par son organisation , il s’en éloignait
réellement par ses facultés morales, et que , quelle que fût leur analogie apparente, il y avait
toujours un abîme entre eux.
Ite nos jours, un autre savant français, l'illustre Cuvier, a soutenu la même thèse et a
conclu à l'adoption d'une nouvelle classification, il a divisé les Primates de Linné en trois
ordres : celui des Bimanes ou des animaux à deux mains, qui comprend toutes les races
d’Ilommes; celui des Quadrumanes ou des animaux à quatre mains, qui renferme tous les
Singes ; et enfin l'ordre îles Chéiroptères ou des Chauves-Souris.
Nous savons très-bien quo l'Homme, si supérieur aux animaux par son intelligence, se
ravale souvent au-dessous d'eux par ses vices; nous n'ignorons pas qu'on l'a vu et qu’on le
voit encore tous les jours plus féroce que les Tigres et les Hyènes auxquels il donne la chasse ;
mais ses excès même ne sont-ils pas une nouvelle preuve de sa supériorité, et no dénotent-ils
fias une liberté d’action, une force de volonté et do réflexion dont la brute est incapable? L’abus
de ces facultés peut être la source des crimes les plus horribles, comme, en revanche, leur
emploi bien dirigé peut faire naître les vertus les plus sublimes.
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196 DEUXIÈME PAIITIE.
Voyons maintenant quels son! , d’après Cuvier, les caractères essentiels de notre es|>éce :
Station droite et perpendiculaire ; corps soutenu par les membres inférieurs , lesquels sont
développés en raison du poids qu’ils ont à porter; pieds plantigrades , pentadaclyles , non
préhensiles ;
Extrémités supérieures libres, à clavicules, terminées par des mains véritables, c'est-à-dire
par des organes propres au toucher ci à la préhension , et ayant un pouce opposable à tous les
autres doigts ;
Tête placée sur l'épine dorsale ; crâne développé dans les proportions du visage ; mâchoire
inférieure courte et symphyse ayant forme de menton ;
Dents nu nombre de 32, d'égale longueur et sans intervalle entre elles;
Hémisphères cérébraux très -prépondérants ; cerveau d'un volume proportionné à la multi-
tude de nerfs qui y aboutissent ;
Croissance lente, enfance longue , maturité tardive ;
Peau lisse ; point d'armes naturelles, ni offensives ni défensives ;
Deux mamelles pectorales ;
Coccyx court et recourbé.
L'Homme est, de tous les animaux, le seul qui ait une station droite, aisée et naturelle : la
capacité et la position du crâne, la structure du l'épine dorsale, le développement osseux et
musculaire du bassin et des extrémités inférieures 11e lui [KTincttraiont pas de se tenir autre-
ment. Les membres inférieurs seuls étant exclusivement destinés à la marche . il en résulte
que les membres supérieurs sont entièrement libres. Dans les Chimpanzés et les Orangs. lus
quatre extrémités sont tout à la fois des organes de locomotion et do préhension. Le Chim-
panzé peut, il est vrai, changer de place ou se tenant debout sur ses jambes, mais il se trahie
plutôt qu’il ne marche, et il est obligé à tout moment de s’appuyer sur ses membres antérieurs.
Les mains des Singes sont propres à saisir les objets; mais elles n’ont pas le caractère des
véritables mains; le pouce n’est pas opposable aux autres doigts, lue autre différence non
moins importante, c’est que les membres postérieurs des Singes sont préhensiles comme
ceux de devant, tandis que nos pieds sont exclusivement conformés pour la marche. L’Homme
a le cou moins gros, à proportion, que les Quadrupèdes, mais la poitrine plus large; il 11’y a
que le Singe et lui qui aient des clavicules.
Ici une autre question se présente ; question immense , question difficile , ou pour mieux
dire impossible à résoudre, et contre laquelle sont venus sc'briser tous les efforts des savants :
c’est la question des espèces et des races. Les hommes dérivent-ils tous d’un seul homme
comme le veut la Genèse, ou bien de deux ou plusieurs hommes de différentes couleurs?
Quand nous égorgeons nos voisins pour l'amusement de nos princes ou pour la satisfaction
de notre ambition, égorgeons-nous nos propres frères ou les descendants d’une autre souche
que la nôtre? Les philosophes, les naturalistes de tous les temps ont longuement étudié ces
questions, et de leurs profondes méditations, qu’est- il sorti? Comme toujours, des systèmes.
Si du moins ces systèmes étaient d’accord entre* eux, cotte harmonie leur mériterait jusqu'à nu
certain point notre confiance; mois ils se contredisent tous et se détruisent les uns les autres.
Nous nous garderons bien de les examiner et encore plus do les reproduire; uous n’en rappor-
terons qu’un seul, celui de Martin , qui est le plus récent, et, à notre avis, le [dus complet.
Il partage le genre humain en cinq races, chacune desquelles se subdivise en plusieurs
familles et tribus. Le tableau qu’il en donne, accompagné des caractères particuliers à chaque
race, nous a paru curieux et instructif. Le voici :
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WTHROPOUMÎIE.
197
TABLEAU DES RACES, FAMILLES ET TRIBUS
COMPOSANT LE GENRE HUMAIN.
Famille
relique.
Européens.
I. Race JAMtTtQil. Télé ovale; front ouvert; ncxl
proéminent; os des joues peu ou point saillants; 1
oreilles petites et fermées dents verticales ; mâ-
choires moyennes , avec un menton bien expr.meA
cheveux longs nouants , quelquefois crépus , mais J
jamais laineux; barbe épaisse; teint variable.
Asiatiques.
Africains.
- Pélagique.
I Teuton' 'que.
Slave.
f Tartare.
| Caucas’que
| Sémitique.
Sanscrite.
[ Miztairoi-
[ que.
/ Les anciens habitants de la
1 Gaule, d’une partie de l'Alle-
magne , de rilalic , de l’Kspa-
j gne, des lies Br. tarin ques et
peut-être de la Grèce.
| Les Grec* et leurs colonies.
/ Les Goths, les Vandales, les
: Allemands , les Francs , les
' Germains, les Angles.
( Les Russes^ les Polonais, les
/ Bohèmes, les lllyriens, etc.
( Les anciens Scythes, les
| Parthes , les Tar tare# , les
\ Usbecs, etc.
j Les Géorgiens, les Circas-
\ siens, les Mingrelicns.
/ Les Arabes, les Hébreux,
* les Chaldéens , les Phéni*
’ ciens, etc.
| Les div. nat on* de l’Inde.
ï Les anciens Égyptiens, les
] Éth.opiens, les Abyssiniens,
■ les Guanchcs, etc.
II Race keptcmenxb. Tête arrondie, quelquefois ,
comprimée sur les edtés; tête sub-ovale avec les 1
os des joues proéminents; yeux plus élogné» les i
uns des autres que dans la race japét que, et plus f
élevés aux angles temporaux; iris noirs; bouche
moyenne; lèvres relevées; cheveux longs, droits, 1
noirs; barbe rare et tant soit peu roide; mem- 1
bres bien formés ; piaules des pieds étroites; teint
basané , ou brun jaunâtre. /
III. Race noncole. Tête grosse et haute; visage ,
aplati; pommettes relevées, proéminentes; yeux 1 ^ ^
étroits, obliques; paupières saillantes, sourcils' c
arqués; nez écrasé; narines très ouverte*; men- l
ton dépoonru de barbe; oreilles larges-, bouche ’ Hyperboréens.
trèâ-fendue ; dents droites; teint jaune très-basané.
IV. Race procnathioue. Mâchoires grandes, proé-
minentes; dents incisives obliques; front étroit
tête comprimée de* deux cotés ; os des joues sail
tant»; lèvres épaisses; nez épâté; narines très-
ouvertes; cheveux laineux et embrouillés, quel-
quefois crépus, quelquefois rodes et longs ; barbe
riair-seméo et roide ; couleur noire foncée ou
basanée jaunâtre.
f Les indigènes de la presqu'île de Ma-
Malais. lace*.
\ Les Storas de Madagu>car.
/ Les indigènes de la Nouvelle-Zé'ande ,
\ des Iles Sandwich , des Iles de la So-
Polyné»ien$. ciété, etc.
j Peut-être les émigrants qui fondèrent
l’empire du Pérou et celui du Mexique.
/ Les Mongols, Tartares, Mantchous, Cal*
. moixks, Chinois, Coréens. Japonais, Thi-
' betains, Avanais, Pégnans, Siamois, etc.
I Ostiages , Tongouscs, Samoièdes, La-
I pons, Esquimaux , etc.
I Tous les nègres d’Afrique, les Cafres-
[ N'ainaquois, Coras, Gonaquois, Saabcs.
| Noirs aux cheveux laineux de la Nouvclle-
Afro- nègres.
Hottentots.
Papous.
Guinée, de la terre de Van Diemcn, les
Alfoutous.
V. Race occidentale. Front aplati; le sommet de\
la tête peu élevé; pommettes très-proéminentes; ! Colombiens,
ouverture des yeux linéaire, ordinairement obli- f
que; nez peu sa liant, quelquefois écrasé; bouche •
très-fendue ; dents légèrement obliques ; cheveux l ’ [jjf Sud'
longs, roide* , noirs; barbe très-clair-scmée; cou- ’
leur variable , brune, jaunâtre ou cuivrée. Patagons.
\ Papous de Madagascar
(Noirs aux cheveux droit* ou crépu» de la
Nouvelle-Guinée, de quelques lies de l’ar-
1 1 rhiprl indien, de la Nouvelle-Hollande, le*
. Virzembirs de Madagascar.
/■ Indigène* de l'Amérique du Nord, du
’ Mexique, de la Floride, du Yucatan, de la
\ Colombie.
| Indigènes des bonis de l’Amazone et des
sources sujiérieures de l’Orinoco, du Brésil,
\ du Paraguay, de l’inlérieur du Chili , etc.
I 1>e* indigène* de la Patagonie.
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198
DEUXIÈME PARTIE.
RACE JAPÉTIQUE.
KAUll.l.K CKI.T1QIE,
I.t Totii*#'Ar» mcj»r — Burto*
R *' M » n .
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WTHROPOLOC.IK.
190
FAMILLE SLAVE.
KAMI I .l .i : T A R T \ R P.
i:" (imnmi. Foi«\u«.
(Nki *■;
FAMILLE TARTARK.
F \ MILLE CVÜCASIQL’E.
l'»ftr»on IviüoviTii.-Kttaoici.
ClICtMtM.
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IIRI \ I K M K PARTIE.
2(H)
F UN 1.1. K SÉM1TIQI K.
F VMM. I. E SWSCRITE.
mor.
FAMILLE M I S l\ A 1 M I Q V F.
Cuu*E»iO»'.«Ai Tiiism,
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ANTHROPOLOGIE
201
KACE NEPTUNIENNE.
F A MILLE MALAISE.
F (MILLE POLYNÉSIENNE.
Maiai* da Scmrit.
ImikIaf or l'Us d'OüBaI
F VMILLK POLYNÉSIENNE.
Indicé*! ns Tahiti»
20
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DEUXIÈME PARTIE.
RACE MONGOLE.
FAMII.LIi MONCOLE.
FAMILLE IIYPEUBOnÉBXNË.
Cnnoii
IIIT
RACE PROGNATIQUE.
FUin.I.F. A F RO - X KG R F..
Cim
Sien l'Araigct.
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ANTHROPOLOGIE.
FA Ml U. R A F KO- N Eli R F.
203
FAMILLE 1IOTTENTOÏE.
Mm «Md io rr
K V M I l.l.li DES PAPOt S.
hnHi\t »( Y an Piiiiv
FAMILLE DES AI. KOI ROIS.
P* roc.
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201
BEI MÊME PARTIE.
RACE OCCIDENTALE.
FAMILLE COLOMBIENNE. FAMILLE DES PATAGONS.
TlitlK DtMUt, CM»» ifn Nou«it.
P
A T 4 G U 1
La question des espèces est loin d’èlrc vidée, nous le savons; on écrira encore bien des
volumes avant d’arriver à un résultat et de proclamer un principe qui prenne place dans la
catégorie des vérités universellement connues et universellement admises.
Peut-être en sera-t-il de l’unité d’origine des racos humaines comme do la réalité du déluge;
on a commencé par le nier hardiment ; puis , enfin , les preuves de son existence se sont
présentées en si grande quantité, qu’on a été obligé d’y croire et de le ranger parmi les
axiomes do la scicnco géologique.
Quoi qu’il en soit, nous sommes heureux de voir que ce principe, sur lequel repose la
grando ponsée do la fraternité des peuples , trouve partout des adhérents cl des défen-
seurs. Nous nous félicitons do voir que la science daigne enfin consulter quelquefois cet
instinct révélateur, cette voix secréte et inspirée qui parle en nous , et qui nous apprend sou-
vent dos vérités plus hautes et plus certaines que toutes cellos que découvre, en fouillant des
tombes, le scalpel curieux et patient de l'anatomie. Nous ne croyons pas que le rûle de la
science doive se borner simplement à l'examen cl à la discussion des faits matériels; sa mis-
sion est aussi do mettre ces faits et leurs résultats en rapport avec los besoins des temps, avec
les lois du cœur cl les vœux de la civilisation. Elle doit être un messager de paix et de conci-
liation ; elle doit s’attacher A propager parmi nous les lumicros de l’esprit , et non pas à nous
insuffler le feu de la guerre. Son flambeau no doit jamais devenir un brandon. Assez de germes
de discorde et do haine existent entre les hommes ; loin de chercher à les fomenter, employons
tous nos soins à les détruire.
Citons, on finissant, ces remarquables parolos do M. lo docteur Hollard, par lesquelles il
termine lui-même son excellent livre : De l'Homme et des races humaines.
« La Bible a proclamé avant nous, ou mieux, antérieurement à toutes les études anthropo-
logiques, cette vérité de l’unité do l’espèce humaine qui sc dégage aujourd’hui comme vérité
scientifique d'un débat où la contradiction ne lui a pas été épargnée. De même qu’aux cosrno-
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A.vrnnopoLooiE.
205
gonies de l'antiquité païenne, lu Bible oppose sa cosmogonie monothéiste, si simple, si sobre
de détails, en si parfait accord, par la notion d’harmonie et de progrès qui la résume, avec les
résultats généraux les plus incontestables des sciences naturelles; de même qu'aux dogmes
erronés des religions , et trop souvent aussi des philosophies do l’antiquité sur la nature de
l'homme, sur son origine et sur sa destinée, nos livres saiuts opposent cette doctrine simple
et sublime, que l’homme, dernier venu de la création, domine celle-ci, non comme le premier
des animaux, mais à litre de chef privilégié, comme fils de Dieu, comme personne morale
placée sur la limite de deux mondes ; de même aussi à des sociétés divisées en castes et qui
pratiquaient l’esclavage eu grand , ces livres antiques , quand les philosophes se taisaient,
jetaient cette parole de vérité : « Dieu a fait naître d’un seul sang tout lo genre humain » (I),
et cette autre , qui la complète : « Tous meurent en Adam , tous revivront en Jésus-Christ. »
Oui, tous les peuples de la terre sont unis de cette triple unité du sang, de la chute et de la
rédemption , et cette triple unité est une triple fraternité qui ne nous laisse aucun autre droit
sur nos semblables, que le privilège de leur dispenser les bienfaits de Dieu. »
A. L.
(I) Saint faut à l'arêopagie d’Athêm-s ( Ida, ch. xvlt, SC).
M U» O* ni Cl VICK
illumine t« 6R*x» Amuiiî nliTRi.
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Si nous avions voulu suivre un ordre rigoureux cl logique dans les pérégrinations que vou-
voule/. bien faire avec nous , nous aurions dé commencer pur vous conduire dans les galeries
de Minéralogie et île (iéologie : là, en effet, se trouve le point de départ des sciences naturelles,
et le régne minéral dans l’ordre de la création , aussi bien que dans la série instituée par la
science, réclamo la priorité sur les deux autres; mais il ne s’agit pas ici d’une exposition dos
principes de la science et encore moins de leur application , c'est uue promenade à travers les
merveilles du Muséum , et nous n’avons d’autre bul que do vous éviter lu fatigue en recher-
chant ce qui peut vous plaire et vous intéresser. Sous savous que le Muséum est un temple
d'où l’on no sort pas à son gré, si nous vous en rendons l'accès facile, voire curiosité se chars
géra & notre grande joio de faire le reste.
Prenez pour quelques moments droit do cité dans cotte magmliquc enceinte consacrée à
deux des branches les plus intéressantes de cos sciences naturelles : la Minéralogie et la
Géologie.
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207
MINÉRALOGIE.
Entrez, regardez tout avec attention, scrutez la nature jusque dans ses replis les plus secrets,
et que votre esprit, plongeant plus avant dans les abîmes de la terre, élève votre âme plus
haut vers celui qui en est le créateur et le roi.
La Minéralogie déploiera à vos yeux sa robe brodée de métaux précieux et de pierres
éblouissantes reflétant toutes les couleurs du prisme et surpassant l’éclat des plus belles
fleurs; mais la Géologie étalera devant vous des merveilles encore plus surprenantes, et vous
fera goûter des plaisirs encore plus variés.
De nombreuses populations d’animaux perdus; le globe entier bouleversé à plusieurs
reprises, avec des preuves irrécusables de ces catastrophes terribles, se présenteront à vous
dans toute leur imposante vérité.
Nous dépouillerons peu à peu la terre de ses enveloppes successives , et comparant les rap-
ports do ses couches avec les débris qu’elles recèlent, nous arriverons à une conséquence
remarquable : nous verrons que la vie, et par conséquent la mort, ont commencé longtemps
avant l'homme; et que cet être si lier, qui se pose en seigneur et maître do l’univers, est à
peine né d’hier, eu égard à l’antiquité incontestable de ses devanciers , lui qui cependant
compte déjà son existence par vingtaine de siècles.
Nous vous montrerons , nous vous prouverons tout cela par les moyens qui sont à la dispo-
sition des deux sciences, dont nous sommes le très-humble interprète. Mais, avant tout, jetons
un coup d’œil sur cette belle galerie qui en est le digne sanctuaire.
A peine avez-vous traversé le premier vestibule, que vos regards sont frappés par une
quantité d’échantillons de nos richesses minérales. Ces précieuses dépouilles , arrachées à la
terre, ont été classées et étiquetées par Haüy; c’est la collection déterminée par ce grand
homme et la cristallographie établie par lui; cette collection unique a coûté quarante ans do
travaux à son auteur; elle sert merveilleusement d’introduction aux galeries.
M. Biard s’est chargé de représenter sur les parois supérieurs des murs quelques-unes des
grandes scènes de? régions polaires : la chasse aux Morses , In chasse aux Rennes. Il est à
désirer que ces exhibitions des divers aspects de la nature se multiplient et complètent par In
vue ce que l'imaginai ion du promeneur essayerait en vain d'inventer.
Lu porte qui fait face à la porte d’entrée
est celle du Petil-Amphithéutre, où se pro-
fessent la Minéralogie , la Géologie . la
Culture et la Physiologie comparée.
Entrons maintenant dans la galerie, vous
voyez ces trente-six gracieuses colonnes,
placées en deux rangs, par dix- huit de
chaque coté, soutenant la voûte vitrée qui
éclaire cette salle. Eh bien, c’est ici que lu
Minéruiogio et la Géologie ont établi leur domaine.
Naguère encore resserrées dans deux ou trois chambres de l'ancienne galerie, elles y repré-
sentaient modestement l'état peu avancé dans lecjuel % comme sciences exactes, elles avaient
langui toutes deux jusqu’alors. A présent leurs richesses sont tellement grandes , que cette
vaste enceinte les contient à peine.
Mais aussi quel rare exemple d’union n’ont-elles pas donné, ces deux so*urs jumelles :
marchant, dés l’origine, toujours ensemble; s’appuyant Tune sur l’autre, grandissant l’une
par l’autre, elles sont parvenues au point oh nous les voyons aujourd’hui.
Et, bien qu’elles fussent désormais en état de marcher séparément, chacune avec gloire et
sûreté , elles ne se quittent pas cependant, et ne cessent de se soutenir comme par le passé.
Vous voyez la longue file d’armoires vitrées à gauche et a droite do la galerie; c’est là
dedans et sous les cages de verre qui sont au pied de ces armoires que se trouvent les Miné-
raux d’après leurs genres, leur variétés, leurs groupements, leurs associations habituelles, en
un mot, tout ce qui a rapport à l'histoire naturelle de chaque espèce.
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208
l)Kt XlfcME PARTIE.
Les armoires dos piédestaux des colonnes indiquent les nombreux usages de luxe ou
d’utilité auxquels ces diverses substances |ieuvent servir : c’est la Minéralogie technologique
et historique.
La collection Géologique a une plus large part , comme celle des deux sciences dont le
domaine est naturellement plus étendu. Ce sont d'abord les cages et les tiroirs de l'épine nu
du milieu qui, avec les armoires des piédestaux des deux côtés de la galerie, lui appartiennent
en entier; les échantillons des terrains qui composent l'écorce du globe y sont rangés suivant
l’ordre de superposition et d'après la méthode de M. Cordier.
En outre, on lui u consacré les deux galeries élevées derrière les colonnes , dont celle do
gauche présente une classification méthodique des roches, et celle de droite une collection
dos débris organiques fossiles.
Maintenant que nous connaissons la disposition générale de la localité, à quel objet donner
la préférence pour entrer eu matière?
Le premier objet qui frappe notre vue , en entrant dans la galerie , c'est un beau Quartz
hyalin (Cristal île roche), d'une grosseur pet^ ordinaire et d'une limpidité parfaite.
A cette occasion, nous trouvons moyen de rendre hommage, en passant, à l'homme le plus
éminent de son siècle , à celui qui a compris presque tous les genres de gloire et s'y est
associé. Nous lisons écrit au bas de cette pièce : u Qu’elle a fait partie des objets d'art et de
u scienco rapportés d'Italie, en 1707, par le général Bonaparte; elle provient de la vallée de
n Yiégc, on \alais, et pèse 4(10 kilogrammes, u
Ce qui vous frappe à la première vue dans cette belle pierre, c'est sa forme régulière,
accusée nettement par des facettes planes , unies , et aussi brillantes que si on les eût fait
tailler par un lapidaire.
Telle est exactement la manière d'être de quelques substances pierreuses et métalliques,
qu’on désigne, en Minéralogie, sous le nom do Cristaux. Mais gardez-vous de les confondre
avec les Cristaux artificiels : ceux-ci ont, communément, pour attribut principal, la transpa-
rence dont on a fuit, pour ainsi dire, leur synonyme ; tandis que les seules formes polyédriques
suffisent pour caractériser les Cristaux naturels.
Pour vous mieux familiariser avec cette espèce, très-abondante dans la nature, voici les
formes sous lesquelles elle se présente habituellement quand elle est cristallisée.
Vous remarquerez facilement, après le plus léger examen, que, abstraction faite de quelques
imperfections, ou d'une sorte d'empiétement d’une face sur l'autre, toutes ces formes présen-
tent, plus ou moins nettement, un prisme hexagone, couronné d'un pointemcnl ou d'une
pyramide à six faces , ce qui est le caractère de l’espèce.
La forme polyédrique et régulière qui distingue les Cristaux ne se présente quelquefois qu’à
l'extérieur, comme c'est le cas pour le Quartz, lequel, brisé en morceaux, ne la reproduit plus.
Mais très-souvent celte forme parait bien plus intimement liée à son espèce.
Vous voyez ici do la Galène, qui est du plomb combiné naturellement avec du soufre; là,
du Calcaire , celui qu’on appelle le Spath d’ Islande ; chacune do ces deux substances a une
forme différente.
La Galène se présente sous la forme d'un cube , c'est-à-dire
d'un solide à six faces carrées égales, et qui vous rappelle par-
faitement la forme d'un dé à jouer. Le Calcaire vous présente
une forme à peu près semblable , mais un peu obliquement
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MINÉRALOGIE.
tendue, solide qu'on appelle le Rhomboèdre, parce que ses faces sont eu losange; cette forme
est tellement rigoureuse dans la nature, que si je prends un marteau pour en donner un léger
coup à la Galène, le morceau qui s'en détache est encore un cube; je fais de même avec le
Spath d’Islande, et la particule détachée est encore un rhomboèdre. Que je répète cette opé-
ration autant de fois qu’il me plaira , chaque morceau nouvellement détaché présentera tou-
jours la forme de son espèce; de même que vous verrez toujours reparaître telle fleur sur telle
plante.
Vous comprendrez facilement , en présence de ces faits , comment cette propriété , stable et
invariable partout oh on la rencontre, a pu être érigée en un des caractères principaux pour
distinguer et classer les Minéraux, Car connaître n'est, en dernière analyse, que bien distin-
guer, comme le dernier mot de la science naturelle est bien classer, bien grouper.
Pour vous faire ensuite une idée de ce qu’on appelle les diverses modifications des formes,
et comment celles-ci passent de l’une à l’autre , vous n'avez i[u'à jeter uu coup d’adl sur les
ligures suivantes.
t s • s s 7
Vous reconnaissez la première pour être le cube; vous n'avez qu’à faire naître des faces sur
ces huit angles solides, ou à les couper sur un plan , et vous aurez la figure 2, qui est uu
cubo-octaèdre , c'est-à-dire un cube passant à l’octaèdre. Donnez plus d’extension à ces nou-
velles facos, et vous arriverez au véritable octaèdre, figure 3. Que si, au lieu de modifier
le cube sur ses angles, vous faites naître des faces sur ses arêtes, vous obtiendrez la figure 4,
qui est un cubo-décaèdre ; puis un dodécaèdre , figure 5 , et ainsi de suite.
Chaque formo modifiée pouvant à son tour servir de point de départ à une modification
nouvelle, il est clair qu'il doit en résulter des formes très-nombreuses, et de plus en plus com-
pliquées. C'est par cette raison qu'on les compte aujourd'hui par milliers. Leur étude ne paraît
pas devoir être très-facile; mais il existe à cet égard des faits généraux qui permettent de la
simplifier considérablement.
Ces faits établissent d’une manière claire et positive , d’une part , que toutes ces formes se
rapportent à six groupes bien caractérisés; de l'autre, que, dans chaque groupo, tous les
polyèdres qu’on y trouve peuvent se déduire rigoureusement d'une forme unique.
Il en résulte qu'en réalité , l’étude de la cristallographie consiste à bien connaître six genres
particuliers do formes , dont chacun peut avoir diverses espèces.
Nous nous contenterons donc d’indiquer ici les six groupes, ou systèmes cristallins, dont
nous venons de parler ; ce sont :
1“ Le système cubique;
2 ’ Le système rhomhoédrique ;
3“ U1 système prismatique carré;
4" Le système prismatique rectangulaire , ou rhomboïdal , droit ',
5" Le système prismatique rectangulaire , ou rhomboïdal , oblique ;
6" Enlin le système prismatique oblique, à base de parallélogramme obliquangle,
— Je conçois, me direz-vous, qu’on puisse ainsi, sans beaucoup de difficulté, se rendre
compte de tous les Cristaux connus, sous quelques formes qu’ils se présentent. Mais sait-on
aussi comment la nature procède pour les former? quelles sont les conditions et les circons-
tances qui déterminent telle ou telle forme, qui influent sur telle ou telle variation?
— La nature a des mystères qu’elle ne livre pas aux investigations do l’homme; mais en
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DEUXIÈME PARTIE.
s'appuyant sur las faits qu'on a observés iluus les ateliers chimiques , on peut arriver à des
suppositions qui ne manquent pas de vraisemblance.
Ainsi , il y a des sels qu'on peut dissoudre et faire cristalliser 4 volonté. De ce nombre est
l’alun , que tout le monde connaît. Qu'on en fasse dissoudre dans l'eau bouillante , autant que
lo liquide en peut prendre; qu'on lire la solution à clair dans un vase oii l'on a suspendu
quelques fils, et cette substance, en s’y attachant, ne tardera pas à former des Cristaux, d'au-
tant plus gros, que la masse liquide est plus volumineuse.
Mais il y a des matières qui fondent plus facilemeul par la chaleur qu’elles no se laissent
dissoudre dans un liquide quelconque : alors , quand elles sont fondues , laissez-les refroidir
lentement, et elles se cristalliseront dans l'intérieur de la masse; ce qu'on verra en brisant la
croûte consolidée à la surface, et en renversant ce qui y reste encore de matière liquide. Le
soufre, par exemple, qui est d’une facile fusion, peut servir à cotte expérience; on en obtiendra
des Cristaux d’autant plus nets que le volume de la masse fondue sera plus considérable.
Il y a encore un troisième mode pour produire des Cristaux : c'est celui de la sublimation.
Plusieurs matières volatiles , commo l’arsenic , chauffées en vase clos , se volatilisent , et se
déposent en Cristaux à la partie supérieure de l'appareil.
Vous voyez par 14 que l’une de ces trois conditions que nous venons d’exposer est indispen-
sable pour la formation des Cristaux. La matière cristallisable parait, avant tout, avoir besoin
d’une complète liberté pour que scs molécules puissent ensuite, au moment de se consolider,
céder au jeu des attractions naturelles qui les conduisent 4 telle ou telle forme.
Voilà pour le mode de formation des Cristaux en général. Quant uux diverses variations
que les formes peuvent subir , on a aussi établi , par de nombreuses expériences , qu’elles
dé[>endent de la nature du liquide qui sert de dissolvant, des matières que ce liquide peut ren-
fermer en même temps que celles qui cristallisent, et de la température 4 laquelle la cristalli-
sation se fait.
En présence de ces faits, on ne saurait se défendre d'on tirer cette induction, que les choses
sc passent do la même mauièro dans la cristallisation naturelle. En effet, les formes d'un
même minéral sont différentes suivant la nature des substances qui l’accompagnent , et par
conséquent avec lesquelles, ou au milieu desquelles, il a cristallisé. Le fait est tellement cons-
tant, que depuis longtemps les minéralogistes reconnaissent les localités d'ob certains miné-
raux proviennent , par les formes seules qu’ils présentent.
Pour revenir au Quartz, vous saurez que, naturellement incolore, il prend souvent des cou-
leurs plus ou moins vives, par des mélanges de matières étrangères.
Ainsi Y Améthyste est un Quartz transparent violet; celui qui porte le nom impropre de
Topuzc d’Inde est le Quartz transparent de diverses teintes jaunes ; Y Hyacinthe de Compostelle
est le même Quartz ayant la couleur rouge opaque; et le Quartz enfumé est le brun foncé,
quelquefois complètement noir.
I.a Calcédoine, Y Agate, Y Opale, le Silex ou pierre à fusil, les Jaspes, sont tontes des
matières de même nature que le Quartz, et n’en diffèrent principalement que par l’absence de
cristallisation.
Lus variétés translucides de la Calcédoine portent fréquemment le nom d 'Agate ; colles qui
sont en même temps colorées portent le nom de Sardoine , lorsqu’elles sont jaunâtres ou bru-
nâtres, et de Cornaline, lorsqu’elles sont rouges. Quand diverses couleurs sc trouvent réunies
par zones ou par bandes, la pierre prend le nom d'Onyx. Quelquefois la matière colorante so
trouve en dendrites, et alors il en résulte ces belles Agates herborisées , qui, par leurs dessins
variés , offrent des imitations de brins de mousse , de rameaux d’arbres et de buissons dans la
pierre.
Les Jaspes sont des Calcédoines opaques mélangées de diverses matières étrangères qui les
colorent.
Les variétés limpides de Quartz ont été autrefois travaillées comme objets de luxe; taillées
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MINERALOGIE.
211
à facettes, elles servaient surtout è garnir les lustres de grand pris. Mais tous ces objets sont
passés de mode depuis l'invention de l’espèce de verre nommé Cristal , qui est à la fois plus
limpide, plus éclatant et plus facile à travailler.
Les variétés de Calcédoine , comme la Sardoine , la Cornaline , ont été souvent fort recher-
chées, mais n’ont aujourd’hui que peu de valeur. Inc autre variété, connue sous le nom de
Chrysoprase , qui , avec là demi-transparence , offre une jolie teinte verte, est la seulo qui soit
encore demandée , et d'un prix élevé ; elle fait do charmantes parures.
Les Onyx sont aussi recherchés pour en faire des camées, et l'on exécute alors le petit bas-
relief sur l’une des couches , en laissant l’autre pour le fond.
Cependant la pierre qui l’em|>orto sur toutes les autres de cette espèce est l 'Opale. Quand
elle est demi-transparente , et qu’elle offre dans son intérieur ces reflets si agréablement
colorés, et d’un éclat qui ne peut être comparé qu’à celui des Colibris, Oiseaux-Mouches et
des Papillons les plus brillants, elle est d'un prix assez élevé. Il est à remarquer que c’est son
imperfection qui fait sa beauté; car ces reflets proviennent d’une multitude de fissures qui
interrompent la continuité de sa matière et déterminent la réflexion de différentes espèces do
rayons colorés : aussi cos beaux reflets s’évanouissent-ils quand on vient à briser l’Opale.
Ou Quartz nous passons au Calcaire. Le type de 1'cspèca susceptible de cristallisation est
le Calcaire limpide, appelé vulgairement le Spath d'Islande. Il est remarquable par la propriété
qu’il possède de doubler les images des objets placés au-dessous de sa surface. Les différentes
espèces présentent des formes très-variées , dont les plus habituelles sont les suivantes :
Cette substance est , au reste , répandue partout et avec la plus grande profusion , surtout
celle qui n'est pas susceptible de cristallisation.
Depuis la bello Roc lie, connue souslo nom de Marbre statuaire, jusqu'au Calcaire grossier,
ou pierre à bâtir, quelle longue série de la même matière se présentant sous les aspects les
plus divers! Elle se produisait dans l’origino des choses; elle se produit encore aujourd’hui
en masse dans ces fontaines incrustantes que les voyageurs admirent tant dans diverses loca-
lités. Les uombreux usages auxquels elle sert formeraient une véritable épopée technologique.
En effet , supprimez le Calcaire dans les environs de Paris , et cette superbe ville n’aura pu
exister : retranchez-le à l’Italie, cl ce pays, malgré son beau ciel bleu, restera monotone,
dépouillé qu’il sera de ses villas , de ses palais blancs comme la neige , et de ses admirables
statues.
Et que dire de ces magnifiques pierres de décorations , appelées Marbres dans la véritable
acception du mol? Il est devenu indispensable d'en connaître au moins les plus remarqua-
bles , depuis que vous en rencontrez partout , dans les maisons particulières aussi bien que
dans les monuments et les édifices publics.
Vous voyez celui-ci qui a l’air do vouloir imiter l'éclair fendant lo ciel sombre ; c'est lo
Portor, d’un fond noir intense , veiné de jaune vif ou d'orangé.
Celui à fond rouge de feu , rubané do blanc , est nommé le Languedoc.
La Griotte d’ Italie est d'un rouge foncé, varié de taches ovales, d’uno teinte plus vive, et
de cercles noirs dus à des coquilles.
Le Bleu Turquin ou Bardigle est à fond bleuâtre et à veines plus foncées ; le Bardigle fleuri,
à pâte blanche, entremêlée d’une quantité de veines ardoisées par ondes et taches diverses.
Parmi les Marbres de Flandre, et qui sont ceux qu'on emploie lo plus fréquemment à Paris,
on remarque le Sainte-Anne , ordinairement à fond gris et veines blanches; mais il en existe
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DEIXIÈME PARTIE.
de plus agréables à la vue, dont le foud est brun, rouge ou bleuâtre. Parmi les belles variétés
qui proviennent de différents lieu», on distingue le Grand Antique, à fond noir et veines blan-
ches nettement tranchées.
Parmi les Marbres Bréchet, appelés ainsi parce qu'ils semblent composés de fragments réu-
nis, méritent d'étre nommés : le Grand Deuil et le Pelil Deuil, qui offrent des éclats blancs
sur un fond noir; la Brèche d' Ail, ou Brèche de Tvlvnel, à grands fragments jaunes et vio-
lets, réunis par des seines noires; et la Brèche violette, à fond violet, avec grands éclats
blancs, un des marbres les plus riches, mais dont les carrières paraissent depuis longtemps
épuisées.
Pour passer des Marbres simples aux composés, nous nommerons d'abord les Campant,
dans les Pyrénées, à fond rouge, rose, on vert clair, varié de veines entrelacées et de feuillets
ondulés, d'une teinte plus foncée; le Jaune de Sienne, qu’on nomme aussi Jaune antique, est
d'un janne vif, veiné de pourpre et de rouge violacé; le Sicile ou Jaspe de Sicile, qui se dis-
tingue par de grandes bandes veinées et rubanées rouges, brunes et olivâtres ; enfin les di-
verses variétés de Vert antique, dont le fond est d’un vert tendre et foncé, parsemé de taches
noires, blanches et quelquefois même pourpres.
Les Marbres lumachellcs sont ceux qui renferment des coquilles. On distingue surtout des
variétés â fond noir, sur lequel se dessinent des taches do calcaire blanc, dont chacune est
une coquillo: celui ap|»elé le Petit Granité, qui couvre la plupart do nos meubles, en est un
exemple commun.
Il faut vous dire, au reste, à propos des noms du Marbre, qu'ils sont extrêmement nom-
breux, car il suffit souvent aux marbriers du moindre accident pour donner des noms diffé-
rents aux diverses plaques tirées du même bloc.
Il y a des pierres de décoration que l’on confond ordinairement avec les véritables Marbres,
quoiqu’elles soient d'une nature tout à fait différente ; ce sont pour la plupart des Granités et
des Porphyres. Ces derniers surtout sont susceptibles d’un beau poli, et présentent de belles
nuances de couleurs. Le Porphyre rouge, ou de couleur purpurine, mêlé de grains de pierre
blancs, était tellement estimé des anciens, qu'fis le faisaient tailler en bijoux et en amulettes.
la? Porphyre vert, et ipi'on appelle aussi Vert antique, passait [mur dissiper la mélancolie.
Nous ne saurions dire jusqu'à quel point il justifie la singulière propriété qu'on lui attribuait
autrefois, mais ce qu’il y a de très-sûr, c'est qu'il produit un effet fort agréable à la vue par
ses taches, ou carrés longs, d’un blanc mat, qui se trouvent souvent disposés en manière de
croix de Saint-André, sur un fond vert foncé.
Des pierres d'ornement aux pierres de luxe, le passage est naturel. A ce sujet j'ai à vous
entretenir, d'abord, d'une substance dont le seul nom agira sur vous d’une manière magique ;
et je n’aurai, je pense, qu’à lo prononcer pour que vos yeux s’allument d’un éclat presque
aussi vif que celui qui distingue la substance en question. Vous avez probablement déjà deviué
qu'il s’agit du Diamant.
Mais ne donnez pas un essor illimité à votre admiration, car j’ai à vous dire, concernant
son origine, un mot qui pourrait vous désenchanter cruellcmeut, surtout si vous êtes du
nombre de ceux pour lesquels les plus belles qualités ne rachètent pas une naissance peu
illustre.
Ce que je viens de dire vous parait étrange ; eh bien, trancbons-lc donc ce mot, et appre-
nez que le Diamant n’est que du charbon.
— Comment du charbon? m’objecterez-vous; cette limpidité sans pareille, cet éclat si vif,
si brillant, viendraient d’un morceau de charbon? cela me parait impossible.
— Vous avez bien raison de vous en étonner, mais vos objections no changent rien à la
nature du Diamant, et il reste charbon ; des expériences réitérées des chimistes l'ont prouvé
irrévocablement ; maigri? les assertions très-positives des anciens, qui prétendaient qu’il triom-
phait du feu, et qu’il ne s’y échauffait même pas, ils l’ont brûlé, et le résidu do ce combusti-
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MINÉRALOGIE. 213
ble a été toujours celui qu'offre uu simple charbon, à savoir : une matière volatile qui est de
l'acide carbonique.
— Alors ses qualités sont doue imaginaires, factices, et on a tort d’y attacher tant de prix ?
— Nullement. Les qualités du Diamant sont bien réelles, et il reste toujours, malgré sou
origine, la pierre précieuse la plus dure, la [dus pesante et la plus diaphane ; étant polie, c'est
la plus brillante de toutes les pierres; ajoutez que la nature en est très-avare, et que, jusqu’à
présent, ou n'est pas parvenu à la fabriquer, et vous vous expliquerez la haute valeur qu’on y
attache. ,
Voulez-vous maintenant savoir comment on trouve les Diamants dans la nature, et com-
ment on les exploite? le voici :
Dans les Indes et au Brésil, d'où proviennent la plupart des Diamants, on les trouve d'or-
dinaire dans des matières do transport, dans ces terres sablonneuses et argileuses, entremêlées
de beaucoup de substances étrangères, et remaniées par les eaux, qu’on nomme terrains d'al-
luviou. Quand on est convenu de l’endroit que l'on veut fouiller, on en aplanit un autre aux
environs, on l'entoure de murs de deux pieds de haut, et d’espace en espace on laisse des ou-
vertures pour faire écouler les eaux ; ensuite on fouille le premier endroit.
Il y a souvent jusqu’à soixante mille ouvriers, hommes, femmes et enfants, employés à cet
ouvrage. Les hommes ouvrent la terre, les enfants et les femmes la transportent dans l'endroit
entouré de murs. On continue la fouille, jusqu'à ce que l'on trouve l’eau : on s’en sert pour
laver la terre qui a été transportée, et après qu’elle a été lavée deux ou trois fois, on la laisse
sécher ; ensuite ou la vanne dans des paniers faits exprès ; celle opération ünie, on bat la terre
grossière qui reste, pour la vanner de nouveau deux ou trois fois ; alors les ouvriers cherchent
les Diamants à la main.
Les pauvres nègres employés à cette exploitation s'en acquittent avec autant d’indifférence
que s'il s'agissait du produit le plus vulgaire. Et ils ont raison , les malheureux ! car ce qui
doit servir plus tard à l'étalage du luxe le plus effréné leur procure à peine de quoi vivre mi-
sérablement. Ce n'est que dans un seul cas qu'il leur arrive de bénir ce travail : la liberté est
acquise à celui à qui le hasard fait trouver un Diamant d’une grosseur plus considérable : 17
carats, à peu près 3 grammes, en sont le taux Usé.
Il y a aussi des rivières qui contiennent des Diamants. Quand los grandes pluies sont tom-
bées et que les eaux de la rivière sont éclaircies, ce qui arrive ordinairement vers lu fin de
janvier et le commencement do février, les ouvriers ou habitants voisins remontent la rivière
jusqu'aux montagnes d’où elle sort; on détourne le cours do l’eau, on tire le sable jusqu'à
deux pieds de profondeur, on le porte sur le bord, dans un lieu entouré de murs, et on pro-
cède enfin au lavage dos sables cl à la recherche des Diamants, que l’on reconnaît, au soleil, à
leur éclat.
Ces pierres se trouvent, à l'ordinaire, disséminées en petite quantité dans ces dépôts aréna-
cés, et présentent des formes que nous avons déjà indiquées (page 209) . L’octaèdre et le do-
décaèdre en sont les plus fréquentes, lesquelles, acquérant plus de facettes, finissent par s'ap-
procher de la forme presque sphérique.
En général, ces cristaux sont toujours loin d’avoir le brillant qui est une de leurs propriétés
essentielles; on l’obtient par un procédé particulier, qu’ou appelle lu taille et le poli du Dia-
mant. Il est bien connu que c’est par le moyen de sa propre poussière qu’on y arrive; mais
ce qui l’est moûts peut-être, c'est que cette découverte, avant laquelle on portait le Diamant
brut, ne date quo de 1456. Ce fut un nommé Louis de Berguer, natif de Bruges, qui, s'étant
avisé de frotter deux Diamants l'un contre l’autre, s’aperçut qu'il en tombait une poudre, dont
il se servit pour enduire la meule d'un moulin de lapidaire, et au moyen de laquelle il mit au
jour les brillants reflets du Diamant, jusqu'alors inconnus. Charles, duc de Bourgogne, sur-
nommé le Téméraire, posséda lu premier Diamant poli ; il le perdit, avec tous ses autres
dans la bataille de Moral, que les Suisses gagnèrent sur lui.
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DEUXIÈME PARTIE.
Dans l'Inde, on taille le Diamant de manière a lui conserver tout son volume; en Europe,
on sacrifie tieaucoup du volume do la pierre pour en enlever les défauts, et se procurer uno
belle forme. Les formes admises sont la Rose (figure 2) , pour les pierres de peu d’épaisseur
qu'on ne veut pas trop diminuer : c'est le Diamant taillé à facettes par-dessus, et à plat par-
dessous, et le Brillant (figure 3 et 4) , taillé à facettes par-dessus comme par-dessous, et qu’on
monte à jour.
On attache ordinairement au Diamant l’idée d’une parfaite limpidité ; cependant il est sali
presque toujours par dos teintes jaunâtres ou brunâtres. On n’en trouve pas tieaucoup qui
aient des couleurs bien décidées et bien vives; quand ces couleurs existent, elles donnent à la
pierre un prix immense. Le Diamant vert et le Diamant rose, lorsque leur couleur est d’une
bonne teinte, sont les plus rares, et par conséquent les plus chers. Il y a des Diamants noirs
ol complètement opaques, qui ont néanmoins un brillant extraordinaire quand ils sont polis.
La quantité de Diamants foumio annuellement au commerce, par le Rrésil, qui, depuis
qu'on les y a découverts, en a eu â peu prés seul le privilège, ne s’élève pas à plus de six à
sept kilogrammes, qui ont coûté plus d’un million do frais d'exploitation ; aussi cette matière,
mémo â l'état brut, est-elle toujours fort chère. Les Diamants défectueux, reconnus futur no
pouvoir pas être taillés, se vendent déjà, moyennement, à raison de 1 56 francs le gramme
(quarante-cinq fois la valeur do l'or), soit pour faire la poussière de Diamant, ou égrisée, soit
pour garnir les outils avec lesquels on grave les pierres fines, nu enfin pour couper le verre.
Les très-petits Diamants, susceptibles d’élrc taillés, valent en lots jusqu'à 230 francs lo
gramme; mais à peine pèsent-ils chacun cinquante milligrammes, que le prix augmente con-
sidérablement, et, pour les poids au-dessus, la progression est très-rapide. A un demi-gramme,
un Diamant brut vaut 260 à 280 francs ; à un gramme, il vaut plus de 1 ,000 francs. Un Dia-
mant taillé, d’un gramme, qui, à la vérité, est déjà une fort belle pierre, à peu près la gros-
seur figure I , vaut au moins 3,500 francs.
Plus les Diamants sont volumineux, plus ils sont rares, et aussi plus leurs prix sont élevés.
Ou n’en connaît que quelques-uns dont lo poids s’élève au-dessus de vingt grammes. Les plus
gros Diamants connus sont :
Celui du radjah do Mattam, à Bornéo, pesant environ 63 grammes.
Celui de l’empereur du Mogol 50
Celui de l’empereur de Russie 41
Celui de l’empereur d’Autriche 20,53
Celui du roi de France (qu’on nomme le Régent). . 28,80
Les quatre premiers ont une mauvaise forme.
Le dernier est parfait sous tous les rapports; il
pesait, avant la taille, quatre-vingt-sept gram-
mes, et a coûté quatre années de travail ; il a été
acheté dans lo principe pour 2,250,000 Crânes ,
et il est estimé plus du double.
Nous donnons ici la ligure de grosseur natu-
relle des deux plus beaux Diamants de la cou-
ronne de Franco, le Régent et le Sancy. 1 1 »***»■
A la suito du Diamant nous vous présenterons quatre autres substances connues et esli-
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MINÉRALOGIE.
méos de tout le monde : le Rubis, le Saphir, In Topaze, et \' Émeraude. Elles sont toutes de la
même nature (alumine pure), et portent en Minéralogie le nom générique de Corindon; c’est
la seule couleur qui les distingue.
Le Corindon rouge est la pierre précieuse qui, sous le nom de Rubis, lient le premier rang
après le Diamant ; quand elle est d'une belle teinte île feu et bien pure, sa valeur dépasse
même celle du Diamant sous le même volume. Le Saphir est le Corindon bleu d’azur ; la To-
paze, le Corindon jaune, et V Émeraude celui qui présente une couleur verte. On y ajoute ce-
pendant habituellement l’épithète d 'Orientale, pour les distinguer des autres pierres portant le
même nom, mais n'ayant pas complètement la même composition. Ainsi il y a des Rubis
spinelles, un peu inférieurs aux Rubis orientaux, qui ne présentent jamais le même éclat, niais
qui, étant polis, ont pourtant un feu très-agréable et Irès-ami de l’œil.
Quelque couleur, au reste, que présentent les Corindons, leurs formes dans la nature sont
les suivantes :
On voit cependant beaucoup do Rubis bruts, de forme arrondie ou ovale, et ce sont sur-
tout ceux qui ont été ramassés dans le lit des rivières, et qui, entraînés par les oaux, ont
perdu lour forme angulaire par le frottement qu’ils ont éprouvé les uns contre les autres.
On fait on général aussi grand cas des belles Topazes, qu'on place au troisième rang après
le Diamant, à cause de leur éclat vif, que du Saphir, qui, à part sa telle couleur bleue, pré-
sente encore ce phénomène particulier, qu'il montre, par réflexion devant une vive lumière,
une étoile brillante à six rayons. Mais on n’a accordé, à coup sûr, à aucune pierre autant
d’honneur qu'à Y Émeraude proprement dite. Les Romains l’estimaient au point qu'il était ex-
pressément défendu de rien graver dessus : on la réservait pour soulager la vue et délasser
l’œil. Néron avait l’habitude de considérer le spectacle sanglant do l'arèno à travers une Éme-
raude; Domitien s’en servait pour le même usage, ce qui a fait qu’on l’a appelée pierre de
Domitien et de Héron.
Quelques peuples île la vallée de Manta, au Pérou, ont encore fait mieux, à en croire plu-
sieurs historiens espagnols ; car ils adoraient une déesse Émeraude, qui était tout bonnement
une Émeraude grosse comme un œuf d’aulruche, et à laquelle on faisait des offrandes d'Éme-
raudes.
De nos jours, cette pierre est encore au premier rang des Gemmes, et si elle le cède en du-
reté et même on éclat aux Corindons, et surtout aux Diamants, sa couleur pure et veloutée
l’en dédommage; et quand son intérieur est exempt de défauts, do glaces ou de tout autre ac-
cident, elle rivalise, à volume égal, avec les plus belles variétés de Saphir, el surtout avec
l'Émeraude orientale, dont la nuance est loin d’avoir l’éclat et la richesse de celle qui carac-
térise l'Émeraude du Pérou.
Pour en Unir avec les substances pierreuses dont on se sert on joaillerie, nous ne ferons que
vous nommer encore les C renais et les Turquoises. Vous saurez que les beaux exemplaires des
premiers, ceux qui réunissent à un certain volume une couleur agréable et une transparence
convenable, sont assez estimés dans le commerce. Les anciens ont beaucoup gravé sur cettu
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21# DElXlfeME PARTIE.
pierre, qu'ils nommaient quelquefois Escarboude, et à laquelle ils se plaisaient à attribuer îles
propriétés fabuleuses; de nos jours, les teintes les plus estimées sont celles qui appartiennent
aux Grenats pyropes et syriens des joailliers.
I,a forme primitive des Grenats est la même que relie des alvéoles des gàteanx d'abeilles;
la ligure de ces alvéoles, vous le savez sans doute, est celle qui renferme le plus grand espace
avec le moins de matière.
Parmi les Turquoises, vous aurez à distinguer deux sortes : les Turquoises pierreuses, qu'on
appelle aussi orientales, de vieille roche, ou Calniles. Elles passent par différentes nuances du
bleu céleste clair au bleu foncé tirant un |ieu sur le vert; elles sont assez dures pour rayer le
verre, et peuvent être appelées les véritables Turquoises.
Les autres, qu’on nomme Odontolilhes, sont des dents fossiles colorées en bleu par du phos-
phate de fer; elles proviennent des molaires d'un animal voisin des Paresseux, du Cerf, d’ani-
maux carnassiers, et sont beaucoup moins dures que les Calaïtes. Elles sont solubles dans les
acides, et perdent leur couleur, même dans le vinaigre distillé, ce qui fait qu'elles sont beau-
coup moins estimées que les Turquoises précieuses, qui résistont à ces épreuves. Chez les an-
ciens, elles servaient, les unes et les autres, à faire des amulettes.
Au nombre des substances qui jouent dans la nature un grand rôle par leur abondance, il
faut citer le groupe des Feldspaths, dont les cristaux se présentent sous les formes suivantes :
C'est à cette substance qu'appartient la matière première employée à la fabrication de por-
celaine, sous le nom de Kaolin, qui n'est qu’un Feldspath décomposé.
Les Micas sont aussi très- répandus; ce sont les substances qui se divisent facilement en
feuilles très-minces, élastiques, et tellement transparentes, qu’elles ont pu servir dans quel-
ques pays , nommément en Russie , à remplacer les vitres , ce qui leur fait donner le nom do
Verre de Moscovie. Le tlranit, roche que tout le monde connaît, est essentiellement composé
de ces trois minéraux : le Feldspath, le Quartz et le Mica, réunis ensemble par petites parties
assez régulièrement entremêlées, et formant des masses granulaires. C’est le Mica qui donne
à cette roche son aspect brillant au soleil.
Nous pouvons citer encore, comme très-abondants dans la nature, V Amphibole, le Pyro.rène,
les Serpentines , etc., sans cependant en dire davantage, car nous avons hâte d'arriver aux
Métaux.
A ce mot s'offrent naturellement à votre esprit les deux substances qui en sont pour ainsi
dire les représentants, l'Or et Y Argent. Tout le monde a vu l’Or, ne fût-ce que sur les cadres
dorés, et connaît la belle couleur jaune qui distingue ce métal de tons les autres. Son inalté-
rabilité est telle, qu’il résiste à presque tous les agents naturels et chimiques, et cette qualité,
jointe il sa ductilité et k sa malléabilité, c’est-à-dire à la faculté de s'étendre sous le marteau
et sous le laminoir, en fait lo métal le plus précieux. L’Argent vient immédiatement après l’Or
pour ces qualités : aussi ces deux substances ont-elles été regardées de tout temps comme des
métaux parfaits, nobles par excellence ; tandis que tous les autres étaient appelés imparfaits,
ignobles, et qu’il fallait par conséquent, disait-on, les transformer.
La transmutation des métaux et la recherche d’un remède universel, telle fut, durant plu-
sieurs siècles, l'occupation unique de ces hommes extraordinaires, bizarres, qu'on nommait
Alchimistes. Toute la science d’alors était là, et il est inimaginable combien ils se donnaient
de tourments, combien ils subissaient de peines, de fatigues, pour arriver à la possession do
ces trois choses, auxquelles tendaient tous leurs efforts : la richesse, la longévité, la santé.
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MINÉRALOGIE. 217
On conçoit facilement qu'ils aient pu être dévorés du désir d'arriver à ce but; car ees trois
choses-là sont, en délinilivc, les seuls éléments de bonheur pour la plupart des hommes. Mais
la voie qu'ils avaient choisie pour y parvenir était au moins aussi étrange qu’illusoire. Il en
est donc résulté que l'absolu et la pierre philosophale sont encore à trouver.
L'Or, que de notre temps on envisage sous un point de vue moins chimérique, appartient
au petit nombre de métaux que l’on rencontre dans la nature à l'état de pureté presque com-
plété : en filaments, en lames minces, en grains plus ou moins volumineux, présentant de pe-
tits cristaux cubiques ou octaèdres ; quelquefois aussi en petites masses que l’on nomme pépite*.
Dans cet étal, appelé natif ou vierge, l'Or peut facilement s'étendre sous le marteau, ou être
coupé avec une lame tranchante, ce qui suflit pour le faire distinguer de cette foule de miné-
raux dorés que l'on a confondus si souvent avec lui, et qui ont donné lieu à tant île méprises.
L'Or natif se trouve dans quelques roches en forme de petites veines; on le rencontre
aussi , disséminé en paillettes , dans ces sables et terrains d’aliuvion que nous avons vus
renfermer des diamants. En outre, quelques rivières charrient des sables aurifères, et, pour
no citer que la France, nous dirons que le Rhône , In partie supérieure du Ithin, l’Ariége, la
Lèse et plusieurs autres, transportent ce métal en assez grande quantité pour qu’il uit pu
devenir l’objet de travaux et de lavages , et que les orpailleurs ou pailloleurs , hommes qui en
font métier, gagnent à ce travail moyennement vingt ou trente sous par jour.
Les découvertes faites en Californie et en Australie tendent à rendre l'Or plus commun, en
apportant des modifications profondes dans sa valeur relative , son emploi et son exploitation.
La méthode employée pour l'extraction et la purilication île ce métal interposé dans les
pierres , consiste dans le pilage , l’amalgame et l’ignition. S’il y a mélange de métaux , l’on a
recours aux dissolvants ou à la fusion.
L'Or monnayé n’est par pur ; celui des bijoux ne l’est pas non plus, et cela tient à la quan-
-lité de Cuivre ou d’ Argent qu'il faut allier avec lui pour parer à son peu de dureté, et lui per-
mettre de circuler sans perdre son empreinte. I)e là, ce qu’on appelle le litre, c'est-à-dire la
valeur réelle do l’Or pur contenu dans un objet quelconque. L’essai du litre se fait le plus
ordinairement à l'aide du la pierre de touche et île l'eau-forte, qui enlève l’alliage et laisse l'Or
iulact; on juge de son litre par l'intensité de la trace qui résiste à l’acide.
Nous avons fait mention de la ductilité et de la malléabilité de l'Or. Vous en jugerez mieux
quand vous aurez appris qu'un grain peut s'étendre sous le marteau du batteur en une feuille
de 50 pouces carrés; qu’une statue équestre, de grandeur naturelle, peut se dorer en plein
avec une pièce de 20 francs; enlin que 1 once d'or |ieut recouvrir et dorer très-exactement un
fll d’argent long de 444 lieues.
Vous pouvez voir dans la dernière armoire à gauche, à côté do celle réservée aux Gemmes,
de beaux échantillons d’or cristallisé, dont Gcoffroy-Saint-llilaire a enrichi le Muséum, et une
énorme pépite d’or posant 5 hectogrammes , donnée au Muséum par le comte de Lacépèdo.
L’or californien brille à côté de ces beaux échantillons.
I.' Argent se trouve aussi à l’état natif, comme l’Or, mais le plus souvent on le rencontre
dans de véritables mines, dans ces souterrains profonds auxquels on n’arrive qu’avec des frais
immenses, accompagnés de beaucoup de peine et de grands dangers.
Du temps de liuffon , on ne comptait que seize métaux sur quarante-deux que l’on connaît
aujourd'hui cnniine essentiellement différents. Ce petit nombre de métaux , appelés aussi
éléments, c’est-à-dire corps, qu’on n’est pas encore parvenu à décomposer par les moyens que
la science actuello possède, joints à une douzaine de corps semblables non métalliques, ren-
draient, certes, la minéralogie très-facile, s'ils n’étaient pas susceptibles de se combiner
entre eux dans des proportions tellement variées, qu’il en résulte un nombre prodigieux de
minéraux se ressemblant très-souvent à tel point, qu'on serait tenté de les prendre les uns
pour les autres. Vous devez déjà , depuis que nous avançons dans notre promenade minéralo-
gique , vous être aperçu de cette circonstance embarrassante , et une question toute naturelle
28
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218 OKL’XlfeME PARTIE.
si» sera aussi présentée à votre esprit, à savoir : Quel est le moyen de débrouiller ce chaos
minéral ?
Quand les formes ou les caractères cristallographiques manquent ou qu'ils se présentent de
manière à offrir quelque doute, on est obligé d'avoir recours h l'analyse chimiquo, qui indique
la nature des corps ou leur composition. Par ce moyen , on arrive toujours au caractère de
première valeur; et il est d'autant plus important de s’y attacher, qu’une fois la composition
modiüée, les autres propriétés inhérentes aux minéraux, telles que la densité, la dureté, le
poids spécifique et même la forme, changent également.
Mous ne pouvons passer en revue tous les métaux d’une manière détaillée : la besogne
serait trop longue et nous obligerait même à de fréquentes répétitions : nous nous contenterons
donc seulement d'en citer encore quelques-uns.
A la tète des métaux les plus usuels, il faut placer le Fer, substance très-répandue , et se
présentant sous les aspects les plus variés. Ce sont quelquefois de beaux Cristaux , remarqua-
bles par des couleurs brillantes, qu'offre surtout le Fer oligitle do Plie d’Elbe. Les formes de
ce métal sont les suivantes :
Tant Al c'est le Fer aimant, attiralde au barreau aimanté et magnétique; tantôt le Fer
météorique , pierres qui tombent de l’atmosphère , fait qu'on a voulu en vain reléguer parmi
les contes populaires. Enfin , In plus fréquemment , il se présente combiné avec le Soufre ; ce
minerai de Fer, ayant la couleur cl le brillant du Laiton, est appelé Pyrite ; sos formes cristal-
lines sont :
Le Platine mérite d'ètre cité comme étant le plus lourd de tous les corps connus et le moins
dilatable. Pour l'inaltérabilité , il dispute le rang à l’Or ; mais lu difficulté de le travailler fait
qu’il n’est pas aussi précieux. Le Mercure, appelé vulgairement Vif-Argent , est remarquable
par sa propriété d'ètre le seul métal liquide à la température ordinaire. C'est, selon les alchi-
mistes, l'eau qui ne mouille pas les mains. Le minerai de Cuivre, surtout celui d’un vert
d'émeraude, ou bleu d’indigo, est recherché pour les collections; les variétés vertes et com-
pactes, bien nuancées, sont employées , sous le nom de Malachite, à la confection des bijoux
et des meubles précieux.
V Etain fournit aussi pour des collections do beaux groupes de Cristaux , dont les formes
sont ;
On connaît, en général, les usages très-variés auxquels les métaux peuvent servir; mais
ce ilont peut-être beaucoup de personnes ne se doutent pas, c'est qu’ils fournissent aussi los
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UINKI1 \LOGIK.
219
couleurs les |>lus belles ut les plus stables iltms les divers genres du peinture et de coloration.
Pour n’en citer que i|uelques exemples, nous dirons que le Plomb chromât? fournit une teinte
chaude, d’un ton qui ne peut être imité par aucune autre substance. A l'étal de Minium , le
Plomb entre dans la composition du Cristal, dont on admire l’éclat et la limpidité, Le Manga •
nése colore certains vases de verre en violet vineux. V Antimoine est employé paur la peintura
en émail , et pour diaprer la Porcelaine. Le Cristal bleu est coloré par le Snfre ou oxyde de
Cobalt. L'oxyde de Titane donne à la Porcelaine une certaine teinte Isabelle qui no |>eut
s'obtenir qu'à l'aide de cette substance. Le Cuitre enfin , le Mercure, le Fer, le Chrome et
autres, fournissent en outre plusieurs principos colorants fort employés, inaltérables, et qui ,
par opposition aux couleurs végétales qui sont fugitives , s’appellent couleurs minilrales.
Nous no pouvons quitter cetto galerie sans avoir admiré les trois magnifiques Tables on
Mosaïques de Florence placées au milieu , et qui seraient dignes d'orner le salon d'un roi. Ce
sont tout simplement des pierres naturelles des plus belles couleurs que l’art n’a eu que la
peino île polir et de rapporter pour on faire les beaux dessins et les arabesques que vous voyez..
Les différents groupes de concrétions natu-
relles, les riches plaques en Marine incrustant,
les vases en Porphyre, en Fluorine, etc., en un
mot , tous les objets les plus rares et les plus
curieux qui ornent si bien cette galerie, no sem-
bleraient-ils pas être les dépouilles de quelque
château princier, si la gratitude des adminis-
trateurs du Musée no s'était empressée d’y faire
inscrire les noms des donateurs? Ici , c’est le
roi d'Espagne qui, en 1 774 , a envoyé une table,
faito en échantillon , de divers Marbres de. son
royaume. A côté est placée une autre table,
offerte par le docteur Clot-Bcy, on Calcaire
concrélionné , agréablement ondulé, et prove-
nant de la Haute-Égypte.
La statue do Georges Cuvier, placée au
centre de la galerie , du côté méridional , est
un hommage rendu à la mémoire de cet illustre
naturaliste. L’artiste, M. David d’Angers, l'a
représenté dans son costume de professeur,
sondant d’une main les profondeurs du globe
terrestre et relevant l'autre vers le ciel , comme
pour indiquer que les découvertes les plus
importantes et les plus imprévues de la science
no servent qu’à confirmer les textes de la Goneso et à ramener l’homme vers son Créateur.
En face de cette statue, une autre non moins importante viendra prochainement prendre
place; c’est celle d'Haiiy , l'une de nos gloires scientifiques et le créateur do la classification
minéralogique.
Enfin , vous apercevrez au bout de la galerie cette masse métallique , que l’inscription nous
assure être tombée du ciel.
Nous voudrions vous conduire dans les galeries supérieures de ce magnifique Muséum géo-
logique , vous y trouveriez les débris do toutes ces espèces aujourd’hui perdues , que Cuvier a
rendues à l’admiration du monde savant ; mais nous préférons , en vous signalant ces
richesses, réserver leur description pour le moment où la MiNénALoeir. et la GéOLOGIE
occuperont dans notre collection la place à laquelle elles ont droit.
c: i).
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En entrant dans le Jardin des Plantes par la grille d'AusterliU, vous voyez devant vous un
grand bâtiment situé au bout de (leur longues allées d'arbres, comme un do ces manoirs
féodaux qui s’élèvent à l'extrémité du parc seigneurial. Ce bâtiment a 60 toises de long, et se
compose d'un rez-de-chaussée et de deux étages. La façade , d'un ordre architectural extrême-
ment simple, est divisée en trois parties par deux petits pavillons latéraux. Tel est l'as|iect
extérieur de cet édifice ou sont déposées les archives de la création.
A l’époque de sa formation, il sc composait d'une pièce renfermant des squelettes, et de
deux petites salles ou tenaient aisément toutes nos richesses zoologiques et minéralogiques. A
côté do ces salles était l'appartement de l'intendant. Les deux pavillons n’existaient pas encore ;
le bâtiment du milieu suffisait pour loger toutes nos collections.
Sous l’administration de Buffon, les collections prirent un toi développement, quo ce
savant crut devoir leur abandonner une partie de son appartement, et que bientôt après il le
leur sacrifia tout entier, et se relira dans une petite maison de lu rue des Fossés-Saint-Victor.
Chaque semaine voyait arriver de toutes les contrées du gloire ries trou|K>s tlo Bipèdes et de
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G ALERIES DE ZOULOU I K.
221
Quadrupèdes. Il fut décidé que l'on construirait , au second étage . une grande galerie qui
recevrait le jour d'en haut. Les travaux, commencés en 1704, furent terminés en 1801.
Pendant cet intervalle, nos richesses s’accrurent tellement, que lorsque la nouvelle galerie fut
achevée, elle se trouva insuffisante, l u plan plus vaste fut tracé, et l’on se remit à l’œuvre ;
c’était on 1808. On supprima l'escalier de l’enlréo principale située au-devant de l'allée de
Tilleuls, et l’on ajouta, au premier étage, trois nouvelles salles où l’on disposa les collections
géologiques et paléontologiques, les roches, les produits volcaniques et les fossiles, La galerie
du second étage fut prolongée jusqu'à la terrasse qui faisait face au grand labyrinthe, et on lu
remplit de Mammifères. On transporta la bibliothèque dans la maison de l’intendance, et la
salle qui avait été occupée par les livres fut consacrée aux habitants de l'humide empire.
Ou avait gagné de l'espace, mais pas encore assez pour la multitude toujours croissante
des objets.
La translation eut lieu en 18.11. Le Cabinet tout entier devint la propriété des animaux. On
donna plus d'extension aux diverses branches de la zoologie ; on fit succéder à des espèces
inorganiques une foule d'êtres intéressants, qui avaient été relégués dans des magasins où ils
n'étaient visibles que pour les personnes attachées à l'établissement
Mais cet agrandissement, quoique considérable, est loin de suffire à l'état actuel de nos
collections. La mauvaise expositiou de certaines branches, causée par la trop grande quantité
des espèces , fait sentir de nouveau le besoin d'espace.
Cet encombrement nuit extrêmement à la distribution et au classement des auiuiaux. On a
été obligé de mettre au rez-de-chaussée plusieurs grands Mammifères , dont les cougéuères se
trouvent dans les salles supérieures. Lo couloir qui suit , et qui conduit à l’escalier, est garni
d’armoires dans lesquelles on a rangé une partie des Zoophitcs. Dans les premières salles du
premier étage , on voit à gauche les Poissous ; plus loin , on a à droite les Reptiles. La qua-
trième salle renferme une partie des animaux sans vertèbres et les Crustacés ; la cinquième
offre le groupe des Singes ; la sixième , les collections des Mollusques et des Zoophytes ; et
enfin , la dernière contient les Cétacés. En montant l'escalier de la porte principale , opposée
à celle par où nous sommes entrés , on arrive au second étage ; on trouve d’abord dos Mam-
mifères, puis des Oiseaux, puis encore des Mammifères entremêlés de Poissons.
Au milieu de la plupart de ces salles sont des meubles qui présentent , d'un cêlé , la collec-
tion des Coquilles , et, de l’autre, celle îles Insectes.
Ainsi, l'ordre naturel est constamment interrompu , non-seulement pour linéiques es|èccs
qui tonnent exception par leur taille, mais pour toules les espèces en général. Nous ne
pourrons doue pas, dans cet exposé, observer le système île classification adopté; par la
scieucc.
Cette classification, la voici; et comme toutes tes branches que nous allons nommer ont
des chaires spéciales à l'amphithéâtre du Jardin des Plantes, nous indiquerons en même temps
les noms des professeurs qui les enseignent :
1° MAMMALOGIE et ORNITHOLOGIE. — AI. IslDOBF, G EOrr KO V -S AI.NT- Il I I.A IRC.
Milv-natuïalixli' , JL Flor. Prévost.
2“ ERPÉTOLOGIE, ICIITHYOLOGIE. — JL 1) c M É a I c. Aide ■natur/llitlc , M. Aug.
Duméril.
3° ENTOMOLOGIE. — M. JIii.ne E dw a il ds. Aide-naturaliste , Jl. Blanchard.
4° CONCHYLIOLOGIE, zooflt Y'TOLOGiE. — Jl. Valenciennes. Aide-naturaliste.
JL L. Rousseau.
Il y a eu outre pour le Cabiuel de zoologie un conservateur qui est SL Lotus KlEKen.
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222
DEUXIÈME PARTIE.
REZ-DE-CHAUSSÉE.
l'IlliMlfem: SALLE.
Celle salle, d'un aspect sombre et presque lugubre, contient les dépouilles de grands Mam-
mifères, dont l'histoire vous sera présentée en détail dans les volumes consacrés à cette partie
du Règne animal. Nous n'avons ici qu’à vous indiquer leurs noms.
Le Dauphin (Delphinia gangeiieus). — Le Narval. — Les Éléphants des Indes et
d'Asie. — Le Rhinocéros; cctanimala vécu à la Ménagerie de Versailles. — L'Hippopo-
tame, — le Rhinocéros, — le Tapir, — le P iia cocu ère, — le Pécari a lèvres
blanches.
SECONDE SALLE.
Les Zoophytes ou Animaux-Plantes servent de transition et de lion entre le Régne
animal et le Règne végétal. Pas de système nerveux, pas d’organes spéciaux pour les sens,
pas de co-ur, pas de circulation proprement dite : tels sont les principaux caractères spéci-
fiques. Ils respirent et s'alimentent comme les Animaux, et ils se reproduisent comme les
Plantes. Coupez un Polype en trois ou quatro parties : vous verrez aussitôt éclore et so mou-
voir autant de Polypes que vous aurez fait de morceaux.
L'embranchement des Zoophytes se partage en cinq classes , savoir : les Animalcules
microscopiques, les Polypes, les Acalèphcs ou Ortios de mer, les Écliinoriermes ou Animaux
à peau de Hérisson, et les Vers intestinaux. Bien que la seconde do ces classes soit la seulo
qui doive nous occuper aujourd'hui , nous l'accompagnerons d'une description sommaire des
autres.
Les Animaux microscopiques ont aussi été désignés sous le nom d’infusoires , de co que
c’est principalement dans les infusions animales ou végétales qu'on les a observés; cependant
beaucoup d’espèces vivent dans les eaux pures, et rien ne démontre qu'ils doivent nécessaire-
ment prendre leur origine dans les matières organiques eu décomposition. Cetto classe est
fondée non-seulement sur la politesse des individus qu'elle renferme , mais aussi sur une cer-
taine simplicité de structure qui les rapproche entre eux et qui les place au dernier rang de la
série dos êtres organisés.
Tous ces Animalcules ont uno bouche, un estomac et un canal intestinal ; beaucoup ont
des yeux dont le nombre varie depuis deux jusqu'à douze , et ils se propagent par des neufs
fécondés. La Monade elle-même, qui passe pour le plus simple de ces petits êtres, a uno
bouche garnie de cils , et deux , trois et quelquefois six estomacs.
La seconde classe des Zoophytes comprend les Polypes, que les naturalistes divisent on
vingt-six genres, présentant on total de plus de depx mille espèces.
Vous n’avez sans doute jamais vu de Polypes, et vous êtes curieux de savoir comment ils
sont organisés. Représentez-vous nn petit corps cylindrique de matière gélatineuse et transpa-
rente, n’offrant d’ouverture qu’à une do scs extrémités, et ayant autour do cette ouverture
une couronne de tentacules , au moyen desquels il attire l'eau et les molécules végétales dont
il fait sa nourriture; représentez-vous l’autre extrémité do ce petit corps attaché à uno piorre,
à une feuille, ou comme enracinée dans une de ces productions marines, connues sous le nom
de Madrépores, de Coraux, etc. , et vous aurez l’idée d’un Polype.
Ces animaux se reproduisent de trois manières différentes : ou par scission , ou par bour-
geons , comme les végétaux , ou par des œufs. Les uns habitent la mer, les autres les eaux
douces et stagnantes. Quelques espèces sont revêtues d'une robe dont lo bord inférieur est
d'une substance analogue à celle des coquilles ; ce bord forme une sorte de cellule ou de gaine
dure et solide , et se nomme Polypier.
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CM. KM es l>F. ZOOI.OCIE.
m
. L<* Polvpi
Los espèces qui en sont pour-
vues vivent en société comme
les Abeilles ; et leurs cellules
réunies forment de grandes ru-
ches qu'on appelle Polypiers
agrégés. Quoique chacune dos
parties constituantes soit d'une
petitesse extrême, les Polypiers
acquièrent avec le temps des di-
mensions gigantesques.
Chaque génération de Polypes
construit* des amas de cellules
qui , après avoir été leur maison
ot leur tombeau, servent de base
aux constructions de la généra-
tion suivante. Ce travail de su-
perposition continue pondant des siècles; aussi audacieux qu’infatigables, cos vermisseaux
architectes élèvent au fond de l’Océan de nouvelles tours de Babel qui ont le sort de la pre-
mière; quand leurs murs atteignent le niveau de la inpr, les Polypes, qui ne peuvent vivre
hors de l’eau, sont obligés de les abandonner et de les laisser inachevés. Alors le sommet
de ces merveilleuses demeures, exposé à l’action de l’atmosphère, devient le théâtre d’un
autre ordre do phénomènes. Du limon , du sable et des débris de tout genre s’y agglomèrent;
les flots ou les vents y déposent des graines; ces graines produisent de l’herbe, des plantes,
des arbres ; la plus riche végétation s’y développe , et le mausolée colossal des Polypes se
change en jardins suspendus comme ceux de Sémiramis. lin jour, en allant à la pèche, une
tribu sauvage les aperçoit, y aborde et s’y établit. La cité des Zoophytes devient une Ile habitée
oü riionune déploie les ressources de son
génio et de son activité , où il étale ses mi-
sères et ses vices. La plupart des îles, sur-
tout celles de l’Océan Pacifique , n’out pas eu
d’autre origine. Ces dernières sont, pour ainsi
dire, écloses sous nos yeux : nos navigateurs
les ont vues surgir du sein de la mer, se cou-
vrir d'abonl de terre, puis de végétaux, puis
enfin d’habitants. Il est reconnu que le Japon, entre
autres, n’est qu’un grand assemblage de Polypiers.
La troisième classe des Zoophytes se compose
des Acalèphes ou Orties de mer, ainsi nommées
parce qu’elles produisent, lorsqu’on les touche, une
cuisson semblable à cello quo fait éprouver le con-
tact des Orties ; mais celte propriété n’est pas carac-
téristique de cette classe, car elle s’observe aussi
dans les Polypes. Les Acalèphes ont sur ces der-
niers l’avantage d’ètre revêtus d’uue espèce de tissa
cellulaire ou de peau. Les Méduses, ces animaux
cartilagineux qui répandent une clarté phosphoriqoe
si brillante et qu'on a surnommés Chandelles de
mer, appartiennent à cette classe.
La quatrième classe, ou des Échinodermes, com-
prend les Oursins, les Astéries ou Étoiles de mer
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221 l)F.l\IK\IK PARTIE.
et plusieurs nutrcs espèces généralement
connues. Les Échinodermes offrent une
organisation plus avancée que celle
îles classes précédentes. La peau est
plus épaisse et mieux formée; un dépôt
de matières terreuses qui s’y amasse
devient le support ou le squcletlo de
l'animal; la bouche s'arme de dents,
les voies digestives sont do véritables
intestins maintenus par une membrane
particulière appelée mésentère. Ln sys-
tème nerveux commence à paraître.
La marche progressive que nous
avons remarquée jusqu'ici dans la struc-
ture des Zoophvtes cosse à la cinquième
classe, composée îles Vers intestinaux ; les uns sont formés d’un simple tissu homogène
sans aucune trace d'organes , les autres ont à peine une cavité digestive à laquelle s’adjoi-
gnent quelques traces de vaisseaux. Ainsi l'embranchement des Zoophvtes , après s'ètre
élevé, dans les Acalèphcs et les fichinodermes , vers des tonnes plus perfectionnées, retombe
dans les Vers intestinaux au plus bas échelon de la série animale. Mois laissons pour le
moment les autres classes des Animaux-Plantes, pour ne nous occuper que des Polypes, dont
les étonnants produits sont rangés et étiquetés dans les armoires du la seconde salle.
Certains Polypes constituent un onlre auquel on a donné le nom de Zoanthaires ou Animaux-
Fleurs, et ce nom est fort bien choisi
pour des animaux dont le corps présente
la forme d’une corolle, et dont les bras,
ou tentacules, ressemblent si bien à de
petits pétales. Cette analogie est surtout
frappante dans les Actinies ou Anémones
île mer.
Quand le ciel est pur et que le soleil
brille, ou les voit se répandre par mil-
liers sur le sable et sur les rochers qu'elles
éinaillent des plus riches couleurs. Mais
aussitôt que le vent se lève, et que l'onde
commence à se troubler , tout disparaît ;
les Anémones ferment leurs calices, et
rentrent précipitamment dans leurs ré-
duits d'azur.
Ces jolis animaux servent de baromètre aux marins : leur degré d'épanouissement ou de
contraction est un indice presque certain pour connaître si le temps sera serein ou orageux ,
si la mer sera calme ou agitée. Nos côtes possèdent l'Actinie pourpre.
Les Fonyies, les Ttirbinolies , espèces voisines do l’Anémone, habitent de petits gobelets
hérissés & l’intérieur et à l'extérieur de lames extrêmement minces , qui convergent du centre
vers la circonférence. Il y a des Kongies qui atteignent jusqu’à deux pieds, et dont les uns
sont ronds et les autres cylindriques. Vous en pouvez voir plusieurs dans lu troisième armoire,
salle à gauche.
Dans les Caryophyllis , los loges sont plus allongées; elles se groupent les unes à côté des
autres , sans se confondre , et forment des sortes do bouquets.
Approchons de cos cages vitrées : ces jolis tubes, rangés verticalement comme des tuyaux
A CT MK.
O l' H * I V
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GALKRIES [>K ZOOLOGIE. 2r>
d'orgues sont l'ouvrage îles Tubipores, originaires île la mer îles Indes et de la mer Rouge
Les individus de cette espèce, comme ceux des précédentes , vivent séparés de corps et de
biens; mais ceux qui suivent vivent en commun, et leurs habitations forment de grandes
expansions foliacées. La Tridacpophyllin dispose ses cellules de manière à leur faire prendre
I aspect d'une laitue; c'est ce qui a valu à cette espèce le surnom de Lactuca.
Si l'on examine l'intérieur de ces expansions au moyen de sections verticales, on voit
quelles sont composées de couches parallèles, chacune desquelles a été l'asile d’une géné-
ration. •
Los constructions de ces Polypes atteignent quelquefois des dimensions colossales , et sont
d une pesanteur proportionnée.
Voici des Méandrines : ici
los loges n’affectent pas une
forme arrondie; elles serpen-
tent en sillons sinueux et di-
versement contournés , à peu
près comme le cours du fleuve
Méandre, d’où dérive leur nom.
La Méandrinc cervbri forints
ressemble à un cerveau ; lu
Ménndrine Inhyrinlhica pré-
sente autant de tours et de dé-
tours qu’un labyrinthe.
Les cellules des Portion sont
presque aussi microscopiques
que les pores de la peau. Quel-
ques Polypes de ccttc espèce donnent à leurs constructions la forme d'une corne do cerf ou
d un buisson, dont les branches sc bifurquent et se subdivisent à l’infini. Dans les Pocillo-
porcs, les branches sont garnies do petites eoupos qui semblent les fruits de ces buissons
sous-marins.
Mais c est surtout dans le groupe des Madrépores que cette disposition arborescente acquiert
son maximum de développement. Les Polypes auxquels on donne ce nom sont les animaux
les plus anciens de la création ; c’est à eux qu’on attribue la formation do
la plupart des montagnes calcaires ; ce sont eux qui élèvent dans les mers
équatoriales ces écueils et ces îles dont l'apparition inattendue étonne les
navigateurs. Leur polypier est ramifié comme un arbuste ; les cellules
sont éparses, tubuleuses, saillantes.
Le Madrépore abrolanoide sc divise eu branches épaisses, la plupart
droites , rameuses et qui sc terminent, ainsi que leurs divisions, en pyra-
mides. Ces branches et leurs divisions sont presque partout chargées de
ramuscules latéraux extrêmement courts, épars, hérissés de papilles tubu-
leux. Cette espèce habite l'Océan Indien. Voici le Madrépore plantané qui
semble une forêt épaisse; voici le Madrépore en corymbe, dont les bran-
ches, élevées sur un tronc commun, se courbent en entonnoir comme
les arbres fruitiers de nos jardins.
Le Madrépore palmé, dont nous 11e possédons qu’un petit exemplaire,
a été appelé aussi Char do Neptune , à cause de sa forme bombée et lé-
gère. Cet exemplaire est placé sous une cage de verre , dans la première
salle à guuche.
Au-dessus de cette cage, vous voyez un autre Polypier dont la struc-
ture et la disposition arborescente sont d'uno délicatesse et d’une ténuité
Mutafrmi ataouNoTut.
Li Nfar, r.t4H«i,
29
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226 DEUXIÈME PARTIE.
égale à celle de la dentelle. C'est YOaiUcn /Inbelliformis , espèce voisine de la précédente.
Telles sont les formes et les dispositions principales des travaux des Polypes À Polypier.
I,os échantillons que nous possédons sont d'une belle conservation, mais de dimensions très-
médiocres comparativement à celles qu'ils atteignent dans leur élément natal. Tous les Poly-
piers, dans l'élut île vie, sont ornés do couleurs brillantes, qui disparaissent presque complè-
tement après la mort de leurs habitants.
PREMIER ÉTAGE.
Sur le palier, on a exposé une certaine quantité de Poissons de grande dimension.
PREMIÈRE ET SECONDE SALLE.
La première salle est consacrée aux Tortues terrestres et marines, qui sont appenduos au
plafond; les armoires contiennent les Poissons.
La deuxième salle est réservée aux Poissons
cartilagineux.
On a placé dans celte seconde salle , entre
les deux portes , une statue de Buffon , par Pa-
jou. Il est à regretter que l'artiste ail cru devoir
sacrifier au mauvais goût qui , en cherchant
à dramatiser la nature , se jette dans des exa-
gérations souvent ridicules. Buffon est repré-
senté deini-nu , enveloppé dans une espèce de
manteau informe ; sa chevelure est nouée per
derrière , concession malheureuse faite à la
coiffure du temps , et toutes ces prétentions
avortées sont d’autant plus fâcheuses que cer-
taines parties ne manquent pas de noblesse , et
que la louche générale est fine et élégante.
La troisième salle est entièrement consacrée
aux Poissons. On y remarque le Poisson vo-
lant , l’Espadon , etc.
La quatrième salle renferme les Citèi.o-
niens, Sauriens, Ophidiens et Batra-
ciens.
Des quatre grandes divisions de la série des
Vertébrés, celle des Poissons est la plus nom-
breuse en espèces ; on en compte aujourd’hui prés de huit mille.
Le Muséum en possède la plus belle collection connue; et bien qu'elle date d'une époque
encore récente, elle est l'une dos plus complètes de cet établissement. Elle a été mise cil ordre
et étiquetée par MM. Cuvier et Valenciennes, qui avaient entrepris on commun une llistoiro
naturelle des Poissons. Cet immense ouvrage, retardé quelque temps par la mort du principal
collaborateur (G. Cuvier), est continué avec succès par M. Valenciennes, dont le moudo
savant apprécie et admire les profondes connaissances ichlyologiqucs.
Notre collection se composo de Poissons préparés et de Poissons dans l'esprit-de-vin. Il est
fort à regretter que les Poissons perdent à l’air les brillantes couleurs dont la nature les a
dotés, et que la science ne soit pas encore parvenue à leur conserver leur plus M ornement.
Chaque espèce a autant que possible un ou plusieurs représentants dans chacun de scs états,
et rangés dans les armoires selon l'ordre adopté par les savants que nous venons de nommer.
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GALERIES DE ZOOLOGIE.
227
On divise les Poissons en deux (fraudes séries : les Acanthoplérygiens , et les Chondropté-
rygiens. La première comprend les Poissons dont les nageoires sont composées eu partie de
rayons osseux ; la seconde série renferme les Poissons dont les nageoires sont cartilagineuses.
La première salle et la quatrième tout entière sout consacrées à la collection des Reptiles.
Nous ne reviendrons pas sur la classe des Reptiles , sur laquelle il vous a été donné de longs
détails dans la description de la Ménagerie, et nous passerons tout droit à la cinquième salle,
contenant les Crustacés.
CINQUIÈME SALLE.
Les Crustacés sout les Insectes de la mar. Leur corps se compose , comme celui des
Insectes, d’une série d’anneaux quelquefois distincts et mobiles, d’autres fois soudés en semble.
M. Milne-Edwards a observé que la structure d’un Talilrc (vulgairement Chevette) est
exactement pareille à cello d'un Cloporte ; chacun d’eux a une tète garnie d’antennes suivies
d'un thorax consistant en sept anneaux semblables entre eux et portant chacun une paire de
pattes.
Nous avons vu les Polypes sécréter une substance pierreuse qui leur sert de soutien et de
demeure ; cette substance est analoguo à celle qui constitue la ehar|iente osseuse dans les
animaux d’un ordre plus élevé ; et les vastes amas de Polypiers qui forment les continents ne
sont quo les squelettes agrégés do plusieurs générations de Zoophytes. Nous avons vu la
Tortue porter sur son dos scs côtes aplaties et arrondies en bouclier ; chez les Crustacés , le
squelette tout entier est extérieur ; il enserre l'animal comme une gaine solide ou comme une
armure. Celte gaine se renouvelle plusieurs fois comme l'épiderme des Serpents. Les Crus-
tacés quittent leur enveloppe sans y occasionner la moindre altération; ils eu sortent déjà
revêtus d'un nouveau tégument qui est encore mou et ne commence à se durcir qu’au bout de
quelques jours.
Cotte classe présente deux types principaux et très-distincts, celui du Crabe et celui de
l'Éc revisse. Le Crabe ressemble à une Araignée; toutes les parties du corps sont ramas-
sées autour d’un point central, d’où s’échappent en divergeant des pattes diversement confor-
mées, et semblables à des rayons vivants par lesquels l'animal communique avec les objets
environnants.
L’Écrevisse est construite on longueur et disposée autour d’un axe commo le Scorpion.
La queue est quelquefois très-étendue , et sert tout à la fois d’arme défensive et d'organe de
locomotion. Chaque patte antérieure est terminée par deux pinces solides et tranchantes
comme une paire de ciseaux.
Les Crustacés sont tous ovipares ; la femelle se distingue du mâle pur un abdomen plus
élargi dans lequel elle tient ses oeufs suspendus jusqu'à co que les petits soient éclos.
On voit ici des Crabes, des Écrevisses et des Langoustes. Le reste de la collection est placé
dans les armoires qui occupent le milieu de la grande galerie du second étage.
Le meuble qui est placé au milieu de la sallo contient une partie de la collection des
Lépidoptères.
SIXIÈME SALLE.
Il a été question de l'ordre des Quadrumanes dans la partie de cet ouvrage consacrée à la
description de In Ménagerie. Nous nous bornerons donc à indiquer l’ordre établi dans celte
magnifique collection dont l'hisloire des Mammifères, par M. Paul G Elt vais, vous rendra
encore l'aspect plus intéressant.
Les Singes sont exposés dans les armoires do la sixième salle du premier étage. Cette
riche et intéressante collection , rangée d'après la classification de M. Isidore Gcoffroy-Sainl-
Hilairc, offre quelques représentants île chacun des genres du grand ordre des Quadrumanes.
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228
DEUXIÈME PARTIE.
Elle commence par le Chimpanzé placé tlans la première armoire a gauche en entrant, et finit
aux Tarsien placés dans l'armoire qui fait face à celle-là à «Imite.
Au milieu de la salle, dans une armoire vitrée à roulette, on a placé le Gorille, nouvelle
et curieuse espèce récemment importée du Gabon. Pour bien comprendre avec quel mérite
M. Portmann est parvenu à monter cette colossale figure, il faut consulter une épreuve
daguerréotype exposée dans l'armoire contiguë à la porte d'entrée, donnant une représentation
exacte de l'animal accroupi dans un énorme cuvier rempli d'alcool, et rappelaul à peine une
forme d'être organisé.
Nous ne quitterons pas ces armoires ou sont contenus les Chimpanzés et les Oraugs , sans
vous faire remarquer les épreuves daguerricnnes qui sont exposées auprès de lu porte d'entrée.
Ce nouveau mode «le reproduction «le la nature vivante ou morte peut être appelé à rendre lus
plus grands services , et il est à désirer que son emploi joint à celui de la photographie soit
plus largement étendu aux représentations «les objets d’Histoire naturelle.
SEPTIEME S AELE. — ZOOP1IATK8 ET MOLLE SQL ES.
Cette salle renferme la suite de la collection des Zoophytos et le commencement do celle
d«*s Mollusques. Los armoires sont remplies d’ Éponges, «le Polypiers, parmi lesquels on
remarque des Coraux «le plusieurs espèces; d’Oursins, d' Astéries, d* tria les, d'IIolothuries
et, enfin, do Mollusques avec ou sans coquille, conservés dans des bocaux d'esprit-de-vin.
Sur l'armoire qui est située au milieu de la salle, on remarque les Argonautes , les Nautiles,
les Sèches, les Ammonites.
* Il est des Coquilles auxquelles ou attache autant «le prix qu’à «les Gemmes. Los Puacia-
n elles ont été payées jusqu'à 1,500 francs; le Cône gloire de mer est estimé les deux
tiers «le cette somme; une coquille de la Porcelaine aurore, l’espèce la plus brillante <io
ce genre , vaut jusqu'à 500 francs.
Le Glaucus porte ses branchies sur les deux côtés du «los : chacun de ces organes est
composé du plusieurs longues lanières ouvertes en éventail.
L’ Argon aute est une espèce de
Poulpe pourvu de coquille; son corps
est un sac ou une bourse ovale , un
pou resserrée «lu côté «le son ouver-
ture , puis s'élargissant en un enton-
noir membraneux découpé en huit
longs tentacules fixés autour «le la
bouche. Ces appendices sont à la fois
des organes de locomotion et de pré-
hension ; leur surface interne »*st gar-
nie dans toute son étendue de suçoirs
nu «le ventouses , à l'aide desquels
l’animal s’attache avec tant de force
aux ohjrts qu’il enlace, «pie les ani-
maux beaucoup plus gran«ls et plus
forts «jue lui deviennent souvent sa
proie,
L'Argonaute se sert «le sa coquill<!
comme d’un bateau pour voguer sur
la surface «le l'onde quan«i la n»«*r est
calme ; alors six do ces tentacules
sont reployés en bas et agissent comme «les rames ; tes deux autres , qui sc dilatent à leur
extrémité en une large membrane , se relèvent et s'étendent connue des voiles.
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GALERIES DE ZOOLOGIE. 229
La Sèche ressemble par sa forme au Poulpe el à T Ar-
gonaute ; mais elle s’en distingue par un os intérieur et
par un organe sécréteur qui produit eu abondance une
liqueur noirâtre à laquelle on a donné le nom d’encre ;
lorsque l'animal est en danger, il la lance au dehors en
quantité assez grande pour teindre l’eau qui l’entoure et
se cacher ainsi à la vue de ses ennemis.
L’os de la Sèche est une espèce de coquille que l’on
emploie pour polir le bois, et qui sert, sous le nom de
corail blanc, à la composition des poudres avec lesquelles
on blanchit les dents. Cet os est parfaitement libre dans
l'épaisseur du manteau; il no tient à aucun muscle, à au-
cun vaisseau ; cependant ses fonctions sont à peu prés
celles de l'épine dorsale chez les animaux vertébrés; il sert
d’axe à l'ensemble de l’organisation. S,CH*' u» ic sum
La Sèche est très-commune dans In Méditerranée ; elle forrno un des principaux aliments
des habitants des côtes. Quand on la retire de l'eau, elle meurt presque à l’instant , en faisant
entendre un cri qui imite le grognement du Cochon, Quand l’encre est fraîche, elle tache le
linge d’une manière ineffaçable.
Les Sim ku le s sont faites à peu près comme les Sèches; seulement, à l'arrière du corps
elles portent une coquille tournée en spirale et connue vulgairement sous le nom de Cornet
de Postillon.
« !«*» manteau des Spirales, dit M. Antelmc, dans son savant ouvrage
sur les Mollusques , se prolonge et enveloppe presque ou totalité celte Co-
quille, qui est petite et transparente. Elle est aussi divisée à l’intérieur par
des cloisons transversales qui forment
autant de loges successives et de plus
eu plus grandes, dont l’animal occupe
toujours la dernière. Au fur et à me-
sure que son corps en grossissant
nécessite la formation d’une loge nou-
velle , il s’avance en se tenant fixé au
fond de la loge qu’il quitte au moyen
d’an appendice fort mince qui termine la partie posté-
rieure de son corps ; puis il transsude une matière cré-
tacée qui forme la cloison postérieure de sa nouvollo
loge el un tube autour «le l'appendice de son corps qui
traverse toute la série des loges, et que les natura-
listes ont désigné du nom de Syphon. On conçoit que
ce Syphon doit être roulé en spirale comme l’ensemble
de la coquille dont il occupa toute la longueur. »
HUITIÈME SALLE.
Cette salle contient les Mammifères domestiques ; au
milieu s’élève une slatue en marbre blanc , due au ci-
seau do Dupatv, et représentant la .Nature caractérisée
fuir ces mots du poète Lucrèce : Alma panais rerum
( Souveraine créatrice de toutes choses ) .
Srm m paotuim
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230
DEUXIÈME PARTIE.
SECOND ÉTAGE.
En montant à cct étage supérieur par l’escalier situé au sud-ouest du grand bâtiment, dont
nous nous occupons en ce moment , nous trouverons une suite de six magnit|i)ucs salles
éclairées par leur partie supérieure. Nous r.’oiitrerons dans aucune description détaillée des
richesses contenues dans ces salles, nous indiquerons sommairement ce qu’elles renferment.
Chaque objet avant une étiquette très-détaillée, il est très-facile d'en trouver l'histoire dans
les parties spéciales de notre ouvrage.
Ces salles sont ainsi divisées :
Sur le palier qui précède la première salle, vous remarquerez une Baleine en cire, des
fanons de Baleine, et une canne faite avec la dent du Narval.
. PREMIÈRE SALLE.
Cette salle contient les Marsupium animaux à poche, tels que Sarigle, Kaxguroos, et
aussi I'Ornithorinque et l’Éctnnsé.
DEUXIÈME SALLE.
Les armoires renferment , 1° les ÉDENTÉS: Tatou, Pangolin, armés de carapaces
semblables à des cuirasses. Nous vous prierons de donner quelques secondes d'attention au
Fourmilier Tamanoir, si remarquable par son museau allongé et par sa queue immense;
le Fourmilier didactïle et I'Orvctérope, du Cap, méritent aussi nos regards; tous
ces animaux dépourvus de donls, comme leur nom l’indique, se nourrissent d’insectes et sur-
tout de Fourmis , qu'ils saisissent au moyen de leur langue enduite d’une matière gluante.
2° Les RONGEURS: le Chinchilla, le Castor, les Écureuils, les Gerroises,
les Alactagas, si jolies, si légères, qui semblent faire les entrechats les plus gracieux du
monde avec leurs longues pattes do derrière.
Les INSECTIVORES: les Taupes, armées de leurs deux palettes tranchantes avec
lesquelles elles fendent le sol presque aussi rapidement que les Oiseaux fendent les airs avec leurs
ailes; les Musaraignes, joli petit animal qui répand une odeur de musc; les Macrosce-
lides, le Gvmxcre do Rafles, le Tupaia au corps effilé , au museau pointu, à la queue
touffue; le Taxrec de Madagascar, couvert de piquants aigus comme nos Hérissons; le
Desmax, qui vit dans l'eau et dont les doigLs sont réunis par une membrane, la queue
aplatie en gouvernail et la tète prolongée en petite trompe.
Les CARNASSIERS : le Lion, le Tigre, I'Hïène, le Chacal, la Loutre, la
Marte, I'IIermine, le Zibktii, et tout ce magnifique cortège d’animaux qui fournit les
riches fourrures dont se parent les grands de la terre.
Le meuble qui règne sur toute l'étendue du milieu de cette pièce contient les collections
d’insectes et de Coquilles. A chacune de ses extrémités et sur l'épine qui le domine , vous
aurez à remarquer les travaux destructeurs des Insectes; vous serez étonné de la perfection
avec laquelle ils exécutent leurs perforations , dont l'exactitude ne peut tire comparée qu’à la
rapidité avec laquelle ces opérations perfides sont accomplies.
Reportons vos regards sur d'autres travaux dus aussi aux Insectes, mais qui celte fois
n'exciteront que votre reconnaissance. C’est une riche collection d'échantillons de soie de toute
espèce , don précieux fait au Muséum par un patient collectionneur.
Sur l'épine du meuble, votre attention sera captivée par de magnifiques spécimen empruntés
aux collections des Coquilles Inivalves terrestres et Bivalves marines.
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GALERIES DF. ZOOLOGIE.
231
TROISIÈME SALLE.
Celte salle est consacrée aux Oiseaux : l'aspect en est éblouissant ; la richesse des plumages,
l'éclat du coloris, l’élégance des Formes et leur excessive variété captivent et charment à la
fois. Si vous voulez faire une promenade instructive et extrêmement intéressante , vous
pouvez prendre V Histoire naturelle des Oiseaux, par M. le docteur Emm. Le Maout, et vous
aurez pour guide un savant éclairé et d'une élocution vive et attachante , qui vous dira les
mœurs de ces charmants habitants de l'air, leur utilité pour les besoins do l'homtno et les
services auxquels l'agriculture a su plier quelques-uns d’entre eux.
Ces magnifiques collections sont ducs à la plupart des savants et des voyageurs qui se sont
plu à accroître les richesses du Muséum ; il existe encore des échantillons qui remontent
jusqu’à Aldrovand. Buffon a augmenté considérablement celle collection, mais le principal
lustre appartient aux découvertes faites dans la Nouvelle-Hollande et les montagnes do
l’ilymalaya.
Le meuble qui s'étend dans toute la longueur de cette salle contient les collections de
Coquilles.
QUATRIÈME SALLE, DITE DE L’IIORLOGE.
La collection des Oiseaux occupe encore toutes les armoires de cette belle salle; au centre,
en face de l'horloge, on a réuni les plus beaux échantillons des Oiseaux-Mouches; celte
vitrine resplendit de tous cités dos feux du tropique qui ont coloré ces délicats plumages ;
vous aurez peine à no pas consacrer beaucoup do temps à l’examen de ces jolis chaulcurs si
richoment vêtus , si légers qu'ils semblent une pincée de plumes que le zéphir va emporter à
son gré : les uns sont armés de longs becs avec lesquels ils pénétrent au fond des grandes
(leurs on cornet pour y puiser leur succulente nourriture; les autres sont ornés do collerettes
de topazes et d’émeraudes, d'autres enfin jettent au loin de petits bouquets de plumes étince-
lantes retenues par un mince filet noir.
Le meuble du centre contient les collections do Coquilles et d'insectes ; les plus riches
échantillons sont exposés aux regards dans des cadres spéciaux : vous remarquerez aussi des
Astéries et dos Polypiers qui vous étonneront par leurs fines arabesques.
Ne quittons pas cette salle sans appeler vos hommages sur l'effigie du célèbre créateur du
Jardin des Herbes médicinales, Guy de la Brosse, dont le buste à l’air majestueux semble
dominer toutes ces collections. Cet homme illustre embarrasserait singulièrement ceux qui
aujourd'hui sont pour lui la postérité, si, recouvrant pour quelques moments sa voix, vibrante
d'indignation , il divulguait l’oubli qui a relégué ses précieux ossements dans le plus gro-
tesque réduit , et adressait à qui do droit cotte exclamation ; Rendez donc mes restes à la paix
du tombeau!
Heureusement que les grands hommes revivent par leurs actes , et que l’anéantissement de
leurs bienfaits n’est pas la conséquence nécessaire de l’ingratitude de la postérité.
Plusieurs autres bustes décorent la partie supérieure des armoires. Nous n'en dirons rien
ici, parce que nous avons rendu, dans la partie historique, aux hommes célèbres qu'ils repré-
sentent les honneurs qui leur sont dus ; il y aurait , du reste , un inconvénient assez grave :
la plupart île ces bustes étant veufs de leurs étiquettes, il pourrait en résulter de singulières
méprises : nous avons d’ailleurs donné tous ces portraits entourés des attributs qui les carac-
térisent.
CINQUIÈME SALLE.
Cette salle contient la suite de la collection des Oiseaux et spécialement les oiseaux de'proie,
les Palmipèdes, les Breviponnes. Vous remarquerez l’Apterix, échantillon très-précieux d'une
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232
DEUXIÈME PARTIE,
espèce excessivement rare. Il serait aussi long qu'inutile tle vous indiquer les échantillons les
plus curieux; l'Histoire naturelle îles Oiseaux qui fait partie de notre publication est le meil-
leur et le plus sûr guide que vous puissiez choisir.
A l'extrémité de cette salle , votre attention sera frappée par deux armoires qui contiennent
les nids les plus intéressants dont nous vous avons donné la figure dans l’/listuire naturelle
des Oiseaux; chaque nid ayant son étiquette, et l’obligeance bien connue de MM. L. Kiener,
Florent Prévost et Pucheran venant à votre aide, vous aurez un plaisir extrême à retrouver
en nature ces nids du Fournier, du Soui-Manga , du Tisserin , dont la conformation est si
adroite et si bien appropriée aux premiers besoins des jeunes oiseaux au moment de l'éclosion
des oeufs.
lai meuble qui règne dans toute l'étendue de cette salle contient la suite de la collection des
Coquilles.
A son extrémité, on a disposé des tablettes pour l’exhibition de quelques Oiufs précieux,
tels que ceux de V Autruche, du Casoar, du Goéland, du Pingouin, de VHpiomis, qui sert dans
certains pays à porter l'eau tant sa capacité est énorme.
Nous ne pouvons, an sujet de ces œufs , nous dispenser île vous appeler à partager nos
regrets. Ne vous setnble-l-il pas qu'auprés de chaque Oiseau l'on devrait placer son nid garni
de ses n-ufs? N'est-re pas un complément indispensable qui, par la simple inspection, indi-
querait l'habitude de chaque espèce?
SIXIÈME SALLE.
• Cette salle, extrêmement intéressante, contient les RUMINANTS, parmi lesquels nous si-
gnalerons à votre admiration les gigantesques Girates qui ont vécu au Muséum; le Renne,
I'Élan, le Bison, l’Ainociis, le ZÈBRE, le Gnou; le Dromadaire, auquel se rattache un
précieux souvenir : cet individu est celui sur lequel le général Bonaparte montait habituelle-
ment pendant ses campagnes d’Égypte. Les personnes attachées à rétablissement vous diront
que lorsque les envoyés égyptiens visitèrent le Muséum, ils tinrent & honneur de toucher
respectueusement la dépouille du serviteur privilégié, et portèrent à leurs lèvres la main qui
avait été en contact avec ce souvenir palpable du grand Bousaberdi.
Ici se termine notre pérégrination dans cetto nécropole du rogne animal. Nous aurions eu
promptement lassé votre patience, si, prenant chaque échantillon, nous vous avions fait de
longs discours sur la forme, la couleur, les mœurs de chaque sujet, et sur le rang que la
science lui a donné.
Cette Üche a été plus dignement accomplie par Al. PaulGcnv aïs, pour les Mammifères,
dans son Histoire générale des Mammifères, dernier mot de la science actuelle sur celte im-
portante matière; et par Al. le docteur Le AIaoi t, en ce qui touche les Oiseaux, dans son
Histoire naturelle des Oiseaux, ouvrage le plus complet et le plus clair sur cette intéressante
partie du règne Animal, et oh chaque genre est représenté par les figures les plus fidèles que
l'on ait faites jusqu’à ce jour.
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Le Muséum ne compte une Bibliothèque nu nombre de ses richesses, que depuis le décret
«le juin 1793, qui la réorganisa. La Bibliothèque est exclusivement consacrée aux ouvrages
relatifs aux sciences physiques et naturelles, et se trouve ainsi destinée à compléter, avec
les cours et les collections, les moyens d’études offerts au public pour cette branche des
connaissances humaines.
Elle est placée dans le bâtiment neuf qui donne sur la rue do Buffon, et occupe tout le
pavillon de droite divisé en doux étages. Sa disposition est aussi simple que bien entendue
pour faciliter l’élude.
Quarante-quatre mille volumes environ, en y comprenant les dissertations isolées,
sont réunis et offrent des matériaux aussi précieux que variés sur toutes les parties de l’histoire
naturelle , et sont ainsi divisés :
Histoire naturelle générale. — Physique. — Chimie. — Minéralogie. —
Géologie. — Paléontologie. — Botanique. — Horticulture. — Agriculture.
— Zoologie. — Anatomie et Physiologie humaine et comparée.
Géographie. — Voyages. — Histoire naturelle topographique.
Actes des Académies et Sociétés savantes.
Journaux et Recueils périodiques.
Collections de Monographies et Dissertations particulières. — Notices
BIOGRAPHIQUES ET AUTOBIOGRAPHIQUES.
Chacune de ces grandes sections est elle- même subdivisée méthodiquement en classes
nombreuses. La Zoologie, par exemple, est ainsi partagée : Zoologie générale; — Icono-
graphie zoologique ; — Classification des animaux ; — Géographie zoologique ; — Instincts
des animaux ; — Races humaines; — Mammifères ; — Oiseaux ; — Reptiles; — Poissons;
— Mollusques; — Insectes ; — Crustacés; — A ra né ides ; — AuméUdes ; — Zoophytes; —
Mélanges zoofogiques.
30
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234
nRUMÈMR PARTIR.
Il on est de même des outres divisions bibliographiques ; elles sont toutes conformes à
la méthode propre à chacune des différentes bronches d’études scientifiques professées nu
Muséum.
Il est inutile de dire que, parmi ces ouvrages, il s’en trouve d'éminemment remarquables à
divers titres.
Nous citerons seulement le magnifique ouvrage d’Audubon, sur les Oiseaux <f Amérique ;
les Grandes Flores do Grèce, par Sibtorpf; de Portugal, par kitaibel; d’Asie, par Wollich,
Blutnc, Roy le; d’Amérique, par lluinboldl, Roiipland, Runl, de Murtius, etc.
Les belles Monographies de Gould île Gray, et la Fauna Italica, du prince Ch. Bonaparte.
Les beaux et nombreux ouvrages publiés depuis quelques années, dans l’Amérique du nord,
sur l’histoire naturelle de différents États; l’ouvruge sur l’Égypte, publié par lu commission
scientifique qui a accompagné le général Bonaparte ; presque tous les grands voyages d«*
circumnavigation.
La collection dos journaux scientifiques, et celle des mémoires publiés par les Académies et
Sociétés savantes, sont des plus complètes cl des plus importantes.
L’extrême complaisance des Bibliothécaires et leurs connaissances spéciales et variées
nous dispensent d’une plus longue énumération.
Nous devons signaler seulement à l’attention du monde savant, une Collection unique et
fort considérable des travaux publiés isolément, soit sous forme de Thèses ou de Dissertations,
soit dans les revues et journaux scientifiques, et que la patiente élaboration des Bibliothé-
caires a classée méthodiquement; en sorte que ces travaux, d’une valeur inestimuble, sont
rendus faciles à l’étude par l’ordre qui a présidé à leur arrangement.
La Bibliothèque possède d’intéressants Manuscrits , panni lesquels il importe de citer ceux
do Tournofort, qui ne forment pas moins de dix volumes in-folio et de six volumes in-B° des
dessins originaux de ses différents ouvrages ;
Ceux du père Plumier, relatifs à son voyage aux Antilles, et qui se composent de trente
volumes in-folio, comprenant cinq a six mille dessins originaux de botanique pour la
plupart ;
Ceux de Commerson, présentant les observations et les dessins qu’il avait recueillis comme
naturaliste attaché à l’expédition de Bougainville. Ces dessins originaux , souvent cités ,
quoique inédits pour le pins grand nombre, s’élèvent à plus de mille.
La Bibliothèque possède aussi la plus grande partie des Manuscrits des deux Forster père et
fils, Reinold et (ieorges, compagnons du capitaine Cook, dans son second voyage aux mers
du Sud; la Description des Plantes et de quelques Animaux de Java et des Philippines , par
Noronha; YOulogie de l’abbé Manesse; des Fragments de Pevssonel, de Vaillant, de Buffon,
de Daubenton, de Vicq-d’Azyr ; la plus grande partie des Manuscrits laissés par Guettard,
Lamarck et Hauy. De G. Cuvier, la Bibliothèque ne possède que des Notes de botanique
ajoutées par lui, dans sa jeunesse, à un exemplaire du Généra plantarum de Linné.
Le Muséum doit à la générosité de M. de Humboldt un Journal, manuscrit original fort
précieux, composé de plusieurs volumes in-folio et in-4°, contenant des descriptions rédigées,
sur les lieux par M. Bonpland, des plantes recueillies pendant leur voyage en Amérique.
Il serait à souhaiter que la section des Manuscrits de la Bibliothèque du Muséum s'enrichît
des autres ouvrages manuscrits concernant les sciences naturelles, qui sont disséminés et
oubliés dans les autres Bibliothèques de Paris, et de ceux qui se trouvent en assez grand
nombre dans lu Bibliothèque de M. A. de Jussieu, récemment enlevé aux sciences.
Mais ce qui est surtout remarquable, c’est la magnifique Collection de peintures sur vélin
qui a été commencée vers 1610, par les ordres do Gaston d’Orléans, pour la description des
Plantes rares et les plus remarquables de son jardin de Blois; acquises à sa mort par Louis XI\ ,
ces précieuses peintures furent d'ubord placées à la Bibliothèque royale, puis transportées, en
1794 , à la Bibliothèque du Muséum, dont elles sont l’un des principaux ornements.
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235
BIBLIOTHÈQUE
Les premiers dessins furent (ails par Mcolaa Hubert ; puis Juuberl , Aubriet , .Made-
moiselle Baasepurle, vinrent ajouter leurs travaux à ceux déjà acquis; enfin, et successive-
ment, P. et //. Maréchal , Oudiiwt , Bedouté, Yau-Spaëndonk , de II ailbj, Huet, Beaaa ,
Werner, Meunier, Oudart , Climat, Prêtre, Mademoiselle Biclié, vinrent compléter cette
iconographie sans rivale, qui compte aujourd'hui de cinq à six mille dessins, répartis dans
quatre-vingt-quatorze portefeuilles, comme il suit ;
Anatomie compamèe 3 vol.
Zoologie. — Mammifèrea 5
Oiaeaux 8
Bcpliles 2
Poiaaijtia 5
Inaeclca 2
Zoologie. — Cruatacéa )
Arnclinidea j
Mul Iliaques 2
Zoopbytea I
Botanique 65
94 vol.
Le nombre do ces dessins s'accroît chaque année, et les cours professés au Muséum
encouragent les jeunes talents à se livrer à la reproduction des individus rares qui habitent la
Ménagerie, ou des végétaux qui fleurissent dans les serres.
Outre cette précieuse collection, la Bibliothèque possède encore plusieurs autres fonds
do dessins originaux, exécutés aussi sur vélin pour la plupart, mais que leur spécialité
a empêche de réunir à la collection générale; tels sont les dessins des Ptantea grasses,
par Redouté, au nombre de plus île 150; — ceux de Van-Spaëndonk et de Redouté,
représentant les arbrea et arbuatea d'Amérique, publiés dans l’ouvrage de Michaux; — les '
dessins dos Courges , par Duchène, dessins d’une grande vérité et d'une parfaite exécution;
— plusieurs Recueils de dessins des piaules, exécutés eu Hollande pendant le XVII* et le
xviii' siècle ; — la plus grande partie des dessins originaux, exécutés depuis peu d’années aux
frais de l'État ; — la Dea.riptiuu de l’Algérie, due, pour la plupart à Vaillant, jeune peintre
de talent que les arts ont aussi peruu depuis quelques mois.
I a ordre parfait règne dans la Bibliothèque; les études y sont faciles; des tables et des
pupitres sont disposés pour la lecture ou les copies des vélins qui sont communiqués sous
verre aux personnes qui désirent les reproduire.
La Bibliothèque est ouverte tous les jours, sauf le dimanche, de onze heures du matin à
trois heures de relevée. Ses vacances commencent le I" septembre et Unissent le f,r octobre.
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Nous nous arrêtons ici; nous no pouvons et nous ne voulons pas tout décrire. Notre but
était de vous raconter quelques-unes des merveilles que la Nature a semées si abondamment
dans le sein de la création , et ce but est atteint. I.c peu que nous vous avons montré vous a
inspiré le désir d'en voir davantage : ce désir est sacré ; ne néglige/, rien pour le satisfaire.
C’est toujours une noble et louable curiosité que celle qui nous entraîne vers les sentiers do
la science ; mais gardez-vous aussi de chercher à pénétrer trop avant dans ses mystères :
vous rencontreriez des barrières insurmontables, vous vous égareriez dans un labyrinthe sans
issue.
I/arbre de la science est couvert do branches innombrables et immenses ; où est l'homme
gigantesque qui pourra jamais se flatter de les embrasser toutes ? a Je ne suis qu'un enfant
qui ramasse quelques coquilles sur les bords du vaste Océan , u disait le grand Newton à
Papogée de sa gloire , au moment même où , nouveau Colomb , il venait de nous révéler des
mondes. Si Newton n’était qu’un enfant côtoyant timidement le profond abîme, que sotnmes-
nous, nous qui n’avons qu’une étincelle de ce feu sacré dont il portait le flambeau?
Consolons-nous, qui que nous soyons; l’hommage que nous rendons au Créateur en con-
templant scs œuvres lui est aussi agréable que celui du premier des philosophes ou des poêles.
Ne cherchons dans cette étude que les plaisirs innocents, sereins et tranquilles, qu’elle peut
nous procurer, plaisirs d’autant plus vrais et plus doux, qu’ils seront plus indépendants de
toute pensée ambitieuse, de toute préoccupation savante.
Croyez-nous , il viendra un jour où les instants que vous aurez passés parmi nous daus cos
belles galeries , dans ces riches jardins , vous paraîtront les plus heureux de votre vie.
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TABLE DES MATIERES
PREMIÈRE PARTIE.
HISTOIRE DU MUSEUM.
Prp.mif.be PÉRIODE (1633-1739) <
Deuxième période {I73i)-I77l) 23
Troisième période (1771-1794! 43
Quatrième période H794-I8lj) 98
Cinquième période (1815-1853) i:h
.Notices historiques 148
Index
DEUXIÈME PARTIE.
DESCRIPTION.
Administration. Enseignement. Budget a
Topoohapiue, Aspect cénéru. du jardin 9
L’École de botanique, les Carrés, i.es Serres, les Galeries.. . 21
École île botanique*. 22
École îles Arbres fruitiers Il
Pal terre des Plantes médicinales, Carré policier et des Piaules usuelles,
Carré creux. Carré fleuriste. Parterre Chantai 75
Jardin des semis, Jardin de naturalisation 79
Allées et Collines 811
Serras ;
1° Serres tempérées 89
2° S/Tres chaudes SD
2° Serres ciiinlies HR
Galeries de botanique 90
Histoire bolanique du Jardin KMi
Vallée suisse. Ménagerie, Singerie. Fosses aux Ours. Parcs. 12-j
Mém»»erie 123
Mammifères Ii3
l' Limâtes.
Singes de la première Iribu 143
— de la deuxième Irihu US
— «le la troisième liilm 110
Lcmuridés 153
Là!
Hunqeurs Iô5
Édentés 15R
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238 TABLE DES MATIÈRES.
Animaux de la rotonde et des Parcs 156
Pachydermes ........ 156
Ituiuinaiils 157
Marsupiaux 159
OiSKAIX 164
lailfonnrrir 164
R APACES.
Falconidés 165
Slrigidés ht.
Passereaux W.
Psillacidés Id.
Buccridcs I£6
Faisanderie Id.
Sittidés Id.
Colombidés Id.
Tinamidés ; 167
Phasianidcs Id.
Échassiers, Palmipèdes et Coireuvs Id
Échassiers.
Otidés 168
Macrodacljdes Id.
Psophidés Id.
Ardéidés Id.
Scolopaeidés Id.
Hall ides Id.
Palmipèdes.
Landes 169
Péleeanidés !d.
Anatidés . Id.
Col’ R EU RS ' Id.
Struthionidés ; Id.
Casoaridvs Id.
Reptiles ......... 170
Anatomie comparée 183
Anthropologie 194
Minéralogie 206
(i ALERIES DE ZOOLOGIE 220
BlDLIOTIIÈQl E 233
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CLASSEMENT DES GRAVURES
DU
MUSÉUM D’ HISTOIRE NATURELLE.
PHITIIIKl: PARTIE.
Coloriée.
Pelargoniums en regard du titre,
Noire.
Rernard de Jussieu page
34
Noire.
Frontispice en regard de la page
i
—
A. Thouin
36
—
Guv de La Brosse
4
—
Linné
54
—
Plan du Jardin des plantes mé-
—
A. I.. de Jussieu.
56
(lic'iuales en 1630
6
70
—
Kagon
10
—
Plan du Jardin du Roi en 1788 .
90
12
-
Vaillant
14 '
—
Geoffrov -Saint-Hilaire
104
-
Plan du Jardin du Roi en 1640.
16
—
Cuvier
115
—
Ruffon
23
—
Jacquemont
135
—
Daubcnlon
25
1 -
De Blainville
143
UElIXlÈn E PARTIE.
Nuire. Plan topographique du Jardin
des Plantes en 1853... paire
— Fontaine de la rue Cuvier. . . .
— Vue des grandes Serres
— F.nlrée des deux Labyrinthes . .
— L’Amphithéùtro
Coloriée. Pose, comtesse de Rambuteau.
— Cinéraires
— Convolvulacées
— Culcéoluircs
— Verveines
e.fis impr. de Paul hupont, rue de Crroell.-S:uil Honoré, *5.
Coloriée. Amaryllis page 62
8 — Cypripediuni barbatuul 04
•6 — Fuchsias... 75
12 — (iloxinies 70
H Noire. Plan des deux Labyrinthes. .. . 81
10 Coloriée. Rhododendron 88
27 — Camellia Japonica 90
45 — Poinsettia 98
47 — Tersine bleue 160
49 — Oiseau-Mouche, Hirondelle. . . 168
50
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K? •